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Itinéraires de foi chez les jeunes
Hubert Herbreteau
évêque d’Agen
évêque d’Agen
C’est avec beaucoup de bonheur que je vous propose cet après-midi une catéchèse. Tout d’abord, c’est l’occasion de reprendre contact avec un bon nombre d’entre vous.
Depuis les JMJ, la vie ordinaire s’est poursuivie. Et vous avez su, je l’espère, trouver de l’extraordinaire dans l’ordinaire des jours. Sainte Thérèse de Lisieux disait qu’elle voulait devenir une sainte « dans le vrai de la vie », c’est-à-dire en effectuant les tâches quotidiennes, dans la simplicité d’une existence. Et c’est bien de cela qu’il s’agit pour vous. La vérité de notre vie chrétienne ne consiste pas seulement en de grands moments d’émotion. C’est la fidélité au Christ, dans les situations les plus banales, qu’il importe de vivre.
Et pourtant, nous avons besoin de temps en temps de participer avec d’autres à la ferveur de tout un peuple de croyants, dans l’effervescence (mot de même famille que ferveur et qui signifie bouillonnement) de la fête.
La catéchèse que je vous propose consiste à regarder ce qui se passe dans ces grands rassemblements (les effets produits, le contenu). Mais elle est aussi une invitation à découvrir l’importance des petits groupes. Je pense tout particulièrement ici à la Mission étudiante qui se réunit tous les mercredis, aux jeunes professionnels qui se retrouvent tous les quinze jours. C’est dans ces petits groupes que se vit « le laboratoire de la foi » comme le disait le pape Jean-Paul II.
Toute catéchèse doit conduire à une contemplation du Christ. A l’aide de quelques textes, nous regarderons comment les foules se situent par rapport à Jésus. En quelque sorte, nous faisons partie de ces foules qui suivent Jésus, l’acclament ou s’en détournent. Nos itinéraires de foi rejoignent le comportement des foules. Nous regarderons comment le petit groupe des disciples se met à l’école de Jésus. Nous pouvons tirer profit de ce que disent les évangiles à ce sujet.
L’enthousiasme des grands rassemblements
Quelques remarques au sujet de ce titre. Le mot « enthousiasme » est très éclairant. Comme l’étymologie l’indique, il s’agit d’un état d’âme qui transporte dans le divin. Nous décollons de terre sous l’effet d’un grand bonheur, d’une joie profonde.
Les évangiles rapportent à plusieurs reprises que les foules sont dans l’admiration. Après la guérison du paralysé de Capharnaüm, Marc note dans son récit : « Tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : nous n’avons jamais rien vu de pareil ! » (Mc 2, 12). Après la guérison d’un possédé du démon, « tous étaient dans l’étonnement » (Mc 5, 20).
Avant de relire quelques passages des évangiles, voici quelques éléments concernant le contexte actuel dans lequel les grands rassemblements de la jeunesse trouvent place.
Les évangiles rapportent à plusieurs reprises que les foules sont dans l’admiration. Après la guérison du paralysé de Capharnaüm, Marc note dans son récit : « Tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : nous n’avons jamais rien vu de pareil ! » (Mc 2, 12). Après la guérison d’un possédé du démon, « tous étaient dans l’étonnement » (Mc 5, 20).
Avant de relire quelques passages des évangiles, voici quelques éléments concernant le contexte actuel dans lequel les grands rassemblements de la jeunesse trouvent place.
Pourquoi les grands rassemblements ont-ils tant d’importance aujourd’hui ?
Un bouleversement de la société
Le besoin de grands rassemblements est sans doute lié à un bouleversement culturel de la société. A partir du milieu des années 70, une crise culturelle vient s’ajouter à la crise économique (première crise pétrolière en 1973). On assiste alors à une perte d’influence des institutions, à un pluralisme d’opinions. Les écarts entre riches et pauvres s’accentuent (société duale). Du côté de l’éthique, de nouveaux problèmes apparaissent. On recherche des repères adaptés à la situation. Enfin, la froideur de la rationalité technique fait peur.
C’est dans ce contexte de crise que sont nés les grands rassemblements charismatiques. Ceux-ci vont avoir une influence sur ce qui se vit aujourd’hui. En effet, les caractéristiques dominantes des groupes charismatiques sont la convivialité et l’enthousiasme. Dans une période de crise, il importe de vivre une expérience spirituelle vive et joyeuse. Dans le présent, l’Esprit Saint fait irruption et devient sensible au cœur. C’est un « cadeau » de Dieu, un don de Dieu.
Alors que les rassemblements des militants d’Action catholique cherchent à nouer des solidarités, à ouvrir sur la société pour la transformer, à favoriser la cohésion à l’aide de programmes, d’orientations, ce qui compte dans les grands rassemblements charismatiques, c’est la spontanéité créatrice des individus. Il ne s’agit plus de défendre une cause mais de permettre aux individus de s’ouvrir à l’action de l’Esprit. Difficile d’éviter parfois la surchauffe affective surtout lorsque les effets de l’effusion de l’Esprit sont immédiatement perceptibles : la prière, l’annonce de Jésus-Christ, l’amour fraternel, la guérison...
Des chrétiens minoritaires
Dans les années 70-80 apparaît aussi un autre fait : les chrétiens deviennent minoritaires. Dans ce contexte, les grands rassemblements répondent à la nécessité de rendre visible la foi chrétienne. Beaucoup de jeunes souffrent en effet de l’isolement, de l’incompréhension, voire de la dérision. Se retrouver nombreux et manifester la joie de croire, cela donne de l’assurance. Les grands rendez-vous de Jean-Paul II avec la jeunesse du monde entier ont sans doute cette fonction. Ils ont fait école puisque dans chaque diocèse, on invente sur le même modèle des regroupements festifs. Réalisés à la demande de l’évêque, ils permettent de rejoindre des jeunes isolés, de réunir des mouvements variés afin de donner corps à la communion ecclésiale. La confrontation de différentes sensibilités n’est cependant pas acquise. Parfois apparaît la peur d’être assimilé dans un grand tout et de perdre l’originalité d’une histoire de mouvement, d’une pédagogie.
Le besoin de grands rassemblements est sans doute lié à un bouleversement culturel de la société. A partir du milieu des années 70, une crise culturelle vient s’ajouter à la crise économique (première crise pétrolière en 1973). On assiste alors à une perte d’influence des institutions, à un pluralisme d’opinions. Les écarts entre riches et pauvres s’accentuent (société duale). Du côté de l’éthique, de nouveaux problèmes apparaissent. On recherche des repères adaptés à la situation. Enfin, la froideur de la rationalité technique fait peur.
C’est dans ce contexte de crise que sont nés les grands rassemblements charismatiques. Ceux-ci vont avoir une influence sur ce qui se vit aujourd’hui. En effet, les caractéristiques dominantes des groupes charismatiques sont la convivialité et l’enthousiasme. Dans une période de crise, il importe de vivre une expérience spirituelle vive et joyeuse. Dans le présent, l’Esprit Saint fait irruption et devient sensible au cœur. C’est un « cadeau » de Dieu, un don de Dieu.
Alors que les rassemblements des militants d’Action catholique cherchent à nouer des solidarités, à ouvrir sur la société pour la transformer, à favoriser la cohésion à l’aide de programmes, d’orientations, ce qui compte dans les grands rassemblements charismatiques, c’est la spontanéité créatrice des individus. Il ne s’agit plus de défendre une cause mais de permettre aux individus de s’ouvrir à l’action de l’Esprit. Difficile d’éviter parfois la surchauffe affective surtout lorsque les effets de l’effusion de l’Esprit sont immédiatement perceptibles : la prière, l’annonce de Jésus-Christ, l’amour fraternel, la guérison...
Des chrétiens minoritaires
Dans les années 70-80 apparaît aussi un autre fait : les chrétiens deviennent minoritaires. Dans ce contexte, les grands rassemblements répondent à la nécessité de rendre visible la foi chrétienne. Beaucoup de jeunes souffrent en effet de l’isolement, de l’incompréhension, voire de la dérision. Se retrouver nombreux et manifester la joie de croire, cela donne de l’assurance. Les grands rendez-vous de Jean-Paul II avec la jeunesse du monde entier ont sans doute cette fonction. Ils ont fait école puisque dans chaque diocèse, on invente sur le même modèle des regroupements festifs. Réalisés à la demande de l’évêque, ils permettent de rejoindre des jeunes isolés, de réunir des mouvements variés afin de donner corps à la communion ecclésiale. La confrontation de différentes sensibilités n’est cependant pas acquise. Parfois apparaît la peur d’être assimilé dans un grand tout et de perdre l’originalité d’une histoire de mouvement, d’une pédagogie.
Jésus et les foules : que retenir des évangiles ?
A la lecture des évangiles, nous percevons que les foules entourent Jésus en permanence. Elles sont parfois oppressantes. Les évangiles notent que Jésus a besoin de se retirer seul dans la montagne pour prier. Jésus s’adresse aux foules en restant dans sa barque près du rivage. Il monte sur la montagne pour les enseigner.
Je vous propose un rapide parcours sur trois comportements des foules, au cours de la mission de Jésus.
Des foules sans berger
Ce sont des foules affamées, en attente de nourriture : la multiplication des pains (Mt 14, 13-21). Des foules sans repères, en attente d’un Messie (cf. la fin du récit de la multiplication des pains : les foules veulent faire de Jésus un roi politique).
Aujourd’hui se pose la question du sens de la vie, la recherche du bonheur. Les faims sont multiples de reconnaissance, de dignité, d’amour. La tentation serait de suivre, sans distance critique, tel courant d’idée, tel leader. Quelle est notre recherche de la vérité ?
Il y a aussi l’anonymat des foules, la désespérance. Jésus est le berger qui rassemble, qui conduit et qui soigne les blessures.
Des foules enthousiastes
Elles sont dans l’admiration devant ce que Jésus dit et fait. Les verbes qui traduisent cet enthousiasme : être saisis de crainte et rendre gloire à Dieu, s’émerveiller. Après la guérison d’un paralysé, dans l’évangile de Matthieu : « Voyant cela, les foules furent saisies de crainte et rendirent gloire à Dieu qui a donné une telle autorité aux hommes » (Mt 9, 8). Dans la version de Luc : « La stupeur les saisit tous et ils rendaient gloire à Dieu ; remplis de crainte, ils disaient : “Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires.” » Les foules enthousiastes sont parfois friandes de choses spectaculaires et merveilleuses. Jésus préfère alors se retirer, seul, dans la montagne.
Après la résurrection du fils de la veuve de Naïn : « Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : “Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple” » (Lc 7, 16).
Bien sûr nous connaissons l’entrée triomphale à Jérusalem : « Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : “Qui est-ce ?” disait-on ; et les foules répondaient : “C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée” » (Mt 21, 10-11). Les foules reconnaissent que Jésus est un prophète. Elles cherchent à défendre Jésus : « Les chefs des prêtres et les pharisiens, en entendant ces paraboles, avaient bien compris que Jésus parlait d’eux. Tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, parce qu’elles le tenaient pour un prophète » (Mt 21, 46).
Les foules s’agglutinent et gênent le contact avec Jésus. Que l’on pense, par exemple à Zachée qui cherchait à voir Jésus et qui ne pouvait y parvenir parce qu’il était de petite taille (Lc 19, 3).
Des foules versatiles
Après l’enthousiasme, elle crient à Pilate : « Crucifie-le ! » Les foules sont souvent malléables, à la merci de gens influents. Lorsque le vent tourne... elles sont capables de rejet et d’exclusion.
Je vous propose un rapide parcours sur trois comportements des foules, au cours de la mission de Jésus.
Des foules sans berger
Ce sont des foules affamées, en attente de nourriture : la multiplication des pains (Mt 14, 13-21). Des foules sans repères, en attente d’un Messie (cf. la fin du récit de la multiplication des pains : les foules veulent faire de Jésus un roi politique).
Aujourd’hui se pose la question du sens de la vie, la recherche du bonheur. Les faims sont multiples de reconnaissance, de dignité, d’amour. La tentation serait de suivre, sans distance critique, tel courant d’idée, tel leader. Quelle est notre recherche de la vérité ?
Il y a aussi l’anonymat des foules, la désespérance. Jésus est le berger qui rassemble, qui conduit et qui soigne les blessures.
Des foules enthousiastes
Elles sont dans l’admiration devant ce que Jésus dit et fait. Les verbes qui traduisent cet enthousiasme : être saisis de crainte et rendre gloire à Dieu, s’émerveiller. Après la guérison d’un paralysé, dans l’évangile de Matthieu : « Voyant cela, les foules furent saisies de crainte et rendirent gloire à Dieu qui a donné une telle autorité aux hommes » (Mt 9, 8). Dans la version de Luc : « La stupeur les saisit tous et ils rendaient gloire à Dieu ; remplis de crainte, ils disaient : “Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires.” » Les foules enthousiastes sont parfois friandes de choses spectaculaires et merveilleuses. Jésus préfère alors se retirer, seul, dans la montagne.
Après la résurrection du fils de la veuve de Naïn : « Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : “Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple” » (Lc 7, 16).
Bien sûr nous connaissons l’entrée triomphale à Jérusalem : « Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : “Qui est-ce ?” disait-on ; et les foules répondaient : “C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée” » (Mt 21, 10-11). Les foules reconnaissent que Jésus est un prophète. Elles cherchent à défendre Jésus : « Les chefs des prêtres et les pharisiens, en entendant ces paraboles, avaient bien compris que Jésus parlait d’eux. Tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, parce qu’elles le tenaient pour un prophète » (Mt 21, 46).
Les foules s’agglutinent et gênent le contact avec Jésus. Que l’on pense, par exemple à Zachée qui cherchait à voir Jésus et qui ne pouvait y parvenir parce qu’il était de petite taille (Lc 19, 3).
Des foules versatiles
Après l’enthousiasme, elle crient à Pilate : « Crucifie-le ! » Les foules sont souvent malléables, à la merci de gens influents. Lorsque le vent tourne... elles sont capables de rejet et d’exclusion.
Itinéraires de foi
Un grand rassemblement devient parfois l’événement fondateur de leur foi. Les rassemblements sont vécus intensément. Pendant quelques heures, chacun s’échappe de la monotonie et connaît des moments extraordinaires. Alors que la foi semble fragilisée dans le quotidien, là elle est consolidée.
Ces temps forts sont des temps de ressourcement. On fait le plein d’énergie. Mais quelle sera la suite ? Comment s’inscrire dans la durée ? Mgr Billé, président de la Conférence des évêques, s’interrogeait sur la suite des JMJ, en 1996 : « Avec les jeunes, nous sommes appelés à aller au cœur de la foi. Ensuite, il s’agit d’entrer dans la durée. Non pas de prolonger les JMJ mais d’en recueillir les semences et de les faire fructifier pour que les arbres poussent. Cela suppose notamment [...] des propositions d’accompagnement personnel » (in La Croix).
Un modèle commun
Il existe un modèle commun à tous ces rassemblements. Trois temps structurent habituellement le déroulement : un temps liturgique et festif, un temps de réflexion (d’enseignement) et de témoignages, un temps d’ouverture sur un agir chrétien. Chaque participant est invité à entendre les appels de Dieu dans sa vie.
Il faut bien reconnaître que les rassemblements n’évitent pas toujours le risque d’une certaine manipulation. Ils peuvent laisser croire que tout va être facile parce qu’on s’est retrouvé en grand nombre et que l’on a vécu quelques heures dans l’enthousiasme, dans une ambiance festive. Le rassemblement peut devenir le lieu de la mise en commun de ce qui a déjà été vécu. De plus, pour sortir de l’emprise de l’émotion, il faut un renvoi à la vie quotidienne. Il s’agit de se demander : « Maintenant, qu’allons-nous mettre en œuvre dans notre lieu de travail, notre quartier, notre aumônerie ? »
Des thèmes stimulants
Les thèmes de ces rassemblements ne sont pas anodins. Ils sont stimulants. On trouve très souvent celui de l’espérance, déclinant le « N’ayez pas peur » de Jean-Paul II. Celui de l’audace est également développé : « Osez ! La foi est à vivre au cœur du monde. Ce monde n’est pas fini, il a besoin de votre jeunesse. Ce monde est aimé de Dieu ! » Cela conduit à un appel explicite au ministère presbytéral, à la vie religieuse. Aujourd’hui, les organisateurs de rassemblements restent cependant prudents par rapport à une notion d’engagement un peu trop volontariste du style : « Engagez-vous, engagez-vous ! »
L’Eglise a un rôle déterminant à jouer. Peut-être y a-t-il dans certains rassemblements ou fêtes une sorte de contestation de la société qui broie les individus. Un peu à la manière du peuple hébreu esclave en Egypte. Dieu ordonne : « Qu’ils célèbrent une fête en mon honneur dans le désert ! » Cela reviendrait à dire : « En faisant la fête, desserrez l’étreinte du travail, afin de laisser émerger en vous la question : pourquoi se fatiguer ainsi ? Prenez le temps de vous réjouir d’avoir reçu la vie, de réfléchir à ce que vous pouvez en faire, comment vous pouvez au mieux l’orienter pour quelle devienne riche et féconde. » Quand on est écrasé par un système qui accapare toutes les forces vives, par des tâches abrutissantes, on n’a plus le temps de penser.
Cette manière de voir a quelque chose de subversif. Dans le texte de l’Exode, Pharaon craint pour son pouvoir. Pour lui, faire la fête et penser revient à « prêter attention à des sornettes » (Ex 5, 9).
Découvrir l’Eglise
Un autre bénéfice du grand rassemblement, c’est de faire découvrir l’Eglise universelle et particulière. Dans un grand rassemblement, nous faisons l’expérience de l’Eglise comme peuple de Dieu.
Peuple convoqué par Dieu, l’Eglise ne se réunit pas comme une association ou une amicale. Les participants se savent devancés par Dieu qui a l’initiative. C’est le Christ qui rassemble.
Le peuple de Dieu est comme une caravane qui se traîne dans le désert. Tout le monde ne marche pas au même pas. Il faut parfois ralentir la marche.
C’est un peuple, parfois épuisé de fatigue mais toujours en pèlerinage, en itinérance, en déplacement, en exode. Le risque est de s’installer.
C’est un peuple haut en couleur, bigarré : multitude de nations, ethnies et cultures.
Un peuple à la nuque raide mais qui vit de l’alliance que Dieu propose (le salut de Dieu, l’obéissance aux commandements, la promesse de vie).
Un peuple de frères : l’Eglise comme fraternité et non comme amicale.
L’Eucharistie nous donne de recevoir le Corps du Christ pour que nous devenions ce que nous avons reçu. Saint Paul, dans la première lettre aux Corinthiens met deux phrases en correspondance : « Ceci est mon corps, qui est pour vous » (1 Co 11, 24), dit Jésus, et : « Vous êtes le corps du Christ, vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (1 Co 12, 27). Les grands rassemblements nous font expérimenter que l’Eglise est Corps du Christ avec la diversité des fonctions, des tâches, des dons.
En conclusion, deux textes du Nouveau Testament :
• Les grands rassemblements sont l’occasion d’entendre à nouveau la première annonce, le cri des premiers témoins à la Pentecôte (Ac 2).
• Les grands rassemblements préfigurent ce que sera le Royaume, l’aboutissement heureux en Dieu. La multitude des élus (Ap 7, 9-17).
Ces temps forts sont des temps de ressourcement. On fait le plein d’énergie. Mais quelle sera la suite ? Comment s’inscrire dans la durée ? Mgr Billé, président de la Conférence des évêques, s’interrogeait sur la suite des JMJ, en 1996 : « Avec les jeunes, nous sommes appelés à aller au cœur de la foi. Ensuite, il s’agit d’entrer dans la durée. Non pas de prolonger les JMJ mais d’en recueillir les semences et de les faire fructifier pour que les arbres poussent. Cela suppose notamment [...] des propositions d’accompagnement personnel » (in La Croix).
Un modèle commun
Il existe un modèle commun à tous ces rassemblements. Trois temps structurent habituellement le déroulement : un temps liturgique et festif, un temps de réflexion (d’enseignement) et de témoignages, un temps d’ouverture sur un agir chrétien. Chaque participant est invité à entendre les appels de Dieu dans sa vie.
Il faut bien reconnaître que les rassemblements n’évitent pas toujours le risque d’une certaine manipulation. Ils peuvent laisser croire que tout va être facile parce qu’on s’est retrouvé en grand nombre et que l’on a vécu quelques heures dans l’enthousiasme, dans une ambiance festive. Le rassemblement peut devenir le lieu de la mise en commun de ce qui a déjà été vécu. De plus, pour sortir de l’emprise de l’émotion, il faut un renvoi à la vie quotidienne. Il s’agit de se demander : « Maintenant, qu’allons-nous mettre en œuvre dans notre lieu de travail, notre quartier, notre aumônerie ? »
Des thèmes stimulants
Les thèmes de ces rassemblements ne sont pas anodins. Ils sont stimulants. On trouve très souvent celui de l’espérance, déclinant le « N’ayez pas peur » de Jean-Paul II. Celui de l’audace est également développé : « Osez ! La foi est à vivre au cœur du monde. Ce monde n’est pas fini, il a besoin de votre jeunesse. Ce monde est aimé de Dieu ! » Cela conduit à un appel explicite au ministère presbytéral, à la vie religieuse. Aujourd’hui, les organisateurs de rassemblements restent cependant prudents par rapport à une notion d’engagement un peu trop volontariste du style : « Engagez-vous, engagez-vous ! »
L’Eglise a un rôle déterminant à jouer. Peut-être y a-t-il dans certains rassemblements ou fêtes une sorte de contestation de la société qui broie les individus. Un peu à la manière du peuple hébreu esclave en Egypte. Dieu ordonne : « Qu’ils célèbrent une fête en mon honneur dans le désert ! » Cela reviendrait à dire : « En faisant la fête, desserrez l’étreinte du travail, afin de laisser émerger en vous la question : pourquoi se fatiguer ainsi ? Prenez le temps de vous réjouir d’avoir reçu la vie, de réfléchir à ce que vous pouvez en faire, comment vous pouvez au mieux l’orienter pour quelle devienne riche et féconde. » Quand on est écrasé par un système qui accapare toutes les forces vives, par des tâches abrutissantes, on n’a plus le temps de penser.
Cette manière de voir a quelque chose de subversif. Dans le texte de l’Exode, Pharaon craint pour son pouvoir. Pour lui, faire la fête et penser revient à « prêter attention à des sornettes » (Ex 5, 9).
Découvrir l’Eglise
Un autre bénéfice du grand rassemblement, c’est de faire découvrir l’Eglise universelle et particulière. Dans un grand rassemblement, nous faisons l’expérience de l’Eglise comme peuple de Dieu.
Peuple convoqué par Dieu, l’Eglise ne se réunit pas comme une association ou une amicale. Les participants se savent devancés par Dieu qui a l’initiative. C’est le Christ qui rassemble.
Le peuple de Dieu est comme une caravane qui se traîne dans le désert. Tout le monde ne marche pas au même pas. Il faut parfois ralentir la marche.
C’est un peuple, parfois épuisé de fatigue mais toujours en pèlerinage, en itinérance, en déplacement, en exode. Le risque est de s’installer.
C’est un peuple haut en couleur, bigarré : multitude de nations, ethnies et cultures.
Un peuple à la nuque raide mais qui vit de l’alliance que Dieu propose (le salut de Dieu, l’obéissance aux commandements, la promesse de vie).
Un peuple de frères : l’Eglise comme fraternité et non comme amicale.
L’Eucharistie nous donne de recevoir le Corps du Christ pour que nous devenions ce que nous avons reçu. Saint Paul, dans la première lettre aux Corinthiens met deux phrases en correspondance : « Ceci est mon corps, qui est pour vous » (1 Co 11, 24), dit Jésus, et : « Vous êtes le corps du Christ, vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (1 Co 12, 27). Les grands rassemblements nous font expérimenter que l’Eglise est Corps du Christ avec la diversité des fonctions, des tâches, des dons.
En conclusion, deux textes du Nouveau Testament :
• Les grands rassemblements sont l’occasion d’entendre à nouveau la première annonce, le cri des premiers témoins à la Pentecôte (Ac 2).
• Les grands rassemblements préfigurent ce que sera le Royaume, l’aboutissement heureux en Dieu. La multitude des élus (Ap 7, 9-17).
La participation à un petit groupe, chances et exigences
Les grands rassemblements apportent beaucoup à la jeunesse actuelle : ouverture, ressourcement, identité chrétienne, plaisir de la fête, etc. Ils ont cependant besoin d’être relayés par le petit groupe (de 6 à 15 membres). Quel est la spécificité de celui-ci ? En quoi est-il bénéfique pour la vie chrétienne ?
D’où vient le besoin d’appartenir à un petit groupe ?
Il est incontestable que tout être humain cherche la chaleur d’une petite communauté pour enrichir son expérience humaine. Il trouve là l’occasion d’être auteur de sa propre parole. Il n’est pas rare en effet de voir des gens souffrir d’un déficit de la parole.
C’est une chance d’appartenir à un groupe. Chacun y fait l’expérience d’exister pour les autres, d’être reconnu par eux. Prendre la parole, c’est commencer à occuper une place. De ce point de vue, le petit groupe d’amis a donc quelque chose d’unique par rapport au grand rassemblement. Il est vraiment le lieu où l’on « s’entre-tient », où l’on tient aux autres, où l’on échange des paroles.
Appartenir à un groupe, à une communauté de croyants permet à la générosité de durer. En physique, un corps solide est un corps où toutes les parties se tiennent. De même la générosité a besoin d’être consolidée. La solidarité renforce donc la générosité. Un groupe vit dans la cohésion, dans une communauté de destin et d’intérêts, pas dans la dispersion. Mais qu’en sera-t-il de la solidité du groupe des apôtres au moment de la Passion ?
Dans le récit de Jean, les disciples répondent généreusement à un appel. La générosité conduit alors à un changement radical d’existence, à une transformation. On met le petit doigt dans une activité et c’est la personne tout entière qui y passe.
Au sein du petit groupe, se joue une sorte d’alternance. Tantôt la rencontre est faite de propos enchevêtrés qui s’envolent au vent, tantôt la rencontre est marquée par le poids des mots. Pour que la parole s’enracine et porte du fruit, le silence est indispensable. Place est donnée à l’écoute !
Quand les mots se succèdent trop vite, l’approfondissement est compromis. Participer à une vie de petit groupe, c’est faire l’apprentissage des règles de la communication. Ecouter la parole de l’autre, c’est toujours obéir à la loi du langage et de l’échange. Chacun se sait précédé, héritier d’une langue. A l’inverse, ne pas écouter, c’est refuser de se plier à cette loi.
La dynamique de groupe doit être structurée pour que tous les membres soient respectés dans la prise de parole. Peu à peu s’effectue la découverte que la parole est un engagement. Certes, en prononçant une parole, il y a le risque d’être contredit, rejeté. De plus, parler, en s’efforçant de dire « je », c’est révéler qui on est. Mais le petit groupe est alors une chance parce qu’il est le lieu des balbutiements.
C’est une chance d’appartenir à un groupe. Chacun y fait l’expérience d’exister pour les autres, d’être reconnu par eux. Prendre la parole, c’est commencer à occuper une place. De ce point de vue, le petit groupe d’amis a donc quelque chose d’unique par rapport au grand rassemblement. Il est vraiment le lieu où l’on « s’entre-tient », où l’on tient aux autres, où l’on échange des paroles.
Appartenir à un groupe, à une communauté de croyants permet à la générosité de durer. En physique, un corps solide est un corps où toutes les parties se tiennent. De même la générosité a besoin d’être consolidée. La solidarité renforce donc la générosité. Un groupe vit dans la cohésion, dans une communauté de destin et d’intérêts, pas dans la dispersion. Mais qu’en sera-t-il de la solidité du groupe des apôtres au moment de la Passion ?
Dans le récit de Jean, les disciples répondent généreusement à un appel. La générosité conduit alors à un changement radical d’existence, à une transformation. On met le petit doigt dans une activité et c’est la personne tout entière qui y passe.
Au sein du petit groupe, se joue une sorte d’alternance. Tantôt la rencontre est faite de propos enchevêtrés qui s’envolent au vent, tantôt la rencontre est marquée par le poids des mots. Pour que la parole s’enracine et porte du fruit, le silence est indispensable. Place est donnée à l’écoute !
Quand les mots se succèdent trop vite, l’approfondissement est compromis. Participer à une vie de petit groupe, c’est faire l’apprentissage des règles de la communication. Ecouter la parole de l’autre, c’est toujours obéir à la loi du langage et de l’échange. Chacun se sait précédé, héritier d’une langue. A l’inverse, ne pas écouter, c’est refuser de se plier à cette loi.
La dynamique de groupe doit être structurée pour que tous les membres soient respectés dans la prise de parole. Peu à peu s’effectue la découverte que la parole est un engagement. Certes, en prononçant une parole, il y a le risque d’être contredit, rejeté. De plus, parler, en s’efforçant de dire « je », c’est révéler qui on est. Mais le petit groupe est alors une chance parce qu’il est le lieu des balbutiements.
Jésus et ses disciples
Au cours de la veillée de prière du 19 août 2000, à Tor Vergata, le pape Jean-Paul II a parlé des JMJ, en utilisant l’expression originale de « laboratoire de la foi » : « Notre rencontre d’aujourd’hui à Rome, chers jeunes, est aussi une sorte de laboratoire de la foi, pour vous, disciples d’aujourd’hui, pour ceux qui croient au Christ au seuil du troisième millénaire. »
Ce mot laboratoire exprime bien ce que fut le petit groupe des disciples à l’écoute de Jésus. Je voudrais le reprendre pour vous montrer comment il s’applique bien à vos itinéraires de foi si variés et si complexes parfois.
Le mot de laboratoire fait penser tout d’abord à l’expérimentation. Comme pour les disciples, dans l’Evangile, la découverte du Christ est d’abord une expérience avant d’être une connaissance. Cette découverte passe par des enseignements, des célébrations festives, des moments de silence, une démarche de pardon, l’écoute d’un témoignage. Dans ce laboratoire de la foi, quelque chose s’élabore lentement et vous percevez qu’il y a des degrés dans la foi et que l’on peut y progresser. Déjà, dans les évangiles, la foi des disciples est tantôt inexistante, tantôt fragile et défaillante. Le Christ leur reproche le manque de foi : « Gens de peu de foi » (Mt 16, 8). « Où est votre foi ? » (Lc 8, 25).
Méditons sur l’expérience de deux apôtres, Pierre et Thomas. Au sein du petit groupe qui suivait Jésus, nous avons là deux cheminements qui rejoignent nos itinéraires d’aujourd’hui.
L’expérience de Pierre
Voici un passage significatif en Jn 6, 60-69. Pierre, c’est l’apôtre qui a prononcé de belles professions de foi, avec la générosité qui le caractérise : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). « Cet événement, dit le pape Jean-Paul II, près de Césarée de Philippe, nous introduit en un certain sens dans le laboratoire de la foi. Le mystère de la naissance et de la maturation de la foi s’y révèle. »
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Notez que cette deuxième profession de foi vient après l’épisode de la multiplication des pains et après la révélation de Jésus qui se donne à manger, comme pain de vie. Les disciples trouvent cette parole rude : « Qui peut continuer à l’écouter ? » Les disciples murmurent. Comment découvrir que la foi est un don qui échappe aux mesures humaines et qu’il faut accueillir ? Un don qui demande à être cultivé. Faute d’être entretenu (par la catéchèse, la prière, l’échange avec d’autres chrétiens), il s’étiole et se perd.
N’oublions pas que Pierre fut aussi fragile dans sa foi. Au moment de la Passion, qu’en est-il de la solidité du petit groupe des apôtres ? Pierre suit de loin les événements concernant Jésus. Il vit dans la peur.
L’expérience de Thomas
Thomas nous donne l’occasion d’entrer dans le Cénacle de Jérusalem, véritable « laboratoire de la foi ». Vous savez que la foi ne s’identifie pas à un ressenti (une sorte de chaleur intérieure, une illumination, une intense satisfaction). L’expérience de Thomas fait comprendre qu’il n’y a pas de foi tranquille, ni de certitude absolue. Qu’est-ce que la foi, sinon la victoire quotidienne sur l’incrédulité ? Croire, c’est vivre en reconnaissant que les paroles qui donnent sens à la vie viennent du Christ.
Pour quoi Thomas s’est-il absenté du petit groupe des apôtres ? Où était-il lorsque Jésus ressuscité est apparu aux apôtres ? Plusieurs hypothèses sont possibles : a-t-il eu besoin de faire retraite, l’épreuve de la mort de Jésus étant trop pénible ? Est-ce le signe d’une maturation de la foi qui permet de passer de l’incrédulité à la confiance ? Au cœur même d’une instabilité affective, d’une révolte ou d’un désarroi, Dieu fait signe, appelle, se laisse rencontrer.
L’exemple de Thomas est éclairant. On n’est pas chrétien tout seul. Il a éprouvé le besoin de retrouver le petit groupe. Et c’est dans le petit groupe qu’il fera la plus belle profession de foi des évangiles : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Son esprit rationaliste lui a fait confondre recherche de preuves tangibles et expérience du Ressuscité. Certes, la raison ne doit pas être méprisée dans la recherche de Dieu, mais la foi est bien plus qu’une connaissance. C’est avant tout une rencontre personnelle et intime du Christ. Et le pape Jean-Paul II disait : « Dans ce qui est arrivé à Thomas, le laboratoire de la foi s’est enrichi d’un nouvel élément. La Révélation divine, la question du Christ, et la réponse de l’homme ont eu leur achèvement dans la rencontre personnelle du disciple avec le Christ vivant, avec le Ressuscité. »
Ce mot laboratoire exprime bien ce que fut le petit groupe des disciples à l’écoute de Jésus. Je voudrais le reprendre pour vous montrer comment il s’applique bien à vos itinéraires de foi si variés et si complexes parfois.
Le mot de laboratoire fait penser tout d’abord à l’expérimentation. Comme pour les disciples, dans l’Evangile, la découverte du Christ est d’abord une expérience avant d’être une connaissance. Cette découverte passe par des enseignements, des célébrations festives, des moments de silence, une démarche de pardon, l’écoute d’un témoignage. Dans ce laboratoire de la foi, quelque chose s’élabore lentement et vous percevez qu’il y a des degrés dans la foi et que l’on peut y progresser. Déjà, dans les évangiles, la foi des disciples est tantôt inexistante, tantôt fragile et défaillante. Le Christ leur reproche le manque de foi : « Gens de peu de foi » (Mt 16, 8). « Où est votre foi ? » (Lc 8, 25).
Méditons sur l’expérience de deux apôtres, Pierre et Thomas. Au sein du petit groupe qui suivait Jésus, nous avons là deux cheminements qui rejoignent nos itinéraires d’aujourd’hui.
L’expérience de Pierre
Voici un passage significatif en Jn 6, 60-69. Pierre, c’est l’apôtre qui a prononcé de belles professions de foi, avec la générosité qui le caractérise : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). « Cet événement, dit le pape Jean-Paul II, près de Césarée de Philippe, nous introduit en un certain sens dans le laboratoire de la foi. Le mystère de la naissance et de la maturation de la foi s’y révèle. »
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Notez que cette deuxième profession de foi vient après l’épisode de la multiplication des pains et après la révélation de Jésus qui se donne à manger, comme pain de vie. Les disciples trouvent cette parole rude : « Qui peut continuer à l’écouter ? » Les disciples murmurent. Comment découvrir que la foi est un don qui échappe aux mesures humaines et qu’il faut accueillir ? Un don qui demande à être cultivé. Faute d’être entretenu (par la catéchèse, la prière, l’échange avec d’autres chrétiens), il s’étiole et se perd.
N’oublions pas que Pierre fut aussi fragile dans sa foi. Au moment de la Passion, qu’en est-il de la solidité du petit groupe des apôtres ? Pierre suit de loin les événements concernant Jésus. Il vit dans la peur.
L’expérience de Thomas
Thomas nous donne l’occasion d’entrer dans le Cénacle de Jérusalem, véritable « laboratoire de la foi ». Vous savez que la foi ne s’identifie pas à un ressenti (une sorte de chaleur intérieure, une illumination, une intense satisfaction). L’expérience de Thomas fait comprendre qu’il n’y a pas de foi tranquille, ni de certitude absolue. Qu’est-ce que la foi, sinon la victoire quotidienne sur l’incrédulité ? Croire, c’est vivre en reconnaissant que les paroles qui donnent sens à la vie viennent du Christ.
Pour quoi Thomas s’est-il absenté du petit groupe des apôtres ? Où était-il lorsque Jésus ressuscité est apparu aux apôtres ? Plusieurs hypothèses sont possibles : a-t-il eu besoin de faire retraite, l’épreuve de la mort de Jésus étant trop pénible ? Est-ce le signe d’une maturation de la foi qui permet de passer de l’incrédulité à la confiance ? Au cœur même d’une instabilité affective, d’une révolte ou d’un désarroi, Dieu fait signe, appelle, se laisse rencontrer.
L’exemple de Thomas est éclairant. On n’est pas chrétien tout seul. Il a éprouvé le besoin de retrouver le petit groupe. Et c’est dans le petit groupe qu’il fera la plus belle profession de foi des évangiles : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Son esprit rationaliste lui a fait confondre recherche de preuves tangibles et expérience du Ressuscité. Certes, la raison ne doit pas être méprisée dans la recherche de Dieu, mais la foi est bien plus qu’une connaissance. C’est avant tout une rencontre personnelle et intime du Christ. Et le pape Jean-Paul II disait : « Dans ce qui est arrivé à Thomas, le laboratoire de la foi s’est enrichi d’un nouvel élément. La Révélation divine, la question du Christ, et la réponse de l’homme ont eu leur achèvement dans la rencontre personnelle du disciple avec le Christ vivant, avec le Ressuscité. »
Itinéraires de foi
Le récit
Animés du même désir de progresser humainement et spirituellement, le petit groupe privilégie le récit. Si l’on éprouve le besoin de se retrouver, dans la confiance mutuelle, c’est pour aborder les grandes questions de l’existence. Chacun raconte un événement qu’il a vécu et qui touche à sa vie affective, au problème du deuil.
Le récit permet de sortir de la solitude, de mettre des mots sur ce que l’on ressent. Il est émaillé de faits, de paroles entendues. C’est une sorte de « déposition », c’est-à-dire un récit mis en forme, déjà interprété, une mise à distance de l’expérience vécue.
Le fait de prendre la parole, d’exposer devant d’autres est libérant. Ce qui ressemble à un chaos intérieur, à une confusion des sentiments est objectivé. Raconter, c’est en quelque sorte avoir un peu prise sur ce qui est difficile à assumer.
L’animation du groupe joue un rôle important dans le petit groupe. Non seulement il donne et régule la parole, mais il doit gérer aussi la curiosité malsaine des participants, inviter à l’analyse, au discernement.
Cette pratique du récit s’appelle « révision de vie » ou « relecture de vie ». Elle a une dimension spirituelle puisqu’elle se fait à l’écoute de la Parole de Dieu, dans un climat de prière. Parfois une interpellation jaillit. Un appel à la conversion, à une action concrète est proposé. A d’autres moments, la prière de louange fait suite à une intercession.
L’intelligence de la foi
Beaucoup de chrétiens décrivent leur expérience spirituelle comme « un voyage intérieur ». L’image du laboratoire de la foi, c’est-à-dire d’une recherche en petit groupe, permet de corriger ce qu’il y aurait de trop subjectif dans l’itinéraire de foi. Confrontés à l’indifférence religieuse, voire à la dérision, beaucoup se demandent comment rendre compte de leur foi en Jésus Christ. Le laboratoire de la foi évoque alors l’idée de labeur. Le travail d’intelligence de la foi est parfois laborieux. Il demande du temps. Certes la foi est don de Dieu, c’est-à-dire de l’ordre d’une heureuse surprise. C’est une trouvaille, mais c’est aussi un travail de réflexion, d’élaboration.
Pour effectuer ce travail d’intelligence de la foi, il y a des moyens à prendre. Ce qui manque souvent, c’est de trouver un groupe d’amis dans lequel on peut poser les questions fondamentales sur l’amour, la mort, le bonheur. L’expérience de Dieu n’est pas qu’un voyage intérieur. Que deviennent la dimension communautaire, l’engagement dans le monde ?
En utilisant encore une foi la métaphore du laboratoire, on peut ajouter que les chercheurs de Dieu ne sont jamais isolés et dans un monde clos. La communauté des chercheurs est stimulante. De même, dans la vie chrétienne, la communauté ecclésiale est nécessaire pour un approfondissement de la foi.
Ce que l’on a découvert ensemble, on a envie de le publier et de le mettre en œuvre.
L’engagement
La foi est un sentiment profond, lié à un comportement généreux. Comment notre monde pourrait-il croire en la compassion de Dieu si les chrétiens ne portaient témoignage par des actions concrètes ?
Un autre aspect nécessaire pour accéder à l’intelligence de la foi consiste à voir comment tous les domaines de l’existence s’organisent entre eux et prennent place dans une vie de communion avec Dieu. Autrement dit, ce qui est recherché, c’est une sorte de cohérence. La vie sociale et politique, l’amour conjugal, l’art, la prière, tout cela s’articule. C’est en toutes choses qu’il s’agit de trouver Dieu.
Animés du même désir de progresser humainement et spirituellement, le petit groupe privilégie le récit. Si l’on éprouve le besoin de se retrouver, dans la confiance mutuelle, c’est pour aborder les grandes questions de l’existence. Chacun raconte un événement qu’il a vécu et qui touche à sa vie affective, au problème du deuil.
Le récit permet de sortir de la solitude, de mettre des mots sur ce que l’on ressent. Il est émaillé de faits, de paroles entendues. C’est une sorte de « déposition », c’est-à-dire un récit mis en forme, déjà interprété, une mise à distance de l’expérience vécue.
Le fait de prendre la parole, d’exposer devant d’autres est libérant. Ce qui ressemble à un chaos intérieur, à une confusion des sentiments est objectivé. Raconter, c’est en quelque sorte avoir un peu prise sur ce qui est difficile à assumer.
L’animation du groupe joue un rôle important dans le petit groupe. Non seulement il donne et régule la parole, mais il doit gérer aussi la curiosité malsaine des participants, inviter à l’analyse, au discernement.
Cette pratique du récit s’appelle « révision de vie » ou « relecture de vie ». Elle a une dimension spirituelle puisqu’elle se fait à l’écoute de la Parole de Dieu, dans un climat de prière. Parfois une interpellation jaillit. Un appel à la conversion, à une action concrète est proposé. A d’autres moments, la prière de louange fait suite à une intercession.
L’intelligence de la foi
Beaucoup de chrétiens décrivent leur expérience spirituelle comme « un voyage intérieur ». L’image du laboratoire de la foi, c’est-à-dire d’une recherche en petit groupe, permet de corriger ce qu’il y aurait de trop subjectif dans l’itinéraire de foi. Confrontés à l’indifférence religieuse, voire à la dérision, beaucoup se demandent comment rendre compte de leur foi en Jésus Christ. Le laboratoire de la foi évoque alors l’idée de labeur. Le travail d’intelligence de la foi est parfois laborieux. Il demande du temps. Certes la foi est don de Dieu, c’est-à-dire de l’ordre d’une heureuse surprise. C’est une trouvaille, mais c’est aussi un travail de réflexion, d’élaboration.
Pour effectuer ce travail d’intelligence de la foi, il y a des moyens à prendre. Ce qui manque souvent, c’est de trouver un groupe d’amis dans lequel on peut poser les questions fondamentales sur l’amour, la mort, le bonheur. L’expérience de Dieu n’est pas qu’un voyage intérieur. Que deviennent la dimension communautaire, l’engagement dans le monde ?
En utilisant encore une foi la métaphore du laboratoire, on peut ajouter que les chercheurs de Dieu ne sont jamais isolés et dans un monde clos. La communauté des chercheurs est stimulante. De même, dans la vie chrétienne, la communauté ecclésiale est nécessaire pour un approfondissement de la foi.
Ce que l’on a découvert ensemble, on a envie de le publier et de le mettre en œuvre.
L’engagement
La foi est un sentiment profond, lié à un comportement généreux. Comment notre monde pourrait-il croire en la compassion de Dieu si les chrétiens ne portaient témoignage par des actions concrètes ?
Un autre aspect nécessaire pour accéder à l’intelligence de la foi consiste à voir comment tous les domaines de l’existence s’organisent entre eux et prennent place dans une vie de communion avec Dieu. Autrement dit, ce qui est recherché, c’est une sorte de cohérence. La vie sociale et politique, l’amour conjugal, l’art, la prière, tout cela s’articule. C’est en toutes choses qu’il s’agit de trouver Dieu.
Conclusion
Le petit groupe comme le grand rassemblement semblent aujourd’hui des lieux de ressourcement pour bon nombre de chrétiens. Ces deux expériences de vie communautaire sont recherchées parce que l’une s’alimente à l’autre, l’une bénéficie de la dynamique de l’autre, et vice versa. Cela se vérifie à toutes époques de l’Eglise. Pourquoi cela est-il plus prégnant aujourd’hui ? Un regard sur les mutations sociales actuelles montre que l’individualisme contemporain n’est pas incompatible avec une recherche de lien social, que l’on a besoin d’être « touché » (dans les deux sens du mot) à travers des relations interpersonnelles et courtes et en même temps d’être « touché » au milieu de la foule.
Que ce soit dans l’enthousiasme des grands rassemblements ou dans la participation à la vie d’un petit groupe de réflexion, faites avec une joie profonde, l’expérience de cette grande famille de Dieu, de cette vie en Eglise. Construisez jour après jour votre itinéraire dans la foi, nourrissez votre rencontre du Christ en participant à l’eucharistie, en priant quotidiennement, en vivant dans la charité.
Que ce soit dans l’enthousiasme des grands rassemblements ou dans la participation à la vie d’un petit groupe de réflexion, faites avec une joie profonde, l’expérience de cette grande famille de Dieu, de cette vie en Eglise. Construisez jour après jour votre itinéraire dans la foi, nourrissez votre rencontre du Christ en participant à l’eucharistie, en priant quotidiennement, en vivant dans la charité.
« Formez des communautés fondées sur la foi ! Au cours des dernières décennies sont nés des mouvements et des communautés dans lesquels la force de l’Evangile se fait sentir avec vigueur. Cherchez la communion dans la foi en étant ensemble des compagnons de route qui continuent à suivre le chemin du grand pèlerinage que les mages d’Orient nous ont indiqué les premiers ! La spontanéité des nouvelles communautés est importante, mais il est aussi important de conserver la communion avec le Pape et les évêques. Ce sont eux qui garantissent qu’on ne recherche pas des sentiers privés, mais au contraire qu’on vit dans la grande famille de Dieu que le Seigneur a fondée avec les Douze apôtres. [...]
Chers amis, permettez-moi d’ajouter seulement deux brèvespensées. Ceux qui parlent de Dieu sont nombreux ; au nom de Dieu on prêche aussi la haine et on exerce la violence. Il est donc important de découvrir le vrai visage de Dieu. Les Mages d’Orient l’ont trouvé quand ils se sont prosternés devant l’enfant de Bethléem. « Celui qui m’a vu a vu le Père » disait Jésus à Philippe (Jn 14, 9). En Jésus Christ qui, pour nous, a permis que son cœur soit transpercé, en lui, est manifesté le vrai visage de Dieu. Nous le suivrons avec la grande foule de ceux qui nous ont précédés. Alors nous cheminerons sur le juste chemin.
Cela veut dire que nous ne nous construisons pas un Dieu privé, nous ne nous construisons pas un Jésus privé, mais que nous croyons en Jésus et que nous nous prosternons devant lui, devant ce Jésus qui nous est révélé par les Saintes Ecritures et qui, dans la grande foule des fidèles appelée Eglise, se révèle vivant, toujours avec nous, et dans le même temps toujours devant nous. »
Benoît XVI à Cologne