Vocations féminines : mon cheminement face à l’ACE et à la JOCF


Le témoignage de Régine est l’histoire d’un cheminement vers la vie religieuse. Il s’ajoute à beaucoup d’autres que nous connaissons ou que nous pourrions entendre là où nous vivons.

Il nous fournit une nouvelle occasion de nous émerveiller de l’action du Seigneur qui ne cesse d’intervenir et d’appeler dans la vie des jeunes.

C’est en effet, au cœur des réalités quotidiennes, à travers des engagements successifs, que Régine découvre des sollicitations inattendues et une invitation ultime ou don total.

Dans ce témoignage,, on remarquera, en particulier, comment le Seigneur parle et appelle dans la découverte des autres, dans l’action menée au plan professionnel, dans l’engagement apostolique et les responsabilités prises dans un mouvement, dans la prière en prise sur les réalités de vie, dans la souffrance tant physique que morale assumée dans la foi, et jusque "dans la rencontre d’une copine qui va mourir.

C’est une invitation pour nous à rejoindre l’action inédite de Jésus-Christ dans la vie des jeunes que nous accompagnons et à le reconnaître d’abord au cœur de notre propre vie.

Régine : 23 ans - employée de banque
Un frère - Une sœur mariée (2 enfants)
Père : usine - Mère : bibliothécaire.


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Embarquée dans l’A.C.E. : les sessions m’aident à redécouvrir le Christ vivant

Un jour, j’allais voir le prêtre sur la paroisse. Me montrant un chalet, il m’y envoie ; Ghislaine, Sylviane, Marie-France y étaient avec la Sœur. Celle-ci me demande si j’aimerais m’occuper d’enfants. Je lui réponds OUI. Je m’embarque avec Ghislaine en équipe de Fripounets. Elle se marie et je prends la relève avec les filles. Peu à peu, des sessions de formation font que je comprends plus le sens du mouvement. Les filles apportant leur vie, me reprovoquent par leurs questions : "Que fais-tu ? Pourquoi ne vas-tu pas à la messe ? Ainsi je découvre dans leur vie, quelqu’un qui les pousse à agir. Mais moi, à 17 ans, où en étais-je ? Je recommençais à aller à la messe et les rencontres de responsables, les sessions de formation m’aident à redécouvrir le Christ vivant dans tous ces gosses que j’avais en équipe et aussi en tous ceux que je côtoyais chaque jour, dans la rue, dans le quartier. Ce sont les filles qui m’ont aidée à redécouvrir le sens da l’eucharistie, en remettant pendant la période du Carême leur carnet tout décoré mais qui avait tant de valeur à leurs yeux, au moment de l’Offrande à leur messe d’enfant. Comment l’offrande du pain et du vin rassemblait l’offrande d’une vie de tous les jours.

Au boulot dans une banque.

Je commence à travailler dans une banque. Je ne voyais que la paperasserie, le classement. Je changeais souvent de section et ne pouvais me lier. On ne m’adressait la parole que pour me montrer le travail ou si je demandais quelque chose. Je parvins dans un service où étaient des plus de jeunes. Nous pouvions plus nous lier mais jamais nous ne sommes sortis ensemble, même pour boire un pot ensemble. On ne s’en tenait qu’au contact du boulot. Après trois mois d’arrêt maladie, je retourne au Service Etranger. Pour la première fois depuis quinze mois, j’ai l’occasion d’exercer le métier appris : sténodactylo.

L’idée d’une vie religieuse revint.

Avec les filles responsables en A.C.E., nous essayons de mettre sur pied une équipe J.O.C.F. Chacune essaie d’apporter ce qu’elle vit mais cela reste au même point. Les Fripounets continuaient à me reprovoquer. Je découvrais de plus en plus ma foi en Jésus-Christ mais la relier à ma vie, cela était difficile. Peu à peu, l’idée d’une vie religieuse revint. J’avais 17 ans et demi. Mais sous quelle forme ?

J’en parle au Père qui me remet l’adresse du Centre National des Vocations mais aucune réflexion ... je ne faisais pas le point sur ce que je vivais. Seule, je ne le pouvais pas.

En J.O.C.F. ... je commence a découvrir les copines et à travers elles : Jésus-Christ.

En J.O.C.F., cela commence à s’améliorer. Sylviane, responsable de l’équipe fit quelques sessions de formation, Lorsqu’elle revenait, tout lui semblait formidable !! Nous-mêmes en furent, veillées populaires, sessions. Peu à peu, nous comprimes et notre partage de vie se fit plus profond. Je commençais à découvrir les copines du bureau, du quartier et à travers elles, Jésus-Christ. Avec elles, je parlais de plus en plus. Un jour, j’apportai J.O. et le lisais pendant l’heure du déjeuner. Les copines s’y intéressaient et nous discutions ensemble par rapport à notre vie, à nos conditions de travail. JE découvrais le syndicat. Je savais qu’il existait à la banque mais je maintenais mes gardes par rapport à toute l’éducation reçue de mes parents (C.G.T., - parti - et le syndicat ne sert à rien ...)

De plus en plus, je voyais les tracts du syndicat passer dans le service. Avant, je les jetais à la poubelle. Après je les lisais et commençais à discuter avec les délégués. Je comprenais leur rôle, mais la carte, pour quoi faire ?

Fédérale A.C.E. ? J’accepte.

A la rentrée scolaire suivante, en A.C.E., on me demande d’être fédérale, de prendre des responsabilités d’un secteur. J’accepte. Je voulais aider toutes les responsables et leur faire découvrir tout ce dont les filles pouvaient être capables.

En J.O.C., c’était toute la vie mais personnellement, je n’apportais pas le projet qui était en moi. Il y avait ma vie familiale, professionnelle et ... ma recherche.

Première démarche ensemble.

Au boulot, tout s’enchaîne, il y a les notes, du chef de service. Ensemble, nous en reparlons et le rythme de travail s’accroît... Nous découvrons comment nous ne sommes pas respectées dans notre dignité. "Nous ne sommes pas des robots, des machines." En début d’année, les points. Je suis la seule à en recevoir. Cela rouspète. Annie et Jocelyne n’en ont pas du tout. Il faut qu’elles aillent voir le chef. Au dernier moment, la trouille. Nous y allons ensemble toutes les cinq.. Dans le bureau, je prends la parole, le chef n’y comprend plus rien, moi j’ai été augmentée... Il me demande à quel titre je lui parle : "Pour mes camarades car ce n’est pas normal qu’elles n’aient rien eu alors que nous faisons le même boulot ..."

Lorsque nous repartons, nous en discutons encore. Pour moi, cela a fait tilt... Toutes ces conditions de travail, de salaire, de vie, il y en avait marre. Je comprenais le sens de la carte syndicale par la solidarité et la force qui en ressortait par l’ensemble des syndiqués. Deux heures après, je leur montrai ma carte. Aucune ne se décida, mais nous nous sentions unies, unies dans l’amitié, unies dans une même lutte...

Aller toujours de l’avant : je découvre la Messe dans toute ma vie.

Et je découvrais le Christ présent qui m’interpellait., me poussait vers et par les copines. Aller toujours de l’avant ...

Je découvrais la messe, l’eucharistie dans toute ma vie. Les copines, leur vie, ’ma vie, celle de tous ceux que j’aimais, que je rencontrais, je les offrais. Je découvrais que le corps du Christ, le sang du Christ, c’était Annie qui allait vers Anne-Marie, Jocelyne qui "gueulait" car rien n’allait chez elle, au boulot... Je découvrais le Seigneur présent, vivant, souffrant dans les copines, les copains qui souffraient.

Ma recherche du Seigneur, je la vis tous les jours ....

Un jour, en sessions A.C.E., je parle avec Andrée, Annie de ma recherche. Annie s’y retrouve car elle-même était en recherche. Plus tard, je découvre qu’Andrée ayant terminé ses études, travaille comme psychologue à l’I.M.P. de la Congrégation que je côtoie. Andrée me parle d’un groupe de filles en recherche, toutes en J.O.C.F, ou A.C.O. qui se met en place. Je les rencontre et à travers tout notre partage, qui s’effectue sur la vie, sur notre vie, je découvre que ma recherche ne fait qu’une avec toute ma vie. Ma recherche du Seigneur, de son Amour, je la vis tous les jours, dans la vie quotidienne, dans le boulot, la famille, les copains, la J.O.C.F., le syndicat... Je prends peu à peu conscience que la congrégation avec laquelle je suis en lien, n’est pas celle qui puisse me permettre de m’épanouir pleinement, dans tout ce que je vis chaque jour, en fidélité au Milieu Ouvrier dans lequel je me reconnais totalement.

Week-end J.O.C.F. : approfondissement

En janvier 1971, je participe avec les filles du groupe à un week-end national J.O.C.F. pour les filles en recherche. Nous nous joignons avec les copines de toute la France. Il y eut un témoignage de Petite Sœur de l’Ouvrier et d’une laïque consacrée. En équipe, nous reprenions tout, les ressemblances, les différences. Je me sentais très reprovoquée. Je me sentais aussi moins pressée et découvrais des valeurs que je n’avais pas remarquées.

Au fur et à mesure, ma vie devenait plus profondément vécue par la réflexion, révisions de vie, la prière devenait de plus en plus importante. Le carnet de militante permettait d’alimenter ma prière, prier sur les événements de la vie, les rencontres, les contacts ...

Vie religieuse plus attirante que laïcat consacré

Je me sentais plus reprovoquée par une vie religieuse que de laïque consacrée. Surtout par cette vie de partage, fraternelles Je me rendais aussi compte que les engagements étaient "moins directé" car ils n’engageaient pas seulement la personne, mais la communauté, la congrégation. Mais il y avait toujours ce témoignage d’amour à donner et que l’on rencontre tous les jours et pour lequel je voulais donner toute ma vie.

En septembre, session A.C.E., le dernier jour j’annonce à l’équipe fédérale que je la quitte, ceci pour diverses raisons :

- au niveau santé, j’étais crevée. L’équilibre de vie perturbé et la forme était nécessaire pour continuer à fond au boulot.

- j’allais aussi prendre des engagements plus importants au plan syndical dans la boîte. Je voulais non seulement être en forme mais être plus libre de mon temps.

Mutation pour raison-de santé.

Seulement, la fatigue s’accumulait, et suite à une bronchite avec des complications, je recommençais à être essoufflée. Le médecin vint pour des médicaments car je refusai l’arrêt de maladie. Trois jours plus tard, il dut revenir pour me donner cette fois un mois d’arrêt "pour commencer"... Je décidai de me remettre en état physique malgré un moral des plus bas. Rien n’allait plus, c’était un trou.

Je profitai de mon état de santé pour voir la Directrice du Personnel et faire une demande de mutation pour raison de santé. Je voulais partir, recommencer à zéro... J’annonce à la maison et leur présente pour raison de santé, cela leur est plus facile à accepter.

Découverte de la solitude humaine

Je pars dans le midi en maison de santé et prenais contact avec l’aumônier J.O.C. Ma mutation est acceptée et je reste dans le coin. Alors tout change : je me retrouve toute seule depuis très longtemps. La ville, je ne la connais pas, l’appartement m’est impersonnel, et il faut du travail pour le rendre acceptable. Des crises de cafard, lorsque je rentre du boulot, c’est dur. Je découvre ce qu’est la solitude humaine. Je fais connaissance de Mamie et de ses enfants. La J.O.C.F, on connaît à la maison, des militants, responsables fédéraux, il y en eut... Tous m’accueillent à bras ouverts. Jamais je n’avais vu vivre de si près l’accueil, la simplicité.

Je repris mon carnet de militante...

Je demandai au Seigneur de m’aider à vivre cette simplicité auprès des autres, l’accueil dans toute ma vie telle que je venais de la découvrir.

Je repris mon carnet de militante qui m’aida encore plus à partir de ce que je vivais. Je découvrais que je n’étais pas seule sur le chemin mais que le Seigneur était là, tout proche. Mes temps de prière, d’arrêt étaient plus longs. Souvent, prier avec des paroles, mon carnet, l’évangile ne suffit plus. Des temps de silence en moi-même devinrent présents à ma vie, restant devant le Christ, avec Lui telle que j’étais, telle que je me connaissais et telle qu’il m’aimait.

Cette solitude que je retrouvai chez moi lors du retour du boulot me donnait et m’amenait plus à communier dans le Christ, pour le retrouver Lui.

Evénement : envoi vers les autres par une copine qui va mourir.

Contacts avec la J.O.C. - J.O.C.F. Rencontre régionale, réunions d’équipes gars et filles font que je m’y remette. Fédérale, je ne sais pas 1

Je reçu un soir un Télégramme de la mère d’une copine gravement accidentée. Je partis. C’était une copine qui découvrait sa vie, la J.O.C., Jésus—Christ dans sa vie. Tout était nouveau pour elle. Nous sommes restées deux heures ensemble, deux heures pendant lesquelles elle faisait révision de vie, parlant des copains, de sa famille, du Seigneur. Je lui disais revenir la voir le lendemain. "Non je ne veux pas, je sais pourquoi tu es remontée, mais il y en a d’autres qui veulent te voir aussi, les copains, ta famille. Vas-y, tu auras des nouvelles. Je sais plus que tout que notre Amitié nous unit dans l’Amour du Seigneur". Je lui promis et partis... Je retournais vers les copains, les parents, comme elle me le disait. C’était un envoi vers les autres, vers les copains, ma famille comme le Christ envoya ses Apôtres en mission.

Je découvrais la densité de l’amour du Christ et que cet Amour n’était pas pour elle seule, ni pour moi, les autres en avaient besoin, besoin de Le découvrir, de se savoir aimés ...

A mon retour, je sus que Micheline était partie dans la paix la plus complète une demi-heure après que je l’eus quittée. Je compris pourquoi elle ne voulait pas que je revienne le lendemain, elle sentait son départ. Celui-ci restait vraiment cet envoi vers les autres, vers le Seigneur …

La Fédé en mains :

Je décidai de prendre la fédé en mains. Il n’y avait pas de fédérale, il y en eut une. Il y avait du boulot sur la planche.

Au niveau recherche, rien ne bougeait. Je le désirais ainsi. Je voulais vivre ma vie de tous les jours, m’engager là où j’étais, prendre tout le temps. Je sentais combien en deux ans, j’avais fort changé . Maintenant ma recherche, je la vis... Je me reposai calmement la question du mariage. Plus en y réfléchissant, je voulais être seule, seule pour l’Amour du Seigneur que j’avais rencontré. Totalement à Lui pour le service des autres, du Milieu Ouvrier .

Ne pas avoir d’enfants ? Mon cœur n’en serait que plus ouvert à son Amour pour Lui pour mieux en témoigner auprès des autres.

Besoin de Militants, mais retour à la Source de l’Amour :

Diverses rencontres, contacts, avec des jeunes, des adultes, font que chaque jour, c’est un nouveau Oui qui se redit. Les choix, il y en a et toujours face à la vie, à cette vie de tous les jours. Je m’aperçois que quelque "chose" ou "quelqu’un" passe par différentes questions, réflexions. Différentes occasions pour me faire réfléchir, me reprovoquer et voir comment le Seigneur se sert des copains pour me faire prendre conscience réellement de ce que je vis, du sens, de la valeur de ma vocation baptismale, car c’est bien cette vocation-là avant tout que je vis chaque jour. Je sais qu’il y a tout un témoignage d’Amour à révéler. Cela se fait simplement dans ma vie de tous les jours, là où je suis, engagée sur place mais dans une vie reliée au Christ. Cet appel que je ressens me fait découvrir que le Monde a besoin de militants mais aussi ce retour à la Source de l’Amour. Toujours je me souviendrai, après un partage sur la foi, de Dominique et un copain faisant eux-mêmes la conclusion :

"ALORS, POUR TOI DIEU C’EST LA VIE "...

Régine