Groupes de recherches féminins
Dans l’ensemble des médiations au service d’une vacation à la vie consacrée, d’un projet religieux, les groupes de recherche ont une place privilégiée, non exclusive il est vrai, d’une recherche ou d’un accompagnement individuel, l’un allant souvent de pair avec l’autre.
L’existence de ces groupes plus ou moins connue ou reconnue date de quelques années (5-6 ans). Les lignes qui suivent ne prétendent pas en faire le bilan ; elles se veulent descriptives d’une expérience qui a ses richesses, ses limites aussi, mais dont on ne peut ni ignorer ni méconnaître la réalité.
L’itinéraire de cette description se fera en trois étapes. La première tentera de situer ces groupes : que recouvre l’appellation "groupes de recherche" ? Quelles en sont la composition, la démarche ? La seconde consistera à écouter ce que pensent les jeunes de leurs groupes, la troisième soulignera le point de vue des accompagnateurs et quelques questions afférentes à ce mode d’accompagnement.
1 - SITUATION DES GROUPES
Une grande diversité
Essayer de camper la silhouette type d’un groupe de recherche serait prétendre repérer la physionomie propre de chacun d’eux, à travers une juxtaposition de flashes n’exprimant plus rien ni de leur vie ni de leur singularité ! Chaque vocation est personnelle, donc unique, chaque groupe l’est aussi.
Peut-être est-il nécessaire de noter d’abord qu’il existe de nombreuses formes de rencontres entre jeunes qui cherchent leur voie.
- Des rencontres occasionnelles existent à peu près partout :
* des "relais", ouverts deux ou trois fois par an, à des jeunes (17-20 ans) leur permettent de réfléchir assez largement à leur avenir ;
* des "sessions" ou "camps d’été" sont proposés soit à des jeunes qui cherchent à orienter leur vie, soit à ceux qui ont déjà exprimé un projet de vie consacrée.
- Des groupes ou équipes de recherche
Une lecture globale d’une vingtaine de monographies de ces groupes ainsi que la connaissance de leurs animateurs permettent d’en souligner quelques caractéristiques. Une présentation plus concrète les situera sur le terrain.
Plus spécifique d’une recherché et d’un accompagnement proprement dit, ces groupes rejoignent des jeunes de plus de vingt ans ayant formulé de façon plus ou moins précise un projet de vie consacrée : leur rythme de rencontres est plus régulier et continu.
Leur nombre ? Il est difficile à cerner. Cinquante , soixante peut-être sur toute la France ? Cette appréciation reste approximative, du fait des appellations qui ne recouvrent pas toutes la même réalité ; du fait aussi de la mobilité de ces groupes. Les uns naissent, d’autres disparaissent parce que, d’une année sur l’autre, des jeunes se présentent, d’autres se démarquent, d’autres enfin ont fait un choix et s’engagent réellement.
Des regroupements s’opèrent également ; des groupes inter diocésains se créent pour élargir le partage d’expériences, parfois pour prendre des options diversifiées : formation de groupes par milieux d’origine, de culture
par exemple.
Trois situations concrètes : l’une diocésaine, l’autre inter diocésaine et la troisième régionale, éclaireront l’origine, la démarche, les critères de participation de ces groupes.
a) Un groupe diocésain
Un groupe de jeunes filles en recherche de vie consacrée existe depuis trois ans dans le diocèse d’Annecy. Il est né du désir souvent exprimé par quelques jeunes, à un prêtre et à une religieuse, de se retrouver pour chercher ensemble. C’est là le point de départ de la plupart des groupes.
Ses caractéristiques
- âge des jeunes filles : au-dessus de 20 ans ;
- leurs Professions : secrétaires, infirmières, aide-soignante, enseignantes, rurale ;
- leurs engagements : toutes en ont, sauf deux = d’ordre professionnel (syndicat) ou apostolique (Action catholique, catéchèse) ;
- composition du groupe : au début, 4 jeunes filles, puis 6, puis 9, 10, 11, 5, 4, et actuellement, 6.
- le but du groupe s’est défini progressivement :
* approfondissement de la foi,
* approfondissement des questions de vocation et de vie consacrée,
* créer une amitié et une recherche à plusieurs à travers des rencontres brèves toutes les trois semaines, plus longues tous les deux mois avec réflexion approfondie sur tel ou tel point, et une retraite en été.
Certaines ont déjà trouvé une orientation personnelle. En trois ans, une a opté pour le Tiers-Monde, deux ont choisi la vie contemplative, deux la vie apostolique, deux ont renoncé à un projet de vie consacrée. D’autres vivent l’appel du Seigneur dans l’aujourd’hui du groupe, deux se préparent à la vie contemplative.
b). Un groupe inter diocésain
Il est né d’une réflexion inter diocésaine provoquée par une situation de fait : amenuisement d’un groupe, lassitude d’un autre aboutissant à sa disparition. Et en face de cet état de choses, une requête de quelques jeunes isolées demandant s’il existait un lieu où elles pourraient approfondir avec d’autres un projet de vie consacrée. Quelques intuitions ont présidé à la réalisation du nouveau groupe :
la demande des jeunes à prendre au sérieux, confronter avec d’autres leur expérience de foi et leur projet de vocation,
l’importance d’un groupe suffisamment consistant (en nombre et en diversité) pour une plus grande richesse de l’échange et pour minimiser les conséquences sur le groupe des absences inévitables de jeunes qui travaillent et ne sont pas toujours libres.
Aux premières rencontres de ce groupe, elles étaient dix, âgées de 20-27 ans, venant de quatre départements de la région Ouest. Ce groupe reste ouvert pour accueillir d’autres jeunes (1).
c) Un regroupement régional
Dans la région parisienne enfin, l’accompagnement des jeunes filles en groupes de recherche présente un caractère original dû, entre autres motifs, à la densité de présence de jeunes, de passage ou vivant à Paris. Les études,
le travail, l’anonymat parisien favorisent un regroupement très large.
Il existe aujourd’hui une dizaine de groupes sur la région parisienne. Cinq équipes de jeunes filles de milieux indépendants, très divers.
Age : 20-29 ans (52 jeunes filles)
5 sont en A.C.M.S.S.
5 sont en J.I.C.F.
4 sont en A.C.E.
3 sont en A.C.I.
En deux ans :
7 sont entrées dans la vie contemplative,
3 sont entrées dans la vie apostolique,
6 sont parties,
2 sont mariées,
1 en I.S.
Trois équipes sont formées par des jeunes filles du monde ouvrier qui ont une culture et une conscience ouvrières (âge : 20-29 ans), dont 13 sont à
la J.O.C.F., l à l’A.C.O. En un an, 2 se sont mariées, 3 ont quitté, 3 sont novices, 5 sont postulantes dans diverses congrégations (2).
Une équipe d’aînées (29-37 ans). Deux sont entrées en I.S., une en vie religieuse apostolique. Il existe aussi des rencontres pour les jeunes 17-20 ans (cf. plus haut).
Tous ces groupes relèvent d’une pastorale des vocations au service de toutes les vacations à la vie consacrée dans l’Eglise. Il existe aussi des rencontres en mouvements d’Action Catholique, les mouvements ayant le souci d’accompagner les filles aussi dans leur démarche de vocation. De même, certaines congrégations regroupent des jeunes qui pensent partager leur vie.
Quelques remarques peuvent être dégagées de ce rapide tour d’horizon. Ces groupes sont tous nés d’un besoin de partage demandé par les jeunes. Leur organisation n’a pas été programmée d’avance et répond à la demande. Ils ne sont pas faits pour exister "en soi", et sont plutôt des relais dans la vie des jeunes filles, nécessaires pour beaucoup, mais relais seulement. Ils leur permettent de découvrir l’importance d’un véritable engagement. Ils sont appelés à se réajuster sans cesse, l’expérience des groupes de l’Ouest montre cette évolution.
Ce caractère à la fois durable et transitoire de ces groupes correspond bien à leur objectif qui est de favoriser un passage.
II - CE QUE VIVENT LES JEUNES EN GROUPES DE RECHERCHE
Que la vocation soit perçue comme un choix à faire, un appel entendu, une direction à prendre, c’est toujours l’élément de discernement à opérer qui apparaît premier dans la démarche de qui prend au sérieux l’enjeu de répondre à sa vocation.
Quel rôle joue, en fait, un groupe de recherche dans une réponse essentiellement personnelle et libre, dans une décision que l’on prend finalement toujours seul ?
Toute décision a un "avant" et un "après" : un " avant " duquel peut émerger un projet de vie, tantôt dans une lumière soudaine et claire, le plus souvent dans une découverte progressive d’un horizon déjà là, mais dont on n’avait pas déchiffré les contours. Il y a aussi un "après" dont l’attrait peut être si fort que l’on s’y précipite sans mesurer le poids de l’aujourd’hui sur demain, et il arrive qu’on le regarde de loin sans faire le premier pas dont tous les autres dépendent ensuite ! Dans ce discernement, le groupe joue un rôle très important. observer les motivations des jeunes, le contenu de leurs rencontres, l’aboutissement de leur recherche nous permettra de nous en convaincre.
Les motivations : en voici quelques-unes, choisies dans leurs expressions propres.
- "Je suis venue pour rencontrer d’autres filles qui se posent comme moi des questions sur la manière de vivre en chrétienne dans le monde d’aujourd’hui."
"Je suis venue pour rencontrer d’autres jeunes qui acceptent de partager leur recherche concernant l’orientation de leur vie."
"Je voudrais avoir la possibilité de faire le point avec d’autres sur ce que je vis afin de mieux percevoir comment être fidèle à l’Evangile."
"Je venais rencontrer des jeunes qui accepteraient de partager leur vie de prière. Pour dire la mienne, il a fallu que j’y réfléchisse auparavant, que je me redise à moi-même ce qu’elle était, que je reprenne conscience de la place qu’elle occupe dans ma vie."
Ce qu’elles veulent, c’est ne pas être isolées dans leur recherche de vocation. Elles désirent partager avec d’autres ce qu’elles vivent aujourd’hui, et aussi leurs interrogations, leurs projets pour demain, dans une équipe où l’amitié soutient et affine leurs recherches personnelles.
Une expression de leur recherche
Les rencontres
a) Ce qu’elles attendent de leurs rencontres, c’est d’abord la possibilité d’exprimer leur projet à partir de leur vie et de percevoir les liens qui existent entre leur projet et leur vie en Eglise.
- "L’équipe m’a permis de découvrir le besoin de lien entre ce que je vis et les autres, et de partager avec elles une foi vécue."
"J’ai réalisé que ma recherche était d’Église et que je n’étais pas un cas, que l’Esprit appelle partout et toujours."
Une constante pour tous les groupes : toujours la réflexion prend appui sur la vie concrète, ce qui implique une exigence de partage : "On a besoin de partager, de confronter nos idées : l’équipe nous interroge sur notre vie, notre action, nos engagements, notre fidélité."
Ce partage suppose un climat d’écoute vraie, d’ouverture à des formes d’expression souvent très personnelles : "L’attitude d’écoute et d’accueil de
l’équipe m’a aidée à être plus simple pour faire partager ma vie et ses découvertes."
Il faut aussi se laisser interpeller, interroger : c’est très exigeant, cela oblige à aller jusqu’au bout de sa pensée, à regarder les choses en face, à réfléchir avec réalisme à ses propres positions.
Cette recherche ensemble, dans laquelle chacune est concernée par la démarche des autres, crée une prise en charge mutuelle qui est à la fois déjà une vie fraternelle et un apprentissage à quelques aspects de ce que sera une vie communautaire.
Un partage de leur foi
b) Au cœur-même de ce partage de leur vie, motivations, questions, interpellations sont relues aussi dans le partage de leur foi. Pouvoir exprimer et écouter aussi leur découverte de Jésus-Christ, non théoriquement, mais dans leur prière, leurs engagements, leurs relations, le sérieux de leur vie professionnelle est capital pour ces jeunes. Recevoir ensemble la Parole qui évangélise et va changer quelque chose à leur vie l’est aussi.
"En équipe, on exprime sa foi à partir des événements de la vie". "Dans l’échange, la réflexion, la prière avec les autres, je crois que j’ai découvert Dieu tout autre que l’idée que je m’en faisais ..."
C’est une autre constante de tous les groupes de recherche que de faire une place importante à la prière ensemble. Prière collective qui renvoie à la prière individuelle, mais prière enrichie aussi de la prière de chacune souvent très exigeante.
"C’est l’Esprit qui fait en nous sa prière. Mais il faut pour cela des conditions qui dépendent de moi, de mon état intérieur, de mon environnement, de mon temps." - "Il faut savoir tenir. Pourquoi cette dernière heure coûte que coûte ? C’est pour ne pas abandonner la prière. "
"La prière n’est pas affaire de temps ou de cadre pour moi. Elle se passe à côté des gens et c’est souvent après que je me dis que le Seigneur était là".
La prière n’est pas "affaire de temps", et cependant, nombreuses sont celles qui y consacrent un temps prolongé. Le partage de leur prière rend souvent témoignage d’une authentique expérience spirituelle.
Des choix qui engagent
c) Une autre convergence de ces groupes, c’est leur volonté de situer leur recherche de vie consacrée dans la Mission de l’Eglise, de reconnaître des projets différents, de connaître une pluralité de formes de vie consacrée, de spiritualités diverses, de services et de ministères qui les ouvrent à une dimension universelle.
"La vie consacrée, cela concerne toute l’Eglise, aussi ma recherche, je veux la poursuivre avec ceux qui se posent la même question, mais c’est aussi avec tous ceux qui sont sur ma route que je veux cheminer pour répondre à l’appel du Seigneur : famille, collègues, chrétiens, équipe d’Action catholique. Cheminement en Eglise qui n’exclut pas toujours, d’ailleurs, la possibilité d’exprimer son projet, mais porte le souci de le vivre loyalement dans tous les secteurs de sa vie.
Cette attention, cette fidélité à la vie avec toutes ses relations, ses engagements, amène les jeunes à découvrir ensemble le réalisme de l’Evangile et à discerner dans leur vie les signes qui vont leur permettre de faire le choix d’une vie évangélique.
Leurs réactions par rapport à l’argent, à toute forme de possession, au célibat, les choix qu’elles font au niveau du travail, des loisirs, de leurs engagements chrétiens, sociaux ou politiques manifestent la dimension réaliste de leur démarche. La place importante qu’elles accordent à leur vie professionnelle, les collaborations qui y sont liées, la solidarité avec leurs milieux d’origine et de vie sont autant de facteurs de discernement quant à leur projet éventuel de vie consacrée.
Elles font des choix qui déjà les engagent et elles envisagent une vie consacrée en continuité avec ces choix. - Ensemble, elles découvrent progressivement que la vie religieuse n’est pas dans "le faire", mais dans "l’être" :
"L’équipe m’a aidée à voir plus clair. Peu à peu, j’ai découvert ce que le Seigneur me demande."
"Je découvre que la vie religieuse est en continuité avec ce que je vis :
alors qu’auparavant, je la voyais tout autre."
Certaines iraient jusqu’à dire : "Ce que j’essaie de vivre déjà, je voudrais le vivre avec d’autres et que ce soit reconnu dans l’Eglise."
C’est donc une possibilité de croissance, de maturation que permet et provoque cette recherche en groupe, une libération dans les options même si celles-ci restent difficiles à faire. Il y a des seuils à franchir : le choix du célibat en est un, l’orientation vers un monastère, une congrégation active, une autre forme de vie consacrée ou vers un ministère dans l’Eglise en sont d’autres. Là encore, le cheminement en groupe éclaire, libère.
III - LE POINT DE VUE DES ACCOMPAGNATEURS ET DES TEMOINS DE CES GROUPES
Des groupes de recherche existent. Ils sont pour quelques centaines de jeunes, un chemin, assez long parfois à parcourir jusqu’à la réalisation d’un choix souvent entrevu dans l’adolescence et mûri dans le passage à une vie adulte.
Regardons, écoutons maintenant ce qu’en disent ceux et celles qui "accompagnent" ces groupes et arrêtons-nous aux questions qu’ils se posent ou que se posent les communautés qui accueillent ou n’accueilleront pas ces jeunes en recherche.
Quelques convictions communes :
Elles sont partagées par tous les "accompagnateurs". Ce qui domine dans la recherche, le cheminement, les premiers engagements des jeunes, c’est d’abord une recherche de communion profonde avec le Christ-Jésus et tous les hommes, une relecture fréquente de leur vie à la lumière de l’Evangile.
Autre conviction : le réalisme de leurs démarches (qui ne quittent pas le terrain de leurs relations habituelles, professionnelles, familiales, humaines et chrétiennes), le partage et la confrontation de leur projet avec d’autres, leurs responsabilités et solidarités s’appuient sur des réalités très accentuées aujourd’hui dans tous les domaines de la vie (relations, travail, engagements).
On remarque enfin chez toutes ces jeunes une aptitude développée à la recherche, à la "quête de Dieu". Elles sont capables d’un effort de réflexion, de remise en question, de confrontation, d’analyse, de discernement avant d’arriver à des choix. Il y a place aussi dans leur recherche pour des tâtonnements, voire des réponses successives ! Cette capacité de recherche n’est pas sans lien avec ce passage de Rm 12, 2 : "discernez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable".
Un tel discernement n’est possible qu’au prix "du renouvellement de notre intelligence et de notre coeur". Suivre le Christ exige une activité réelle dans la foi, laborieuse souvent, vraie et libératrice aussi. Leur aptitude à cette recherche ne rejoint-elle pas notre propre appel à cet effort de discernement devant nos choix, nos décisions personnelles et collectives concernant nos options fondamentales et notre mission propre dans l’Eglise ? - Dans cette réflexion, le groupe joue son rôle aussi à l’égard des accompagnateurs.
Des "accompagnateurs"
Quel que soit le nom donné à ceux qui accompagnent ces groupes ... il n’est peut-être pas inutile de signaler qu’aucun groupe ne fonctionne sans lien avec un aumônier, un responsable de vocation, une religieuse ou une laïque consacrée. Parfois, c’est une équipe : prêtre - religieuse, c’est le cas le plus fréquent. Les groupes parisiens ont un aumônier d’équipe, un responsable régional ; une religieuse suit les équipes du monde ouvrier, une autre celle des milieux indépendants, sans être présentes cependant à toutes les rencontres. Dans bien des cas, les groupes rencontrent des témoins de la vie consacrée, soit au cours d’une veillée, soit par l’accueil reçu dans une communauté. Les lieux de rencontre sont souvent le cadre d’un monastère, le témoignage et l’appui d’une communauté fondée sur la prière ont leur importance.
Leur présence
Le rôle de ces accompagnateurs (à défaut de nom plus approprié) laisse entière la prise en charge de l’organisation, de la préparation et de l’animation des rencontres pour les jeunes elles-mêmes. Leur présence dans ces groupes les y engage cependant réellement. Ce qu’ils voient et entendent, ce qu’ils découvrent et partagent de l’action de l’Esprit dans la vie des jeunes, les rendent "témoins" de cette action en même temps que "témoins"de la recherche, de la réponse des jeunes. C’est toujours avec émerveillement que tel aumônier parle de cette action de l’Esprit perçue à travers la prière, la réflexion, la vie du groupe. C’est toujours aussi une interpellation pour sa propre vie.
leur rôle
Une attitude discrète, respectueuse de cet appel et d’une action qui viennent d’un autre requiert cependant ce qui peut s’appeler une pédagogie de l’accompagnement. A l’égard de ces jeunes, l’adulte le plus impliqué dans la recherche du groupe (il n’est pas en effet celui qui détient les réponses aux questions, mais est lui-même questionné par elles, confronté lui aussi à un discernement) demeure quand même celui qui a "une langueur d’avance" par rapport aux jeunes. Il est celui qui n’a pas fini de répondre à sa propre vocation, mais il est celui qui a déjà choisi, et ce choix fait que la relation adulte-jeune n’est pas équivalente.
Leurs questions
L’accompagnateur peut, par son expérience de vie, éclairer une question, il ne doit pas ignorer son pouvoir "d’initié" et doit être discret au moment de la décision tout comme il se garde de ne pas peser trop fort dans la réflexion. Il peut être le "témoin" de la vérification du projet que le jeune doit faire, et ceci est un service très important. Cette démarche ne va pas sans interrogations. Mais les accompagnateurs ont aussi leurs lieux de partage d’expériences et de réflexion. Une session réunissait à Paris, en novembre dernier, une quarantaine d’entre eux, d’autres sessions ont lieu ailleurs (Toulouse, Bourg-en-Bresse). Une autre réflexion théologique et psychologique, une bonne partie des questions débattues partent sur l’accompagnement. Celles-ci reviennent fréquemment sous une forme ou une autre.
- "Comment concilier cheminement d’un groupe, continuité au niveau des membres de l’équipe et respect de chaque jeune fille dans ce qui fait son évolution, sa progression, son avancée vers la réalisation de son projet ?"
"Comment bien maintenir le spécifique des équipes de recherche ?"
"Comment aider les jeunes filles à faire dans leur vie une certaine unité ?
"Comment discerner chez des jeunes peu construites, sur le plan humain et spirituel, s’il y a un appel à une vie consacrée aujourd’hui ?"
"Des filles veulent un certain absolu dans leur vie : vie monastique ou laïcat consacré. Comment les aider et sur quoi se baser pour leur permettre de se déterminer lucidement ?" .
"Face à une certaine poussée de recherche vers la vie monastique, qu’est-ce que cela signifie ? Quelle analyse en faire pour les filles de milieu ouvrier ?"
"Que[le est la place de chacun dans une équipe d’accompagnement, le rôle des religieuses ou des laïques consacrées ? Elles y sont encore peu nombreuses, les religieux quasiment absents.
ET APRES, ET AILLEURS ?
Un dernier point mérite notre attention. Une certaine approche de la vie religieuse ou consacrée s’élabore dans ces groupes. Quel lien peut-il exister entre ces groupes et les communautés d’accueil ou d’initiation à la vie consacrée ?
D’autre part, le groupe de recherche est-il le passage privilégié sinon obligé de cette approche et de cet apprentissage ?
Plusieurs remarques s’imposent par rapport à ces questions :
a) L’expérience que font les jeunes en groupe de recherche est de celle qui marquent, elle continuera à les motiver quand elles auront fait un choix ; il sera donc normal que ces jeunes souhaitent vivre cette même richesse spirituelle et fraternelle dans une vie consacrée. Elles s’y retrouveront avec les mêmes désirs de communion profonde à Jésus-Christ et aux autres, la même soif de partage vrai, les mêmes requêtes de prière et de recherche dans la foi. Alors une double exigence apparaît : d’une part la nécessité pour ces groupes de ne pas "décoller" de la réalité sous peine d’idéaliser la vie religieuse et d’autre part, la nécessité tout aussi grande de voir ce que vivent les congrégations et instituts afin de mesurer ce qu’il est possible d’y vivre.
b) Il en est de même de l’expérience de vie fraternelle faite en groupe ; qu’elle y soit vécue comme un stimulant ou au contraire comme un refuge, on risque ensuite d’attendre ou de vivre cela dans une congrégation ! D’où la nécessité de liens réels entre accompagnateurs et communautés d’accueil.
Cette remarque semble aller de soi et de fait, des relations (désintéressées) existent depuis deux ou trois ans. Il reste encore un bout de route à faire ensemble. A coup sûr, les groupes de recherche interrogent la vie consacrée. Comment pourrait-elle ne pas tenir compte du chemin parcouru par une jeune durant trois, quatre ans (quelquefois davantage) avant de partager ce charisme et l’esprit de l’Institut ou de l’ordre ? Les congrégations y sont-elles suffisamment attentives ? N’y a-t-il pas une certaine continuité entre les intuitions premières d’une vocation et la spiritualité et la mission en Eglise dans lesquelles cette vocation s’épanouit ? Cette conviction profonde est-elle assez partagée par les religieux et religieuses ? Comment les aider à comprendre que leur manière de vivre est aussi une réponse aux questions des jeunes ?
c) Inversement, le groupe de recherche doit être conscient qu’il manque à son expérience tout un terrain de vie quotidienne. Il y a toujours un seuil entre le projet d’avenir que l’on forme et sa réalisation concrète confrontée à l’épreuve du temps. De plus, la rencontre en groupes de recherche de quelques témoins de la vie consacrée ne donne qu’une image incomplète d’une communauté ou d’un institut dans la diversité de ses membres.
Certes, les jeunes y vivent une réponse à 1’appel d’aujourd’hui. On marche aujourd’hui avec Dieu et après on fera encore d’autres pas, car il y aura d’autres appels. En ce sens, il est juste de dire avec un aumônier que l’aspect transitoire de ces groupes ne consiste pas à en faire une propédeutique de la vie consacrée. En ce domaine, la vie religieuse a aussi quelques questions à poser aux groupes de recherche, une information à attendre de ce mode d’accompagnement qui l’interpelle dans sa réponse évangélique au monde et à l’Eglise.
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Quelques remarques enfin, à la manière d’un regard jeté sur tout ce qui n’a pas été exploré dans ce parcours et dont on pressent, cependant, que c’est peut-être là précisément qu’un paysage nouveau aurait pu se découvrir, nous émerveiller, nous interroger ou nous renvoyer à notre champ à labourer et à semer !
- Les jeunes que nous connaissons en groupes de recherche sont-elles plus nombreuses que celles qui cherchent, isolées, et ne trouvent le chemin qu’après bien des détours ? Comment les rencontrer ?
- Les jeunes filles de ces groupes nous sont apparues comme des adultes réalistes, construites, responsables, ayant mûri un projet, décanté leurs motivations. Le groupe de recherche est-il le passage sinon obligé, du moins idéal, pour arriver à cette maturité ? Sans doute faut-il répondre oui, pour certaines. N’y a-t-il pas aujourd’hui des jeunes filles qui ont un désir flou mais intense de se consacrer à Dieu tout en restant enracinées dans leur milieu ? La rencontre de ces jeunes avec la réalité globale d’une communauté religieuse qui les accueillerait telles qu’elles sont, en les aidant peu à peu, par la vie, à se structurer et à faire ensuite un choix plus réfléchi, plus personnalisé, ne serait-ce pas aussi un accompagnement réel ?
- La communauté choisie ne pourrait-elle pas être aussi un lieu privilégié où, ensemble, communauté et jeunes discernent les appels du Seigneur et s’entraident à y répondre ?
Sans doute de telles communautés existent-elles ... et les groupes de recherche souhaitent-ils les rencontrer !
Soeur Françoise GRANGIER.
(1) cf. Renouveau n° 24 - Laval [ Retour au Texte ]
(2) cf. monographie présentée par le Père J.M. REVILLON : Vocations féminines Région parisienne, juin 74. [ Retour au Texte ]