Comment un monastère accueille et accompagne des jeunes en recherche
Notre communauté est composée de 29 religieuses (de 23 à 94 ans). Les jeunes viennent de tous les horizons : milieux indépendants, monde ouvrier, monde rural.
Oui, des jeunes viennent au monastère ; souvent c’est qu’au point de départ, elles avaient des liens avec telle ou telle jeune soeur. Certaines viennent pour réfléchir, pour prendre du recul face à leur vie ; d’autres sont plus précisément en recherche face à une vie religieuse, face à une entrée à la Visitation.
Nous avons pensé que la meilleure manière de vous partager comment nous les accueillons et les accompagnons dans leur recherche, c’était de reprendre le contenu de ce qui s’est passé avec certaines ces derniers temps.
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TOUTE UNE COMMUNAUTE A L’ECOUTE DES JEUNES
Cet accueil des jeunes est de plus en plus pris en charge par l’ensemble de la communauté. C’est la communauté qui écoute, qui est interpellée, qui lit les appels du Seigneur, qui contemple ce que le Seigneur fait dans les coeurs aujourd’hui, qui porte dans sa prière la recherche des jeunes.
Nous avons encore plus senti la nécessité et la richesse de cette écoute communautaire la semaine dernière, au passage de quelques filles venues de Lorraine, parmi lesquelles Sonia, que nous ne connaissions pas encore et qui nous a partagé toute la richesse de sa vie ouvrière, de son engagement syndical, et toute sa recherche avec ses copains et copines par rapport à l’Eglise.
La communauté a accueilli gratuitement, sans vouloir donner des réponses, des solutions toutes faites, et nous avons pu nous dire ce qui était nouveau et ce qui était en jeu dans cette écoute ; elle était le signe que la communauté s’était désencombrée de clichés tout faits de spiritualité, d’une fidélité préfabriquée.
Elle était aussi le signe d’une confiance dans la qualité de don que vivait Sonia aujourd’hui et qui permettait de croire que sa recherche déboucherait un jour dans une découverte plus explicite du Seigneur. Cette écoute gratuite engage aussi la communauté dans une recherche plus large, collective ; l’enjeu, ce n’est pas que Sonia, individuellement, se retrouve à l’aise dans l’Eglise, mais que tous ses copains et copines puissent aller jusqu’au bout de leur don aux autres et en découvrent le sens, le but.
La communauté a accueilli les questions mais en même temps, elle n’a pas été ébranlée dans ce qui fait profondément sa fidélité contemplative ; au contraire, elle s’est sentie appelée à féconder dans la prière cette recherche. Certes, l’attitude de Sonia, très surprise que la Communauté l’ait acceptée telle qu’elle était - dans sa tenue, dans son langage assez vert, dans ses affirmations face à la prière - a été assez déroutante pour des anciennes. Mais Sonia a partagé avec une telle foi, une telle vérité le don qu’elle vivait là où elle était, que la communauté a été provoquée à croire encore plus à l’efficacité des moyens de sa vie contemplative et à s’y engager à fond. Nous avons senti que mutuellement, nous nous provoquions à nous élargir et à aller plus loin : Sonia, de son côté, a exprimé comment notre écoute et notre vie l’appelait aujourd’hui à poser ses actes autrement et à prendre plus au sérieux une recherche en Eglise.
Voilà ce que nous essayons de vivre chaque jour ; ce qui nous semble important, c’est de lire au fur et à mesure les événements qui se présentent, d’être neuves pour les regarder ensemble et entendre les appels qui s’en dégagent.
L’ACCUEIL DES JEUNES EN RECHERCHE DE VOCATION
C’est à partir de cette écoute de la vie que nous essayons aussi d’aider les jeunes qui sont en recherche de vocation. L’une d’elles nous a dit a-voir été fort étonnée, quand elle a commencé à nous partager son projet de vie religieuse, que nous l’ayons renvoyée à une fidélité à ce qu’elle vivait dans le concret de sa profession et de ses relations. C’est au coeur, de cette vie que la personne se découvre, construit son être. C’est là qu’elle pose des actes qui vont dans le sens d’un don total ; c’est donc là qu’elle vérifie avec d’autres l’authenticité de son appel.
L’une d’elles, qui va rentrer au monastère dans quelques mois, nous a partagé dernièrement comment dans son travail, les autres l’avaient interpellée pour préparer son départ, s’effacer petit à petit en permettant à d’autres de prendre sa place. Elle a senti à ce moment là combien elle avait à convertir une envie d’être propriétaire et combien cela la préparait à accueillir des exigences de pauvreté. Elle nous a dit aussi son choix de ne pas demander, comme elle en aurait eu la facilité, des jours de congé supplémentaires pour partir avec une camarade et l’importance qu’elle voyait à bien expliquer pourquoi elle refusait ce privilège. Elle a senti là combien les gens qui l’entouraient attendaient finalement qu’elle choisisse quelque chose d’exigeant, même s’ils lui proposaient, dans un premier temps, la facilité.
Ainsi, il n’y a pas que la communauté qui aide la personne à vérifier son appel et à s’y préparer ; son entourage aussi est partie prenante, interpelle et a soif d’authenticité.
Ce n’est pas une seule soeur qui écoute les jeunes en recherche et les aide à lire leur vie mais tout un groupe (le noviciat ou un autre groupe de soeurs qui partage ensuite à la communauté) : c’est ce qui nous aide à voir les appels d’une manière plus large, à nous compléter. Ainsi, dernièrement, une jeune nous a demandé de réfléchir avec elle le choix d’aller ou de ne pas aller en Israël. Le fait de le voir ensemble nous a permis de ne pas nous enfermer dans un oui ou non pour Israël mais de la renvoyer à ses copines pour rechercher plus largement comment, habituellement, elle utilise son argent.
Au fur et à mesure que nous avançons avec les jeunes, nous nous rendons mieux compte que ce qui est à construire, c’est l’être profond de la personne, alors que nous risquons toujours de confondre la valeur d’une personne avec ses dons, ses compétences. En fait, ce qu’elles demandent, c’est que nous les aidions à cheminer à la rencontre d’un Christ Crucifié, "sans éclat ni beauté". Et je puis certifier que ce chemin d’humilité leur donne un rayonnement de "joie intérieure les projetant en dehors d’un re-croquevillement sur elles-mêmes. Il évite de se cristalliser sur de faux problèmes et permet la rencontre d’une expérience de Jésus-Christ. Cela nous provoque nous-mêmes, dans la communauté, à faire tomber toutes les fausses sécurités extérieures sur lesquelles nous sommes toujours tentées de nous appuyer.
ETRE ATTENTIVES AUX MILIEUX D’ORIGINE
La communauté étant composée de 29 personnes, tous les milieux sociaux s’y rencontrent. Par l’entrée de jeunes très conscientes de leur appartenance à tel milieu, en l’occurrence le Monde ouvrier - la communauté au début a été choquée par ce qui lui paraissait une cassure au sein du groupe. Puis petit à petit, grâce encore à. son écoute gratuite non dépourvue d’humilité, elle en a saisi toute l’importance pour une vraie communion entre toutes. La charité pour être vécue communautairement se doit de passer par ce chemin.
"S’accepter différentes pour se vouloir complémentaires" c’est vite dit, mais c’est beaucoup plus difficile à comprendre et donc à vivre au début. Pourtant comme le disait une jeune, aucune n’a a renier son milieu, sinon elle se renie elle-même et son peuple, mais chacune doit, non seulement respecter l’autre mais l’aider à être fidèle au meilleur d’elle-même qui lui vient de son milieu, tout en l’aidant aussi à convertir en elle tout le péché venant de ce même milieu.
C’est formidable de vérité et d’union entre nous.
CHEMINER AVEC LES JEUNES
Lorsqu’une jeune entre au Noviciat, nous continuons à nous mettre profondément à son écoute, surtout si elle est peu connue de la communauté. Nous la laissons exprimer le meilleur et le pire. Ensuite avec elle, lorsque la connaissance et la confiance ont suffisamment grandi, commencent les interpellations pour faire grandir sa liberté en Christ en purifiant ses motivations. Nous essayons aussi de toujours nous appuyer sur le positif" de la novice, en particulier ses liens de famille et de relations. Ceci est important pour l’équilibre personnel, mais aussi pour que le cheminement se fasse en Eglise.
Voilà un peu comment nous accompagnons les jeunes qui recherchent. Nous pouvons aussi bien dire que nous sommes accompagnées par elles, car elles nous provoquent à un dynamisme toujours neuf, à ne pas figer des formes de vie, mais à être fidèles à la vie qui avance. Les jeunes "inventent" de nouveaux chemins de fidélité : cela nous demande de vivre une écoute profonde et humble, au lieu de vouloir "former", enseigner du haut de notre expérience. Cela ne veut pas dire non plus tout accepter ; au contraire, c’est bien la solidité de la communauté dans les exigences profondes de sa vie contemplative qui l’aidera à lire avec les jeunes ce qui est exigeant et ce qui est chemin de facilité.
Cette écoute nous renvoie aussi de plus en plus à une vie de silence et de prière, pour que ce soit le Christ qui, au jour le jour, nous montre sa route... cette route qui ne peut passer, pour les unes comme pour les autres, que par une mort à nous-mêmes, mais toujours dans la joie. "Un saint triste, a dit St François de Sales, est un triste saint."
La Visitation de Saint-Etienne