Echos d’une session : les "nouveaux S.D.V."


Il s’agit toujours de la session des nouveaux membres des services diocésains des vocations. (15 - 16 novembre 1976).

A la suite des échos déjà présentés dans le dernier dossier, d’autres éléments de réflexion ont été proposés au cours de cette rencontre.

Pour l’appel des 11-15 ans, les réflexions faites par Jean DUBBEUCQ sont reprises plus loin dans le mini-dossier "Diaspora".

Nous donnons ici ce qui a été exprimé au sujet du ministère sacerdotal et de la vie consacrée, ainsi que les orientations proposées aux services diocésains des vocations.

A/ UNE INVITATION A POURSUIVRE LA REFLEXION.

l) Le ministère presbytéral (Michel QUOIST)

On se pose encore des questions au sujet du prêtre. Sont-elles bien posées ? Savons-nous rejoindre l’essentiel ?
Les notes suivantes proposent quelques pistes ; elles sont en même temps un appel à aller plus avant dans la réflexion.

  • On a fait descendre le prêtre de son piédestal. En tombant... il a perdu son auréole. Quelles sont donc ses fonctions ? De nombreux ministères commencent à être assumés par d’autres. Le prêtre ne s’y retrouve plus.
    On sent le besoin de lui rendre une place, de le revaloriser.

    Mais attention ! Les tensions rencontrées au plan pastoral peuvent nous gêner pour la clarification doctrinale. Si nous voulons éviter de restaurer un ministère sacerdotal en concurrence avec les ministères que les laïcs ont vocation d’assumer, sans doute faut-il commencer par contempler le mystère du prêtre. Nous sommes acculés à la profondeur, à redécouvrir le "noyau", à préciser ce qu’est essentiellement, dans son fond, le ministère presbytéral.

  • Quelques jalons :
      • L’ordination sacerdotale, donne-t-elle une grâce particulière pour agir, seulement pour la fonction, ou marque-t-elle aussi l’être même de celui qu’elle atteint ?

        En fait, quelque chose est transformé dans l’être du prêtre. Qu’on relise Vatican II (voir index analytique) : ... marqué d’un caractère spécial -
        ... configuré au Christ Prêtre - ... appelé pour agir au nom du Christ-Tête en personne... etc.

        Le Christ est prêtre non seulement par son agir mais aussi dans son être.
        Il "soude" dans son être Humanité et Divinité : nous devons épouser "Tout Dieu" et épouser "tout l’homme" (avec les perspectives de vie spirituelle que cela suppose : le prêtre de demain sera un contemplatif).

      • "Choisi par le Christ". sans doute est-ce dans les réalités humaines que ce choix se manifeste, par la médiation des personnes, mais c’est JésusChrist qui appelle. Rendre au prêtre la fierté de ce choix.
      • Le prêtre est témoin de l’alliance de Jésus-Christ avec un peuple. Alliance fidèle, pour toujours : elle ne manquera jamais aux hommes. Alliance pour tout le peuple. Il n’est pas d’abord le prêtre d’une paroisse, d’une classe sociale. Il est prêtre de tout le peuple pour une communauté particulière.
      • L’Eucharistie. Le prêtre est choisi par Jésus-Christ qui lui donne le pouvoir de rendre présent son sacrifice, d’actualiser le mystère pascal pour le peuple rassemblé. Nécessité de retrouver la signification profonde de ce ministère sacramentel.
      • Le prêtre homme du sens. Qu’il soit à l’écoute des besoins de notre temps.
        Qu’il soit réponse à ces besoins. Il ne s’agit plus seulement de savoir comment vivre, mais pourquoi vivre ?
        Qu’il soit très inséré dans la lutte ou qu’il soit un peu en dehors, il doit donner un sens ultime à cette lutte. Le prêtre témoin de l’au-delà. Beaucoup plus qu’un enseignement, il doit être témoin de l’Esprit authentifiant la vie de l’Eglise.

        Encore une fois, il s’agit ici de l’expression de quelques convictions, quelques "rochers" sur lesquels on peut construire, invitation à pousser plus avant la réflexion, mais surtout à vivre davantage de ces quelques certitudes.

2) La vie consacrée (Jean DUBREUCQ)

Pour qui est témoin de la vie des femmes consacrées sans réserve au Seigneur dans le monde et l’Eglise aujourd’hui, quelques évidences viennent à l’esprit ; quelques mots incisifs pour exprimer ces évidences.

  • "... à travers une colère".

Les religieuses sont parfois agacées d’être perçues à travers ce qu’elles font : ou bien elles ne font rien, ou bien elles rendent service. Alors que le mystère dont elles vivent se situe au niveau de l’être !
Pour les religieux, c’est la même chose : des étudiants choisissent la Trappe pour être "bougie qui brûle pour rien", révélation d’un Autre.

      • Une séduction... Un bonheur...

        Une jeune fille peut être séduite par le témoignage d’une femme consacrée dans un institut, dont tout l’être de femme est voué à Quelqu’un et pleinement épanoui.

        Et cette expérience du bonheur au jour de la profession religieuse, au-delà du climat de fête d’un tel jour, bonheur de ce qu’on est devenu ensemble avec les soeurs de la communauté, les autres chrétiens, les gens du quartier

        Séduction ... Bonheur ... , une liberté qui s’épanouit.

  • Qu’y a-t-il derrière ?
      • "Tout et toujours". C’est la réponse à l’amour dont je suis aimé. Etre aimé, Bonne Nouvelle à dire dans un monde où tout s’achète et tout se vend.
        Un amour de toujours et pour toujours.
      • Vie consacrée : signe du peuple de Dieu, un "peuple royal" dont le diadème est reçu d’un Autre. Manifester la vraie libération, celle qui vient d’un Autre. C’est un Autre qui me passe la ceinture. Renvoyer à Dieu "Notre Père" de qui tout est reçu.
      • Vie consacrée : rappel pour un peuple qui doit annoncer la Bonne Nouvelle.
        Pour annoncer, il faut écouter. Au-delà des idéologies, savoir écouter l’autre, le rencontrer en Vérité, tout simplement se parler.
      • Vie consacrée : se laisser prendre par l’Esprit qui fait miséricorde, aux antipodes du "suis-je responsable de mon frère ?" Pardonner et du même coup faire exister, seul l’Esprit Saint peut le faire.
      • Nous sommes frères et soeurs parce que c’est un Autre qui nous rassemble.
        Dans la foulée de ces quelques réflexions, il est facile de comprendre comment la Vie consacrée est indispensable à l’Eglise, indispensable au monde.

B/ UNE PETITE REALISATION

Une équipe de diaspora 15-18 ans (Claude SCHOCKERT, Nancy)

  • C’est une histoire, celle du rassemblement de quelques jeunes formant un projet de ministère presbytéral.

    Le séminaire scolarisé n’existait plus. Le foyer qui en avait pris la relève ne rassemblait pas autant de jeunes qu’on l’aurait souhaité. Et pourtant, grâce aux contacts avec les curés ou les aumôniers, les éducateurs du foyer savaient que des jeunes se posaient la question d’une vocation.
    D’où la proposition d’une diaspora : un lieu de rencontre : le foyer de Renémont, et un week-end toutes les six semaines. Les gars attendaient cela :
    ce genre de rencontre où l’on puisse exprimer son projet, partager différents aspects de la Vie (problèmes affectifs, vie de prière, engagements...), prier, se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu (sur la pédagogie de ces rencontres, Voir Jeunes et Vocations n° 3 de septembre 1976, p. 25).

    Pour le diocèse, on peut compter 6 à 8 jeunes rassemblés chaque année.

    Au plan régional aussi, des rencontres ont été proposées. De là sont nées par ailleurs un groupe de diaspora filles.

  • Observations - questions - convictions.
      • Les équipes de diaspora sont très variées, selon leur origine.
      • L’important est la possibilité offerte aux jeunes de "dire" leur projet, de l’approfondir, de s’interpeller les uns les autres, d’opérer petit à petit un discernement en vivant selon les appels du Seigneur pour le présent.
      • Le rôle des adultes qui accompagnent :
          • rôle de mémoire pour le groupe et pour chacun ;
          • rôle de témoin de Dieu qui est présent et agit dans le groupe et en chacun ;
          • rôle de révélateur des signes de Dieu dans la vie de chacun.

        Le partage entre éducateurs permet un meilleur discernement ; religieuses et laïcs sont de plus en plus intégrés dans ce rôle d’accompagnement.

        Au départ, c’est souvent le rôle du Service des Vocations que d’accompagner les jeunes, jouer ce rôle auprès d’eux. Mais ne faut-il pas y voir une sorte de suppléance ? Ne faut-il pas susciter d’autres personnes susceptibles d’éveiller et d’accompagner ?

      • L’équipe de diaspora est un lieu, un moment de rencontre. Cela n’est pas un Mouvement. Il y a d’autres éducateurs de jeunes... Nous n’avons pas le monopole de l’accompagnement. D’où la nécessité d’une concertation, d’une collaboration entre éducateurs ; c’est à promouvoir.

        L’équipe est le lieu où le jeune, à cause de son projet, est renvoyé avec plus de force vers le milieu où il vit... Elle peut être aussi le lieu de la découverte d’une vie apostolique, de l’orientation vers un mouvement pour la vivre.

        L’équipe est le lieu où est possible une certaine vie communautaire (en week-end) : je jeune s’y révèle tel qu’il est.

        C’est encore le lieu où les jeunes prennent le temps de prier personnellement, d’écouter ensemble la Parole de Dieu, de "partager" leur vie à la lumière du projet.

        Lieu enfin de la célébration...

C/ PASTORALE DES VOCATIONS ET DIOCESES (Claude CUGNASSE, C.N.V.)

En conclusion de la session des "Nouveaux S.D.V.", il était bon de se dire avec plus de précision les raisons d’une pastorale des Vocations, la manière d’organiser un service diocésain et les objectifs prioritaires qu’il doit poursuivre.

1) Pourquoi une pastorale des vocations ?

Il faut reconnaître que la pastorale des Vocations est un "lieu" d’Eglise exceptionnel où se vit la diversité, autant que faire se peut, dans le respect de l’originalité de chacun.

Il ne manque pourtant pas d’objections, ce qui nous invite à prendre une conscience plus vive de nos convictions.

a) Objections

    • Pour certains, il y a un manque d’exigences : les formateurs sont responsables de la situation : les évêques ne parlent pas suffisamment ; nous "noyons le poisson" en parlant de toutes les vocations.
    • Pour d’autres, nous devrions ou bien laisser faire les mouvements, ou bien faire confiance aux communautés de base et à la catéchèse : demain les communautés se donneront des prêtres.
    • Pour d’autres encore, il est malhonnête de "bourrer le crâne" aux enfants (voir plus loin de telles objections) ; ou bien l’on nous dira : la vocation
      ... "connaît pas" ; le fait massif, c’est l’incroyance.
    • Ou encore : ... ne vaudrait-il pas mieux laisser mourir l’Eglise du passé ?
      ... Ces objections, comme souvent, comportent une part de vérité ; mais pourquoi en tirer de telles conclusions ?

b) Nos convictions

  • Nous croyons que l’Eglise est médiatrice des appels de Dieu, comme elle est sacrement du salut.
    (Reconnaissons que bien des difficultés actuelles viennent de trop grandes divergences sur la nature et la mission de l’Eglise).

    Cette médiation s’exerce de plusieurs manières :

      • le témoignage des uns et des autres, des communautés ;
      • la prière qui nous rend attentifs à ce que l’Esprit-Saint nous propose ou nous demande pour aujourd’hui ;
      • la proposition, l’interpellation (cela se fait par exemple en J.O.C.
      • l’accompagnement.

  • Nous croyons que le sens des ministères ordonnés comme de la vie consacrée doit être révélé. (l’analyse des sciences humaines ne suffit pas à en rendre compte). Ce sont des réalités qui doivent être "prêchées", des données de la foi, de la Tradition chrétienne.

    On objectera peut-être qu’il n’y a pas toujours eu de "services de Vocations"...

  • Nous pensons que la mutation culturelle de notre temps empêche l’Eglise d’être immédiatement et naturellement médiatrice.

    Les modèles ne fonctionnent plus : il faut des organes d’impulsion, de proposition, des lieux d’accueil pour permettre de répondre aux appels de l’Esprit. Quand les modèles du passé ne sont plus suggestifs pour le présent et pour l’avenir il faut un service des Vocations ; d’autant plus que les modèles actuels, s’ils suscitent quelque chose, n’indiquent pas le chemin comme jadis.

2) Comment organiser un service diocésain des Vocations ?

Il n’y a pas de norme ; il faut admettre une grande diversité.
Trois points d’attention cependant.

  • Une équipe diversifiée.

    L’Eglise en toutes ses composantes : laïcat, Vie consacrée (Vie religieuse, instituts séculiers, etc.) sacerdoce ministériel.
    Un point délicat : la participation des laïcs :

    • Objections : leur place est dans des mouvements de laïcs et non dans des structures de ce genre...
        • S’ils peuvent être témoins de leur mouvement au SDV, ils ne voient pas toujours comment répercuter dans leur mouvement le travail du SDV.
        • Etant donné la multiplicité des mouvements et organisations du laïcat, lesquels privilégier ? (même objection que pour les conseils pastoraux).
    • Critères : autant que possible, que ce soit des laïcs en lien avec des réalités collectives (mouvement, organisation de parents, animation liturgique de communauté...).
        • Qu’ils aient une fonction réelle,
        • des laïcs aptes au changement, à l’évolution,
        • des amis (un minimum d’ "atomes crochus"), capables de partager et de prier en commun.

  • Des personnes qui écoutent et qui ont le souci de l’unité.

    Ainsi l’équipe ne fera pas tout par elle-même : elle saura rejoindre ceux qui font quelque chose sur la terrain. Il faut connaître la vie diocésaine, savoir saisir les dynamismes là où ils se manifestent.

  • Des personnes ... qui ont le temps !

    Il faut le dire vite, car nous risquerions de n’en jamais trouver.

    Et pourtant, il faut un minimum de maîtrise de ses occupations pour savoir prier, lire, écouter, rencontrer, organiser... (cela suppose que l’on sache parfois ramer à contre-courant : mais n’est-ce pas une façon de grandir soi-même pour une meilleure réponse à sa propre vocation ?)

3) Pour quoi faire ?

  • Accompagner. Aider ceux qui s’interrogent, les aider à trouver le sens de leur vie (en Foyer ou séminaire de jeunes, en équipe de diaspora, en groupe de recherche, à l’occasion d’une session, par le dialogue personnel).

  • Eveiller. C’est plus fondamental encore.
      • éveiller les communautés, les aider à reconnaître le sens du ministère ordonné et de la Vie religieuse. Favoriser la qualité d’expérience ecclésiale en tout ce qui est regroupement en Eglise : expérience d’une Eglise diversifiée.
      • éveiller les personnes. Les mouvements le font pour leur part. N’y a-t-il pas à le faire plus largement pour toute l’Eglise ?

        Ces réflexions ne sont pas exhaustives. C’est certain.
        Ecoute, attention aux autres, expérience partagée et prière nous permettront d’aller plus avant.
        C’est ce que voudrait favoriser ce compte rendu.

Gérard MUCHERY