Aujourd’hui et demain


TEMOIGNAGES DE JEUNES

Lors d’une rencontre régionale de religieuses (Lyon-juillet 1973), plusieurs jeunes en recherche ont exprimé ce que fut leur cheminement - ce qu’elles vivent aujourd’hui - ce qu’elles aspirent à vivre demain.

Nous vous transmettons des extraits des témoignages de deux d’entre elles : ils soulignent la nécessité d’une réelle cohérence entre ce que vivent actuellement ces jeunes et ce qu’elles vivront demain. Cela ne nous pose-t-il pas question ?

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TEMOIGNAGE DE BERNADETTE : "CHAQUE JOUR, JE DECOUVRE CE QUE J’AI A VIVRE"...

Bernadette - 24 ans - institutrice - après tout un cheminement (désir - projet - rejet) redécouvre plus personnellement l’appel du Christ et s’efforce d’y répondre aujourd’hui.

"Je viens de réussir le C.A.P. : cela me donne une certaine sécurité, j’ai ce qu’il me faut, j’aime bien ma vie... Mais je ne peux pas m’en satisfaire. Je ressens cet appel à vivre avec le Christ, en choisissant un certain état de vie. Ma vie est pleine de richesses mais le Christ est de plus on plus, me semble-t-il, la seule vraie Richesse...

Ce que j’attends de la vie religieuse ? Ne la vivant pas encore, il me semble qu’il est difficile d’en parler. Chaque jour je découvre un peu plus ce que j’ai à vivre, et cela continuera, je pense...

Être religieuse pour moi, c’est d’abord choisir le Christ, vivre une certaine relation avec Lui et pouvoir vivre celle-ci avec d’autres qui m’aideraient à y être fidèle. Le partage spirituel me semble devoir tenir une grande place dans la vie de communauté. Vivre ensemble dans la découverte, l’écoute de Dieu, nous permettra de vivre fraternellement. La vie de communauté, je n’essaie pas de l’imaginer, car je pense qu’elle est ce qu’on la fait. Accepter que les autres entrent dans ma vie, qu’ils me dérangent, essayer de m’oublier, m’aidera à vivre plus tard avec ma communauté.

Aujourd’hui, je grandis, j’avance avec certaines personnes, je pense pouvoir continuer à le faire plus tard... Pour arriver à cela peut-être faut-il, au départ, se mettre d’accord sur ce que l’on veut vivre : l’ambiance de vérité me semble capitale.

Comment je vois la pauvreté, la chasteté et l’obéissance ? Je me demande si dans un certain sens, je n’ai pas déjà à les vivre aujourd’hui. Etre fidèle à ce que j’ai décidé de vivre avec mes élèves ou avec les personnes que je rencontre, aller toujours plus loin dans la gratuité, la disponibilité, l’oubli de soi est peut-être une forme d’obéissance.

J’ai peut—être à vivre la chasteté dans la manière dont je vis l’amitié, ne pas accaparer les autres en me recherchant moi-même, mais vouloir les faire être, ne pas m’intéresser seulement à ceux qui au premier abord m’intéressent. Un jour, j’aurai le pas à faire pour choisir cet état de vie particulier : j’aurai une séparation à faire vis-à-vis de mon milieu, de ma famille, mais je pense que celle-ci ne devra pas être une coupure. Je vivrai avec eux d’une autre manière.

Il y a différentes manières d’être témoins dans l’Eglise : la vie religieuse en est une comme les autres. Aussi je pense que je ne dois pas vivre seule cette recherche. Je dois avancer avec ma famille et avec ceux avec qui j’ai des engagements : ça les regarde. Je cherche à rétablir des relations vraies avec mes parents : étant habituée à vivre un peu en dehors de la famille, le dialogue n’est pas facile mais je ne peux plus accepter mon indifférence face à eux. Tout ce négatif, je le vis en souffrance, sachant que Lui y est Présent.

Aujourd’hui, je sais qu’un engagement au jour le jour me permettra l’engagement définitif. Je fais confiance car dans tout cela le Christ me guide ; j’essaie de reconnaître ce à quoi Il m’appelle au jour le jour et, .à travers cela, mon projet se clarifie quand même."

TEMOIGNAGE DE CHANTAL : "JE N’AI PAS LE DROIT DE FAIRE N’IMPORTE QUOI APRES "...

Chantal - 27 ans - permanente M.R.J.C. - exprime comment elle veut vivre consacrée à Dieu dans la fidélité à sa vie, ses découvertes, ses engagements, ses "croyances" d’aujourd’hui.

Après divers engagements dans le M.R.J.C., je voulais rester dans le monde rural. En sortir aurait été de la lâcheté. Je croyais qu’il y avait un travail important à faire entre prêtres, religieux, laïcs, pour vivre l’Eglise en monde rural. De la vie mouvementée que je menais se dégageait un besoin de silence et de prière...

Depuis que je suis permanente, nous essayons à quelques-uns de mener une action auprès des saisonniers du tourisme (exploités et écrasés par le travail...) Aujourd’hui, je voudrais vivre ces choix de vie religieuse en rural dans ce monde des salariés du tourisme de montagne.

Ce que je vis actuellement et ce que je vivrai, dans quelques mois, ce n’est pas autre chose, pour moi, c’est une suite. L’aujourd’hui ne prend un sens qu’avec ce que j’ai vécu avant (c’est la même ligne de fond). Je n’ai pas le droit de faire n’importe quoi après. Ceux avec qui je vis aujourd’hui peuvent l’an prochain me demander des comptes sur ce que je vivrai alors. Notre engagement commun d’aujourd’hui leur en donne le droit.

Ce que je veux :

- me laisser transformer par Celui qui est Amour pour me passionner toujours davantage pour la vie des hommes ;

- être acceptée dans la congrégation avec mes "croyances" d’aujourd’hui, c’est-à-dire : une certaine analyse de la société, un regard sur l’Eglise... qui sont influencés par le M.R.J.C. et un certain nombre de personnes que j’ai rencontrées pendant cet engagement

- pouvoir toujours être en recherche pour discerner de quelle libération le monde a besoin et à quelles conditions Jésus-Christ peut être reconnu, vivre cette libération en Lui. Travailler ensemble à l’avènement d’une société plus juste, plus humaine et à la suppression de toutes formes d’oppression ;

- trouver un équilibre entre engagements professionnels, vie communautaire, partage, prière ;

- ne pas avoir une place particulière, parce que religieuse, ni dans le monde, ni dans l’Eglise. Je crois à une complémentarité des ministères parce que j’en fais une expérience aujourd’hui, avec d’autres. Pour moi, être religieuse, n’est pas un but, mais un moyen important pour vivre des choses essentielles pour moi et pour les hommes. Je crois simplement que ça vaut le coup de risquer sa vie sur Dieu, de cette façon-là, et qu’il peut remplir toute une vie".

POUR UNE LECTURE DE CES TEMOIGNAGES ...

  • A la lecture de ces témoignages, comment réagissons-nous ?
  • Quelles valeurs, quelles intuitions positives y découvrons-nous ?
  • Ces témoignages rejoignent-ils - ou non - ceux d’autres jeunes que nous rencontrons ? ... Convergences et divergences...
  • Quelles conclusions en tirons-nous
      • pour notre effort d’accompagnement
      • pour la vie religieuse aujourd’hui ?