Pour un avenir des foyers et séminaires de jeunes


Chaque trimestre, les "délégués régionaux" des équipes diocésaines "Vocation" se réunissent avec les animateurs du C.N.V. Les 24 et 25 avril, leur rencontre a coïncidé avec la parution de la plaquette "Foyers et Séminaires de jeunes en 1975" que l’on a présentée à tous. Un échange a suivi où des questions radicales ont été posées, des questions qui sont sans doute celles de beaucoup des éducateurs de ce que nous appelons "les Institutions Permanentes".

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UN BAROUD D’HONNEUR ?

Ces questions sont couleur d’inquiétude : dans les Institutions Permanentes, sommes-nous en train de livrer un combat d’arrière-garde, alors que les jeux sont déjà faits ? Ici, c’est un chancelier qui sort gravement ses dossiers : "j’ai calculé qu’une entrée au Grand Séminaire pour le foyer coûtait au diocèse "X" millions.

Là, des éducateurs qui sont depuis 10 ou 15 ans dans la maison, ne peuvent s’empêcher de constater que "chaque année c’est une proportion plus petite de nos terminales qui entrent au Séminaire". "Dans mon diocèse, ajoute un délégué régional, nous nous sommes battus pour le foyer, mais la pastorale diocésaine, basé" sur l’action catholique, et donc sur les insertions naturelles, crée un environnement défavorable". L’équipe de la Maîtrise à Besançon, relève aussi : "la suspicion larvée que certains prêtres et laïcs - sans jamais prendre contact avec nous - font peser sur la communauté du foyer, est une occasion de souffrance pour nous et de révolte pour les jeunes". Ces constatations, ces lassitudes, expliquent les questions : "le C.N.V. vient de publier cette plaquette, est-ce un baroud d’honneur ? Après l’enquête menée à travers la France, quelles sont vos impressions et vos conclusions ? Je vais essayer de le dire en mon nom personnel.

L’HERBE QUI POUSSE

Dans la plaquette, on rappelle le mot du Cardinal Marty ;"les pans de mur qui s’écroulent font plus de bruit que l’herbe qui pousse". Une première impression, c’est que la vague des fermetures de maisons a empêché de voir la mutation entreprise par les autres (1), la richesse de leur vie actuelle. Je voudrais la suggérer par quelques extraits de la lettre de Pâques envoyée par les animateurs de la Maîtrise à Besançon : "le foyer est de plus en plus un lien de partage et de prière pour des adultes et des jeunes de la ville. Chaque mercredi soir, nous en accueillons à notre Eucharistie. Le fait que depuis cette année, les quatre animateurs prêtres soient en même temps aumôniers dans des établissements scolaires contribue à cette ouverture... Pendant le Carême, les propositions étaient nombreuses et éparpillées dans la semaine... Chaque jeune pouvait choisir entre des conférences sur la mort, sur le Christ..., la participation à l’adoration eucharistique, les partages d’Evangile dans des familles ou des communautés, des soirées-débat.

Nos 71 jeunes, répartis dans neuf établissements scolaires différents, racontent au foyer ce qui se passe dans l’établissement qu’ils fréquentent... Nous avons pu provoquer une série de réflexions pour ceux qui étaient plus directement engagés (autour de la réforme Haby)... Il ne s’agissait pas d’une révision de vie entre chrétiens... Comment ai-je vu le plan d’amour de Dieu qui pour moi ou pour d’autres se réalisait ou était contrecarré à travers ces événements ? ...

Seules cette année, trois familles sur 71 n’ont pas participé aux rencontres de parents. N’est-ce pas un signe ? Les questions abordées avec elles et avec bien d’autres personnes sont fondamentales pour les jeunes ; : est-il possible dans le monde d’aujourd’hui de miser toute sa vie sur Jésus-Christ ? En serai-je capable ? Si je ne me prépare pas au ministère presbytéral, comment choisir une profession qui me permette d’avoir un style de vie évangélique ? Le problème numéro un des jeunes du foyer, n’est pas celui du choix entre un ministère laïc ou presbytéral, mais d’abord celui de la possibilité et de la capacité de croire aujourd’hui et de conformer sa vie à sa foi... Il faut bien en prendre acte et se tourner vers une autre évidence : seuls, des adultes totalement donnés au Christ, des communautés chrétiennes libres, simples et pauvres, peuvent, malgré leurs faiblesses, être une invitation et un encouragement pour les jeunes d’aujourd’hui qui sont prêts au tout ou rien en face du Christ.

Une communauté qui prie et écoute la Parole, une communauté présente et active (par les jeunes et les éducateurs) à l’:extérieur (mouvements, etc.), une communauté qui rapproche jeunes et adultes - dans une même recherche, cela est sain.. Je crois à l’avenir de telles expériences. Avec d’autres insistances et d’autres richesses, une moitié peut-être des 67 maisons qui existent actuellement ont trouvé un dynamisme dont l’entretien reste difficile (chaque année il faut recommencer avec des jeunes...), mais dont la direction correspond au mouvement profond de l’Eglise depuis le Concile et aux exigences de communauté et d’intériorité qui caractérisent l’actuelle génération de jeunes.

A QUELLES CONDITIONS ?

Mon foyer (ou mon séminaire) est-il dans cette direction, a-t-il des chances d’avenir ? Pour répondre, je propose ci-dessous huit critères. C’est un test, avec ce qu’ils ont de risqué, et pourtant les questions ci-dessous résument bon nombre des exigences que l’enquête a révélées (ou remis en évidence...).

  1. Les jeunes évoluent vite, les mêmes éducateurs restent en place, souvent. Dans quelle mesure, d’une année à l’autre, le projet éducatif, les propositions se renouvellent-ils ? Quelle part d’innovation dans la vie de cette année 1974-75 ?
    Cette question vaut en particulier pour les séminaires scolarisés et les séminaires collèges.
  2. Dans la plaquette (page 8) Nice évoque le passage d’une pédagogie "formatrice" à une "pédagogie active" qui intéresse le jeune à sa propre formation. Dans quelle mesure les jeunes sont-ils eux-mêmes les animateurs de la communauté ? Quelles initiatives viennent vraiment d’eux ? Pourquoi y en a-t-il dans tel domaine et pas dans tel autre ?
  3. Quelle est la qualité évangélique de la vie de communauté ? (plaquette
    pages 28-29, 32 etc.). Sommes-nous un internat plus"confortable" ou plus "éducatif" ?
  4. On constate que les projets d’avenir des jeunes sont plus flous. De là des critères d’accueil renouvelés (plaquette pages 7, 17, 29, 30 etc.) C’est une exigence des jeunes mais à quelles occasions un projet "sacerdotal ou religieux" a-t-il pu s’exprimer cette année ? Qu’est-ce qui permet l’éveil ou le soutien de vocations spécifiques ?
  5. Le milieu éducatif d’une vocation, c’est la communauté chrétienne diversifiée, et non pas un milieu clérical de prêtres (plaquette pages 31, 39-40). Quel est le rôle des parents, de religieux(ses), d’éducateurs laïcs dans la vie quotidienne de la maison ? Quelle est la qualité de leurs interventions ? Quelle formation leur permet-on d’acquérir ?
  6. Une bonne insertion de la maison dans la vie diocésaine se réalise souvent à travers les autres engagements des prêtres (plaquette pages 7, 11, 13, 15). Elle est facilitée par l’implantation de la maison (page 14). Quels sont nos liens avec l’évêque , les prêtres, les mouvements, les divers secteurs du diocèse ? Qu’avons-nous fait pour les resserrer ?
  7. La présence du jeune au foyer (ou au séminaire) est-elle un atout pour son engagement progressif (plaquette page 22, etc.) dans son milieu naturel, scolaire, familial, avec les luttes et les solidarités qui le marquent ? Que constatons-nous, que faisons-nous en ce sens ?
    N.B. - Le critère sera peut-être le plus révélateur de la qualité humaine et apostolique de la communauté.
  8. Certaines maisons sont très onéreuses pour des finances diocésaines souvent en baisse. Tel responsable de maison s’exclame : "je préfère me débrouiller bien péniblement que de demander de l’argent". Que faisons-nous dans le sens d’un plus grand auto-financement ?

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Ces questions apparaîtront bien sûr disparates ; elles sont d’importance inégale. Enrichies, adaptées, ne pourraient-elles servir à un bilan d’année ? Bien sûr, certains facteurs, l’évolution scolaire par exemple, nous échappent. L’avenir des séminaires et des foyers n’est pourtant pas joué d’avance, il se construit dans la vie quotidienne, au gré de nos abandons et de nos initiatives.

Le C.N.V. a cru utile de proposer à tous cette année l’ensemble d’expériences et de questions que rassemble la plaquette. L’importance de la souscription a largement dépassé nos prévisions. C’est un signe de dynamisme. Nous voudrions qu’elle suscite maintenant l’innovation, la recherche locale. Nous sommes prêts à venir aider telle équipe locale, telle session de début d’année, telle rencontre avec des aumôniers de jeunes.

Les foyers et séminaires restent le principal moyen, actuellement, dans le service des vocations de jeunes. Ce résultat est acheté par un immense et secret dévouement... Nous savons que ce grain tombé en terre portera du fruit.

Claude CUGNASSE

NOTES ------------------------

(1) J’ai sur mon bureau - tout en écrivant - la lettre de l’un de mes anciens professeurs. Il dénonce le séminaire diocésain d’aujourd’hui qu’il ne reconnaît plus. Ces protestations sont tout de même un signe...[ Retour au Texte ]