Cinq années de vie en G.F.U. (un essai de bilan)


Entre Mai et Décembre 1972, les plus anciennes équipes et leurs aumôniers ont fait un bilan sur ce qui avait été vécu. Partant de monographies reprises au cours des sessions d’été, une équipe d’aumôniers a essayé de mettre au clair quelques conclusions sur la pédagogie.

Il y a une diversité parmi les jeunes, il y a une personnalité différente de chaque équipe et de chaque région. Il n’y a pas la structure de référence d’un mouvement apostolique universitaire, et pourtant, il y a des jeunes qui cheminent vers le ministère sacerdotal et trouvent dans les G.F.U. des points communs et des solidarités.

Ces quelques passages tirés des conclusions du "Bilan 72" aideront à situer les G.F.U. tels qu’ils sont, quel service d’Eglise ils essaient de rendre... et peut—être à les situer par rapport à une image trop rapidement construite sur ce que l’on voudrait qu’ils soient. (1)

Jean Pierre MARCHAND

I - LES "ACCENTS" DE LA PEDAGOGIE EN G.F.U.

Ils ne sont pas faciles à déterminer en ce qu’ils ont de spécifique. On peut discuter longuement sur l’originalité (ou la ressemblance) des jeunes en G.F.U. par rapport aux autres jeunes qui se préparent au sacerdoce, en particulier dans la voie B. Au plan pédagogique, les différences repérables sont liées à la situation originale des jeunes en G.F.U. : ils sont étudiants à part entière ou commencent l’exercice de la profession à laquelle ils se sont préparés. Mais il vaut mieux parler d’ « accents » spécifiques plutôt que d’une pédagogie en tout point particulière.

La pédagogie des G.F.U. doit tenir compte du fait que ces jeunes sont et demeurent "en situation profane" et qu’ils sont marqués par ce qu’ils vivent ; quelle que soit leur diversité au départ, ils vivent dans le lieu où s’élabore la "nouvelle culture" et sont amenés à se poser les questions des "ministères nouveaux" ou du moins de nouvelles manières d’exercer le ministère. Par ailleurs, ils font des études qui doivent leur conférer une compétence humaine et professionnelle : ils sont amenés, par la logique de leur situation, à se poser le problème de l’exercice de la profession dans un ministère sacerdotal. Faut-il ajouter que ces jeunes étudiants sont très tôt et très vivement confrontés à la réalité de l’incroyance qui les interroge dans leur foi et suscite chez un certain nombre l’appel à un ministère de type missionnaire capable d’affronter un monde incroyant.

Les éducateurs qui les accompagnent reçoivent ces interrogations et les accueil-lent. Ils sont amenés à aider les jeunes à purifier leurs demandes : la demande de "nouveauté" doit s’inscrire dans la réalité du monde et de l’Eglise d’aujourd’hui. La profession doit être relativisée par rapport au projet de sacerdoce : c’est pourquoi on parle de "conversion" au sacerdoce ministériel. La demande "missionnaire" doit être vérifiée au sein de l’engagement apostolique présent.

Reste entier cependant le problème de la manière concrète dont pourra se. réaliser, en fonction des charismes de chacun et des besoins de l’Eglise, la demande de ministères nouveaux, comportant éventuellement l’exercice de la profession, dans un monde marqué par l’incroyance.

Plus fondamentalement, en raison même de ce contexte, deux attitudes spirituelles paraissent devoir être éduquées

1) La disponibilité au don de Dieu, s’il est vrai que le ministère presbytéral n’est pas l’aboutissement d’un projet personnel, mais un appel et un don du Seigneur pour le service de l’évangélisation.

2) La réalisme de l’espérance théologale qui doit permettre au jeune de déployer sa créativité personnelle, sous la conduite de l’Esprit, dans une insertion ecclésiale concrète en vue d’un ministère adapté au monde d’aujourd’hui et de demain.

II - LES POINTS CHAUDS

Il y a lieu de faire émerger, à partir de l’expérience toujours, quelques thèmes souvent évoqués, parfois objets de débats, à propos desquels une réflexion, déjà amorcée dans le passé et présente dans les pages précédentes, doit se poursuivre.

a) Diversité et unité dans les G.F.U.

II y a diversité au départ, au niveau de "recrutement" : diversité d’âge, de provenance, du type d’études envisagées ou amorcées, de projet concret de ministère..

Il est souhaitable qu’il y ait diversité à l’arrivée : la pédagogie en G.F.U. se doit de respecter les personnalités, les dons et les charismes particuliers. Si elle aboutissait à un modèle uniforme, elle se déconsidérerait elle-même en apparaissant comme le "moule" dans lequel chacun doit entrer pour devenir copie conforme à un certain type de prêtre programmé d’avance.

Où est l’unité ? Peut-on parler d’une certaine unité de la pédagogie et de la dynamique de la formation ? Même à ce niveau, il ne faudrait pas durcir les positions : les éducateurs sont eux-mêmes divers et les conditions et structures locales ont leur physionomie propre. Cependant, l’ensemble des jeunes en G.F.U, se retrouve dans les sessions d’été où se forge entre eux une réelle solidarité, où naissent des connivences, où une mentalité commune se crée. C’est là sans doute que se constituera partir de la diversité même des jeunes et des éducateurs une certaine unité, dont IDS jeunes ont uns conscience vague ou précise, que les éducateurs constatent. Mais les sessions ne pourraient pas elles-mêmes créer "ex nihilo" cette unité, si celle-ci ne reposait sur le partage d’une même condition étudiante, sur une analogie des problèmes vécus et posés, sur un certain nombre, d’aspirations plus ou moins explicitées communes à la majorité, sur la participation à un même dispositif de formation.

b) Le "spécifique" de la formation en G.F.U.

Il est clair, en conséquence, que ce qui spécifie les G.F.U., ce n’est pas - ce n’est plus - le fait d’une formation au ministère proposée à des jeunes qui sont en cours d’études supérieures. Est-on encore suffisamment attentifs d’ailleurs à faire cette proposition du sacerdoce aux jeunes en Université ?

Les groupes de formation ne sont pas spécifiés non plus par le type de ministère visé. De fait, on n’entre pas en G.F.U. parce qu’on a un exemple, un projet de ministère comportant éventuellement l’exercice d’une profession.

Ce qui fait leur originalité, c’est :

- le cheminement même vers le sacerdoce dans le monde universitaire ;

- et la pédagogie mise en oeuvre pour répondre aux besoins spécifique.* : des jeunes qui sont dans cette situation et longuement décrite ci-dessus.

Pour les éducateurs, la question fondamentale demeure de vérifier sans cesse si cette pédagogie est adéquate à la situation propre des jeunes et si elle leur permet, au fil de leur croissance humaine et chrétienne, d’assurer librement et lucidement leur projet de sacerdoce.

c) L’insertion ecclésiale aujourd’hui et le ministère de demain.

La situation actuelle de l’Eglise en monde étudiant ne facilite pas l’insertion concrète des jeunes dans un service d’Eglise. La mentalité étudiante risque de les porter davantage à rêver d’une Eglise idéale, à contester l’Eglise réelle qu’à s’engager réellement. Où les jeunes étudiants rencontrent-ils vraiment l’Eglise ? On a noté le risque d’ "auto-suffisance" des G.F.U. ; on a repéré l’attrait de certains pour les groupes informels... Ici comme ailleurs, les problèmes de formation ne sont pas indépendants du contexte pastoral.

Les aumôniers et responsables se sont demandés loyalement s’ils étaient suffisamment sensibles à repérer les "points d’ancrage" possibles des jeunes dans l’Eglise, les engagements apostoliques sérieux (faute de quoi les "ministères nouveaux" risquent de devenir un slogan facile). La vision de l’Eglise chez les jeunes reste marquée d’un certain flou qui rejaillit sur le projet sacerdotal, ("susciter des communautés nouvelles") et empêche ou retarde une vraie maturation du projet de ministère. On a vu comment ceci se corrigeait au moment où le jeune accède à l’exercice de la profession.

Cette possibilité et cette réalité d’une insertion ecclésiale déterminent donc en partie, chez les jeunes, la capacité de choisir et d’accueillir, le moment venu, un ministère presbytéral correspondant aux besoins actuels de l’Eglise et à leurs aspirations et projets. Nous avons évoqué, sans le reprendre pour lui-même, le thème "Sacerdoce et profession" : il demeure toujours actuel (cf. document "Sacerdoce et profession"). En signalant le risque pour certains jeunes de se satisfaire de communautés informelles et le caractère vague de certains projets ministériels, nous manifestons le souci qu’on clarifie et précise ce qu’on entend par "communauté chrétienne" et par "ministère". En ce sens, les questions posées par le rapport de Mgr FRETELLIERE à Lourdes (Préparation au ministère presbytéral, p. 72-78) semblent vitales pour l’avenir des G.F.U. Ne perçoit-on pas chez certains jeunes et éducateurs une tension entre l’aspect "service des communautés" et l’aspect "missionnaire" du presbytérat ? La clarification en cours sur le rôle des ministères en général et le ministère apostolique on particulier permettra—t-elle d’accueillir dans un climat plus sain et plus serein les interrogations et les aspirations des jeunes en G.F.U. ?

NOTES -------------------------------------------

( 1 ) On peut se procurer ce Bilan au C.N.V. [ Retour au Texte ]