Après la session de Tours : convergences


I - Le problème des 18-22.ans est une forêt touffue qui pose nombre de questions radicales, en particulier à propos de l’Eglise.

- La raison d’être en Eglise :
"Pourquoi privilégier l’Eglise comme lieu de service des nommas ?" (Jean-Marie°

- Les rapports Eglise-Monde. :
"Quatre mots reviennent dans les monographies : Monde - Eglise - Communauté -Prêtre. Le dynamisme existe chaque fois qu’ils constatent qu’entre ces réalités, ça peut fonctionner". (Un carrefour).

- Identité des divers ministères, de la vie religieuse et leur finalité.
"Je rencontre plutôt n’importe quoi que. des projets précis" (un prêtre).
"Prêtre pourquoi faire, avec quel statut ?"
"Pour moi, prêtre, religieux, c’est tout pareil" ( (Des jeunes.)
"Etre curé, je puis le vivre comme laïc"

- Le sens et l’importance des sacrements
Tel est très sensible à l’Eucharistie, mais d’autres : "tout cela est-il plus que des symboles ?"

C’est bien au niveau de la foi, de l’ecclésiologie réfléchie et vécue que se situe la principale difficulté, et donc la principale clé.
Mais l’ampleur de cette tâche explique la difficulté à élaborer des propositions d’autant plus - on l’a souligné - que les mêmes mots n’ont pas toujours le même sens.

II - Parmi les participants, trois tendances sont apparues avec, entre elles, nombre de connexions.

A - Ceux qui veulent aider des projets de ministère presbytéral à se réaliser par un accompagnement adapté (expérience spirituelle, expérience humaine, apport intellectuel). Type : le projet G.F.U. - Et ce, malgré les difficultés de tous ordres qui entravent actuellement un cheminement vers le ministère presbytéral.

B - Ceux qui souhaiteraient proposer une diversité de ministères ordonnés ou pas, pour ne pas perdre les richesses qui s’offrent et qui ne se réalisent pas dans le ministère presbytéral tel qu’il est actuellement organisé.
"Il manque des propositions diversifiées, telles que ’prêtre ou non’ ".
"On voudrait de vraies recherches pour d’autres formes de ministère presbytéral et d’autres ministères". "Avec un groupe de jeunes, garçons et filles, qui envisagent un service d’Eglise qui ne serait pas nécessairement presbytéral".

C - Ceux qui insistent sur la nécessité de partir de ce qui est vécu actuellement et des besoins de la mission, quitte à interpeller dans le cadre des mouvements, des communautés, les personnes qui pourraient assumer les services reconnus comme nécessaires pour la mission.
"C’est à l’Eglise locale, en tant qu’ensemble du Peuple de Dieu, qu’il appartient de définir les ministères qui pourraient remplir sa mission ... Il y a urgence à cette concertation entre laïcs, prêtres, évêques ... pour reconnaître les besoins afin que l’on puisse faire des propositions aux jeunes à partir de ce qu’ils nous manifestent." (Un carrefour).

III - Avant tout accompagnement, un préalable est mis par beaucoup, avec insistance : "faire sauter les verrous". C’est la question dont on voulait parler.

A - Celui du célibat

Dissocier le presbytérat d’un célibat obligatoire, de préférence pour des hommes mariés, d’âge mûr.
Beaucoup d’insistance sur ce point et aucun avis discordant.
"Peut-être faut-il mettre en place des ministères qui valorisent le célibat, mais le lien ministère presbytéral-célibat est à rompre".

B - Celui de tout ce qui gêne l’insertion dans le monde : absence de profession, déracinement culturel.

C - Celui qui réserve aux prêtres (en fait) le pouvoir.

Le ministère qui correspond aux aspirations des jeunes est plus "compagnonnage" que "commandement". Or ils ont parfois encore cette expérience ou celle d’un appareil trop administratif.
"Là, pour la première fois, j’ai connu un évêque, un personnage ; mais il ne faisait pas le poids et il a refusé de s’engager" (Un jeune).
"Refus du prêtre ’personnage’ dans la liturgie"
"Confrontation douloureuses et difficiles avec tel prêtre"(plusieurs cas dans les monographies).

D - L’image globale des prêtres actuels jugés sévèrement ou douloureusement par les 18-22 ans.

"Des prêtres difficiles à assumer",
"Des marginaux ... des hommes seuls et qui auraient pu ne pas l’être".

Au total bloqué par ces divers verrous, la voie du ministère presbytéral apparaît bien difficile et sans grand attrait.
"J’essaie parfois de fuir le regard de Dieu, de foutre le camp" (un jeune).
On s’est posé plusieurs fois la question dans les carrefours : "Que devons-nous être, que devons-nous vivre ?" Ce que nous paraissons ne mobilise pas les jeunes ... "Cela ne leur semble pas à la mesure de leur soif d’absolu, de leurs exigences".

De là des requêtes :

- que les évêques fassent des gestes prophétiques :

  • ordination d’hommes mariés,
  • réintégration de prêtres mariés dans telle ou telle fonction,
  • désignation de laïcs pour des responsabilités dans la mission : un permanent laïc au service du monde rural dans le diocèse de Dijon.

- qu’on éduque les communautés en conséquence.

Certains, la majorité sans doute, tout en reconnaissant des "verrous", pensent qu’on peut et qu’on doit continuer à appeler, à préparer, même avec les verrous demeurant en place.

IV - L’accompagnement

A - Personne n’en conteste le principe, même si on le voit de façon plus ou moins organisée, plus ou moins concertée, à la demande des jeunes.
On en note même la grande utilité à partir des monographies et du fait que les jeunes veulent du solide.

B - La pédagogie
Certains carrefours en ont parlé (voir également les interpellations, § VI)
1 - la relecture du vécu,
2 - veiller à l’enracinement, au sens du collectif,
3 - reconnaître les services et responsabilités déjà exercées,
4 - développer l’aptitude à la relation et au service,
5 - approfondir la contemplation, en particulier de Dieu à l’œuvre dans le monde,
6 - ne pas éterniser la recherche, mais marquer des seuils d’engagements progressifs.

C - Mise en oeuvre
1 - Par les mouvents de jeunes  : on a insisté sur l’importance et la réussite de l’effort en J.O.C., l’espoir du côté J.I.C. et même du M.R.J.C. Tous sont de fait concernés (A.C.E., scoutisme, etc.). Mais deux réticences s’expriment, Soulignant des limites :

a) Des jeunes n’entreront jamais dans le dynamisme de l’Action Catholique Spécialisée, leur expérience ou charisme est autre. Certains récusent les "structures" précises de l’A.C.S.

b) D’autres jeunes iront de la foi, de l’expérience spirituelle, à l’engagement humain dans le collectif. C’est plutôt la démarche dans les Milieux Indépendants (à telle session de recherche J.I.C., la majorité des participants étaient des séminaristes de Milieux Indépendants qui découvraient la J.I.C. au cours de leur formation au séminaire).

On souhaite donc à côté des Mouvements d’autres formes d’accompagnement.

2 – « G.R.U. »

On a souhaité que les G.F.U. soient précédés d’une étape de cheminement. Les G.F.U. avec leur orientation ferme vers le ministère presbytéral et de :. longues sessions, exigent plus que n’acceptent la majorité des jeunes au début de leur recherche.

3 – Autres expériences

Ont été évoquées en particulier :

- groupe de recherche (filles et garçons) en Sorbonne,

- groupes de diaspora créés durant le secondaire et qui continuent au-delà de la terminale,

- groupes d’étudiants autour d’un responsable vocations

- expérience de la session de Tournay en Midi-Pyrénées ou de Bosserville dans l’Est,

- groupes mixtes en lien avec le M.R.J.C.

Ces expériences n’ont pas été communiquées en Assemblée Générale et certains l’ont regretté. Elles ont suscité un vif intérêt dans les carrefours. Elles posent toutefois plusieurs questions (à supposer que leur pédagogie soit d’ailleurs celle définie plus haut) :

- qui doit les mettre en oeuvre à partir de la demande de tel ou tel jeune ? S.D.V., aumôniers d’étudiants, aumôniers de mouvements, ou bien tous ensemble ?

- comment tenir compte de ce que sont et de ce que désirent ces jeunes en recherche, alors qu’ils sont si dispersés parfois ?

- si on en fait des groupes de recherche en vue de ministères diversifiés, ne rendra-t-on pas fort difficile la découverte du spécifique des ministères ordonnés ?

En tout cas, l’initiative ne peut alors appartenir au seul S.D.V.

V - Formation

Les monographies et la réflexion ont fait apparaître :
a) que les jeunes désirent une formation solide,
b) que les systèmes actuels sont plus méconnus que rejetés, dans l’ensemble,
c) que la formation doit éviter tout déracinement et au contraire prendre appui sur l’expérience.

Tout cela sans cesser d’être exigeante.

VI - Interpellations

Les carrefours et les groupes homogènes (prêtres de même fonction) ont exprimé nombre d’interpellations qui devraient être répercutées. Plusieurs ont été formulées "de l’intérieur", par des membres de l’instance concernée.

A - Evêques

1) Que des appels soient lancés à des communautés et à des personnes en fonction des besoins de l’Eglise (à expliciter et faire expliciter, y compris par les jeunes en recherche) et non d’abord en fonction de la générosité, des qualités nécessaires, etc.
2) Que soient posés des gestes "prophétiques" visant à débloquer des situations (profession, projet pastoral) non pour résoudre des problèmes, mais là encore en fonction des besoins,
en gardant conscience qu’il faut continuer à sensibiliser l’ensemble du Peuple de Dieu pour que ces gestes soient perçus.

3) Des Jeunes "ayant tout ce qu’il faut pour être appelés au ministère presbytéral" renoncent ou sont éliminés parce qu’ils envisagent le mariage ou se marient : que la question du lien obligatoire entre ministère presbytéral et célibat soit reposée à partir de ce fait.

B – Grands séminaires

1) Que soit mieux défini un critère d’entrée en 1er cycle. Il devrait prendre en considération une certaine compétence humaine (profession en particulier) et ecclésiale. Quels jeunes peuvent bénéficier d’un 1er cycle ?
2) Que soit assuré le lien entre les grands séminaires et ce qui se vit dans les mouvements, ce qui supposerait en particulier que les formateurs vivent d’autres expériences que celle du grand séminaire.
3) Un .lien concret et suivi devrait exister entre les grands séminaires, les Eglises diocésaines et les communautés locales (projet des équipes "ministères" dans le Sud-Ouest).

C - Mouvements

Devant des 18-22 ans qui pensent au sacerdoce dans des situations très différentes, les responsables et les aumôniers ont :

1) à vérifier les "racines humaines", ce qu’ils vivent concrètement de la mission de l’Eglise, et ce dans le mouvement lui-même, sous sa responsabilité.
2) on voudrait même que se développent les moyens que se donnent les mouvements pour expliciter la richesse d’une vie en Eglise (utilisation des compétences : théologie, Bible).
3) que faire par rapport à des gars qui ne sont pas en mouvements, bien qu’ils vivent une réelle expérience d’Eglise dans tel ou tel milieu ?
4) les liens doivent se renforcer entre les mouvements, les services des vocations et de formation. Tous sont appelés à un effort en ce sens.

D – Aumôniers d’étudiants, de lycéens, etc.

1) ce que vivent les groupes, les communautés que vous connaissez, dont vous faites partie ;
cela peut-il contribuer à faire naître de nouvelles formes d’Eglise ? avez-vous l’occasion de vous poser cette question, avec qui ?

2) pensez-vous que les services actuellement remplis par des jeunes et des adultes dans ces communautés peuvent contribuer à la recherche de nouveaux ministères dans l’Eglise ? Certains peuvent-ils aller jusqu’à de nouvelles formes du ministère presbytéral ? avez-vous l’occasion d’approfondir ce point ? avec qui ?

3) vous connaissez des jeunes adultes vivant leur foi dans des réalités humaines très coupées de l’Eglise (urbanisme, monde de la recherche, milieu de la santé)
quels moyens avez-vous à votre disposition pour les aider à y faire naître l’Eglise ?
quels obstacles rencontrez-vous ? comment les surmonter ?

E – Foyers, Séminaires de jeunes et collèges catholiques

Ces maisons sont très diverses et offrent donc des chances inégales. Cependant plusieurs points d’attention ont été exprimés :

1) comment aider les jeunes et leurs responsables à assumer différentes expériences d’Eglise dans l’institution et au dehors ?

2) comment le projet de la maison et sa vie sont-ils concernés par la pastorale du secteur ou du diocèse ?

3) quelques valeurs sont d’abord à bien préciser, puis à favoriser durant l’adolescence : . le dynamisme missionnaire, . l’attitude d’écoute et l’aptitude à mettre en relation.

F - Services des vocations

1) Que les S.D.V. aient le souci constant de renvoyer les jeunes de 18-22 ans à leur enracinement humain et ecclésial et à découvrir les besoins de l’Eglise où ils sont.

2) L’esprit et la démarche de l’A.C.E., de la J.O.C., de la J.I.C., du M.R.J.C. (dans le cadre de certaines réalisations locales) et leur effort particulier auprès des jeunes pensant au "sacerdoce" doivent être connus et reconnus. Ne peuvent-ils pas être développés et davantage pris en compte pour les 18-22 ans ?

3) Que les S.D.V. soient attentifs aux moyens que tout groupe se donne pour découvrir et discerner en quoi ses membres vivent de véritables expériences d’Eglise qui puissent être porteuses d’un appel aux ministères (découverte des besoins de la mission, élucidation, approfondissement, célébration de la foi vécue).

4) Qu’en retour, les S.D.V. provoquent, interpellent toutes les communautés d’Eglise et les évêques à faire des propositions concrètes de ministères à des jeunes exprimant ou non un projet, au cœur d’un monde précis.

5) Que des liens plus étroits soient établis avec les divers responsabes de la formation.

N.B. : Les S.D.V. ont aussi réfléchi sur le célibat et son approche pastorale. On en trouvera un écho dans le numéro de "JEUNES ET VOCATIONS".

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Ces propositions, ces remarques ne sont pas originales souvent. La recherche de Tours a permis de les partager entre prêtres aux insertions diverses. On souhaite plus de liens ; à Tours ils ont existé. De plus, ces vues générales appliquées ici à la recherche des "18-22 ans" sont loin d’être acquises dans la pratique. Serons-nous maintenant assez audacieux pour entreprendre de nouveaux efforts de mise en oeuvre ? La question s’adresse à tous, bien au-delà des S.D.V.