Visages d’Eglise et pastorale des vocations... après la conférence du Père DEFOIS


Le numéro de VOCATION de janvier publiera intégralement le texte des interventions du Père Gérard DEFOIS et de Monseigneur Henri DEROUET.

La première de ces deux conférences présentait les "situations et visages de la pastorale des vocations en France". L’auteur avait pris connaissance des réponses (individuelles, collectives) à la consultation faite auprès des participants.

Après cinq "remarques naïves" (et suggestives !), le Père DEFOIS esquissait quatre modèles ecclésiologiques engagés dans la réalité de cette pastorale.

(1) L’Eglise, signe de salut au milieu des nations : signe social de l’Evangile. Elément concret de la société, elle doit y être visible.

(2) L’Eglise, lieu de réflexion, de célébration et de signification des engagements dans la société.

(3) L’Eglise, lieu où l’on accueille toute demande religieuse pour la conduire à son expression chrétienne.

(4) L’Eglise, espace vert de la prière et de l’unité.

Ces quatre modèles ne sont pas présentés comme des normes. L’auteur voulait simplement renvoyer à l’assemblée les principaux traits qu’il avait cru discerner en faisant l’analyse des réponses à la consultation.

Parmi les manières de voir l’Eglise ainsi décrites, de laquelle suis-je le plus proche ? C’était la première question abordée dans les carrefours.

  • A l’unanimité, tous se reconnaissent dans plusieurs modèles à la fois, avec insistance sur l’un ou l’autre selon la situation pastorale ou selon l’histoire de chacun. Quelques-uns sont heureux d’avoir pu préciser ainsi les modèles d’Eglise auxquels pratiquement ils se réfèrent. D’en prendre conscience permet de ne pas s’y laisser enfermer, d’une manière ou d’une autre.

  • Les quatre modèles étaient-ils à mettre sur le même plan ? fait-on remarquer.
    Quelle que soit la manière d’envisager l’Eglise, ne doit-elle pas toujours être signe de salut au milieu du monde (1er modèle) ? Les autres ne faisant qu’en préciser les modalités ou les conditions ?

  • Certaines allergies se sont manifestées par rapport à tel ou tel modèle.
    - Par exemple, la second, dans la mesure où la relation du prêtre avec les laïcs risque d’être mal comprise ; ou encore parce que "le religieux" pourrait se réduire au "politique".
    - Le 3e, avec l’expression "service public" (qui n’a pas été reprise dans le texte écrit) laissant supposer que toute demande y serait satisfaite sans discernement, alors qu’il s’agit, dans l’esprit du l’auteur, de se mettre au service des vrais besoins de l’Eglise et du monde.
    - La 4e, dans la mesure où "l’espace vert" serait considéré comme un "en soi" se suffisant à lui-même.

  • En fait la majorité des groupes s’est refusée à isoler ces modèles les uns des autres ; la plupart au contraire ont insisté sur leur caractère complémentaire (par exemple : l’ "espace vert" est un temps fort et non pas une mise en marge de la société.

    Relevons quelques expressions :
    - "Nous nous reconnaissons dans la premier type d’ecclésiologie", i.e. : signe de Dieu qui aime les hommes. Mais, sur le terrain, nous rencontrons et nous vivons les trois autres types".
    - "La via n’est pas si claire que cela. Nous nous retrouvons un peu dans chacun des types d’ecclésiologie. Nous aimons de temps an temps retrouver les "espaces verts" (n° 4) ; bien souvent, c’est dans le type n° 3 que nous trouvons et l’argent et les gens. Dans ce cadre au niveau individuel on est amené à conduire les gens un peu plus loin (qui sont-ils, quelles sont leurs relations ?) : la type n° 2 nous le vivons (mais la couple sacerdoce et laîcat ne nous paraît plus être de rigueur). Ce que nous avons en tête et peut-être dans le coeur, c’est que "l’Eglise soit signe au milieu des nations". Un salut qui surgit dans le cadre des relations naturelles des gens."
    - "Si nous regardons l’Eglise telle qu’elle vit chez nous, on constate un mélange des modèles 2-3-4 : tant qu’on n’aura pas répondu aux besoins et désirs profonds des gens (ex : accueil, initiation chrétienne, catéchèse, prière, liturgie ...) il ne faut pas vouloir les embarquer dans un modèle précis comme le second."

  • On pourrait craindre que cette sensibilité à différents modèles reconnus comme complémentaires n’émousse la rigueur de certains choix. Il ne semble pas, si l’on en croit l’équipe monde ouvrier : "Accepter d’autres conceptions ne fait que nous renforcer dans nos propres convictions."

  • Pour l’interpellation réciproque et l’expression de ces convictions, on reconnaît que le SDV est souvent un lieu favorable. Il doit prendre des initiatives dans ce sens.

Quelques insistances méritent d’être relevées :

- Il est indispensable que les SDV soient diversifiés dans leur composition précisément pour rendre possible cette interpellation.

- Les jeunes rencontrés par le SDV ne sont d’ailleurs pas d’une ecclésiologie typée. Nous avons à respecter l’histoire de chacun.

- Dans la diversité de ceux qui se proposent, nous devons être plus attentifs à appeler les uns et les autres, sans exclusive, admettre aussi le pluralisme dans les cheminements vers le sacerdoce.

- Nous devons rendre possible un "balancement" entre présence au milieu de vie et "espace vert", pour un rythme plus humain.

- La tension entre des pôles différents est inévitable ; nous ne devons pas en évincer l’un au profit de l’autre.

- Il est important d’être ouvert à l’universel évangélique à l’intérieur des tensions qui sont dues à notre enracinement et à nos solidarités.
L’Eglise est signe de salut au milieu des hommes et donc signe de libération, signe de dépassement des barrières, quelles qu’elles soient, signe de l’amour universel (ne nous contentons pas d’une foi "intérieure" à Jésus-Christ).

- Toujours l’ouverture aux autres : l’Eglise est souvent un "bouillon de culture" qui nous déconcerte, que souvent nous refusons, avec le risque de bloquer certaines recherches de ministères pour l’avenir.
... Décapage nécessaire de notre vision d’Eglise. Les gens eux-mêmes nous provoquent.
... Attention de ne pas nous complaire dans nos découvertes, chemins, schémas, Si beaux nous semblent-ils. Laissons-nous contester ; gardons une ouverture, une liberté, la possibilité de créer, la désir d’accueillir l’autre.

- Les laïcs ont encore du mal à se faire reconnaître comme responsables, pour leur part, et à parler à égalité au sujet des situations ou des initiatives pastorales. Les SDV sont souvent de ces lieux où peuvent s’exprimer sans contrainte et sans crainte laïcs, religieux et prêtres.

- On insiste sur la requête générale d’une vie spirituelle profonde. L’Eglise doit l’assurer à ceux qui l’attendent. Cela conditionne le sérieux des engagements apostoliques. "Le primat n’est pas dans l’action, même apostolique, ni dans le service ou la réponse à des besoins. Mais dans la fidélité à ce que nous sommes, créés par Dieu, à son image ; il faut être cohérent avec l’Evangile et la Parole de Dieu ; le primat c’est la rencontre de Dieu. Dans cette démarche, je découvre ma mission d’Eglise, signe du salut au milieu des nations".

- Nous avons à être plus attentifs au discernement de l’Esprit dans les personnes et dans les réalités collectives.

- Il est essentiel à l’Eglise de vivre l’expérience de la communauté.

Des questions

- Quelle doit être notre pastorale des vocations pour les jeunes, dont beaucoup sont très sensibles au 4e modèle, avec le risque de se couper des autres ?
La conception de l’Eglise que se fait l’animateur a beaucoup d’importance. Les jeunes ont plus une vision de la foi qu’une, vision de l’Eglise.

- Pour les plus âgés, il y a décalage entre l’Eglise qui a assuré leur formation et celle qu’ils ont aujourd’hui sous leurs yeux ...

- Eglise signe de salut. Qu’en est-il lorsque l’Eucharistie est encore centrée sur le prêtre seul ?

- Communautés chrétiennes .... rassemblements domestiques ou visibles ?

- Image de l’Eglise à l’occasion des sépultures ? Comment faire évoluer la mentalité des gens et permettre aux jeunes prêtres de dépasser une certaine souffrance à ce sujet ?

- Dans quel modèle d’Eglise se situe la vie religieuse ? On ne respecte pas toujours sa spécificité. Que les religieuses exercent un ministère comme tout chrétien baptisé peut le faire, c’est bien. Mais leur place dans l’Eglise n’est pas d’abord de cet ordre. Cependant on a noté que, dans la mesure où leurs communautés sont accueillantes, religieux et religieuses sont signes du primat de l’union à Dieu au coeur de l’engagement apostolique.

- Dans les modèles proposés, où situer l’évangélisation des nouvelles cultures ?
D’autres thèmes de réflexion étaient proposés aux carrefours : "à quelles réalités de la vie des hommes et de l’Eglise suis-je présent ?... ou absent ?" et l’invitation à dépasser nos conceptions en étant attentif à la diversité des dons que Dieu fait à son Eglise.

- La question est mal posée : il ne s’agit pas de savoir si "je" suis présent ou attentif aux réalités ; ce serait très vite limité. C’est l’équipe qui peut l’être aux différentes réalités, dans le respect de la diversité. Il lui revient de n’écarter aucun secteur de l’Eglise vivante.

- Etre attentif c’est respecter les cheminements : les réalités sont si diverses ; nous n’avons pas à imposer nos choix ; nous devons permettre que se
trouvent de nouvelles voies, que dans la réponse à l’appel chacun puisse vraiment avancer selon sa propre vocation. Il y a des vocations nouvelles, "hors catégories" ; cela nous interpelle. Il faut trouver des yeux pour les voir, les accepter et retrouver nos propres exigences les plus profondes.
Provoqués par les jeunes nous sommes invités à ne pas "absolutiser", à reformuler nos propres choix et nos raisons.

- Les réalités rencontrées sont fort diverses ... Il est impossible ici de les relever toutes. En priorité sont citées celles du milieu professionnel qui oriente très fort l’attention. C’est normal. Mais que signifie "être présent" ? Pour ceux qui sont situés davantage dans le monde scolaire, les possibilités de présence à d’autres mondes se trouvent limitées. Etre démunis face à certaines situations, ce n’est pas être absent.

- On signale cependant que les "activités d’Eglise" empêchent parfois d’être suffisamment présent aux amis, aux relations naturelles.
La référence à un modèle d’Eglise polarise forcément notre présence aux différentes réalités de l’Eglise et du monde. Plusieurs carrefours renvoient aux réflexions déjà faites à ce sujet.

Les comptes rendus de carrefours ne traduisent jamais ce qui e été vécu dans les groupes. La synthèse de ces comptes rendus le fait encore moins.

Quoiqu’il en soit les quelques données transcrites ici peuvent féconder la réflexion d’un plus grand nombre, qu’ils aient participé ou non au rassemblement de Reims.