Des animateurs Laïcs en Foyers-Séminaires


Fin décembre 1977, 0 Gérardmer, dans un chalet des Vosges, s’est tenue une session de travail pour animateurs de Foyers-Séminaires de Jeunes.

Les lignes qui suivent nous en livrent un écho très vivant, heureux complément de la fiche éditée récemment au sujet de ces institutions.

o
o o
o

UNE NOUVELLE ETAPE -

Gérardmer 77 a été une "première mondiale" ... petite, certes, non sans des signes de fragilité, mais une "première mondiale" en ce sens que c’était certainement la première fois que des laïcs (animateurs ou même responsables de Foyers et Séminaires de Jeunes, se retrouvaient entre eux, largement majoritaires (17 laïcs - dont 3 jeunes femmes - et 5 prêtres). C’est ce qui explique la présence d’une délégation italienne avec le supérieur du Petit Séminaire de Parme, don Conrado MAZZA, à cette session qui a eu lieu à Gérardmer du 26 au 31 décembre 1977. L’un des prêtres qui a suivi l’évolution des maisons depuis 10 ans exprimait son admiration pour le chemin parcouru depuis les solennelles réunions des seuls supérieurs. Il y a eu ensuite les rencontres avec les prêtres animateurs de division ; nous assistons à l’arrivée des laïcs comme partenaires à part entière. ce n’est pas un mince signe d’espérance... La rencontre a été riche d’un dynamisme, d’une amitié, d’une prière que ces pages ne sauraient traduire. Les participants en témoigneront. On se bornera ici à résumer quelques points qui ont de l’intérêt pour tous.

UN MEME ESPRIT DANS DES STRUCTURES FORT DIVERSES

Un long temps a été consacré à une présentation des participants et de leurs maisons. Celles-ci sont fort diverses. Depuis le collège-séminaire de Walbourg qui rassemble quelques 350 jeunes jusqu’au foyer de Nice qui en réunit 10, il y a tous les "volumes". Les petits effectifs de Nice correspondent à une conception du Foyer comme "service" particulier dans un ensemble. Il rassemble quelques-uns des 1200 jeunes qui sont en lien avec le service diocésain des vocations, y viennent des jeunes qui souhaitent une expérience de communauté forte pour le temps du 2ème cycle. Les Foyers ne connaissent pas inéluctablement le dépérissement redouté par certains.
Rennes et Clermont-Ferrand par exemple, progressent nettement.

Le statut juridique du Foyer-Séminaire est fort variable. Foyer socio-éducatif agréé par la D.D.A.S.S, à Nice, "Petit-Séminaire" à Besançon, internat dépendant d’un consortium d’écoles catholiques à Thonon et Annecy, etc.
On pourrait continuer à souligner des traits caractéristiques de cette diversité. Il vaut mieux dégager quelques traits communs qui dessinent notre spécificité (celle des Foyers, mais aussi celle des séminaires et collèges-séminaires) :

- un volume limité, car choix, pour assurer une éducation personnalisée, des contacts personnels,

- une réelle densité de propositions religieuses (une messe communautaire par semaine à Besançon, mais la messe est suivie tous les jours par une bonne dizaine de jeunes, deux temps "d’oraison personnelle", des réunions par équipe, des partages d’Evangile à l’extérieur, la prière du soir, le disloque personnel avec un prêtre, etc.).

- le souci d’un engagement à l’extérieur est très présent (dans les Foyers de l’Ouest comme Rennes, les Herbiers par exemple).

- le choix d’une vie pauvre : on travaille pour faire vivre le Foyer (Bourg-en-Bresse), on assure soi-même la plus grande partie des services.

- un rôle croissant des parents qui participent à l’orientation du Foyer et contribuent à son recrutement. De plus, les parents réfléchissent eux-mêmes à leur propre vie chrétienne dans l’esprit proposé par le Foyer aux jeunes.

- l’importance accordée à la vocation du jeune, ce souci est naturellement fondamental, mais il n’est sérieux que incarné dans des réalités comme celles qui précèdent.

QUE SONT LES ANIMATEURS LAICS ?

La présentation nous a permis de mieux voir ce que sont les animateurs laïcs. Trois types apparaissent :

- Ce sont souvent des étudiants qui souhaitent vivre en communauté et assurer un certain accompagnement auprès de plus jeunes. Leur principale difficulté est de concilier leur responsabilité au Foyer avec leurs études et leur propre insertion dans le milieu étudiant. Ils peuvent par contre se contenter de moindres rémunérations. Plusieurs d’entre eux sont en G.F.U. ou poursuivent une recherche sur leur vocation personnelle.

- D’autres ont une profession par ailleurs : dans l’enseignement, mais aussi dans le travail salarié ordinaire (ainsi, deux ouvriers menuisiers sont animateurs à Bourg et aux Herbiers...). Leur problème est la compatibilité des horaires, mais le contact des jeunes avec un animateur qui vit dans le monde du travail semble une richesse.

- Quelques-uns enfin sont animateurs à temps plein (à Thonon et Annecy par exemple). Ce sont des jeunes qui, après quelques années de vie professionnelle ou de permanence dans un mouvement (A.C.E.), ont répondu à une proposition pour ce service d’Eglise.

Ces derniers sont naturellement particulièrement soucieux de leur statut. Certains ont un contrat avec leur diocèse, ou bien avec l’enseignement catholique. D’autres n’ont pu obtenir un tel contrat et c’est une sérieuse difficulté, même si les questions financières ne sont pas au premier plan de leurs préoccupations :

- "J’ai accepté sans avoir demandé ce que serait mon salaire".

- "Je ne voudrais pas être payé plus que le S.M.I.C. alors que le supérieur se tue pour faire vivre la maison".

Que devraient être les animateurs ? Le carrefour des prêtres a rappelé quelques critères en ce domaine :

- des jeunes déjà stables dans leur foi, ..

- des jeunes soucieux de contribuer à un service d’Eglise,

- des jeunes avec des qualités humaines (caractère, autorité, aptitudes à la relation, ouverts à d’autres perspectives que celles qui leur tiennent à coeur spontanément).

- la présence d’éducateurs est opportune, soit pour continuer un certain rôle maternel auprès des plus jeunes, soit pour contribuer à l’équilibre affectif des garçons.

QUE SOUHAITENT LES ANIMATEURS LAICS ?

Des carrefours ont cherché à préciser les attentes des jeunes animateurs laïcs.

1. Une requête de formation et de diplôme s’exprime en particulier pour ceux qui travaillent à plein temps au Foyer-séminaire. Deux voies ont été rappelées :

- l’A.R.E.S, dépendant de l’Enseignement catholique,

- le C.A.P.A.S.E., diplôme préparé par des organismes divers (U.F.C.V., I.U.T, etc.) et reconnu par la Jeunesse et les Sports.

2. Une requête de "reconnaissance", celle-ci s’appuie sur des situations variées. "Les parents nous ignorent alors que nous connaissons mieux leur fils que le prêtre responsable". "Nous n’avons jamais parlé avec notre évêque, pourtant nous assurons un service d’Eglise", des prêtres nous traitent parfois comme leurs employés et même comme leurs "larbins", a-t-on dit.
Ces situations difficiles ne peuvent être généralisées. Les laïcs participent sur un pied d’égalité aux réunions d’animateurs par exemple. Peut-on aller plus loin ? Sans doute en faisant toute sa place à la vocation des laïcs, en reconnaissant le "ministère" assuré par ces animateurs laïcs.
Et pour le manifester, pourquoi ne pas inscrire les animateurs dans l’ordo, à la rubrique "Foyer-Séminaire" ? Ce serait aussi un progrès pour affirmer que la place de laïcs dans l’Équipe du Foyer-séminaire n’est pas "simple suppléance des clercs dus aux malheurs du temps". Elle est normale pour que toute l’Eglise, dans sa diversité, apparaisse engagée dans la formation des jeunes "en recherche".

3. Collaboration avec prêtres et parents. Dans certaines maisons, le "minimum vital" de présence sacerdotale ne semble pas assuré. Dans ces situations, peut-on penser qu’une pastorale des vocations de jeunes est sérieusement animée (d’autant plus que, souvent, il n’existe rien "en diaspora") ?
Les animateurs laïcs souhaitent que les prêtres se situent de plus en plus dans le rôle d’aumôniers avec le souci de l’approfondissement évangélique de la vie de chacun au Foyer.

La participation des parents est vivement souhaitée. Une meilleure connaissance mutuelle réduirait sans doute l’écart que l’on constate parfois entre l’éducation au Foyer et celle donnée en famille. On suggère des réunions de parents décentralisées, proches des familles, à la fois pour "faire connaissance" et pour aider les parents à découvrir leur rôle pour faire connaître le Foyer-séminaire à leurs relations locales.

ET POUR L’AVENIR ?

Nombre d’autres soucis se sont exprimés qui sont tout autant ceux des prêtres que des laïcs en Foyers-séminaires (par exemple le lien à établir avec les paroisses). Pour avancer, on peut évoquer deux questions précises :

1. Accompagnement et paternité spirituelle.
Des propos assez vifs ont été tenus autour de la Fonction du "conseiller spirituel". Ne faut-il pas distinguer deux plans, celui de l’accompagnement dans la Foi et celui de la paternité et du discernement spirituel ? Les animateurs laïcs sont habilités à aborder avec des enfants et des adolescents la presque totalité des sujets traités autrefois avec les prêtres en "direction spirituelle". Il est tout à fait souhaitable qu’ils jouent jusque là leur rôle d’animation. C’est l’accompagnement dans la foi au niveau du quotidien. On peut même penser que les évêques pourraient reconnaître chez certains laïcs un charisme de discernement. La tradition apporterait des éléments en ce sens.

Cependant le prêtre est plus particulièrement chargé par l’évêque de préparer un appel au ministère ordonné ou à la vie religieuse. Il est bien sûr ministre des sacrements. Mais les laïcs ont ici également un rôle, celui de faire cheminer les jeunes vers le sacrement de Réconciliation, et donc vers le prêtre. Saura-t-on éviter une concurrence bien inutile ?

2. Lien avec le service diocésain des vocations.
Certains animateurs laïcs ne savent pas s’il existe un service des vocations dans leur diocèse... Ce fait révèle des situations tout à fait regrettables, puisque le Foyer-séminaire est souvent la "base" diocésaine du service des vocations. Il serait tout à fait anormal qu’il y ait parallélisme. Saurons-nous l’éviter ?

Toutes ces questions et quelques autres ont été partagées à Gérardmer entre deux descentes à ski et une veillée amicale. Des questions demeurent, mais une de nos amies italiennes nous disait : "cette session, c’est pour moi une vive espérance et même une révolution".

Claude CUGNASSE