Un temps pour l’espérance


" Un temps pour l’Espérance" J’ose ouvrir notre Congrès en lui donnant d’emblée cet accent théologal.

L’Espérance, une certitude reçue d’un Autre, une certitude qui se renouvelle chaque jour, dans la durée. L’Espérance consacre le temps, ce temps que nous avons à vivre aujourd’hui, héritage d’hier, prémices de demain.

Avant de dire en deux mots ce que sera notre démarche, je voudrais précisément situer notre Congrès dans le temps.

Nous sommes au terme de plusieurs années d’orientations précises, en même temps que très larges. Nous sommes au seuil d’une période - déjà engagée - beaucoup plus prometteuse que d’aucun veulent bien le dire.

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Voici déjà quatre ans, le C.N.V. proposait comme orientation pastorale la promotion de toutes les vocations. C’était risquer de nous voir reprocher un certain abandon de notre spécificité. Sommes-nous en effet au service de toutes les vocations ?

Et pourtant ! Ne fallait-il pas, à notre manière, dans notre domaine propre, faire écho à l’Assemblée plénière de Lourdes 73 ? Les évêques avaient convié tous les chrétiens à se sentir responsables de la vie de l’Eglise et de sa mission.

"Tous différents, tous serviteurs", c’était notre slogan. S’il reste beaucoup à faire dans ce sens, combien de laïcs cependant ont pris conscience de leur propre vocation ! Et surtout - c’est à cela que nous avons travaillé - combien se sentent désormais concernés par la vocation des autres.
Leur présence nombreuse ici, plus d’un quart de notre assemblée, la présence plus nombreuse encore des religieuses, plus d’un tiers, n’est-elle pas significative de l’importance de l’effort fourni depuis quelques années : "Tous différents, tous serviteurs" ?

Dans ce nouveau contexte, le C.N.V. proposait, voici deux ans, de centrer l’attention de tous sur l’appel au ministère presbytéral :

"Pour la vie du monde, parmi les serviteurs de l’Evangile, des Prêtres".

En même temps, les évêques invitaient leurs communautés diocésaines à prendre en compte cet appel : tous concernés par l’appel de quelques-uns à être prêtres. Ils disaient explicitement qu’il n’y aurait jamais d’Eglise sans prêtres. Et si quelques chrétiens avaient pu imaginer un moment le contraire, le sens profond que donne la foi poussait la grande majorité à affirmer eux aussi le caractère indispensable de la présence des prêtres dans l’Eglise - avec le désir toutefois de mieux comprendre pourquoi -.

Tout cela n’a pas été sans quelques provocations, sans quelques tensions. Puissent-elles devenir tensions fécondes !

La question du sacerdoce ministériel est posée. Nous sommes ici pour la recevoir plus profondément, avec plus de rigueur, avec un peu plus de passion, s’il se peut !

Les évêques ne se sont pas contentés d’intervenir dans chacun de leurs diocèses. A "Lourdes 78", ils ont porté ensemble cette préoccupation des vocations sacerdotales. Ils ont senti combien ils étaient solidaires de leur peuple pour qu’il la porte avec eux. Sans doute le rediront-ils à "Lourdes 79", nouvelle étape de la tâche de longue haleine qui nous est confiée à tous.

Dans ce contexte, notre Congrès doit être un temps fort, le temps d’une prise de conscience, d’un partage, d’une relance pour chacun d’entre nous ici présents, mais aussi pour les communautés que nous rejoindrons de retour chez nous.

Nous avons à recueillir ce qui a mûri au long de ces dernières années.

Mais, plus qu’un terme, ce doit être une étape.

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Il nous faut désormais nous tourner, franchement vers l’avenir. Ne sommes-nous pas au seuil d’une période, incertaine à bien des égards, c’est vrai, mais qui sera très positive, j’en suis convaincu, à la mesure de notre foi ?

Si notre progression demeure parfois tâtonnante, nous saurons la soutenir d’une authentique espérance, cette espérance théologale qui dépasse de toutes parts nos visées simplement raisonnables.

"Voici que je fais un monde nouveau, dit le Seigneur, il apparaît déjà, ne le voyez-vous pas ?"

En disant cela, je ne ferme pas les yeux sur une réalité qui demeure préoccupante. Au contraire, cette année, nous avons voulu regarder objectivement l’évolution du nombre des prêtres au cours des vingt prochaines années. Nous savons que, dans la meilleure des hypothèses, ce nombre ira décroissant, même si de nombreux jeunes -ou moins jeunes- entrent en formation dans le même temps. C’est la rançon de quarante années de récession du nombre des ordinations sacerdotales.

La physionomie de l’Eglise en sera profondément modifiée. Mais pourquoi serait-ce de façon négative ? Nous aurons à mourir à certaines sécurités, certes ! Mais ne faut-il pas passer par cette mort pour renaître à un dynamisme nouveau ?

Il apparaît déjà. Sachons regarder : que de fois a-t-on cité les 150.000 catéchistes laïcs, de plus en plus motivés. Les aumôneries de l’enseignement public, prises en charge par des milliers de parents ou de jeunes, essor nouveau qui ne date que de dix ans. La nouvelle physionomie des aumôneries d’hôpitaux qui .. se dessine de plus en plus. Sans oublier tous les mouvements d’apostolat des laïcs : ils n’ont pas attendu aujourd’hui pour exister. Peut-être, actuellement, sont-ils amenés, eux aussi, à mieux cerner l’identité du prêtre -c’est autre chose qu’un permanent- comme y sont invitées toutes les communautés paroissiales, interpellées, parfois radicalement, par la situation nouvelle qui leur est= faite.

Dynamisme nouveau, je pense aussi au renouveau engagé depuis quinze ans dans la vie religieuse, travail souvent difficile mais combien prometteur, sans compter les autres formes de vie consacrée - à commencer par les instituts séculiers - et les communautés nouvelles en gestation. Cette période mérite que nous nous y engagions avec une solide espérance.

Il ne suffisait pas que le Concile nous présente l’Eglise comme peuple de Dieu, qu’il nous parle de la responsabilité du peuple chrétien dans son ensemble, qu’il nous définisse la nature du service des évêques, des prêtres, des diacres, qu’il nous rappelle le rôle de le- vie consacrée dans l’Eglise. Il nous faut aussi 1’apprendre dans les faits, à l’occasion des événements. C’est ce qui a commencé de se faire. Et nous n’avons pas fini d’apprendre.

Nous sommes donc au seuil d’une période beaucoup plus riche que nous ne l’imaginons. Mais à certaines conditions : décapage, décantation, dépassement de nos individualismes, guérison de nos paresses ou de nos timidités, accueil de la complémentarité, au-delà de nos exclusives, ouverture à une authentique catholicité, à un authentique universalisme, autant d’invitations que nous adresse aujourd’hui Celui qui. est notre Espérance.

Oui, notre Congrès vient à point pour être, dans ces perspectives, un temps pour l’Espérance.

Gérard MUCHERY
Ccordonnateur du C.N.V.