Les groupes de recherche : questions, convictions, projets


Il est impossible et sans doute inutile de reprendre tout ce qui a été dit dans les rapports de carrefours. Plus d’une réflexion était d’ailleurs liée au contexte momentané et n’attendait pas de postérité. Pourtant, comme le groupe tout entier s’est donné à lui-même une sorte de synthèse, il ne sera pas sans intérêt de rappeler les idées majeures qui sont apparues en les commentant par les rapports écrits que nous avons gardés.

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I - DES QUESTIONS A NE PAS OUBLIER

A - CELLES QUI ONT TRAIT A L’ACCOMPAGNEMENT LUI-MEME

1) Que faire pour aider chaque fille à progresser dans une équipe homogène ?

Il s’agit souvent d’une situation de province où le nombre des participantes à une rencontre est restreint. Il se trouve alors que les milieux d’origine sont mélangés et aussi les différents niveaux de maturation d’une vocation.

Les conditions idéales ne pourront jamais exister et même il y a peut-être aussi quelque avantage à ces mélanges (confrontation des points de vue, richesse des échanges, ouverture) mais les inconvénients sont très importants aussi : difficulté à respecter chacune selon son expression, son enracinement, sa progression.

Danger de s’en tenir à un langage purement et faussement spirituel. La vie spirituelle a d’autres exigences.

2) L’élitisme :

Est-ce que nous ne réintroduisons pas une certaine aristocratie de qualités humaines au coeur même de nos exigences ? La vie religieuse est-elle réservée à celles qui ont le meilleur gabarit humain ? Celles qui ont une santé déficiente, un système nerveux vite épuisé ou d’autres limites seraient-elles à jamais rejetées ? C’est une question qui est restée posée et que Jean-Marie RICHARD nous a demandé de ne pas oublier.

3) Quels sont nos points de repère pour aider une fille à choisir entre vie religieuse et vie laïque consacrée ? Nous avons pris conscience que nous connaissions mal comment était vécue la vie de laïque consacrée. Nos points de repère sont souvent trop superficiels, voire même simplement négatifs et tout à fait faux.

Ex : "est appelée à la vie de laïque consacrée celle qui est inapte à la vie en communauté..."
Ex : "puisque tu n’as pas pu vivre la vie religieuse dans telle congrégation, pourquoi ne penserais-tu pas à tel institut ?..."

Connaître la vie du laïque consacrée pour ce qu’elle a d’original et d’unique, repérer les caractéristiques qui nous permettraient de conseiller ou confirmer une orientation, ce sont des objectifs que nous gardons sans avoir pu cette fois les atteindre tout à fait.

B - LES QUESTIONS QUI VISENT NOTRE VIE EN EGLISE

1) Comment aider les prêtres à mieux connaître la vie religieuse et son renouveau ?

- comment rejoindre et partager les dynamismes vécus par les religieuses et les religieux ?

- comment sommes-nous en contact avec les congrégations et les instituts ?

On relève ainsi un faisceau de questions qui remet en cause l’attitude du peuple chrétien tout entier vis-à-vis de la vie consacrée. Méconnaissance, soupçon ou simplement ignorance font que nous ne sommes pas au service les uns des autres. Il y a beaucoup à faire dans ce sens et c’est déjà commencé. A de nombreux signes, nous devinons que la reconnaissance réciproque est tout à fait possible.

2) Comment notre travail d’accompagnateurs pourra-t-il se faire reconnaître par la pastorale mais aussi par les congrégations et les instituts séculiers ?

Le travail est dans les deux sens : nous avons nous aussi à nous faire reconnaître. Ici aussi le travail est commencé : on cite la session organisée par Forma Gregis en 1973, les liens avec l’Union des Supérieures Majeures, les rencontres diocésaines ou régionales entre jeunes et religieuses ou entre religieuses, religieux et prêtres. On note aussi la collaboration qui se fait avec les mouvements d’Action Catholique... Les pistes sont ouvertes ici aussi. Tous responsables de toutes les vocations n’est pas un vain mot, sur le terrain on se rend compte que c’est à cela qu’il faut tendre toujours.

II - DES CONVICTIONS A FAIRE PROGRESSER

La frontière entre les questions qui aboutissent à des résolutions et les convictions qui appellent une action est bien transparente. Ne durcissons pas nos classifications. De même il est bien difficile d’établir une hiérarchie d’importance ou d’urgence entre les différentes convictions qui se sont manifestées à la fin de la session. Chacun fera son barème.

A - ATTENTION APPORTEE AUX JEUNES

Il y a des filles qui demandent à être aidées et il y a des adultes qui s’engagent avec elles dans la recherche. C’est une constatation mais c’est aussi la conviction fondamentale qu’il y a quelque chose à faire, un service à rendre en Eglise.

C’est le même respect de ce qu’attendent ces jeunes qui entraîne un faisceau d’autres convictions. Quelques-unes commencent à être bien connues, disons-les tout de même.

1) Respecter l’enracinement humain da chaque fille.
Ce que nous dit Françoise Bordes enrichit notre attention (cf. la conférence n° 1) mais il faut y ajouter la connaissance de son milieu, de sa culture, de ses relations actuelles, de son travail... Il faudra souvent attendre que cet enracinement puisse se faire et ne pas urger une décision trop rapide.

2) Partir de ce qu’elle vit, non pas pour ne plus y revenir mais pour l’aider à se reconnaître, à ne pas constamment idéaliser son avenir et même son présent.

3) Importance de situer le projet d’une fille dans une vie militante.
Cela veut dire d’abord que l’accompagnateur doit s’intéresser à la vie militante d’une fille. Il est peut-être capital pour elle que son projet soit vécu à l’intérieur de son engagement. Mais cela veut dire aussi que l’accompagnateur doit aider une fille à s’engager, si elle ne l’est pas, au service des autres et si possible avec des autres.

4) Respecter le mûrissement lent des filles et admettre des seuils.
La patience est indispensable, c’est toujours la jeune qui aura l’initiative, mais un cheminement ne se fait pas dans l’indifférenciation totale. Pour qu’il y ait mûrissement, il faut qu’il y ait reconnaissance de certains choix d’où l’idée de seuils. Jean-Marie REVILLON en propose quelques-uns : une fille qui accepte déjà le projet d’une vie consacrée devra d’abord assumer l’idée et la réalité d’un célibat pour elle. Tant que la question : "est-ce que j’opte pour le célibat ?" n’est pas tranchée, il est inutile d’envisager des projets d’avenir plus précis.
Une fois l’option faite pour la célibat, la fille pourra plus lucidement examiner la possibilité ou d’un laïcat consacré (dans une communauté de quartier ou un institut) ou d’une vie religieuse (monastique ou apostolique). Enfin, il y aurait l’étape de la reconnaissance mutuelle. "Essaies là, tu n’entres pas mais tu regardes..." Il semble alors que la décision pourra être prise avec plus de liberté et d’amour vrai.

5) Reconnaissance de l’initiative do Dieu : ceci a été dit dans notre synthèse finale, mais sous la forme d’un reproche : notre session n’a pas assez fait de place à l’initiative de Dieu. D’aucuns trouveront la remarque injuste, Dieu étant présent selon eux à tout effort de repérage, d’autres y verront peut-être une invitation à demeurer constamment attentif à ne pas substituer une technique de discernement, pourtant nécessaire, à l’absolue liberté de Dieu qui nous surprend toujours, et nous devance constamment.

B - ATTENTION APPORTEE AUX GROUPES

1) Identification du groupe.

C’est une insistance de Jean-Marie Richard mais c’est aussi une conviction forte des membres de la session. Il faut que les intentions du groupe aient pu se manifester clairement : comme un lieu da partage et de vérification d’un projet de vie consacrée et que chaque participante ait eu la possibilité de se reconnaître dans cet objectif commun. Autrement toutes les confusions sont possibles. Bien considérer le groupe comme un relais et non pas comme une équipe de vie ni comme un lieu d’engagement. Les points d’appui sont ailleurs.

2) La composition et la prise an charge du groupe.

- L’idée d’une mixité garçons-filles a été abordée. Elle a éveillé beaucoup de réticences. A cause des objectifs assez précis que le groupe s’est assigné, la mixité risque d’être une gêne plus qu’une aide : danger de tout mélanger, de ne pas respecter les situations différentes, de mal situer un engagement qui, dans le cas de la vie religieuse, se fera dans des communautés non mixtes.

- Si possible, différencier les groupes selon les âges et selon les milieux quand il apparaît clairement que cela doit être fait.

- Que les filles prennent de plus en plus la responsabilité de leur groupe et qu’elles se sentent responsables dans ce groupe. C’est surtout cette deuxième idée qui a retenu notre attention plusieurs fois. Elle met en cause le rôle des animateurs.

3) Les animateurs de groupe.

La relation du groupe à des adultes semble indispensable mais elle peut être vécue de différentes manières. Voici quelques indications que nous avons relevées et qui n’ont pas pu être développées.

- Il semble intéressant que l’équipe animatrice soit mixte : religieuse ou laïque consacrée et prêtre. Des adultes trop nombreux déséquilibreraient le groupe mais un seul adulte, homme ou femme, ne permet pas au groupe d’épanouir toutes ses virtualités. C’est une de nos convictions qu’il faudrait peut-être creuser.

- Que le projet de l’animateur ne diminue pas le projet du groupe !...
Cette remarque est d’autant plus vraie quand l’animateur est seul. Ceci nous permet de trouver la juste mesure d’une session comme celle ci et des autres recherches que nous faisons en ce domaine. Plus nous acquérons compétence, plus nous devons devenir transparents et serviteurs. Le danger d’avoir des idées sur les autres avant de les avoir vraiment accueillies n’est jamais un leurre.

C - LA SITUATION DES GROUPES DANS LA VIE ECCILESIALE

Une énumération de nos convictions peut être faite mais les développements seront très courts car il reste beaucoup à faire. Les développements du Père Bourdeau sur la nouvelle situation faite à la vie religieuse dans l’Eglise et le monde, ont ravivé notre sensibilité à quelques points que nous ne voulons pas oublier.

1) Lien des groupes avec 1a pastorale du secteur et en particulier avec les mouvements d’Action Catholique.
Bien entendu, c’est surtout à chaque fille de trouver son insertion dans cette pastorale et dans ces mouvements, mais il semble aussi très important que les animateurs de groupes puissent réfléchir à leur travail en lien avec les autres responsables de la pastorale. Ici aussi, convictions à faire progresser.

2) Travail de recherche avec les congrégations religieuses et avec les instituts.

Deux orientations sont apparues :

- d’une part une recherche qui va du ce que cherchent les filles à ce que vivent les congrégations ou les instituts.

- d’autre part un mouvement qui manifeste aux filles ce que trouvent et mettent en place les différentes formes de vie consacrée.

Il semble que ce va et vient, à peine esquissé ici, soit très prometteur.

3) Réflexions avec les prêtres chargés des religieuses dans le diocèse.

C’est une piste aussi à. ne pas négliger.

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III - DES PROJETS A REALISER

Il est bon du se rappeler ce qui a été dit dans la ferveur d’une fin de session. Ce que nous entrevoyons à ce moment là est juste, même si la mise en oeuvra est longue, il ne faut pas oublier ce que nous avons pressenti.

Toutes les instances (diocésaines, régionales, nationales) sont intéressées par les projets qui sont ici relevés. Que chacun prenne ses responsabilités.

A - UNE COORDINATION A CONTINUER

Il est indispensable que les animateurs de groupe de recherche continuent à travailler ensemble, à se communiquer leurs initiatives, leurs recherches, leurs travaux. Ce qui se fait dans la région parisienne n’est pas réalisable partout de la même façon, mais ce qui peut se faire dans toutes les régions de France, c’est un travail de coordination et de réflexion courageuse. Le C.N.V. est prêt à participer


- Des sessions nationales à prévoir. La qualité de ce qui a été vécu à la rue Lamarck nous a donné envie de poursuivre la recherche, en particulier sur les points suivants :
. Session à partir de ce que vivent les filles,
. Creuser une question à partir d’une expérience très précise,
. Rechercher les dynamismes...
. Connaître davantage les instituts et les diverses formes de vie religieuse. C’est encore un peu imprécis mais le C.N.V. est à votre disposition pour mettre sur orbite une nouvelle rencontre. Nous questionnerons, nous chercherons avec vous. N’hésitez pas à nous faire part de vos désirs.

Jean DUBREUCQ