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Catéchèse et vocation
En novembre 1975, un week-end s’est tenu à Paris, suscité par le C.N.V., sur les questions posées à la catéchèse pour l’Eglise d’aujourd’hui.
A la suite de ce week-end, une catéchiste du diocèse d’Annecy a pu introduire une réflexion sur "catéchèse et vocation" dans la 3ème année du cycle de formation organisé par le diocèse...
Cela s’est réalisé le 16 décembre dernier. Cette journée fut animée par la catéchiste elle-même, Chantal DOUSSET, et le responsable du S.D.V., Claude FALQUET.
La réflexion portait donc sur les "Questions fondamentales posées à la catéchèse pour l’Eglise d’aujourd’hui"... questions regroupées en trois chapitres :1. De quel Dieu parlons-nous ?
2. Dans la catéchèse, quelle place donnons-nous aux vocations spécifiques.
3. Quelle Eglise "fabriquons-nous ? (mot barbare qui correspond cependant à une certaine mentalité...)
Chantal nous rend compte ici du fond de ces réflexions :
I - DE QUEL DIEU PARLONS-NOUS ?
On parle de Dieu. Pour les catéchistes de l’enfance, c’est une évidence.
On pourrait sans doute dire que c’est aussi évident qu’on en parle peu, et même dans certains cas, pas du tout, à l’adolescence.
Lorsque nous parlons de Dieu, de quel Dieu parlons-nous ? Que disons-nous de lui ? En fonction des vocations on présente facilement un Dieu qui appelle, un Dieu qui veut bien avoir besoin de nos services ; présentons-nous assez un Dieu qui nous aime et qui attend une réponse d’amour ? Bien sûr, on le dit ! Mais n’est-ce pas une phrase un peu vide ? Est-ce que notre manière de parler et de vivre dit assez notre confiance en Dieu ?
Pourquoi une vocation spécifique fait-elle peur ? Pourquoi apparaît-elle surtout à travers ses exigences ? Disons-nous assez que Dieu est quelqu’un qu’il fait bon suivre, qu’il est quelqu’un qui vaut la peine qu’on lui donne sa vie, qu’on fasse quelque chose pour lui, qu’on aime assez, au point qu’on est heureux qu’il nous coûte cher ? ...
Nous avons à parler par la Parole, mais aussi par nos attitudes, par notre manière de vivre. J’ai trouvé, je ne sais plus où, cette phrase :
"Dieu est-il encore dans l’horizon de nos projets ?" Quelques exemples :
la responsable d’une classe d’une école catholique demande la collaboration des parents ; pour accompagner les élèves au ski ou à la piscine, il y a toujours plus d’adultes qu’il en faut ; pour le catéchisme, il en manque toujours ! En ce qui concerne la morale, argent, sexualité... je ne crois pas qu’entre chrétiens nous arrivons à porter ensemble le témoignage que Dieu est quelqu’un avec qui et pour qui on doit et on peut vivre autrement que "tout le monde". Je crois aussi qu’on ne se pose pas assez la question du service qu’on a à assurer dans l’Eglise ; on fait ça "en plus", et c’est la première chose qu’on abandonne quand on a trop à faire. Les engagements temporels nous paraissent plus valables, combien de fois je me suis entendu dire "Tu ne sers à rien !" Je ne pense pas être un phénomène, c’est possible de laisser quelque chose pour le service de l’Eglise, de laisser de l’argent, un peu de considération... un métier, c’est ce que j’ai fait, pourquoi d’autres ne le pourraient-ils pas ?
Quand on parle de Dieu au catéchisme, je crains qu’on en reste trop au niveau de l’homme. Je m’explique par un exemple : quand on parle de "réussir" quelque chose (cours moyen 2, 4ème semaine), on parle des jeux, du travail de classe... ne peut-on parler aussi de notre réussite des relations avec Dieu ? ... le connaître, le prier, la réussite de notre vie spirituelle ne ferait-elle pas partie de nos réussites d’hommes ? On peut prendre ainsi de très nombreux exemples dans toutes les années du catéchisme.
Ne pas parler de Dieu aux adolescents, c’est mettre entre parenthèses pour ce temps de leur vie tout service ou plutôt un certain service de leur vocation. Ils ne savent pas ce qu’ils feront plus tard, c’est vrai ; ils ne peuvent décider aujourd’hui pour plus tard, c’est vrai. Mais ils ont à dire oui à leur aujourd’hui et dans cet aujourd’hui Dieu est fidèle, Dieu les invite à une relation personnelle avec Lui, sommes-nous serviteurs de cette relation ? Nous n’avons pas encore su inventer les structures, le langage, les documents, les instruments pédagogiques qui nous permettraient de "parler de Dieu" de façon valable. Pourquoi ? Peut-être ne croyons-nous pas assez, ni en Dieu, ni en ce monde de l’adolescence, on le qualifie d’âge ingrat, d’âge de la jachère, de l’apéritif... autant d’expression qui montrent que ce qui est sérieux est ailleurs.
Personnellement, j’investis beaucoup en temps, en recherche, pour que les jeunes, du 1er cycle scolaire aient leur place dans l’Eglise (par exemple, animation d’une célébration du Vendredi-Saint pour tous les enfants, réalisée par des cinquièmes), pour montrer par des réalisations que c’est encore possible, avec eux de parler de Jésus-Christ (retraite avec des 5èmes, des 3èmes...), pour donner aux adultes des moyens d’en parler (formation des personnes, production de documents, recherche au plan diocésain, régional et même occasionnellement au plan national). Ce n’est pas au seul week-end à Paris avec le service des vocations que je dois d’avoir compris la nécessité de ces engagements, mais je crois que ma participation à ce week-end m’a quand même bousculée dans ce sens.
II - QUELLE PLACE DONNONS-NOUS AUX VOCATIONS SPECIFIQUES DANS LA CATECHESE ?
Parmi les catéchistes, il semble qu’il y ait actuellement deux attitudes opposées envers les prêtres : ou bien ils sont encore ceux qui savent et dont on ne peut pas se passer, ou bien ils sont ceux dont on peut se passer, ceux que l’on remplace, dont on ne voit plus le rôle parmi nous.
J’avais été frappée de retrouver au week-end à Paris, l’affirmation de certains jeunes par rapport à l’Eglise ou aux ministères ordonnés :
"les vocations spécifiques, ça ne sert à rien ; pourquoi faut-il un prêtre pour célébrer l’Eucharistie, pourquoi l’animatrice du groupe avec laquelle on a bien échangé ne peut-elle pas nous donner le signe sacramentel du pardon ? ..."
Les adultes ne les situent guère mieux et on ne sait pas toujours bien à quoi correspond chez eux le besoin du prêtre (ci plus loin les questions posées par les catéchistes à notre journée d 16 décembre). On demande souvent au prêtre autre chose que sa véritable mission : "Dans notre équipe, il n’y avait pas de meneur : on n’avait pas de prêtre", "le prêtre, il sait plus", etc.
Au week-end à Paris, nous avions dit : "il s’agit beaucoup plus de vivre, de faire que de "parler sur".
A la suite de ce week-end, je me suis dit qu’il fallait retrouver le sens du sacerdoce, dans notre "travail de base", dans notre vie ; j’essaie de proposer aux jeunes de vivre une expérience où le sacerdoce a sa place, sa vraie place... on tâtonne.., voici deux exemples précis.
A la retraite de profession de foi, nous avons une matinée sur le "non à la vie" et célébration du pardon. A partir d’une recherche dans l’Evangile, nous avons essayé de comprendre ce que ça fait dans la vie de quelqu’un quand Jésus pardonna ; puis nous avons essayé de comprendre quand il nous arrivait dans nos vies d’accueillir le pardon de Dieu. Tout cela a été réalisé par îes jeunes eux-mêmes, aidés par quelques adultes au nombre desquels il y avait un prêtre. Une animatrice laïque a aidé à la mise en commun de cette recherche. Puis, en même temps que l’on a introduit un certain, nombre de signes : fleurs, bougies, Bible... le prêtre a revêtu une aube, expliquant qu’il ne parlait plus en son nom propre et il a proclamé le pardon de Dieu. Ce n’était plus notre parole communautaire, mais la Parole d’un Autre. C’était la proclamation de quelque chose qui nous était donné par quelqu’un qui affirmait et signifiait la mission qu’il en avait reçue.
Sur le secteur, depuis septembre dernier, c’est une équipe de laïques qui assurent les rencontres de formation chrétienne des jeunes de 6ème ; j’ai demandé au prêtre qui s’en occupait jusqu’ici de ne pas prendre de groupe ; cela lui permet de découvrir avec nous, par l’action, le rôle du prêtre en catéchèse (ou un aspect de ce rôle...). Pour le début de l’année, le travail des jeunes était le suivant : "En route pour la sixième avec Jésus-Christ ; on dit qui on est, on fait connaissance, on dit ce qu’on veut faire en 6ème. On voit que Jésus-Christ appelle des personnes à se mettre en route ; on voit comment il s’est lui-même mis en route ; on cherche comment on a à être en route". Nous avons demandé au prêtre de passer dans tous les groupes au cours de ce thème : pour authentifier le travail du groupe des jeunes et de l’adulte qui les accompagne comme étant bien un travail d’Eglise, comme étant en lien et en accord avec la foi, la vie, la recherche de l’Eglise aujourd’hui (ceci à travers des exemples, concrets, précis) ; pour créer des liens avec d’autres groupes de l’Eglise, locale ou non, en les faisant connaître ; pour présenter à travers son témoignage, le prêtre appelé par Jésus-Christ pour être chrétien parmi les chrétiens et pour remplir sa mission : signifier, en particulier par l’Eucharistie, la volonté de présence de salut de Jésus-Christ aux hommes.
Cela s’est fait plus ou moins bien suivant les groupes, les animatrices. Nous demandons au prêtre d’être présent à toutes les réunions de formation des catéchistes ; c’est moi qui anime ces réunions ; nous demandons au prêtre de signifier par sa présence que ce que nous poursuivons est bien l’oeuvre de l’Eglise et pas une tâche de gens qui se mettent à part ; de signifier l’importance que l’Eglise attache à ces jeunes de 6ème, de nous dire si ce que nous faisons est cohérent avec ce qui se fait d’autre sur le secteur.
Ce prêtre qui travaille avec nous dit qu’il découvre une nouvelle manière de vivre l’aspect catéchétique de son ministère.
Les vocations spécifiques doivent encore être présentes dans la catéchèse par la place que nous leur donnons dans le dialogue avec les jeunes. J’avais été frappée au week-end à Paris par ce qu’avaient rapporté certains prêtres : des jeunes leur avaient dit n’avoir trouvé aucun groupe pour accueillir leur projet de vocation. Un de ces jeunes d’un groupe de 6ème auxquels on avait demandé ce qu’ils voulaient faire plus tard, murmure : "Si je mets ce que je pense, ils vont tous se moquer de moi". Il a quand même dit qu’il voulait être prêtre, tous les autres, en effet, se sont esclaffés !
J’ai souvent été témoin de tels faits. Il faut que nos groupes -e n particulier les groupes de CM 2, 5ème, 3ème, où on parle beaucoup d’orientation, d’avenir, de choix - soient des groupes où l’on puisse parler des vocations spécifiques dans l’Eglise. Il me semble que pour y arriver, il faut que ces groupes soient très fraternels, que Dieu y ait sa place ; que nous ayons assez de patience pour prendre les choses de très loin ; que nous ayons assez d’imagination pour trouver des moyens d’échange intéressants. Sans doute, quand on arrive à un certain stade de la recherche, on peut travailler en lien avec le service des vocations...
III - QUELLE EGLISE "FABRIQUONS"-NOUS ?
Le catéchisme est quelque chose de très important pour la vie de l’Eglise aujourd’hui : c’est un des lieux où il se passe quelque chose (nombre des personnes concernées, mise en route d’un laïcat responsable, nouvelles méthodes pédagogiques...)
On a accusé le catéchisme de "reproduire le système" ; ça peut être vrai que l’on retrouve l’Eglise pyramidale dans des groupes de catéchisme ; des expressions trahissent cette mentalité : "mes" enfants du catéchisme...
quand je donne "mon cours"... "il faut bien leur faire passer quelque chose".
Un des aspects importants pour la vie de l’Eglise en ce qui concerne le catéchisme, c’est l’occasion qui y est donnée aux enfants et aux jeunes, de faire une expérience de vie en Eglise. Là, ils vivent dans des groupes où on croit en Jésus-Christ, où l’on témoigne da sa foi, où on célèbre Jésus-Christ.
A propos du témoignage, il ne s’agit pas seulement d’écouter des adultes ou des aînés qui viennent témoigner de leur foi ; il ne s’agit pas seulement du témoignage des enfants les uns envers les autres ; il s’agit aussi de la vie du groupe qui témoigne de celui auquel on croit ; ensemble on chemine vers une vie toujours plus évangélique. Cela n’est pas facile, c’est souvent à contre-courant de ce que vivent les enfants ailleurs (à l’école, on est jugé sur sa seule valeur intellectuelle ; la publicité offre une vie facile, etc.)
Si un groupe de chrétiens vit enfermé sur lui-même, il devient "une secte" (à part). Cela pose des questions pour les groupes de catéchisme : quels autres groupes de chrétiens les enfants ou les jeunes rencontrent-ils en dehors de leurs groupes de catéchisme ? Quels liens y a-t-il entre les groupes de jeunes et d’adultes dans une paroisse ? La communauté paroissiale est-elle un groupe où les enfants peuvent avoir une part active, au même titre que les adultes ?
Autre question : permettons-nous à l’Eglise d’exister aujourd’hui dans ce monde des jeunes scolaires ?
Dans le cadre des groupes de catéchisme, il me semble qu’il y a une action possible à deux niveaux :
- au niveau des méthodes pédagogiques, on fait exister l’Eglise lorsqu’on choisit des méthodes qui permettant aux jeunes d’être responsables, d’inventer, de créer, du découvrir, de communiquer...
- au niveau de la Parole, on fait exister l’Eglise quand on permet aux enfants ou aux jeunes de s’approprier la Parole et de faire jaillir leur Credo d’aujourd’hui.
Reste la question des sacrements : quand des adolescents disent :
"pourquoi l’animatrice ne peut-elle pas nous donner le signe du pardon ?", il me semble que c’est le sens de l’Eglise qui n’est pas compris. C’est la même chose pour beaucoup d’adultes. Quand on fait des petites enquêtes pour savoir pourquoi les gens vont à la Messe ou pratiquent encore le sacrement de Pénitence, la plupart des raisons données sont formulées à partir de nous-mêmes et très rarement à partir de Dieu : "on en a besoin", "pour prier", "pour rencontrer d’autres chrétiens" "pour partager le corps du Christ" (!) "Pour écouter la Parole de Dieu"... On trouve rarement des raisons centrées sur Dieu "Parce que Dieu m’aime", "parce que Dieu a quelque chose à dire" et encore moins l’aspect de la convocation de l’Eglise. Il y a une seule chose à laquelle je tiens, c’est la proposition, l’invitation ; nous proposons des rencontres, des rassemblements, des retraites. Nous n’attendons pas que les enfants proposent (c’est à l’intérieur de ces activités que nous essayons de laisser initiatives et responsabilités).
Chantal DOUSSET
catéchiste permanente du diocèse d’Annecy
en lien avec le S.D.V.