Réactions d’un responsable de S.D.V.


REACTIONS… QUESTIONS… SOUHAITS…

Ce langage du jeunes-et de prêtres qui les accompagnent- on peut l’entendre de façons bien différentes !

Comme on peut voir un même paysage à partir de balcons différents ! C’est le même paysage, mais on le voit sous un outre angle. Chacun de nous a son "balcon"...

Aussi nous avons demandé à un responsable de service diocésain des vocations et à un -responsable de premier cycle - qui ne se sont pas concertés - de faire une "lecture" de ce dossier.

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I - REACTIONS D’UN RESPONSABLE DE S.D.V.

1) Ce sondage a ses limites :

  • il date d’août 72. Or, les mentalités évoluent vite. Les jeunes qui sont en terminales cette année, auront-ils en fin d’année les mêmes réactions ?
  • ce sont là les témoignages de quelques prêtres ou équipes de prêtres qui accompagnent quelques jeunes. D’autres prêtres rencontrent peut-être d’autres jeunes qui réagissent autrement - ou bien découvrent chez eux d’autres traits, mentalités, images - ou encore les regardent avec d’autres yeux...
    Cependant, des rencontres et des contacts vécus depuis ce sondage me permettent de dire qu’il révèle un phénomène assez global, des mentalités et des attitudes assez communes.
  • enfin, je ne puis m’empêcher de penser que ces jeunes sont "de notre sérail" : ils nous rejoignent et nous essayons de les accompagner. Mais n’en est-il pas d’autres qui ont les mêmes réactions, portent les mêmes questions, vivent les mêmes attitudes – sans doute a un degré plus aigu — mais qui ne se révèlent pas ? ...

2) Je constate que ...

  • les mentalités et les réactions de ces jeunes sont très diverses. Il nous faut, accueillant cette diversité, nous laisser interroger le plus objectivement possible par les uns et par les autres. Il serait dangereux et injuste d’opérer un tri qui soit déterminé par nos opinions et nos impressions personnelles.
  • ces jeunes ont bénéficié d’un accompagnement (en séminaires de jeunes, en foyers, en diaspora) dont ils disent parfois les limites ; mais dont ils reconnaissent la nécessité et le prix. Cependant, au terme de leurs études secondaire, s’ils manifestent une certaine "générosité", ils demeurent, sur un plan ou sur un autre, fragiles – ou hésitants - ou bloqués.
  • certains de ces jeunes entrent en "première année-vie commune" pour ces mêmes raisons pour lesquelles d’autres n’y entrent pas : besoin de poursuivre encore une recherche, volonté d’acquérir une plus grande maturité, nécessité d’affermir leur foi en Jésus—Christ...
  • la plupart de ceux qui entrent en premier cycle - dans l’une ou l’autre voie - entendent y poursuivre une recherche : au plan de leur vocation personnelle, mais aussi plus radicalement au niveau de la foi. Tout doit encore mûrir, rien n’est décidé, l’option pour le ministère presbytéral ou pour quelque autre service dans l’Eglise est très liée à des options plus radicales. Le mot "recherche", ainsi compris, revient souvent. Pour eux, le premier cycle demeure "lieu de recherche".
  • les motivations exprimées par "ceux qui n’entrent pas" sont de divers ordres :
    • certaines motivations proviennent de ce que sont, de fait, l’Eglise, les communautés chrétiennes, le ministère presbytéral, le séminaire, les groupes de formation... ou de ce que ces jeunes en perçoivent - ou des images qu’ils en ont...
    • mais d’autres motivations découlent de certaines prises de conscience. Notamment, ces jeunes découvrent mieux :
      • ce qu’ils sont : valeurs, aspirations. Mais aussi limites, besoins...
      • le "prix" d’une expérience humaine, chrétienne, apostolique qu’ils commencent seulement à vivre - qu’ils estiment avoir besoin de vivre - et au coeur de laquelle un projet pourra être élucidé, vérifié, clarifié.
      • l’importance des "pas" à faire aujourd’hui, pour parvenir à une réponse libre de croyant à un appel de Jésus-Christ.
    • ce qui me paraît net, c’est que les motivations relevant de la "condition" de l’Eglise, du sacerdoce... que l’on souligne souvent, ne sont pas les seules : ces jeunes explicitent aussi des motivations plus personnelles, très liées à leur histoire antérieure, à leurs aspirations personnelles, à leurs prises de conscience actuelles.
    • Par contre, certains silences m’étonnent. .. Par exemple, il n’est guère question du célibat ! Du moins directement... Car quand ils parlent de la nécessité de mûrir, de vivre certaines relations, etc., cette question-là n’est-elle pas sous-jacente ?
  • Si ces jeunes "hésitent", "attendent", sont bloqués, il n’en est pas moins vrai que leurs réactions révèlent certaines valeurs qu’il nous faut reconnaître. Par exemple, ils veulent :
    • rester solidaires d’un milieu qu’ils commencent à reconnaître,
    • intensifier une vie de relations, diverses, ouvertes,
    • poursuivre une action apostolique, qui pour eux a du prix,
    • relire et intérioriser les engagements pris,
    • prolonger une recherche en des conditions de vraie liberté,
    • acquérir une plus grande maturité humaine,
    • personnaliser et affermir leur foi en Jésus-Christ, etc.

En ces aspirations, il nous faut reconnaître des valeurs qui sont pierres d’attente pour un accompagnement.

3) Mais je m’interroge...

  • Dans quelle mesure les réactions de ces jeunes sont-elles leurs réactions ? N’avons-nous pas parfois tendance, dans nos contacts et rencontres, à induire en eux, consciemment ou non, nos propres idées ? A leur prêter nos questions, nos aspirations, nos intuitions ? A projeter sur eux nos craintes et notre insécurité ? Certains parfois nous le reprochent... Il est peut-être bon que nous affrontions même cette question là !
  • Il semble que l’époque cruciale, où se fait une option, sera de plus en plus l’étape "19-24 ans". Or, souvent, dans les principes et dons les faits, l’action d’un service diocésain des vocations s’arrête à la fin du second cycle scolaire.

    Certains estiment que ces jeunes ont besoin de "plages de silence", d’ "espaces de liberté", pour se démarquer, se dédouaner, mûrir une option en des conditions de vraie liberté... Mais tout accompagnement est-il fatalement contraignant ? Ne peut—il permettre une éducation à la liberté, à la responsabilité ? ... D’autre part, éviter tout accompagnement, n’est-ce pas nécessairement courir le risque de l’enlisement... dans les sables ?

    Si un accompagnement est nécessaire, qui va l’assurer ? La question est d’autant plus importante que beaucoup de ces jeunes entrent en université, où ils connaîtront l’affrontement avec un monde rude pour de jeunes croyants, où ils rencontreront peut-être difficilement une communauté de croyants, où souvent même ils ne trouveront pas de projet humain précis.

    Alors, les services diocésains de vocations ne sont-ils pas appelés à prolonger leur action ? Les mieux placés pour assurer cette mission d’accompagnement - ou du moins pour veiller à ce qu’elle soit assurée - ne sont-ils pas ceux qui au préalable ont cheminé avec ces jeunes ? Nos évêques nous y provoquent par ce texte qu’ils ont voté à Lourdes en novembre 72 :

    "Un certain nombre de jeunes, qui envisagent de s’engager dans la voie du ministère presbytéral, n’entrent pas encore en premier cycle, pour diverses raisons. L’Assemblée demande qu’au niveau diocésain ou régional, évêques et responsables - notamment les responsables des services de vocations — veillent de façon concrète à leur accompagnement."

    Le problème se pose d’ailleurs avec plus d’acuité à l’heure où de jeunes adultes et des adultes, prêts à assumer certaines responsabilités et à assurer un "service" dans l’Eglise, réclament des conditions de formation. Les responsables des services diocésains de vocations ne sont-ils pas, eux aussi, concernés par une telle attente ?

  • Comment, concrètement, accompagner des jeunes qui en sont là ? Faut-il prolonger un accompagnement de "type diaspora" ? Et sous quelle forme : équipe ? Rencontres ? Relais occasionnels ? Contacts personnels ? ... Surtout, quelle pédagogie exercer, quels accents placer en cette tâche d’accompagnement ? C’est autre chose que la diaspora : il s’agit de les aider à vivre, en des conditions toutes nouvelles mais dans un climat de sérieuse recherche, ce que aujourd’hui ils se sentent d’abord appelés à vivre - mais en gardant mémoire du projet qui appelle une recherche. Que faire ?
  • Pour nous qui sommes les témoins de ces hésitations et de ce blocage, n’est-il pas une manière de comprendre la recherche, qui favorise l’attentisme ? Voulant respecter et éduquer la liberté, demeurons-nous assez provocants ? N’est-il pas important que nous amenions et aidions ces jeunes à affronter certains "seuils", à faire certains "pas" qui les engagent ?
  • Dans nos contacts et rencontres avec des jeunes en recherche qui sont en terminales, sommes-nous assez conscients de l’importance du "seuil" qu’ils vont rencontrer ? Ils ont à prendre une première décision qui doit être cohérente avec ce qu’ils ont vécu mais aussi avec le projet plus ou moins précis qu’ils forment. Sommes—nous assez attentifs à sauvegarder cette cohérence ?
  • En écoutant leurs réactions, je me demande aussi pourquoi ces jeunes voient le premier cycle comme "une structure" plus que comme un temps et un lieu de recherche et de formation. Est-ce parce que tout, dans l’Eglise, est ou leur paraît institutionnalisé ? N’est-il pas une présentation du cheminement ultérieur et de ses diverses voies, qui les amène à penser qu’ils vont, non pas prolonger une recherche et mûrir une option, mais être "embarqués" dans une structure ?
  • J’irai plus loin : ces jeunes se déclarent souvent prêts à vivre, dans l’Eglise, un service au nom de Jésus-Christ. Ne seraient-ils pas plus à l’aise devant et dans un "lieu" de formation, des conditions de formation, qui leur permettraient :
    • de se préparer à exercer "un" ministère parmi une gamme de ministères diversifiés (ministères apostoliques et ministères de laïcs),
    • de choisir peu à peu, en tenant compte de ce qu’ils sont, des dons qu’ils reconnaissent en eux, des appels du monde qu’ils perçoivent, "le" ministère auquel ils se sentiraient appelés et ses modes d’exercice ?
      Cette question, je l’entends et je la porte, alors je l’exprime.
  • Enfin, entre ceux qui accompagnent des jeunes jusqu’à la fin des études secondaires et ceux qui assument la responsabilité du temps ultérieur de recherche et de formation, les liens sont-ils assez étroits pour que les questions des uns et des autres puissent être exprimées, confrontées ? Il est fini, le temps où l’on se contentait de communiquer dossiers et fichiers, où l’on "se passait le relais"... en silence.

Bien plus, les réactions et les questions de ces "jeunes en attente" - mais aussi celles d’autres jeunes, jeunes adultes et adultes, "porteurs d’un projet de service du Royaume de Dieu" (1) - nous appellent à nous rencontrer. Et cela non pas pour délimiter nos zones d’action et nos responsabilités respectives, non pas seulement pour nous aider mutuellement, mais pour accompagner ensemble ces jeunes et pour rejoindre ensemble les communautés où les appels de Dieu peuvent être entendus et servis.

J’ai réagi. Réagissez.

Michel VENNIN
S.D.V. de Lille