La vocation, qu’est-ce donc ?
LA            « Vocation », dis-moi, qu’est-ce que c’est ? Est-ce un programme            inscrit dans les gènes avant la naissance ? Serait-ce plutôt            la libre aventure de ceux qui devinent que pour arriver, il faut d’abord            partir...
« Ils sont partis sur un regard,
Ils ont suivi un inconnu,
II fallait bien être un peu fou ! » (1)
Des livres doctes tiennent d’autres langages            encore. Dis-moi, qu’est-ce donc « la vocation » ?
I. — UNE VIE EN MARCHE
A Paris, 50 000 jeunes se sont présentés            depuis 1960, au 20, avenue Mac-Manon. Ils venaient à la Fondation            de la vocation présenter un projet, un rêve, une vocation,            ce que Jean-Michel Folon appelle « un œil ouvert sur l’avenir ».
Ce sont des secrétaires, des médecins,            des charpentiers. Leur projet sera parfois dans la ligne de leur métier.            Ils vivront alors pleinement le mot de Stendhal : « la vocation,            c’est le bonheur d’avoir pour métier sa passion ». D’autres            rêvent d’un nouveau métier ou de quelque conquête            gratuite dans le domaine de l’art ou du loisir. Vocation, un mot positif,            un mot qui évoque un avenir, une croissance.
« Dans un lycée technique, sur un mur, au-dessus d’un tour d’apprentissage, j’ai lu ce graffiti :
« VIVRE ?
Pointer, chômer, crever ».
Quelle est, dites-moi, la « vocation »            d’un ajusteur ? Et celle de l’handicapé physique ou de ma vieille            tante qui a le cruel bon sens de mesurer que sa mémoire s’en            va, peu à peu, comme le reste ? Dites-moi, quelle est la vocation            des gens de la rue, de ceux des H.L.M. et des milliards de sous-alimentés ?
Rudes questions ! Elles nous interrogent sur            le sens de la vie, en particulier pour ceux qui paraissent condamnés            à vivoter.
Si la vie est absurde, non, il n’y a pas de « vocation ». Mais Denise Legris affirme et démontre que            « née comme ça » (2)            elle vit plus que beaucoup de ceux que l’on dit valides. Le mouvement            ouvrier témoigne de la puissante volonté de vivre de ceux            qui ne peuvent s’en tirer tout seuls. A travers des revendications diverses,            ne cherchent-ils pas surtout à rendre possibles leurs vocations            d’hommes ? Certes, l’université est ouverte aux personnes du            3e âge, mais cela ne comblera pas, face à l’angoisse de            la mort, le rêve de vie ou de résurrection. Il y faut un            mythe ou une foi.
Pour se réaliser, chacun de nous a besoin            des autres. N’est-ce pas le rôle de la Fondation de la Vocation ? Le Français, ce fervent du « système D »            et cet amoureux du pavillon individuel, le Français voudrait            parfois se passer des autres. Pourtant on ne tient debout qu’ensemble.            Je pense à un bois d’ébène. Les Makonde de Tanzanie            suggèrent cette solidarité des hommes et même celle            des générations par une tour humaine. Huit étages            tiennent les uns par les autres, enlacés, montés les uns            sur les autres. Notre vocation, nos possibilités d’aujourd’hui            sont ainsi construites par ceux du passé et ceux d’alentour.            Nul n’est une île.
— Mais, dis-moi, la vocation, c’est un mot religieux ? Tu n’en            parles pas.
— Est-ce bien sûr que nous n’en parlons pas déjà ? Vivre, croître, aimer, ce sont les premiers mots de la création            et Jésus-Christ est venu habiter notre vie. Là, il réalise            une vocation humaine tout en révélant et en permettant            une autre vocation, la rencontre avec le Dieu qui appelle.
| Note pédagogique n° 1 a) Avec les jeunes, on parle souvent des vedettes... L’admiration,                  voilà une voie pour parler de la vocation humaine. Mais                  pour grandir, s’agit-il d’imiter des vedettes ? b) Faut-il plus de courage pour courir un 100 mètres ou                  bien pour entreprendre une rééducation quand on                  est polio ? Les plus grands champions ne sont peut-être                  pas ceux que l’on pense... c) Travailler en équipe. Pourquoi ? Quels avantages et quelles difficultés rencontrez-vous ? | 
II. — CHRÉTIENS, NOUS AVONS TOUS « LA VOCATION »
Cette affirmation n’est ni une boutade, ni une « nouveauté » du dernier concile. Relisez saint Paul quand il s’adresse aux            Romains (1, 6-7) qu’il qualifie ainsi :
« Vous, appelés de Jésus-Christ, les bien-aimés            de Dieu qui sont à Rome, saints par vocation ».
Pour saint Paul, les chrétiens sont des appelés, comme            l’indique d’ailleurs le sens étymologique, en grec, du mot « Eglise » : l’assemblée des appelés.
Ce que le Concile a réalisé, c’est un rappel, une remise            au premier plan de notre « vocation baptismale », celle qui            est fondamentale. Depuis longtemps, on réservait le mot « Vocation » à quelques-uns, prêtres ou religieux.            On était chrétien, par la naissance, c’était une            donnée sociologique, plus qu’un choix. La fin des situations            de chrétienté a au moins cet avantage de mettre chacun            devant une option réelle. Même s’il a reçu le baptême            dans la petite enfance, il doit choisir de répondre « oui » ou « non » à l’appel qui lui est fait aujourd’hui.            Chaque fois que nous nous réunissons entre chrétiens,            chaque fois que nous choisissons, à la lumière de l’Evangile,            nous le faisons en réponse à un appel de l’Esprit de Jésus.
Claire, une Française de mes amies, a épousé un            ingénieur italien. Elle vit à Milan, avec lui et leurs            enfants. La loi lui reconnaît la double nationalité française            et italienne, elle a par exemple le droit de vote dans les deux pays.
Les chrétiens sont ainsi des hommes qui ont, si je puis dire,            une double nationalité. Abraham, le père des croyants,            était un nomade de Mésopotamie. Un homme de son époque,            engagé dans toutes les solidarités tribales. Abraham rencontre            Dieu, il conclut l’Alliance avec Yahveh. Désormais, il existe            un peuple d’appelés... C’est dans ce peuple que nous entrons            par le baptême. La vocation baptismale est bien une sorte de naturalisation.            Mais elle n’est pas que cela !
« A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir            de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12). Ici Jean indique assez            que la vie chrétienne n’est pas seulement un acte social ou juridique : c’est une vie. Le baptême nous permet de recevoir avec l’Esprit,            la vie de Jésus.
Une naturalisation est un acte juridique, le baptême est une            greffe, une nouvelle naissance. Claire et son mari ont des enfants.            Ceux-ci sont à la fois Italiens et Français, dans leur            être. C’est un peu ce que réalise le baptême. Nous            sommes à la fois du Peuple des hommes et du Peuple de Dieu, par            appel et par communion à Sa vie. Une greffe prolonge la vie du            tronc et le transforme. C’est bien ce que fait le baptême.
La vocation baptismale nous propose donc d’entrer dans le Peuple de            Dieu, d’y vivre animé par l’Esprit. La carte d’identité            chrétienne précise trois autres caractéristiques            de toute vocation.
• Elle est gratuite comme l’Amour. David n’était qu’un            enfant et la Bible s’acharne à répéter ce que saint            Paul résume ainsi :
« Il ne s’est pas occupé des œuvres que nous avons accomplies » (Tite 3, 5). Toute vocation est une histoire d’Amour.
• Elle comporte une mission, une mission différente mais            réelle pour chacun, une mission dont nous sommes chacun responsable            pour le salut du monde. Dieu nous donne, c’est pour que nous puissions            partager. C’est le message que Paul répète au moins dans            trois de ses lettres (Romains 12, 4-13 ; 1 Corinthiens 12 ; Ephésiens            4).
• Elle nous fait vivre les uns par les autres. Saint Paul encore            suggère cette mutuelle dépendance par la comparaison du            corps. La vocation chrétienne est une vocation de membre, chaque            membre ne vit du Christ que grâce aux autres : « Le Christ            dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion            par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent, selon            le rôle de chaque partie » (Ephésiens 4, 12).
Nous allons maintenant nous attacher à préciser le rôle            de chaque partie dans le Corps.
| Note pédagogique n° 2 L’Evangile est sévère pour ceux qui thésaurisent                  précautionneusement, ceux qui mettent la lampe sous le                  boisseau. • Prendre des responsabilités dans l’Eglise, est-ce                  une aventure ? Qu’en pensez-vous ? Qu’en dit-on autour de vous ? • Marc explique -. « je vais au caté pour                  être avec des copains ». Connaissez-vous des jeunes                  qui cherchent dans la foi, dans l’Eglise, un moyen d’échapper                  à la solitude ? • Nous faisons des intentions de prière. Quelle                  image de Dieu y apparaît ? • Et la prière ou la vie ordinaire avec les gens, ces lieux de « LA RENCONTRE », quelle place leur donnons-nous dans l’apprentissage de la vie chrétienne ? | 
III. — LES DIVERSES MANIÈRES DE VIVRE            SON BAPTEME
Le soir, vers 19 h 40, sur FR 3, vous pouvez voir l’émission            « Tribune libre ». Des partis politiques, des mouvements,            des syndicats en profitent pour se présenter aux téléspectateurs.            Pour obtenir 20 minutes d’antenne, il suffit d’être une association            officielle. Bien des groupes chrétiens en ont profité            et aux yeux de la régie de FR 3, l’Eglise catholique pourrait            prendre rang dans la file d’attente. Mais pour nous, croyants, notre            Eglise est-elle une association comme les autres à côté            d’Amnesty International et de tel club sportif ?
On sent bien que l’organisation civile et juridique ne rend pas compte            de ce qui est pourtant l’essentiel : l’Eglise est rassemblée            par Jésus-Christ, animée par l’Esprit « qui distribue            à chacun ses dons comme il l’entend (I Corinthiens 12, 11) ».            Voilà la source de la vie ecclésiale. Si bien que toute            analyse sociologique des réalités chrétiennes sera            insuffisante même si elle est nécessaire. L’Eglise se manifeste            à la Pentecôte, quand l’Esprit tombe sur les croyants et            leur donne de parler dans les diverses langues nécessaires à            la mission. Il « organise les saints en vue de l’œuvre du            ministère, la construction du Corps du Christ » (Ephésiens            4, 12).
C’est donc l’initiative de Dieu qui fait naître l’Eglise. Il            nous rassemble en peuple, avec nos différences et nos missions            propres. En effet, nous ne sommes pas dans l’Eglise comme des pions            interchangeables. Zachée, Pierre et Marie, voilà trois            exemples de la variété des chrétiens. « C’est            le seul et même Esprit qui distribue ses dons à chacun            en particulier comme il l’entend » (1 Corinthiens 12, 11). Ceci            exclut certaines évolutions dont on parle par exemple pour affirmer            que « les laïcs vont remplacer les prêtres ».            Par contre, les laïcs ont à prendre leur juste place, leurs            responsabilités de baptisés.
L’Eglise n’est pourtant pas un étalage de pharmacien avec des            flacons étiquetés qu’il ne faudrait surtout pas mélanger.            L’histoire de l’Eglise montre nombre de mutations. Par exemple, des            religieux sont devenus prêtres, le diaconat permanent vient de            renaître après des siècles, et certains couples            vivent aujourd’hui en communautés avec des célibataires            selon une règle de vie qui évoque celle des religieux.
Essayons de préciser l’orientation propre de chaque vocation,            mais tenons d’abord clairement que Dieu ne nous fabrique pas en série,            il « nous invente avec nous-mêmes », selon le mot            d’Emmanuel Mounier et pour notre joie. Il nous propose des initiatives,            des responsabilités qui correspondent à la fois à            nos aptitudes et aux besoins des hommes.
Le Peuple des chrétiens est rassemblé et envoyé            pour révéler Jésus-Christ aux hommes d’aujourd’hui.            Le salut du monde dépend de nous, réellement. Cela nous            appelle d’abord à l’unité « afin que le monde croie » (Jn 17, 21). C’est la première qualité d’une équipe            qui doit ensuite mettre en œuvre des talents divers, ces dons variés            que le Christ-Tête communique à son corps. Qu’est-ce qui            est indispensable aux communautés chrétiennes ? Elles            ont besoin de baptisés qui assureront chacun un aspect de la            mission. « L’équipe » chrétienne ne peut assurer            la mission que si des membres divers vivent et assurent les trois principaux            dynamismes chrétiens. Pour les décrire, partons de la            lettre de Paul VI sur l’Evangélisation.
• Les communautés ont d’abord besoin de laïcs ! Paul            VI écrit : « Leur champ propre, c’est le monde vaste et            compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais            également de la culture, des sciences et des arts, de la vie            internationale, des mass-media ainsi que d’autres réalités            ouvertes à l’évangélisation comme l’amour, la famille,            l’éducation des enfants et des adolescents ».
C’est pour la vie du monde que le Père a envoyé son Fils.            La mission des laïcs sera d’enraciner le salut, de lui donner chair            et sang dans ce qui fait le quotidien des hommes. Ceci est fondamental            et on manque, en particulier, de vocations de laïcs.
• Les communautés ont besoin de la vie consacrée.            Bien sûr, le souci des religieux et religieuses depuis le concile            est comme celui des laïcs, l’enracinement. C’est pour cela qu’ils            ont multiplié les petites fraternités en H.L.M. C’est            dans ce but aussi que les sœurs exercent les professions de tout            le monde. Bien sûr, et c’est nécessaire, mais la responsabilité            première de la vie consacrée n’est sans doute pas là.
La vie chrétienne risque sans cesse de s’enliser. Dans l’équipe            pour assurer la mission, les consacrés sont ceux qui nous tirent            vers « les choses d’en Haut » (Colossiens 3, 1).
Il faut qu’engagés dans les réalités séduisantes,            captivantes, fascinantes de ce monde que Dieu aime, les consacrés            soient signes de liberté. Ce monde ne doit jamais se clore sur            lui-même, « à cause de Jésus », des ruptures            sont nécessaires. Le célibat en est l’un des signes.
• Les communautés ont besoin des ministères ordonnés            (évêques, prêtres, diacres) (3).            Paul VI l’exprimait ainsi : « choisis, malgré notre insuffisance,            pour proclamer avec autorité la Parole de Dieu, pour rassembler            le peuple... pour alimenter ce peuple par les sacrements, pour le mettre            sur la voie du salut et le maintenir dans l’unité ». Le            texte suggère les divers aspects de la mission du prêtre,            homme de la Parole de Dieu envoyé sans cesse vers tous, homme            du rassemblement jusqu’à l’Eucharistie. L’Eucharistie, ce lieu            où le Christ rassemble toutes les poussées de vie. La            foi catholique est nette sur ce point. Aucune communauté chrétienne            ne peut se passer du prêtre. Sans prêtre, il n’y a pas de            communauté d’Eglise. Ce n’est pas affaire de compétence            ou d’organisation. L’unique raison en tient à la nature de l’Eglise.            Celle-ci est rassemblée, nourrie par Jésus-Christ. Le            prêtre est ordonné pour assurer à la communauté            et avec elle au monde, le don vital de Jésus-Christ.
Ceci suggère assez l’importance de l’appel aux ministères            ordonnés.
Ces convictions de foi correspondent d’ailleurs à bien des expériences actuelles. Dans un monde éclaté, ne cherche-t-on pas des rassembleurs et des témoins ?
| Note pédagogique n° 3 • Vous êtes catéchistes. Pourquoi ? Quelle                  est votre expérience d’Eglise à travers ce ministère.                  Faites-vous l’expérience d’une vocation dans cette responsabilité ? • Vous connaissez des chrétiens. Les uns sont prêtres,                  d’autres laïcs, d’autres religieux. • Quelles sont les occasions qui vous permettent de découvrir                  avec les jeunes les divers appels de l’Evangile ? On interroge                  souvent les jeunes : « Que feras-tu plus tard ? ». Vous arrive-t-il de proposer pour l’avenir d’un jeune des perspectives d’engagement au service de l’Evangile ? De quelle manière ? | 
« Beaucoup d’imagination trotte dans l’Eglise »
On vient de rappeler les trois composantes traditionnelles des communautés            chrétiennes. Les religieux, les prêtres ont varié            dans leur nombre, leurs modes de vie. On voit dès à présent            de grands changements, par exemple dans les relations entre prêtres,            religieux (ses) et laïcs. « Ils sont plus proches de nous » dit-on souvent à propos des prêtres. En Afrique,            en Amérique du Sud, des laïcs assurent des responsabilités            plus grandes que chez nous.
Par contre, nous avons la chance d’un laïcat organisé par            exemple dans le cadre des mouvements apostoliques. Pourquoi, dans un            monde qui change, l’Esprit-Saint ne susciterait-il pas la créativité            des communautés, en particulier dans le domaine des ministères            de laïcs et peut-être de certains engagements qui pourraient            être temporaires ?
Mais l’œuvre de l’Esprit, ce ne sera jamais de dénaturer            l’Eglise. Ce que signifie chaque grand type de vocation chrétienne            sera toujours sauvegardé et les catéchistes ont à            y contribuer.
Les chrétiens de demain, hommes et femmes, ce sont les jeunes            d’aujourd’hui et nous, les catéchistes, nous sommes une partie            importante des adultes chrétiens qu’ils rencontrent. Saurons-nous            vivre ensemble, catéchistes, parents, jeunes, la rencontre de            Dieu qui appelle ? Saurons-nous aider chacun à mettre en œuvre            la vie, les talents originaux qu’il reçoit ? L’Eglise de demain,            pour une part, elle dépend réellement de nous.
NOTES -----------------------------
(1) Un refrain de Yves Marion. Disque : « Jusqu’à la fin du Monde -, C.P. n° 4. [            Retour au Texte ]
(2) Titre d’un livre de Denise Legris,            une grands handicapée. [ Retour au Texte ]
(3) Des précisions seraient nécessaires à propos du diaconat permanent qui continue le ministère du Christ-Serviteur. [ Retour au Texte ]
