Accompagnement par un foyer


Un foyer chrétien a été amené à aider une fille qui leur avait exprimé son désir de vie consacrée. (Dans ce foyer, un fils de 13 ans participe aux rencontres de Jeunes organisées par le service des vocations du diocèse).

Au sujet de cet accompagnement, nous sommes allés les interviewer.

o Comment avez-vous connu M ?

Par le scoutisme. Depuis 1971, M. était assistante de Jeannettes et, à cette époque, je faisais aussi du scoutisme (il s’agit de Madame).
M. jouait de la guitare et notre fils voulait apprendre à jouer.

C’est alors qu’elle est venue chez nous. Elle y venait régulièrement et s’y trouvait bien. Elle vint même de plus en plus souvent... non seulement pour la guitare, mais pour échanger, discuter.

Un jour, elle nous confie qu’elle veut entrer dans une communauté contemplative. Cela nous a provoqués.

Nous avons beaucoup réfléchi ensemble, mon mari et moi. La connaissant bien, il nous semblait que sa démarche était une fuite de la vie, du travail, du monde d’aujourd’hui. Je pense que nous nous serions posés moins de questions si M. s’était orientée vers un autre type de vie consacrée.

Sa réaction, lorsque nous lui avons dit notre étonnement, nous a fait problème : elle ne se posait aucune question ; elle ne cherchait pas à mieux voir si vraiment c’était là que le Seigneur l’appelait, si vraiment elle avait les aptitudes à une telle vie...

o Connaissez-vous cette communauté monastique ?

Un peu. L’une de nos cousines était entrée chez elles après avoir abandonné sa fortune.

Avec Pierre, nous nous sommes documentés pour mieux les connaître.
Nous avons lu la vie des fondateurs, des brochures sur la vie des moniales...
Et plus nous nous documentions, plus il nous semblait que M. devait chercher si vraiment c’était là que le Seigneur l’appelait.

o Pourquoi pensiez-vous cela ?

La vie difficile des moniales..., alors que sa santé était précaire. La vie laborieuse des soeurs..., alors qu’elle-même séchait ses cours quand ça ne lui plaisait pas, qu’elle montrait peu d’ardeur au travail et qu’elle s’occupait beaucoup plus d’elle-même que des autres...

Tout cela nous inquiétait et nous ne savions pas comment l’aider à se poser des questions, à réfléchir au mode de vie qu’elle voulait embrasser et qui nous paraissait très sérieux.

o Avez-vous cherché à voir si d’autres pensaient comme vous ?

Oui. Et tous ceux qui la connaissaient et qui réfléchissaient se posaient les mêmes questions.

Vous savez ! ... Nous en avons passé du temps avec elle, à l’écouter, à essayer de lui dire ce que nous pensions...

o Voyait-elle d’autres personnes que vous à ce sujet ?

Non. Elle n’était pas aidée, ni par un prêtre, ni par quelque autre adulte ; elle ne cherchait pas tellement dans ce sens. Elle voyait les soeurs de cette communauté chez qui elle allait très régulièrement et qui, à notre avis, la poussaient à entrer trop vite chez elles.

o Comment avez-vous fait pour l’éclairer, l’aider dans son cheminement ?

A certains moments, c’était elle qui parlait ; alors nous écoutions, sans trop réagir. Puis nous avons trouvé bizarre que M. monte régulièrement au monastère sans que personne, là-bas, ne lui pose de questions ; on ne cherchait pas à connaître sa vie d’aujourd’hui, les relations qu’elle avait avec les autres, ni les motivations profondes de sa demande d’admission. Cela nous paraissait "drôle".

Nous nous sommes alors concertée, mon mari et moi, et nous avons cherché à contacter le prêtre qui s’occupe de notre fils lors des rencontres avec le S.D.V. Il nous a mis en relation avec la religieuse qui venait d’être nommée au service des vocations.

C’était une aventure pour nous, père et mère d’un garçon, qu’une fille (que nous considérions comme notre fille) nous dise : j’entre chez les soeurs de ... Nous risquions, nous, de faire fausse route, de ne pas savoir l’aider.

Nous en étions là de notre réflexion lorsque nous avons pu en parler à la religieuse. Sans elle, nous aurions peut-être abandonné la partie.

o Quel a été le rôle de cette religieuse ?

Elle ne, connaissait pas cette fille, mais elle était au fait des problèmes et des cheminements des filles en recherche de vie consacrée.
Par tout ce qu’elle nous disait lors de nos différentes rencontres avec elle, nous étions aidés pour avancer avec M.

Grâce à cela, nous avons posé à M. des questions très précises sur ses motivations, sur les exigences de la vie des moniales, qu’elle percevait ou qu’elle ne percevait pas ; sur le discernement qu’elle pouvait faire elle-même de sa vocation ; elle l’a fait oralement, puis par écrit.

Mais nous pensons qu’elle n’était certainement pas assez mûre pour y répondre à ce moment là.

o Comment avez-vous vécu tout cela dans votre foyer ?

Cela a été dur, car nous en avions un souci constant ; si bien qu’il a fallu lui dire, à un moment donné, de ne plus en parier à la maison lorsqu’elle venait : notre fils devenait nerveux...

Il fallait beaucoup de patience ! Nous avons beaucoup prié pour elle tous les deux, et même tous les trois, pour que nous ayons tous la lumière du Seigneur.

A ce moment là, j’étais en train de faire une retraite dans la vie courante, une retraite qui a duré six mois ; cela m’a aidé à mieux l’écouter, respecter sa démarche ; sinon, je crois que personnellement, je l’aurais "envoyée sur les roses".

En tous cas, le départ de M. nous a fait beaucoup réfléchir sur la prière, sa place dans notre monde d’aujourd’hui et sur le rôle de ces femmes, ces contemplatives, toutes données à Dieu par la prière.

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M. est donc entrée..
Qui sait si la présence aimante et interpellante de ce foyer ne l’a pas aidée, ni ne l’aide actuellement. Les vraies questions pour un meilleur discernement lui ont été posées par ce couple !

Cela pose aussi une question aux moniales : peut-on admettre une fille en communauté sans s’inquiéter de ce qui se passe dans sa vie de jeune d’aujourd’hui, sans l’aider à fonder sa vocation, à lui donner des motivations plus profondes, à discerner l’appel du Seigneur en tenant compte de tous les secteurs de sa vie.

Dieu sait si le "venez et voyez" est important. Mais cela ne suffit pas.

Pour beaucoup de monastères, ce rappel est superflu ; mais n’avons-nous pas toujours à progresser dans le sens d’un meilleur discernement ?

Le témoignage proposé ici n’est pas exemplaire (notamment on n’y fait pas allusion aux parents de M.), mais il est propre à développer notre sens de l’Eglise en nous rappelant combien nous sommes responsables les uns des autres pour notre réponse aux appels de Dieu.