Ministères à l’hôpital


Un ami vicaire général me disait (sérieusement !) : "l’Aumônerie des Hôpitaux n’aura pas tout de suite à s’inquiéter de la raréfaction des prêtres : nous sommes encore un bon nombre qui avons le temps de vieillir". Et un jeune adulte en préparation au sacerdoce me confiait, le mois dernier, que son "projet sacerdotal" était de devenir, une fois prêtre, aumônier d’hôpital (selon l’image traditionnelle.

Ainsi, au milieu d’un monde dont on reconnaît l’évolution, l’image de l’aumônier d’hôpital reste "pétrifiée", par ceux qui s’en réclament comme par ceux qui la rejettent.

Il était grand temps que la Commission Sociale de l’Episcopat demande à l’aumônerie Nationale des Hôpitaux d’organiser dans tous les diocèses une enquête qui se conclura en septembre 77 par une rencontre nationale de délégués diocésains dégageant un certain "consensus pastoral à objectifs concrets".

D’OU PARTIONS-NOUS

En 1975, l’ANH proposait à tous les aumôniers un "projet pastoral" provisoire en forme de triptyque :

o communier au monde de la santé : élargir la visée de l’aumônier au-delà du service individuel et cultuel des seuls malades (situé dans un "monde" donné, il doit en vivre les enjeux).

o communier à l’effort d’ensemble de l’Eglise : se soucier du reste de la pastorale ; prendre en compte la vie totale des malades et du personnel au-delà de leur tranche hospitalière ; éviter d’insulariser sa pastorale ; intéresser la communauté ecclésiale à ce monde hospitalier.

o rechercher des formes de partage : c’était Lourdes 75. Dans le monde hospitalier aussi il faut réaliser une Eglise où tous soient effectivement responsables. D’autant plus urgent que la communauté hospitalière est éclatée et kaléidoscopique.

SITUATION EN 1976
Faire évoluer les mentalités ne suffit plus. Il convient de faire évoluer les choses. En tenant compte de deux séries de facteurs.

a) l’évolution de l’hospitalisation : l’évolution des techniques, le raccourcissement des séjours, l’intensification des observations et des soins dans ces courts délais... rendent aléatoires et précaires le dialogue pastoral et les cheminements.
Au même moment, l’incroyance ambiante réclame une pastorale des étapes et la sacramentalisation immédiate ne va plus de soi. C’est un appel à mieux étudier les investissements en prêtres et leurs modalités d’insertion, à mieux dégager les ressources et les médiations offertes par le "peuple de Dieu".

b) les carences de la communauté chrétienne devant la "santé". Comme la société contemporaine, la communauté chrétienne évacue le problème maladie. Et comme on hospitalise de plus en plus et que la mort se passe le plus souvent à l’hôpital, la communauté chrétienne insuffisamment préparée rejette sur l’aumônier, spécialiste de service, les responsabilités qu’elle n’a prises ni au plan de la catéchèse, ni dans la généralisation des célébrations de l’Onction, pour une préparation liturgique à l’onction des malades. Et la demande qu’on formule à l’aumônier ("rendez-le nous muni des sacrements’’) continue de l’enfermer dans cette image de marque cultuelle qu’on ne se privera pas, par ailleurs, de lui reprocher. A un niveau plus structurel, lorsqu’un poste d’aumônier est vacant, on se borne trop souvent à "boucher le trou" le mieux possible. Ainsi pourvoit-on sans doute un poste mais cela ne résout rien au plan pastoral.

DEMANDE DE LA COMMISSION SOClALE DE L’EPISCOPAT rendue sensible à ce problème, la C.S.E. nous a écrit :

"A partir de la situation actuelle de l’Aumônerie (personnel vieilli, évolution rapide des CHU, CHR, CH.) la CES a pris conscience plus vivement de la nécessité d’une évolution que la conjoncture impose de façon plus impérieuse.

Elle suggère que soit fait un inventaire des expériences en cours pour créer une aumônerie dans laquelle des laïcs ou religieuses soient associés au travail de l’aumônier, en ayant conscience de la nécessité de sauvegarder un colloque singulier dans la foi avec les malades".

L’ENQUETE, UNE AFFAIRE D’AUMONERIE... OU UNE AFFAIFRE D’ÉGLISE ?

Des termes de cette lettre, il ne faut pas conclure qu’on vise seulement une survie des aumôniers ou un replâtrage de l’aumônerie avec des religieuses ou des laïcs. On a pu comprendre - à ce qui précède - que les enjeux sont plus profonds : l’évolution de l’hospitalisation, l’ambiance d’incroyance, l’insuffisance d’attention au monde de la santé dans l’Eglise comme dans la société, appellent plus qu’un replâtrage d’aumônerie : une réévaluation des devoirs de la communauté ecclésiale. Non seulement envers ses malades hospitalisés, mais dans sa pratique courante.

D’autre part, dans l’hôpital, l’aumônier n’est qu’une partie de la "présence chrétienne". Et il ne va pas de soi qu’il soit de droit le responsable d’une sorte de "groupe catho" dans la maison. L’évolution du rôle de l’aumônier et de l’aumônerie reste liée à l’évolution d’une ’’pastorale de santé" au sein d’une pastorale générale

PEDAGOGIE DE L’ETIQUETE

On le voit, posé à partir d’une situation particulière (le ministère en monde hospitalier) le problème débouche sur toute la communauté ecclésiale. On le voit encore, si la recherche est limitée au départ à un besoin précis (dialogue de la foi pour le malade hospitalisé) et confiée à un organisme précis (l"Aumônerie nationale) elle concerne dans l’Eglise une quantité de gens, de fonctions, d’états de vie, d’organismes, de mouvements, de communautés. Et l’Aumônerie n’a pas vocation de définir la globalité d’une pastorale de santé. Trop souvent déjà, quand on dit "pastorale de santé", les gens pensent seulement ’’aumôniers d’hôpitaux".

Dans chaque diocèse, l’enquête veut être d’abord une recherche et un éveil des aumôniers (pour commencer), mis en route avec l’évêque, un vicaire général, le délégué à la pastorale de santé (pour marquer immédiatement que les enjeux dépassent l’aumônerie) et qui devrait s’élargir à d’autres partenaires laïcs, religieuses ou prêtres. Les lecteurs de ces feuillets n’auraient-ils pas un rôle dans ce travail ?
Elargissement au champ de leur réflexion, en même temps qu’une occasion de faire part de cette réflexion pour contribuer à l’approfondissement de la recherche.
On leur fournira volontiers, au niveau diocésain ou national, les instruments àe travail élaborés à cet effet.

A. BREARD
Secrétaire Général de l’ANH 106, rue du Bac - 75341 Paris 7e