Expériences d’accompagnement - En lien avec des étudiants - une session régionale pour les 18-22 ans


On va trouver ici deux éléments de description et d’analyse :

- une rétrospective,

- l’analyse proposée par un participant de la rencontre de 1974, le P. BOUSQUET, professeur au grand séminaire de Bayonne.

I - TOURNAY, SIX ANS D’EXPERIENCE

Les rencontres de jeunes à l’abbaye de Tournay (Hautes-Pyrénées) organisées par les services "Vocations" pour les garçons, ont eu lieu chaque année, début septembre, depuis 1969. Le nombre de participants est pratiquement stable d’une année à l’autre : une vingtaine. Ce chiffre appelle plusieurs remarques :

- D’autres régions ont réuni des groupes plus importants, mais avec une baisse très sensible ensuite, si bien qu’après plusieurs essais en divers lieux, ce type de rencontre issu des expériences du Père J.P. MARCHAND à Pontigny, ne continue qu’à Tournay et Bosserville (Est).

- Cette vingtaine de jeunes sont réunis au prix d’un effort insistant "d’explication" de quelques responsables diocésains des vocations en Midi-Pyrénées, et aussi de l’équipe, des animateurs du grand séminaire 1er cycle. C’est la coordination de ces efforts qui explique ce relatif succès.

- Par contre, le type de jeunes varie assez nettement d’une année à l’autre moins par l’âge (2/3 sortant de Terminale, 1/3 d’étudiants plus âgés, un ou deux jeunes au travail:chaque année) que par les expériences antérieures (mouvements, enseignement catholique ou public, motivations plus ou moins précises pour le ministère presbytéral). Chaque rencontre a un visage propre.

Que sont devenus les jeunes qui ont participé à ces rencontres ? On ne peut fournir une statistique précise. Un quart de ces jeunes sont dans les séminaires (dont G.F.U.) ou noviciats. Quelques-uns ont découvert à Tournay, l’Action Catholique (J.I.C., surtout) et la possibilité de poursuivre une recherche "vocation" ou un engagement dans ce contexte. On reste sans nouvelles d’un grand nombre. Il apparaît donc qu’une session ponctuelle ne saurait suffire. Il faudrait que des équipes de mouvements ou "de recherche" prennent le relais...

II - LA RENCONTRE DE SEPTEMBRE 1974

1) Que s’est-il passé à Tournay ?

1ère journée :
Chacun est d’abord invité, dans les temps personnels, les carrefours, à revenir sur ce qu’il a vécu :

- les relations qu’il a,

- les expériences, les problèmes qui l’ont marqué,

- les responsabilités qu’il a prises...

Confrontant cette expérience avec celle des autres, chacun essaye de faire le point sur sa vie, de mieux se connaître lui-même, de reconnaître le chemin qu’il a déjà tracé.

2ème .journée :
Croyant, il sait que Dieu était sur ce chemin et sur celui de tous ses copains. Ensemble, on essaye de reconnaître cette présence discrète du Seigneur, présence peut-être plus marquée à certains moments, mais surtout présence qui transparaît dans une relecture de la trace que l’on a faite.

3ème et 4ème .journée :

- Comment vivre demain et l’avenir plus lointain en étant serviteur de ses frères et responsable pour sa part dans la mission de l’Eglise ? C’est le troisième moment de ces quelques jours. C’est aussi, pourrait—on dire, la raison profonde de cette rencontre de Tournay dans l’esprit de ceux qui l’organisent, dans l’esprit aussi des jeunes venus chercher soit une confirmation des choix faits, soit une nouvelle lumière, soit une indication pour savoir s’ils ne sont pas appelés à un service d’Eglise qui les prendrait tout entiers.

- Telle est la trame principale de la rencontre. Qu’est-ce qui vient l’enrichir ?
D’abord l’échange très simple, très personnel entre les jeunes eux-mêmes et avec les prêtres qui sont là.
Ensuite divers témoignages qui viennent compléter, élargir l’expérience de chacun : ensemble, ils veulent présenter le Peuple de Dieu dans sa diversité, ses recherches, sa mission. Deux foyers sont venus parler de leur vie professionnelle, de leur façon de vivre leur foi, de leurs engagements divers.

Le Père Abbé présente en quelques mots essentiels ce qu’est pour lui et sa communauté la vie monastique Un moine nous dit simplement comment la prière et la lecture de la Parole de Dieu sont dans sa vie comme une deuxième respiration, comment la vie avec ses frères l’aide à vérifier chaque jour la qualité de sa relation à Dieu.

Religieuses et prêtres parlent de leur engagement dans la mission de l’Eglise, dans un échange très direct et très fraternel. Mgr COLLINI fait partager les principaux moments de sa vie et de sa responsabilité d’évêque.

Enfin, quelques points de réflexion doctrinale sur la Bible, sur l’Eglise s’ajoutaient à cet ensemble sans oublier les moments de réflexion personnelle et les moments de prière qui furent de grande qualité.

ANNEXE
Un aperçu du programme de Tournay 74

Jeudi 5 septembre 19 h
Installation - Repas.
Tour de table pour une première présentation.

Vendredi 6 septembre : regard sur ma vie jusqu’ici
Après un mot du P. Abbé de Tournay :"une communauté cherche à côté de vous..." Temps personnel, puis par carrefours : mes expériences jusqu’ici. En fin d’après-midi : un foyer de militants laïcs (CMR et oeuvres laïques) répond aux mêmes questionnaires.

Samedi 7 septembre : les signes de Dieu dans la Bible et dans ma vie.
- Trois témoignages sur des approches de la Bible par deux jeunes et un prêtre.
- Temps personnel et carrefours : "y a—t-il des signes dans notre vie ?"
- Un moine dit la place de la Bible dans sa vie et introduit à l’Office des vigiles.

Dimanche 8 septembre : l’Esprit et sa mission
- Après la messe concélébrée, réflexion en Assemblée Générale : l’Eglise, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi l’Eglise ?
- Après-midi face à face avec Mgr Collini.
- Puis carrefours tournants à option : religieuses, laïcs, prêtres divers.

Lundi 9 septembre : comment continuer ma recherche ?
- Temps personnel pour faire le point
- Présentation des mouvements de jeunes, des groupes de recherche, d’un séminaire 1er cycle (dont GFU ).

II) Evaluation

Elle part de la session 74, mais elle s’appuie aussi sur les expériences antérieures. Il faut d’abord situer cette session par rapport à d’autres. Tournay esquisse en un peu plus de quatre jours ce qui est étalé sur 15 jours aux sessions d’orientation de Solignac (cf. ci-dessus : quinze jours pour évaluer sa vie)..C’est une expérience moins riche, mais la proximité, le raccourci, la participation de personnes connues, favorisent l’inscription des jeunes auxquels plusieurs fois, on a également proposé et conseillé Solignac. Au même moment, à quelques dizaines de kilomètres, des aumôniers de jeunes dans le monde rural organisaient une session mixte sur les ministères. Nous n’avons pas encore d’échos de cette dernière rencontre. Sous réserve d’inventaire, le principe d’une telle session semble bon dans la mesure où il permet un éveil, un accompagnement très proche du vécu, des solidarités des jeunes dans le monde rural.

L’expérience de Tournay semble riche et féconde, elle, à trois points de vue :

1) Elle permet une clarification, un discernement. Plusieurs fois, la session a conduit tel jeune à renoncer à un projet (inaptitude psychologique, physique ; fausses motivations). Le "travail en carrefours, les dialogues personnels sont fort éclairants sur ce point. Tel autre pensait être prêtre, il a découvert ici la vie religieuse.

Il y a plus immédiat encore. A plusieurs reprises, on revient sur le vécu, ce qui a marqué la vie du jeune : ces partages permettent des découvertes mais ils suscitent aussi une critique de telle, ou telle expérience qui captivait jusque là le dynamisme du jeune : "tu-reviens de Taizé, bien. Et maintenant ?" ou encore : "ce choix professionnel est-il compatible avec ce que tu veux faire par ailleurs ?"

Ces questions pourraient être entendues ou posées ailleurs. On a l’impression à Tournay de rencontrer des jeunes disponibles pour de grandes aventures, mais bien seuls avec leurs illusions ou leurs grâces.

2) Créer des liens, ouvrir des pistes.

- "Je suis venu pour connaître des gars qui étaient déjà en université et qui faisaient quelque chose".

- "A Tournay, j’ai connu un prêtre du Grand Séminaire. Depuis 4 ans, je reste en lien avec lui".

- "X est en 4ème année dans une école supérieure à Paris. Dans un an, il est décidé à rentrer au Grand -Séminaire. "Avant Tournay, je n’avais jamais confronté mon projet avec celui d’autres jeunes. C’était une affaire entre moi et un prêtre. Mes parents ne sont pas au courant. Je suis venu malgré le prêtre qui me conseille, il fallait que je ne sois plus seul."

Ces réflexions suggèrent une autre richesse : les jeunes ont besoin de partage, de dialogue, en particulier à propos d’un projet de vocations. Tournay le favorise. De plus, il ouvre des pistes. Le partage sur la prière donne le désir et des moyens pour essayer ; l’échange sur les expériences apostoliques permet de découvrir qu’il est, dès aujourd’hui, possible de participer davantage à la mission de l’Eglise (plusieurs entrées en J.I.C.). Le témoignage sur les GFU, sur la communauté permanente de 1er cycle (où l’on vient prendre un repas parfois au cours de l’année suivante) tout cela permet la découverte de cheminements diversifiés et bien différents des images reçues.

3) Une découverte de l’Eglise.
C’est sans doute l’essentiel. Les participants aux rencontres de Tournay ont la foi, une foi bien sûr interpellée par l’incroyance, fragile et sans repères. Parmi toutes les réalités chrétiennes, la plus opaque aux yeux des jeunes, c’est peut-être le mystère de l’Eglise.

Or ici, se rassemblent des jeunes riches déjà d’action et de solidarités, des jeunes qui viennent écouter ce que l’Esprit, leur propose, des jeunes qui partagent enfin avec les autres membres du Peuple de Dieu : laïcs adultes, évêque, religieuses, etc.

- "C’est la première fois que je vois cela".

- "Jusqu’ici, l’Eglise c’était un bazar".

Ce n’est pas dire qu’après Tournay, l’institution-Eglise ne pose plus de question, mais il y a eu un renversement de perspective. L’institution vient désormais au second plan, ici on a aperçu des visages qui évoquent d’abord un Peuple et le dessein de Dieu.

Cette découverte est fondamentale pour situer les ministères. Au total, plusieurs viennent ici avec un projet individuel, une question qui remonte à l’enfance. Ils découvrent une mission commune qui les concerne, une mission diversifiée où le prêtre a un rôle original. Faut-il souligner le riche apport de la communauté monastique, cet autre visage d’Eglise qui accueille, qui cherche et qui célèbre ?

*
* *

Devons-nous en conclusion rappeler les limites de l’expérience ou l’espérance qu’elle suscite ? On fera rapidement l’un et l’autre.

Que deviendra cet appel à servir la mission de l’Eglise, à y être pour certains totalement consacrés, après 4 ou 8 ans de vie étudiante ? C’est dire la fragilité de l’élan pris à Tournay s’il n’y a pas de relais pour une réflexion sur la foi, pour des choix apostoliques et pratiques. La mission étudiante, les mouvements, les services de vocations, les animateurs des GFU sont interpellés par cette question...

Autre limite... le petit nombre de jeunes qui viennent à Tournay : 15 nouveaux participants chaque année. C’est sans doute très inférieur au nombre de jeunes que cette recherche pourrait intéresser et aider entre Bordeaux et Montpellier.

Mais il faut dire aussi le dynamisme et l’espérance vécus à Tournay. On y sent que le Christ continue à appeler jusque et y compris pour le ministère presbytéral ou la vie consacrée. Des jeunes d’aujourd’hui, des jeunes qui "sont bien dans leur peau" sont prêts à jouer leur vie dans cette aventure. Ils expriment un appel pressant qui provoque les prêtres à les aider mais aussi à vivre dans l’espérance. Seulement Tournay est une étape qui appelle, d’autres étapes.

Pierre BOUSQUET
Grand Séminaire - 64100 BAYONNE

Claude CLIGNASSE
C.N.V. - 106 rue du Bac - 75341 PARIS

POURQUOI J’AI DECIDE DE PARTICIPER A LA RENCONTRE DE TOURNAY ?

"Cette année, je serai à ... (Grande Ecole). Je crois que la grosse difficulté sera de ne pas "polariser", de ne pas laisser tomber Dieu, l’expérience de la Foi et de l’Appel. Cet appel qui est en moi, je ne peux plus le nier. Je l’ai trop combattu et refusé pour ne pas savoir qu’il existe, presque indépendamment de moi. Je sais au fond de moi-même que je ne pourrai être ce que je sens devoir être que dans un "oui" total et définitif. Je crains que dans les études supérieures, je ne saisisse le prétexte du travail, concours, etc. pour enfouir volontairement les vraies questions de ma vie. Ce que j’attends donc de Tournay, c’est qu’il remue les cendres, qu’il m’ouvre des pistes pour continuer".

Jacques