Souhaits de la J.O.C. pour la formation au sacerdoce


Depuis un certain nombre de mois, nous recherchons sur notre responsabilité par rapport à l’éveil et au soutien des jeunes du monde ouvrier qui veulent être prêtres. Au point où nous en sommes rendus de notre expérience, nous pouvons dégager plusieurs convictions. Même si ces convictions peuvent encore se préciser ou s’exprimer sous de nouvelles formes dans l’avenir, elles nous apparaissent aujourd’hui comme des éléments importants, essentiels, pour la formation de futurs prêtres au ministère.

*
* *

I - POUR UNE VRAIE FORMATION AU SACERDOCE, TENIR COMPTE DE L’ENRACINEMENT HUMAIN ET LE FAVORISER

Chacun, qu’il le veuille ou non, qu’il en soit conscient ou non, est profondément influencé par son appartenance sociale. Chacun est "façonné" par son milieu, dans sa mentalité, ses réflexes et sa manière de vivre. Cette insertion dans un milieu nous apparaît comme une donnée de base, une richesse à partir de laquelle s’élabore la réponse à notre vocation divine.

C’est pourquoi il nous paraît très important de tenir compte de l’enracinement humain de chacun, dans un milieu donné (pour nous, la classe ouvrière), de favoriser la prise de conscience de l’appartenance à ce milieu.

Sinon, nous courons plusieurs risques qui nous paraissent graves ; en particulier :
celui de croire que nous ne subissons aucune influence et donc que nous avons sur les personnes et sur le monde un regard objectif et neutre. Alors qu’à notre insu, nous sommes tributaires de tout ce qui façonne notre mentalité. Il est donc important d’en être conscient, pour être vrai avec nous-mêmes !

C’est donc à partir de ce "réel" qui est l’enracinement humain dans un milieu donné, que doit pouvoir se faire la formation. Pour nous, en effet, le point de départ de toute formation vraie est dans l’expérience vécue. Même si par la suite elle devient plus "spéculative". Pour les jeunes du monde ouvrier, il faut tenir compte de ce qui constitue "l’expérience vécue" de la classe ouvrière.

- C’est d’abord "l’histoire" personnelle et collective. Dans le monde ouvrier même si on ne "sait" pas l’histoire, on est "forgé" par elle, jusque dans sa propre chair. La vie d’aujourd’hui, avec ses difficultés et ses espoirs, est tributaire de la misère et de la lutte de ceux qui nous ont précédés. On se souvient comme physiquement !

Nous pensons que c’est à partir de là que peut se développer toute une découverte et une formation sur l’Histoire du Salut, du Projet de Dieu qui se réalise à travers l’histoire des hommes. Une histoire dans laquelle nous avons à être les témoins de la "venue" du Seigneur, "jusqu’à son retour".

- C’est aussi le sens du collectif, la conscience de faire partie d’un peuple dont on est profondément solidaire. Dans le monde ouvrier, on fait vraiment l’expérience "qu’on ne peut être quelqu’un qu’ensemble". Toutes les conditions de vie dont il faut se libérer poussent à se mettre ensemble et à s’organiser. Et l’ampleur que prennent aujourd’hui les problèmes qui marquent la classe ouvrière provoque à élargir de plus en plus ce "collectif" aux dimensions du monde. C’est à partir de cette "expérience" que peut se développer toute une découverte et une formation sur l’Eglise, Peuple de Dieu. Et pourquoi pas ? Sur le mystère de la Trinité, dans laquelle "chacun ne peut vraiment être quelqu’un qu’ensemble" !.

- C’est enfin la volonté de libération qui anime le monde ouvrier. Même si elle est quelque fois assoupie ou réprimée, cette "dynamique" de libération, est une des richesses de la classe ouvrière. Elle peut être le point de départ de toute une découverte et de toute une formation sur le "Mystère Pascal" et les dimensions du Salut acquis en Jésus-Christ.

La vie du monde ouvrier comporte bien d’autres éléments à partir desquels pourraient s’élaborer une formation. Ces trois aspects que nous soulignons nous semblent particulièrement importants.

*
* *

II - POUR UNE VRAIE FORMATION AU SACERDOCE, TENIR COMPTE DE L’EXPERIENCE ECCLESIALE ET APOSTOLIQUE QUI SE VIT DEJA EN JEUNESSE OUVRIERE ET LA DEVELOPPER !

Les jeunes du monde ouvrier, pour la plupart, ne font la rencontre du Christ qu’à l’intérieur de l’expérience d’une vie en Eglise, qui leur est rendue possible par le mouvement. La J.O.C., en effet, par tout ce qu’elle propose, par tout ce qu’elle est, veut permettre au plus grand nombre possible de jeunes travailleurs de faire l’expérience d’une vie d’Eglise, dès aujourd’hui, dans le vrai de leur vie. C’est d’ailleurs dans cette "expérience" d’Eglise que se précise pour certains l’appel au sacerdoce. Il nous semble donc très important que la formation au ministère s’appuie sur cette "expérience" pour la favoriser, l’éclairer, en développer toutes les virtualités et toutes les dimensions.

Personne n’a exprimé aussi bien que le Père GUERIN toute la densité de cette vie d’Eglise recherchée comme telle et permise par la J.O.C. Sa longue expérience de la J.O.C. lui a permis d’en constater la richesse. Il souligne (plaquette p. 52-53) "la nature de ce mouvement où des jeunes travailleurs, en y apportant leur vie humaine (ouvrière) en laquelle est inscrite leur vocation divine, font l’expérience d’être les rassemblés du Christ, le découvrent présent dans ses témoins, comprennent ce qu’ils sont et le sens de toute leur vie ouvrière, laquelle, convertie, va être associée à toute la mission de l’Eglise".

« La J.O.C. suscite donc des communautés organiquement reliées entre elles jusqu’au bout du monde...
"Dans ces communautés, ces jeunes du monde ouvrier apportent toute leur vie concrète, toutes leurs relations, toute la mentalité qui règne autour d’eux, leurs problèmes, leurs conditions de vie, les institutions qui les atteignent, toute leur vie de famille, d’école, de travail. En un mot ; tout ce qui constitue leur appartenance à un monde qui a toute une histoire, une culture, des aspirations collectives à une promotion collective, etc.
"En entendant, annoncer le Christ... leur foi s’éveille. Elle s’éveille parce que, pour adhérer à la personne du Christ, pour entrer en relation personnelle avec lui, ces jeunes travailleurs de bonne volonté ont besoin de cette présence sensible du Christ, se resplendissant au travers de ceux qui l’ont accueilli consciemment, au point de devenir son corps : le sacrement de sa présence (2 Cor 3, 17-18).
"Dans leur mouvement ecclésial, tout est axé sur leur vie concrète, sur leurs milieux de vie...
"Ainsi saisis, ils comprennent que s’ils font une telle expérience d’être le corps du Christ rédempteur, c’est pour être envoyés à leurs frères.
"Aussi ils éprouvent comme un élan incoercible pour être les témoins du Christ, ses apôtres, dans tous leurs milieux de vie, famille, milieu de travail, école, etc.
"… On ne peut pas faire cette expérience sans désirer que d’autres connaissent le Christ... sans vouloir que le monde soit organisé de telle sorte que ce soit possible aux plus petits". (Plaquette p. 67).

Comment une formation au ministère pourrait-elle se faire sans tenir compte d’une telle expérience ; sans la favoriser au maximum ? Comment ne pas s’appuyer sur les exigences d’une telle responsabilité, ressentie, expérimentée comme "incoercible" selon le terme du Père GUERIN. Nous pensons que c’est à partir de là que peut se forger un vrai sens de l’Eglise et de sa mission de salut. C’est à partir de là que peut s’élaborer une connaissance approfondie du mystère de l’Eglise.

*
* *

III - POUR UNE FORMATION VRAIE : TENIR COMPTE DE LA DECOUVERTE CONCRETE DU SACERDOCE QUI SE FAIT DANS LA VIE DU MOUVEMENT.

Dans sa vie de militant, le jeune du monde ouvrier est amené à "côtoyer" des prêtres. Et plus il avance en responsabilité, plus il a la possibilité d’apprécier ce que représente la mission du prêtre. D’abord dans sa vie personnelle. Mais aussi dans l’évangélisation de tout son milieu. Il se sent progressivement engagé avec l’aumônier et, selon la taille de sa responsabilité, vis-à-vis des aumôniers qu’il côtoie et avec qui il doit collaborer. Il expérimente ainsi progressivement, dans sa vie concrète, les dimensions que peut avoir ou que devrait avoir une vie de prêtre.

A travers le témoignage et parfois les limites des prêtres qu’il approche dans l’exercice de la responsabilité apostolique, il découvre les exigences et les richesses du sacerdoce. Il peut ainsi comprendre et situer la réelle efficacité du ministère sacerdotal.

Nous croyons que cette expérience peut fournir comme une "base de lancement" à partir de laquelle peut se développer une connaissance de plus en plus profonde du sacerdoce ministériel.

Ce ne sont là que quelques jalons qui mériteraient une étude plus approfondie. Ce sont des points d’attention qu’il nous a semblé important de souligner, pour favoriser la formation des jeunes du monde ouvrier que le Seigneur appelle, au ministère sacerdotal.

Michel JOURDAIN
Pierre GIRON