Scoutisme et pastorale des vocations


Depuis juin 1976, quelques animateurs du Centre national des Scouts de France et du Service des Vocations se sont rencontrés pour chercher les voies d’un meilleur "service des vocations" dans le scoutisme, à la manière et selon les perspectives du Mouvement.

Après avoir évoqué l’évolution des jeunes et les nouveaux chemins de la foi aujourd’hui, les participants ont évoqué la situation ecclésiale faite actuellement au scoutisme et la place des diverses vocations, actuellement, dans le mouvement. Ces intuitions et ces observations doivent être vérifiées dans ce qu’ont vécu et ce que vivent des jeunes.

De là, deux rencontres ont eu lieu, l’une avec des jeunes en formation ou en recherche, l’autre avec des responsables de formation presbytérale.

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I - POINTS DE VUE DES JEUNES

Nous avons grandi dans le scoutisme

Plusieurs des jeunes témoins n’appartiennent plus actuellement aux Scouts de France. Ils voient le mouvement comme "un temps" de leur "croissance" d’homme et de chrétien.

- " J’ai quitté le scoutisme de moi-même, sans céder à des pressions".

- " Le scoutisme est pour moi un mouvement d’éducation, c’est-à-dire où l’on passe, comme jeune, mais aussi, comme chef."

On verra plus loin que certains ne sont pas sans questions face au scoutisme, mais ils affirment unanimement : nous ne serions pas ce que nous sommes sans l’expérience du scoutisme et ses apports sont positifs. Il serait banal de rappeler ici les apports éducatifs.

Cela va parfois jusqu’à un projet d’homme pour bâtir un type de société. Quelques-uns précisent que le scoutisme les a conduits à la foi et à l’Eglise :

" Venu au scoutisme comme chef et par une série de hasards, j’ai accueilli la foi parce que je l’ai vécue dans cette cellule d’Eglise qu’est le poste. Le scoutisme m’a fait ainsi découvrir l’Eglise. la relecture vécue dans le mouvement a joué un grand rôle. Au début, je ne savais pas que c’était cela, l’Eglise ".

Ces apports sont situés dans une évolution du scoutisme reliée à une évolution de la société. Le scoutisme a été un lieu de formation dans une Eglise bien installée. Maintenant se pose la question de la formation dans un monde et une Eglise en mutation.

II - POINTS DE VUE DES FORMATEURS

Le 21 Mars, une quinzaine de prêtres engagés dans les centres et groupe. de formation au ministère presbytéral, se sont réunis avec des membres de l’équipe nationale et les Pères MUCHERY et CUGNASSE du Centre national des Vocations.

Pourquoi cette rencontre ?

- Parce que, dans le cadre des relations Scouts de France-C.N.V., un certain nombre de questions sont apparues touchant à la formation.

- Parce que les scouts (anciens et actuels) sont nombreux parmi les jeunes et adultes qui se préparent au ministère presbytéral.

- Parce que ces jeunes sont marqués par leur vécu dans le scoutisme .et formulent leur projet de ministère en lien avec l’expérience ecclésiale faite dans le mouvement.

- Parce que le scoutisme a évolué, renouvelé ses propositions. Il affirme son souci ecclésial.

Des formateurs des grands séminaires désirent une information et une réflexion sur ces faits.

D’autre part, il est souhaitable que les responsables du scoutisme connaissent mieux les objectifs et les modalités des divers cheminements vers le sacerdoce aujourd’hui.

Des responsables de formation s’expriment.

Une certaine unanimité se fait d’abord pour reconnaître que les gens marqués par le scoutisme sont nombreux dans les centres et groupes de formation.

- Un quart des effectifs en G.F.U. (Groupe en formation universitaire). La proportion des"Scouts" est forte à Issy-les-Moulineaux, à Lille etc.

Quelles sont les caractéristiques propres à ces jeunes ? Le propos ne sera pas unanime, mais des insistances apparaissent.

1) des hommes

Ce sont des garçons humainement bien charpentés. Ils ont le sens de la responsabilité, de la relation libre avec des jeunes, de la vie en équipe.

ou des adolescents prolongés ?

Aussitôt après l’affirmation qu’il s’agit de jeunes et d’adultes d’une "bonne pointure", des questions percent : ces jeunes ont parfois du mal à décrocher du scoutisme, ils se situent avec des enfants et adolescents de façon privilégiée, ils s’orienteraient vers des stages dans l’éducation. Est-ce que cela traduit un retard de maturité ou simplement que le passage dans le scoutisme a été très prégnant au plan affectif ?

2) avec le goût de l’Evangile...

On a dit la richesse de l’héritage reçu dans le scoutisme :
"Ils ne complotent pas avec le monde de l’avoir".
"Ils ont appris à vivre et à agir ensemble, ils ont comme spontanément un certain sens de la fraternité. "

mais un horizon étroit...

"Quelques-uns arrivent avec une grande naïveté dans la foi, quand ils évoquent la volonté de Dieu quand ils parlent de la création".
"L’expérience ecclésiale se réduit trop à celle du mouvement".

3) avec de fortes responsabilités...

Etre chef n’est pas une sinécure... Assumer une telle fonction développe bien des aptitudes...

génératrices d’allergies

Le chef comprend mal tel prêtre qui remet en cause de l’extérieur ce qui est vécu dans le scoutisme. D’où un certain anticléricalisme ici ou là. De plus, le ministère presbytéral entouré de flou, ne fait pas toujours le poids face au "ministère" déjà assumé dans le scoutisme.

Cette analyse sommaire ne rend pas compte de tous les apports du tour de table. Il y a eu l’évocation de cas particulier (tel jeune mal situé, etc.), la situation du scoutisme qui est beaucoup plus qu’une organisation de loisirs pour les classes moyennes (cette image change dans les centres de formation).

Le principal problème semble être pratique : comment concilier les exigences de la formation (études et expériences variées) avec celle d’une responsabilité dans le scoutisme ?

III - UN DEBAT, DES INSISTANCES, DES PROJETS

Des questions sont apparues tout au long des échanges. Il fallait les reprendre et suggérer quelques orientations.

1) Plusieurs fois, on a dit combien il était à la fois nécessaire et délicat d’amener des "chefs scouts" à diversifier leur expérience quand il s’agit pour certains d’entre eux de se former pour le ministère presbytéral.

Cette évolution souhaitée par les formateurs peut être vécue comme une mésestime du scoutisme, comme un "maintenant, il faut être sérieux". On s’est accordé sur l’esprit : le départ du scoutisme devrait être vécu comme une "plus value". En pratique, localement, ne pourrait-il y avoir concertation entre les responsables scouts et les formateurs ?

C’est le seul moyen pour qu’il soit tenu compte des divers points de vue. Cette concertation pourrait permettre de l’inédit, par exemple qu’on oriente vers le scoutisme certains de ceux qui l’ignorent, afin de diversifier d’autres expériences trop sectorielles...

2) Le scoutisme serait-il anti-intellectuel ? On note ici ou là que les jeunes ou adultes marqués par le scoutisme ne sont pas particulièrement fervents pour les études...

Le fait a été moins affirmé ou contesté que situé dans le contexte de la jeunesse actuelle.

Elle est marquée par les mutations culturelles, elle perçoit l’inadéquation d’un certain langage. Elle est aussi moins désireuse d’une réflexion abstraite que d’instruments pour réussir.

La solution est sans doute à chercher dans le type de formation et d’enseignement envisagé.

3) Comment éviter un certain anticléricalisme latent dans les communautés scoutes ?

Ces situations d’anti-cléricalisme qui ne doivent pas être généralisées, loin de là, s’expliquent par des tensions vécues ici ou là. On retire des locaux, on critique les scouts, ou bien tout simplement la vie paroissiale est bien terne.

Que faire ? Expliquer ce qui se passe dans l’Eglise aujourd’hui, assumer collectivement ces tensions. Surtout être attentif aux appels d’approfondissement spirituel qui s’expriment ici ou là : "le vide est plus positif que le ras-le-bol".

4) Comment l’appel au ministère presbytéral est-il exprimé dans le scoutisme ? (en lien avec une pédagogie de la foi).

On a rappelé que la vie scoute éveillait à des choix, et ceci en posant des actes. Le scoutisme ne fait pas des discours, il fait expérimenter des pratiques. Ceci souligne l’importance de deux lieux :

- dans le mouvement, le jeune vit des "ministères". Quel sens leur donne-t-il, quelle relation à l’Eglise le mouvement l’aide-t-il à découvrir ?

- dans le mouvement, le jeune rencontre des aumôniers. Quelle expérience fait-il à cette occasion ?

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Ces pistes devraient être prolongées, élargies. Il semble bien qu’à l’avenir, des rencontres locales seront organisées. L’expérience d’Issy-les-Moulineaux où un aumônier scout vient régulièrement au séminaire (contacts personnels, réunion avec ceux qui ont des responsabilités dans le scoutisme, lien avec l’équipe des Formateurs) ne devrait-elle pas se renouveler ailleurs, avec des formes adaptées ?

Claude CUGNASSE
Pierre-Yves PECQUEUX