Témoins des appels de Dieu auprès des 11-15 ans. La Diaspora : à partir d’une enquête


La commission "Diaspora" s’est réunie au C.N.V. Une enquête est en cours. Les 2/3 des réponses sont rentrées.

Déjà peuvent être proposées quelques réflexions. Elles portent sur la première question de l’enquête : y a-t-il, dans nos diocèses, des garçons et filles de 11-15 ans qui se réunissent dans une perspective "éveil de vocation", sous quelque forme que ce soit ?

FAIRE PLUS ET AUTREMENT

Il existe de telles rencontres.

Pour qu’il en existe davantage, il faut dépasser les objections, mieux comprendre pourquoi une telle tâche est importante.

Enfin, il faut savoir comment faire. Des exemples concrets peuvent aider.

A/ Ce qui existe (ces exemples ne sont pas normatifs mais suggestifs).

1) Une dizaine de diocèses ont de petites équipes qui se réunissent dès la 6ème : (Valence, Evreux, Nancy par exemple). Pourquoi ? Essentiellement parce que des garçons ont parlé clairement d’un projet. Ce sont des équipes "d’accueil". Tout simplement parce qu’un projet d’enfant ne se traite pas par un "Tu en reparleras plus tard". Et renvoyer le garçon purement et simplement à un mouvement, est-ce suffisant ? Nous ne le croyons pas, au moins sans voir de plus près les possibilités de son équipe.

2) Dans un plus grand nombre de diocèses sont organisées des rencontres d’éveil. "90 jeunes garçons et filles, se rencontrent en week-end, un par trimestre sur chaque département (Cher et Indre) de la 6ème à la 3ème. - De plus, une moitié de ces jeunes participent localement à des rencontres d’équipes régulières et "spécifiques", soit en secteur paroissial, soit en collège libre". (Bourges).

La même formule est vécue par exemple au Pays Basque (58 jeunes), où le responsable précise : "les réunions d’équipes se font à un rythme variable selon que les jeunes sont ou non en équipes J.T.C., A.C.E.
Nous veillons à ne pas gêner les mouvements qui sont le lieu d’engagement privilégié".

De telles initiatives apparaissent aussi dans des diocèses où elles n’existaient pas : Tarbes, Saint-Claude.

Pourtant, même en tenant compte de ce qui se fait en mouvement, dans les aumôneries, en catéchèse, le bilan est clair : les 11-15 ans sont négligés (rien n’est signalé dans 60 diocèses environ).

B/ Faire plus. Pourquoi ?

Pour des raisons théologiques et psychologiques et à cause de ce que nous apprend l’expérience.

1) Des raisons théologiques et psychologiques. Nous reprenons ici les motifs de fond que Jean DUBREUCQ présentait à la rencontre des nouveaux membres de S.D.V. (en novembre dernier), idées qu’il a reprises et développées dans la revue "Vocation" de janvier 1977 :

Notre attitude par rapport aux enfants révèle nos convictions d’adultes.

  • Les arguments ne manquent pas à ceux qui récusent la possibilité d’un appel aux jeunes de 11-15 ans, surtout si l’on pense que la vocation est comme une maladie que l’on peut inoculer... C’est plus facile auprès des enfants !
    On y verrait presqu’un "détournement de mineurs"... ou bien on estime qu’à cet âge, il est impossible de se mobiliser en fonction d’un projet. Ou encore, on estime ne pas pouvoir proposer la vie sacerdotale ou religieuse alors que nous-mêmes, adultes, n’y voyons pas trop clair : question d’honnêteté.
  • Sans doute y a-t-il une part de vérité dans ces objections.
      • Mais si l’on y regarde de plus près :
      • 70 à 80 % des vocations se sont éveillées dès l’enfance ;
      • Une personne doit être reconnue dans ce qu’elle a de plus profond ; l’enfant lui-même doit se sentir pris au sérieux.
      • Il doit pouvoir exprimer son projet à partir de certains modèles, dire ce qui
        lui apparaît le meilleur.
      • Nous ne devons pas dire : je n’ai pas le droit d’ "embarquer" un jeune...
        mais : à quelles conditions puis-je proposer ?
      • Savons-nous les aider à exister davantage ? Par quel chemin, grâce à quel "prophète" vont-ils façonner peu à peu ce qu’ils sont ?
      • Nicodème (Jean 3) : "nul s’il ne naît d’en haut..." = recevoir la vie d’un Autre. Le jeune reçoit quelque chose qui n’est pas de lui. Il doit être "ensemencé".
      • Et puis... pensons-nous suffisamment au mystère de l’Eglise où les "petits" ont une place privilégiée ? Ils voient ce que nous ne voyons pas ; nous avons à recevoir nous aussi quelque chose des enfants.
  • Comment faire ? Comment inviter ? Faire exister des lieux où ils puissent s’exprimer, avoir du temps de silence et des temps de prière. Quand cela se réalise, ils disent des choses qui nous surprennent. Présence de Dieu évidente. "Que ces lieux existent, c’est au moins ça, la proposition."

2) L’expérience nous invite à insister pour que chaque SDV se soucie de cet âge pour un éveil "vocation". Nous sommes unanimes à penser que les métamorphoses de jeunes adultes sont l’exception. On recueille ce que l’on a semé. Peut-être l’expérience d’une certaine incroyance, le développement des communautés changeront-il demain les proportions. Aujourd’hui, les jeunes qui envisagent le ministère ordonné sont le plus souvent des "privilégiés" qui ont beaucoup reçu dans l’enfance et l’adolescence (famille, mouvement, responsabilités apostoliques, diaspora, foyer de jeunes, etc.)

C/ Faire plus. Comment ?

De façons diverses.
On ne peut avoir les mêmes solutions à Paris et dans un diocèse à dominante rurale. La pastorale des jeunes est fort différente d’un secteur à l’autre.
Les solutions seront donc différentes : équipes de diaspora, travail du SDV avec les éducateurs naturels (catéchèse, aumôneries), retraites dites de "vie chrétienne", préparation à la confirmation etc.
Mais si les modalités sont diverses, nous proposons trois priorités.

1. Apprendre à lire les appels de Dieu

"Je crois à un Dieu qui appelle à 10 ans, à 14 ans, à 18 ans... mais qui appelle pour aujourd’hui parce que demain ne sera fait que d’aujourd’hui qui se suivent. Il me semble donc important que la diaspora (Comme le reste) apprenne à lire les appels, mais ne conditionne pas. Il ne s’agit pas pour les jeunes de reproduire des modèles ; mais à partir de modèles qu’ils aiment et admirent, de chercher comment ils vont répondre aux appels de l’Esprit aujourd’hui pour demain.

Il me paraît donc important que les animateurs soient attentifs à toute la vie, à toute la croissance du jeune et ne privilégient pas un aspect ; par exemple la vie spirituelle. C’est tout l’être qui doit s’épanouir en même temps".

Cette orientation est essentielle. A la limite, peu importe le point de départ ; un film sur Mère Teresa par exemple ; dans tel groupe les deux dernières heures de la réunion sont consacrées à réfléchir et à prier en réponse à la question : "ce que nous avons vu ici, comment cela m’interpelle-t-il, comment est-ce que je peux le vivre ?"

2. Initiation à la vie en Eglise

C’est à la fois très difficile et capital.

  • contact avec des adultes qui réalisent des vocations différentes, échange avec eux ;
  • renvoi des jeunes aux mouvements, aux communautés proches d’eux ;
  • réflexion - bilan sur ce qui est vécu dans la cellule d’Eglise que constitue une équipe : diversité, réciprocité et découverte d’une vie qui dépasse l’apport de chacun.

3. Tendre vers une prise en charge par les secteurs

L’éveil des vocations est une tâche normale de toute communauté chrétienne.
Certains regroupements, à l’échelon diocésain par exemple, peuvent démobiliser les éducateurs sur le terrain, dans les différents secteurs (prêtres des paroisses, religieux (ses), enseignants, aumôneries, parents). L’avenir nous semble être dans la naissance d’équipes, de rencontres, de camps, au niveau des divers secteurs d’un diocèse.

D/ Concrètement

1) Un exemple de programme pour une rencontre de diaspora. Il s’agit d’une équipe de 3ème :

Rencontre une fois par mois du samedi 17h au dimanche 19h 30. 5 garçons et 4 filles (celles-ci depuis cette année).

Il y a toujours deux temps : l’un de partage, l’autre de célébration : on change à chaque fois et l’un peut être situé avant ou après l’autre.

a) le temps de partage : chacun apporte des faits de vie du mois, soit de sa vie en mouvements (A.C.E. - M.E.J, ou scoutisme), soit de sa vie scolaire ou familiale, puis on en choisit un que l’on creuse :

    • pour bien le voir, le saisir,
    • pour voir comment l’Evangile est en cause,
    • pour voir comment il peut éclairer nos projets de vie.

b) le temps de célébration ; c’est une prière partagée, une messe, une liturgie de la parole, un temps d’adoration, etc.

2) Pour la prise en charge par les secteurs, une expérience suggestive :

Mai 1976 : une équipe de religieuses d’un secteur de 50 000 habitants (une ville de 30 000 habitants plus les environs immédiats) fait, presque par hasard, le constat suivant :

  • Il y a des jeunes qui souhaitent des temps forts, récollections ou retraites.
  • Les désirs sont tout de même fragiles, sur 15 ou 20 demandes dans une même classe ou dans le même quartier, il en reste 3 ou 4 la veille de la réco ou de la retraite.
  • A cause du petit nombre, on décommande la rencontre. On sacrifie ainsi une minorité.

Apparaît alors le projet de réunir toutes ces "minorités" et de faire des propositions à l’échelle de l’agglomération tout entière.

Octobre 1976 : Un prêtre de l’agglomération prend contact avec toutes les instances pastorales intéressées de près ou de loin à la pastorale des jeunes et fait connaître le projet formulé en mai 1976 par les religieuses, en les présentant comme un moyen pour les communautés chrétiennes du secteur de prendre en compte les désirs exprimés par des jeunes.

Novembre 1976 : Une première rencontre a lieu. 40 gars et filles de 12-15 ans sont présents. Ils sont heureux au-delà de ce que nous aurions pu espérer.

Décembre 1976 : réunion des représentants de toutes les instances de la pastorale des jeunes sur le secteur (paroisse, catéchèse, enseignement catholique, aumôneries de lycée, mouvements d’A.C, etc.). Des tensions apparaissent, des explications sont nécessaires. Tous ne soutiennent pas l’expérience de la même manière, mais tous sont d’accord pour qu’elle continue. On note aussi que c’est la première fois qu’une rencontre "pastorale des jeunes" a lieu dans ce secteur. Des propositions identiques pour les 15-17 ans et pour les 17 ans et plus sont décidées.

Février 1977 : une deuxième rencontre des 11-15 ans a lieu. Ils sont 50. Une première rencontre des plus de 17 ans va se faire dans le mois...

CONCLUSION

C’est en pensant à la prise en charge par les secteurs que nous avons écrit dans le titre, faire "autrement". Telle ou telle équipe spécifique sera possible et utile par moments.
Mais notre rôle le plus large en S.D.V., c’est d’aider à la mise en place d’une pastorale des jeunes soucieuse des vocations. "Aider", cela veut dire montrer les enjeux et proposer des moyens.

Souvenons-nous que le bulletin ENSEMBLE est le principal moyen pour les 11-15 ans.

Bien d’autres questions se posent encore, à propos des filles par exemple. Nous y reviendrons.

La Commission Diaspora du C.N.V.