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Les 18-25 ans (garçons) - 1) Eveil et recherche : expériences vécues : témoignage d’un service diocésain des vocations


Le diocèse de Châlons-sur-Marne compte environ 250.000 habitants. La ville de Châlons est assez centrale et tous les services diocésains s’y trouvent.

Le Petit Séminaire s’est transformé en Foyer en octobre 1968 et la Diaspora a commencé en octobre 1967 sous la responsabilité des animateurs du Foyer. Elle a regroupé en 74-75 environ 140 gars de 6ème à l’Université. Le responsable du S.D.V. est en même temps responsable de la Diaspora et du Foyer ; cela facilite bien les choses.

Notre projet en Diaspora et au Foyer :

Depuis 1967-68, il est rare, chez nous, d’entendre des jeunes dire : "je veux être prêtre". La Champagne n’a jamais été une terre de chrétienté. Et si nous avions gardé cet unique critère, il y a bien longtemps que le S.D.V. serait au chômage. Nous avons donc été amenés à considérer les choses sur une base plus large.

Le Foyer, la Diaspora sont ouverts aux jeunes qui acceptent de se poser quelques questions :

- Qu’est-ce que je vis avec les autres ? Quelle va être ma place dans le monde, dans l’Eglise ?

- Avec d’autres, comment vais-je vivre ma vie de chrétien ? A quoi le Seigneur m’appelle-t-il ?

Dans la tête des animateurs, grâce au climat de confiance et de partage, nous voulons permettre à. chacun de dire son projet avec la certitude d’être pris au sérieux. Nous voulons aussi pouvoir l’interpeller au nom de l’Evangile et donc en vue d’un ministère d’Eglise.

Les rencontres du Foyer et de la Diaspora sont toujours communes.

Ajoutons un élément important : la Diaspora et le Foyer sont acceptés et même favorisés par les mouvements d’Action Catholique et les Aumôneries scolaires publiques et catholiques. Ce sont presque les seuls prêtres qui invitent des jeunes.

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I - NAISSANCE FT PROJET DE "LA DIASPORA UNIVERSITAIRE"

Dans ce contexte, des gars sont venus dès 1967. Certains ont fait des apparitions, d’autres ont été d’une régularité remarquable. Les années passent, nous arrivons à l’année scolaire 73-74 avec toute une équipe qui souhaite poursuivre les rencontres et la recherche. C’est la première "cuvée" universitaire. Au niveau du S.D.V., aucun problème, bien au contraire ! Le projet reste le même, mais il est évident, qu’avec des gars de 20-22 ans, les choses commencent à devenir "sérieuses", les projets de vie se précisent, les questions et les interpellations sont plus fortes. L’invitation au ministère presbytéral ne pourra pas ne pas venir.

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II - DEROULEMENT ET CONTENU DES RENCONTRES

1) 16-17 février 1974

Les premiers mois d’adaptation à la vie universitaire étant passés, nous nous retrouvons neuf dans le groupe : 2 se sont excusés, 3 sortent du Foyer, 4 de la Diaspora. Deux recommencent leur Terminale.

Au niveau de leur origine : 6 ont des parents agriculteurs, 1 vignerons. Ces jeunes ont fait du MRJC ; 2 sont fils d’employés et ont eu des activités paroissiales.

Au niveau de leur projet d’avenir, 1 est en GFU, 2 s’interrogent sur un éventuel service d’Eglise.

Les questions abordées ce jour là :

a) Pourquoi sommes-nous là ?

- besoin de se retrouver ;

- un peu de temps de silence ; pourquoi vit-on ? Quelle est notre évolution .

- je me pose toujours les mêmes questions pour mon avenir (prêtre ou pas, quel service ?)

- un peu de temps de réflexion, faire le point, prendre du recul.

- je me pose des questions sur mon engagement proprement dit : on crée des injustices.

b)Qu’est-ce qui nous anime ?

- on est pris dans un certain système ; on a un certain nombre d’activités mais peu de remises en question. Quel peut être le but de notre vie, de nos motivations ?

- pour que les gens soient plus heureux, il faudrait un peu plus d’amour. J’essaie de vivre cela .en ce moment. Je me sens à l’aise dans ma vie de chrétien mais j’ai plus un engagement personnel que collectif. Alors quoi faire ?

- qu’est-ce que je désire être et pourquoi ? En quoi cela rejoint le projet de Jésus-Christ ?

- Je voudrais bien trouver ce que Dieu attend de moi.

- Je n’ai pas l’impression d’agir à l’image du Christ.

- Il ne suffit pas de voir si on travaille dans le projet de Jésus-Christ, il faut y répondre chaque jour, mais comment ?

2) 31 Octobre-2 Novembre 74

7 gars dont 2 GFU et 3 nouveaux. 3 excusés et 2 "apparitions".

Rencontre davantage perturbée par des arrivées échelonnées, des passages dus à la diversité des situations universitaires.

a) Ce qui s’est passé depuis février :
Pour plusieurs :

- adaptation difficile à la vie universitaire,

- tiraillement entre le travail scolaire et le désir de participer à des activités, de s’engager,

- foi plus difficile à vivre, absence de communautés.

Des questions : chrétien ou pas, on prend toujours des engagements : alors pourquoi et dans quel sens ?

- Dieu est-il là où l’on vit ou là où on voudrait qu’il soit ?

- Qu’est-ce que je vais faire l’an prochain ? Engagement plus complet dans un service d’Eglise ?

b) La décision est prise d’approfondir : comment, pourquoi essaie-t-on de s’engager ? (Le débat a dû être passionnant car je n’ai pris aucune note),

Après ce temps de partage, la réflexion personnelle et la prière., nous sommes d’accord pour donner à la prochaine rencontre un autre style : qu’elle ne soit pas simplement un partage d’expériences, un ressourcement, mais qu’elle permette sérieusement l’étude d’une question : "les services dans l’Eglise : quelle place sommes-nous appelés à tenir ?

3) 4-5 Mars 1975

10 gars dont 2 nouveaux (anciens du Foyer) ; 2 sont en GFU et 1 en projet de 1er cycle de G.S.

Comme les deux fois précédentes, nous ne pouvons pas échapper au traditionnel tour de table qui permet à chacun de dire où il en est dans sa vie, sa foi, ses projets. La matière est trop riche pour pouvoir être rapportée intégralement. A la fin du partage, chacun a été invité à dégager la question qui lui paraissait essentielle à ce moment là :

- Comment faire pour apporter la foi aux autres ? Faut-il d’abord en faire des hommes ?

- Peut-on en faire quelque chose tout seul ? Et quoi ?

- Comment vivre sa foi et apporter un message dans un monde incroyant (médecins )

- Comment transformer les communautés chrétiennes ? Notre place dans l’Eglise future ?

- Pourquoi a-t-on du mal à s’engager ?

- Nous et le système dans lequel on vit : faut-il se mettre en marge ou accepter la réalité pour le transformer ?

- Comment vivre sa foi à l’intérieur de l’Eglise ? Comment la célébrer, ? Comment se sent-on en lien avec d’autres communautés de prière, de vie ?

- Quelle va être ma place dans l’Eglise ? Qu’est-ce que la Seigneur attend de moi ? Il restait également le sujet que nous étions décidés à approfondir :

"Eglise : communauté d’aujourd’hui, de demain...
Quel service y prendre ?"

Une fois de plus, le temps manquerait pour aller très loin ! Comme le Père BARDONNE, notre évêque, devait venir passer la journée du lendemain, nous nous sommes mis d’accord pour réfléchir, le soir, sur le problème de l’engagement. Quelles sont nos raisons de ne pas nous engager ou au contraire de prendre des engagements ? Les réponses ont été assez classiques : travail, solitude, manque d’expérience, peur d’être pris en entier ou besoins autour de nous, épanouissement, provocation de la foi, volonté de service...

La journée du 25 se voulait donc une réflexion sur leur vie d’Eglise et les ministères possibles. La présence du Père BARDONNE a permis un dialogue très direct sur ce qu’ils vivaient en Eglise aujourd’hui. La majorité étant des ruraux, deux sujets ont été surtout abordés :

1 l’insignifiance apparente de la plupart des communautés chrétiennes rurales
2) le problème de la foi chez les autres jeunes : décrochage massif, refus de la pratique pour ceux qui disent croire encore, la coupure avec les adultes ...

Une intervention résume assez bien l’ensemble : "nous ne sommes plus que quelques jeunes à pratiquer, la foi nous pose des questions et nous trouvons en face de nous des murs (les adultes et même en certains cas les prêtres) : alors, quoi faire ?

La réflexion "pour l’Eglise de demain" a été malheureusement assez courte par manque de temps. Il n’était plus question d’envisager une recherche systématique sur ce qu’est un ministère, un service dans l’Eglise. En positif, par contre, les interpellations concrètes et personnelles pour aujourd’hui n’avaient pas manqué, tant pour ceux qui envisagent un service permanent (prêtre) que pour ceux qui songent à prendre des responsabilités plus précises dans le temps (permanence dans un mouvement).

A la question posée par le Père BARDONNE : comment voyez-vous le prêtre dans l’Eglise de demain, les réponses n’ont rien de particulier (la fatigue était là aussi !)

- Servir à rassembler les chrétiens au maximum,

- les aider à réfléchir, à partager leur foi,

- signifier l’Evangile.

Voilà le déroulement de trois temps forts pour ces jeunes en Université. Il faut aussi ajouter qu’une bonne partie d’entre eux reste en contact assez régulier avec le responsable du S.D.V.

III - ESSAI D’EVALUATION

1) Points d’attention dans la vie du groupe :

a) Importance de la vie :
Regard sur ce que vivent les jeunes et sur ce qu’ils voient vivre autour d’eux. Y discernent-ils des appels ? Quels liens font-ils avec la foi ? En quoi rejoignent-ils le projet de Jésus-Christ ?

b) Importance d’une certaine consistance du projet passé-présent-futur :
Lire une certaine continuité dans leur histoire à travers les choix qu’ils font ou les questions qu’ils posent, non pas pour se dire : c’est sûr que je suis appelé à cela tout de suite mais pour se dire : ce n’est pas la première fois que la question se présente : affaire à suivre...

c) Comment concrétisent-ils cela actuellement ?
Tout en se trouvant dans des situations plus ou moins difficiles et instables au niveau professionnel et relationnel, arrivent-ils à faire face, à construire quelque chose, à accueillir des options différentes ? Continuent-ils à s’ouvrir aux autres ? Progressent-ils dans leur adhésion à Jésus-Christ ?

d) Importance d’une recherche avec d’autres projets de services dans l’Eglise ;
Tous sont appelés à oeuvrer ensemble dans l’Eglise ; ils ont à prendre l’habitude de se sentir solidaires et responsables les uns des autres. Le ministère ordonné devrait apparaître non pas comme un "en soi" mais comme un des services dans l’Eglise. Témoin, la diversité des projets d’avenir de l’équipe du 24-25 Mars :

- 1 fait médecine pour partir au Tiers-Monde : laïc, prêtre ?

- 1 agriculteur reprendra la ferme familiale : comment faire vivre la communauté chrétienne de mon petit village ?

- 1 futur technicien agricole envisage de travailler à mi-temps pour assurer un service ecclésial,

- 1 fait médecine et voudrait une vie de couple avec une part importante de service,

- 3 n’ont pas encore de projets précis,

- 2 se préparent au ministère presbytéral

2) Les limites et les questions :

a) C’est un cheminement d’équipe mais seuls des étudiants et de plus, passés par le Foyer ou la Diaspora, s’y retrouvent.

Deux jeunes au travail et qui ne sont pas membres de la JOC se sont présentes au SDV en disant : je pense être prêtre : il faut trouver un autre accompagnement !

b) Le peu de gars actuellement engagés dans un mouvement d’A.C.
On se console en disant qu’il y a peu de mouvements de jeunes dans le diocèse que le déracinement universitaire ne favorise pas les choses, mais...

c) Le peu de liens avec l’Eglise locale : prêtres de paroisse, communautés paroissiales. Ils ne rencontrent que quelques prêtres, quelques laïcs militants, leur évoque.

d) Le décalage entre leurs projets,, leur Conception de l’Eglise et la vie en Eglise telle qu’ils la voient vivre par l’ensemble des chrétiens et des prêtres. Ils ne sont pas durs mais ils veulent autre chose. Quoi ? Comment ?

e) Pour ceux qui ont un projet de ministère presbytéral : l’exercice de formes nouvelles du ministère, la vie professionnelle semble les préoccuper au moins autant que le célibat qui apparaît comme une obligation d’Eglise mais aussi comme un choix libre pour l’Evangile. Qui dit préoccupation ne dit pas forcément blocage ou polarisation !

CONCLUSION : LA MISSION DU S.D.V.

Interpeller et collaborer : les jeunes qui cherchent mais aussi leurs communautés, les mouvements, l’ensemble du diocèse. Pour une certaine part, il y va du service de l’Evangile demain.

Collaborer avec les responsables de formation, les prêtres et les laïcs qui les connaissent pour que ces jeunes vivent une démarche qui ne soit pas purement individuelle. Qu’ils se sentent d’Eglise, quel que soit l’état de vie choisi.

Tout cela n’a rien d’extraordinaire, mais nous avons nettement l’impression de vivre quelque chose de dynamique : la croissance de l’Eglise de demain avec la richesse et la complémentarité de ses ministères pour un meilleur service de l’Evangile.

Henri PETIPAS
S.D.V. de Châlons-sur-Marne