La psychologie féminine
Les caractéristiques de la psychologie de la femme adulte sont complexes, car il n’y a pas un type de femme, mais plusieurs.L’état adulte, la majorité psychologique suppose que l’enfance psychologique a été "dépassée", assumée, et que l’évolution de l’adolescence a été réussie. Ces dépassements doivent aboutir à un état dans lequel le contrôle des tendances instinctives est acquis, avec leur adaptation aux exigences du monde extérieur et à celles de 1’_intellegence, de la volonté... La majorité est rarement complètement acquise au début de l’âge adulte (à 1’âge de la plupart des filles que nous voyons dans les groupes de recherche).La femme y tendra souvent toute sa vie. On constate fréquemment des restes de mentalité juvénile chez la femme adulte.
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L’évolution affective de la fillette
C’est un sujet très vaste que celui qui m’était demandé. Je le limiterai en parlant de l’évolution affective de la fillette, qui explique le caractère de la femme plus ou moins marqué par les rythmes biologiques de son fonctionnement glandulaire.
L’évolution affective se fait du captatif à l’oblatif. Le nouveau-né est essentiellement captatif en ce sens qu’il demande tout à sa mère - ou à un substitut maternel - et ne donne rien en échange. Les premiers efforts qu’il accomplira, en partie au moins, "pour faire plaisir à sa mère" (le premier sourire, pour les uns, 1a première se1le faite dans 1e pot pour les autres) dans la mesure où ils sont 1’aboutissement d’un contrôle musculaire ou sphinctérien destiné à obtenir un résultat attendu par 1a mère, marquent 1e début des tendances oblatives. Celles-ci, tout au 1ong de l’enfance de 1’adolescence et de 1’âge adulte doivent se développer pendant que parallèlement les tendances captatives régressent. Autrement dit, la recherche de la possession fait place au don, allant jusqu’au don de soi, qui idéalement devrait être total, mais qui n’atteint jamais les 100%, d’ailleurs inconnu sur la terre : qui d’entre nous ne découvre pas le captatif toujours présent et camouflé souvent sous les traits d’un pseudo-altruisme...
On sait que tout traumatisme, toute frustration entraînera des fixations, des régressions, des progressions plus lentes que normalement - et l’on voit parfois persister ou réapparaître des tendances infantiles relevant d’un stade largement dépassé par l’âge chronologique.
L’ ETRE EN RELATION
La participation de l’affectivité dans l’évolution sexuelle pose d’emblée le problème de la relation.
En effet, au stade pré-génital, une relation de type possessif exclusif se crée entre 1a fillette et sa mère, qui est tout à 1a fois mère-tendresse, mère-soins, mère-jouissance, mère-sécurité : elle est celle dont on tire tout cela, celle qui apaise les états de tension créés par les besoins primordiaux. Mais elle est aussi celle qui frustre inévitablement, en ce sens qu’elle demande une discipline (horaire des biberons, sevrage, acquisition de la propreté, etc.) qui contrecarre les aspirations à l’autonomie embryonnaire mais déjà puissante (relative autonomie apportée par l’acquisition de la marche, affirmation de soi dans 1e refus de la nourriture, dans des crises d’opposition systématique). Mais e11e est aussi celle à qui on veut faire plaisir, pas seulement parce qu’on la craint, mais parce qu’on veut rester aimé d’elle, 1a perte de son amour et de tout ce qu’elle apporte étant bien ce qui est 1e plus redouté.
Puis au stade génital primaire, au moment où est vécu dans toute son intensité 1e complexe d’Oedipe, c’est le drame de la dépossession qui est vécu : cette mère que l’on croyait toute à soi, il faut la partager en se contentant de la petite part, car, comment imaginer à cet âge, que plus fort est l’amour conjugal, plus puissant et plus valable est 1’amour maternel ?
Acceptation de la concurrence dans la possession (frères-soeurs), acceptation de l’autre comme ayant lui aussi des besoins, des exigences, des désirs qui lui sont propres, acceptation de la dépossession, dépassement de la dépossession : c’est à ce prix que s’ébauchera, à travers les mécanismes d’identification au parent du même sexe, la mère, l’orientation définitive de la sexualité, à condition que la fillette ait d’elle une image qui ne soit ni péjorative, ni trop idéalisée.
A la fin du stade génital primaire (vers l’âge de 7 ans) on pourrait dire que les "jeux sont faits" pour l’essentiel du devenir psychologique de l’enfant.
Au stade suivant, dit stade de latence, la fillette achève de liquider ses conflits familiaux (n’oublions pas l’influence de la fratrie) cependant qu’elle développe ses relations extra-familiales dans la paix sexuelle.
Mais quelques années plus tard, tout cet équilibre péniblement acquis sera remis en question avec une orientation introversive de la personnalité et le narcissisme ayant un aboutissement génital masturbatoire et une expression plus sensible à l’image globale de son corps chez la fille que chez le garçon. Il lui faut revivre un retour sur soi massif, mais chargé d’incomplétude inconfortable, qui appelle autre chose d’attirant et d’inquiétant à la fois : la rencontre avec l’autre, et son accueil dans sa vie.
Il faudra bien des tâtonnements pour parvenir à l’établissement d’une relation interpersonnelle, reconnaissant l’autre - et Dieu - comme une personne originale, dans le souci de l’accomplissement de l’autre, sans perdre de vue son propre accomplissement, chacun restant soi pour l’autre.
ROLE DE LA FRUSTRATION
Tout au long de ce devenir, nous sommes en présence d’inévitables, de souhaitables frustrations, en ce sens qu’elles ont un rôle éducatif, qu’elles permettent une progression. Cependant certaines filles ne parviennent pas à les accepter, les dépasser. Il peut arriver aussi que certaines perçoivent des frustrations là où d’autres n’en perçoivent pas.
Il semble bien, en effet, que certaines personnes voient se développer chez elles, très précocement, une intolérance aux frustrations qui se manifestent dès la naissance (réactions à des traumatismes subis durant la vie intra-utérine, prédispositions héréditaires ?...)
Il est important de constater que la frustration peut exister du fait du milieu (et non de la faute du milieu) ou correspondre à des exigences anormalement développées chez une fille qui grandit dans un milieu grosso modo normal. Quoi qu’il en soit : cette frustration (réelle ou considérée comme telle par la fille : c’est sa réalité à elle qui compte) entraîne des réactions de différents types : arriération affective ou si l’on préfère, immaturité de la personnalité, recherche de compensation (masturbation), activation de l’agressivité que chacun porte en soi (filles qui ont tout le temps besoin d’embrasser ou d’être embrassées - besoin vital de dépendre d’une personnalité féminine forte - demandes de conseils, contrôle, appui de façon anormale...)
Ce qui est dramatique, c’est que de tels manques, enregistrés dans la petite enfance, vont marquer de façon souvent, hélas, définitive, tout le comportement relationnel de la jeune fille : elle attendra de tous ceux qu’elle rencontrera d’être aimée sur le mode où elle aurait dû être aimée jadis - quête d’intérêt, quête affective toujours insatisfaite, elle ne parviendra le plus souvent, par ses comportements captatifs et agressifs, qu’à provoquer le rejet qu’elle redoute plus que tout.
Chez d’autres, les frustrations sont mieux tolérées. Nais cette "bonne tolérance" peut cacher en réalité un manque do sensibilité ou au contraire une grande peur de sa sensibilité qui fait que l’on préfère ne pas se poser de questions tout en ayant l’apparence de les dominer.
LA SUBLIMATION
Mais peut intervenir un autre mécanisme ayant cette fois un aspect positif : la sublimation. On emploie volontiers ce mot pour situer cette transformation, ce déguisement de l’instinct sexuel, sous des formes socialement acceptables.
La sublimation exige d’abord une prise de conscience aussi lucide que possible de ce dont on est privé, ou dont on se prive, et en second lieu l’acceptation de la frustration, non pas passivement, mais au nom d’un idéal (humain, spirituel, religieux) ; ainsi est réalisée, constituée une décharge affective de type oblatif.
Chez le jeune enfant, prendre telle habitude qui coûte, ou perdre telle habitude "pour faire plaisir à maman" a bien un sens, une valeur (pas uniquement de chantage affectif).
Le renoncement quel qu’il soit, n’est pas facile et il n’est pas réalisé une fois pour toutes de façon quasi magique : il peut être remis en question tout au long de la vie.
Il n’est pas douteux, en particulier, que la frustration apportée par le célibat, qu’il soit imposé par les circonstances et assumé, ou qu’il soit choisi, va bien au-delà de la frustration du plaisir sexuel à deux : le sentiment de solitude peut devenir difficile à supporter à certains jours du fait de l’absence de dialogue, d’échange de tendresse sentimentale et physique, du fait de l’absence d’enfant aussi.
Le caractère de la fille est plus ou moins marqué par les rythmes biologiques de son fonctionnement glandulaire. Les quatorze premiers jours du cycle, sous l’action de la folliculine, le caractère est gai, exubérant, impulsif. On verra durant cette-période une accentuation de l’esprit d’aventure, de la coquetterie, de l’irritabilité, de la jalousie. Les sens sont en éveil, le désir d’être aimée est plus grand. Dans la phase lutéïnique, c’est le calme, la réflexion.
Tout devient plus pondéré, mesuré. La fille devient plus maternelle, soucieuse du bien d’autrui, aimant à conseiller, protéger. Elle peut aussi être encline à la paresse, trop docile, susceptible de se laisser entraîner.
TENDANCES SEXUELLES
Je voudrais m’arrêter quelques instants, avant de finir, à des actes que les tendances sexuelles peuvent provoquer : masturbation, masochisme, relations homo et hétérosexuelles.
* La masturbation est l’acte par lequel une femme (un homme) se procure la jouissance sexuelle. Elle est souvent la recherche, dans une satisfaction personnelle, d’une compensation à un manque d’affection de sollicitude, réel ou ressenti comme tel.
* L’homosexualité est liée à l’enfance et à l’adolescence. Cette composante doit faire hésiter sur l’admission.
* Le masochisme est une déviation dans laquelle la jouissance sexuelle ne se produit que lorsque l’acte sexuel est accompagné de souffrance physique ou d’humiliations. Il se présente aussi de manière uniquement psychologique. Tout se passe dans la psychologie comme si souffrir répondait à un besoin, satisfaisait une tendance. Besoins d’expiations, demandes de pénitence, désir de s’offrir en victime expiatrice, n’ont pas toujours un son très pur. Souffrir satisfait quelque chose en soi.
Lorsque des tendances semblables sont décelées chez un sujet, il est recommandé de lui conseiller de consulter un psychologue, ou un médecin-psychologue.
Proche de cette catégorie, peuvent être ajoutés les problèmes posés par un état de santé branlant ou peu florissant. La présence d’une maladie ne peut faire conclure à l’absence certaine de vocation. Toutefois, toute indisposition mineure mais tenace a une signification profonde sans être nécessairement signe de non-vocation. Elle peut fort bien aller de pair avec un authentique appel de Dieu. Le recours au spécialiste permettra d’aider à y voir clair.
RECOURS AU SPECIALISTE
Si le spécialiste n’est pas conscient de la limite de sa tâche (théologien, médecin psychiatre ou psychologue), il risque de jeter le trouble dans l’esprit de la consultante, de créer une confusion néfaste entre différents plans, de dépasser sa compétence en affirmant qu’il y a ou qu’il n’y a pas vocation.
Mais tout aussi bien la supérieure, le prêtre, feront bien de se demander s’ils n’ont pas recours au spécialiste pour échapper à leur responsabilité.
C’est à la Supérieure à prendre la décision d’une admission ou d’un refus en dernier ressort.
Les uns et les autres garderont présents à l’esprit que les cheminements imprévisibles de la grâce et que les voies du Seigneur ne sont guère les nôtres.
Françoise BORDES