Pour les jeunes "en attente", que fait-on ? Que peut-on faire ?


- C’est un fait : au titre d’un projet du sacerdoce, de la vie consacrée, d’un service d’Eglise, des jeunes poursuivent une recherche, mais demeurent en "attente". Ce fait a de multiples causes et prend de multiples formes »

- Alors, les questions sont là : doit-on faire quelque chose ? Peut-on faire quelque chose ? Que fait-on ailleurs ? ...

- Les délégués régionaux des services diocésains des vocations, lors de leur dernière rencontre des 29 et 30 janvier, ont étudié ce fait et affronté ces questions. Ici et là, en diverses rencontres régionales elles ont été reprises. Toujours ce fut à partir d’expériences tentées.

- Ce dossier n’apporte pas de réponses toutes faites, mais vous communique quelques expériences déjà réalisées et précise quelques points d’attention.

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I - QUELQUES NOTES PREALABLES

1° Des distinctions nécessaires.

"De qui parle-t-on ?", quand on parle ainsi de "jeunes en attente"... Il est important de clarifier la situation en apportant quelques distinctions :

• II faut d’abord distinguer
— les jeunes qui ont exprimé un projet,
— et d’autres... que nous ne connaissons pas, parce que pour diverses raisons, ils n’expriment pas leur projet, ou parce qu’ils n’en parlent que dans un groupe de jeunes qu’ils fréquentent ou en dialogue avec un prêtre qu’ils connaissent. Par exemple, des aumôniers de lycées ou d’étudiants affirment qu’ils connaissent des. jeunes qui "y pensent" mais qui, dans les circonstances actuelles, préfèrent "attendre" sans révéler leur projet, à fortiori sans participer à aucune rencontre spécifique.

Mais combien sont-ils ? On ne peut tenter aucune Évaluation ! .

• II nous faut encore distinguer

- ceux qui ont cheminé en institutions permanentes ou en diaspora, et que nous connaissons,

- et d’autres... jeunes ou jeunes adultes, en université ou au travail, qui n’ont pas connu cet accompagnement, qui révèlent leur projet... mais demeurent "en attente". Parmi eux, certains réclament un accompagnement au niveau d’une recherche, parfois au niveau d’une première formation en pleine vie, d’autres ne le demandent pas . ou ne sont pas prêts à le vivre.

• Enfin, parmi ceux que nous avons connus en institutions permanentes ou en diaspora, il faut encore distinguer :

- ceux qui refusent désormais même un minimum de dialogue,

- ceux qui maintiennent un dialogue personnel : parfois ils ne demandent pas un accompagnement en groupe, parfois ils le refusent,

- ceux qui s’engagent dans un mouvement d’Action Catholique, sans éprouver le besoin ni réclamer l’aide de groupes ou de rencontres "spécifiques".,

- ceux qui attendent ou réclament, au delà de l’institution permanente ou de la diaspora, un "certain" accompagnement (soit en équipes, soit sous forme de rencontres..,) qui les aide à poursuivre -en dehors du premier cycle- leur recherche, en une sorte de GRX"...

C’est de cette troisième catégorie que nous parlons ici : il s’agit donc de jeunes que, d’une manière ou d’une, autre, nous avons accompagnés et qui demeurent en attente. Mais parfois, nous ferons allusion aux autres, car l’étude de leurs mentalités et la référence à la pédagogie exercée auprès d’eux, peuvent nous éclairer.

2° Un phénomène collectif.

Ces jeunes existent -et sans doute sont-ils plus nombreux qu’on ne pense. Le sondage réalisé en août 72 par le C.N.V., et dont nous publions les résultats dans ce dossier, est déjà révélateur. Mais bien des contacts et des rencontres le confirment. Par exemple :


- dans un diocèse, sur 15 jeunes en recherche qui étaient en terminale en 71-72 (2 en foyer, 13 en diaspora), un est entré en -"première année - temps plein" de premier cycle, un autre a participé à une session de Solignac pour terminales et est-entré en G.F.U., les autres demeurent en attente (en université, en I.U.T., en service national, au travail...).


- dans un autre diocèse, sur 11 jeunes, deux sont entrés en première année de premier cycle, les autres demeurent "dans la nature, et la question majeure qu’ils posent est celle—ci : peut-on entrer maintenant dans ce goulot d’étranglement ?"


- dans une région, les responsables des S.D.V. de 11 diocèses, en étudiant ce problème à partir des cas concrets qu’ils connaissent, constatent que, sur 125 jeunes en terminales l’an passé, 33 se retrouvent ici ou là en première année du premier cycle, 7 sont entrés en G.F.U.... et les autres- "attendent", en des conditions très diverses...

Evidemment, parmi ces jeunes, qui "n’entrent pas" en aucune des voies du premier cycle, il en est pour qui, consciemment ou non, l’attente est une "porte de sortie". Il en est à qui l’on a sagement conseillé de prendre leurs distances, de vivre d’autres expériences - mais il en est qui gardent fermement un projet du sacerdoce ou du moins un projet de "ministère".

3° Quelques remarques et questions de ceux qui les ont accompagnés.

  • Ces jeunes sont très divers, à tous points de vue : quant à leur histoire antérieure, à l’ "épaisseur" de leur projet, à leur degré de maturité, aux motifs pour lesquels ils diffèrent leur entrée en 1er cycle, etc. Le sondage réalisé en août dernier témoigne de cette diversité. Par exemple, certains, fort attachés à une certaine image de l’Eglise et du sacerdoce, estiment que les conditions actuelles de formation ne sont "pas sérieuses", tandis qu’elles semblent à d’autres trop liées à une image "dépassée" du sacerdoce...
  • Des éducateurs en séminaires de jeunes et en foyers soulignent que le petit nombre des entrées en premier cycle à la fin des classes terminales a beaucoup d’impact sur le climat de l’institution, sur les projets des plus jeunes, à fortiori sur les mentalités des prêtres du diocèse...
  • Enfin ceux qui, ayant accompagné ces jeunes, sont aujourd’hui les témoins de leurs hésitations et de leurs blocages, posent les questions suivantes :
    - ces jeunes ne sont-ils pas une "séquelle" du passé ?
    - ne cherchent-ils pas "la tangente" ?
    - peut-on fonder sur eux quelque espoir ?
    - n’ont-ils pas effectivement besoin de se démarquer, de se libérer ?
    - n’est-ce pas d’abord une question de structuration de la personne, d’affermissement de la foi ?
    - un accompagnement par les animateurs d’institutions, par les S.D.V., ne les polarise-t-il pas sur leur projet ?
    - faut—il attendre ? Faut-il créer quelque chose de spécial pour eux ?

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II - QUELQUES EXPERIENCES REALISEES.

"Que faire ?"... Nous voudrions relater ici ce qui, ici ou là, est tenté. C’est très divers, très tâtonnant... mais n’est-ce pas les expériences vécues qui éclaireront semblable recherche ? Alors la question posée devient celle-ci : "que fait-on ailleurs ?" ...

  • "On ne fait rien !" ... pour diverses raisons : parce qu’on ne voit pas ce qu’on peut faire... on ne sait même pas s’il faut faire quelque chose... Ces jeunes sont peu nombreux... Ils refusent ou du moins n’attendent pas une structure de soutien... on compte les uns sur les autres...
  • Des relations personnelles : ceux qui auparavant ont accompagné ces jeunes prolongent des relations ou du moins demeurent en contact avec ces jeunes, soit parce que certains d’entre eux l’attendent, soit parce que ceux qui les accompagnent l’estiment nécessaire. Mais, pour certains éducateurs, c’est là un moyen parmi d’autres, pour d’autres c’est un moyen privilégié, pour d’autres enfin, c’est le seul mode d’accompagnement possible ou souhaitable.
  • Le "renvoi" aux Mouvements : certains s’efforcent essentiellement d’aider ces jeunes à rejoindre d’autres jeunes dans un mouvement, notamment-dans un mouvement d’A.C. et de demeurer en contact avec les aumôniers que ces jeunes y rencontrent. Et cela pour diverses raisons, mais notamment .parce qu’ils estiment que la vocation personnelle de ces jeunes va mûrir au coeur d’une action qu’ils vivront avec d’autres, dans le milieu où ils se trouvent.
  • Un regroupement-de type "sauvage" : quelques exemples :
    — "sur 19 jeunes "après terminales", quelques-uns, au titre d’une recherche vécue antérieurement en équipe, se retrouvent et quelquefois font appel à un prêtre qu’ils ont alors rencontré"...
    — "Un groupe d’étudiants, qui ne désirent pas entrer en un G.R,..., qui n’en ont pas le temps, se retrouvent de temps à autre, et un prêtre les suit"...
    — "Des anciens de la diaspora, qui demeurent en recherche, aujourd’hui éparpillés, ont décidé de se retrouver de temps en temps autour d’un prêtre qu’ils ont choisi"...
    — "Il y a chez nous une équipe d’ "anciens" du foyer, qui vivent ensemble, travaillent, et sont en contact avec un prêtre au travail".
  • Un accompagnement plus "structuré", en équipe : certains responsables de S.D.V. ou d’institutions sont catégoriques : "ou c’est l’entrée dans une voie du 1er cycle, ou c’est l’enlisement". "La persévérance est nulle pour ceux qui entrent en fac sans groupe de recherche un peu spécifique"... Aussi diverses initiatives sont prises, par exemple :
    — "Au plan du diocèse, dans le prolongement de la diaspora, des jeunes et le prêtre qui les accompagnait alors ont décidé de poursuivre leur cheminement en équipe".......
    — "Une équipe de gars, la plupart venant de séminaires de jeunes, a demandé à se retrouver en une sorte de groupe de recherche, semblable aux groupes de recherche pour jeunes filles".
    — "Pendant plusieurs années a existé chez nous un « GRX », et certains sont entrés en G.F. ou en premier cycle A".
    — "Cinq jeunes se retrouvent au 1er cycle inter diocésain, autour d’un animateur du 1er cycle".
    — "Cinq gars, sur leur demande, se retrouvent autour du responsable S.D.V.".
    — "Après un dialogue entre S.D.V. et aumôniers d’étudiants, s’est mise en route une sorte d’équipe G.R.U."
  • D’autres initiatives prises pour aborder cette question
    — Dans une région, le Conseil provincial des évêques a étudié cette question, a partir du vote n° 8 de Lourdes, avec les supérieurs 1er et 2c cycle, les accompagnateurs G.F.O. et G.F.U., les responsables des S.D.V.
    - Dans une autre région, on propose une rencontre régionale entre responsables de l’accompagnement et responsables de formation, pour étudier cette question.
    - La question est étudiée au plan régional lors d’une rencontre de S.D.V,, aumôniers d’étudiants, aumôniers militaires.
    - Chaque année, une session régionale rassemble des jeunes qui veulent faire le point en vue d’une première orientation…
    - L’équipe du S.D.V. a consacré une réunion à ce problème, à partir des cas concrets connus. Elle a demandé à un membre de l’équipe du 1er cycle de participer à toutes ses réunions et aux rencontres de diaspora pour aînés, afin que le problème puisse être étudié entre responsables des vocations et animateurs du 1er cycle.
    - Deux fois par trimestre, le responsable du S.D.V. réunit les prêtres qui suivent des jeunes (anciens de foyers ou de diaspora, mais aussi d’autres jeunes, étudiants ou professionnels). Le but poursuivi est d’"accompagner les accompagnateurs". Les échanges ont lieu à partir des notes prises lors des contacts avec ces jeunes.
    - On signale ce que prévoit pour de tels jeunes la Compagnie de Jésus : en chaque région, un père les suit ou leur offre une retraite annuelle, trois week-ends par an au plan national...

Voilà quelques expériences réalisées. Elles témoignent d’un effort réel pour a— border et résoudre cette question. Si vous tentez de votre côté certaines expériences, communiquez-les : d’autres attendent uns lumière !

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III - QUELQUES POINTS D’ATTENTION.

"Un certain nombre de jeunes, qui envisagent de s’engager dans la voie du ministère presbytéral, n’entrent pas encore en premier cycle pour diverses raisons. L’Assemblée demande qu’au niveau diocésain ou régional, évêques et responsables - notamment les responsables des services diocésains de vocations — veillent de façon concrète à leur accompagnement".
(Lourdes 1972 - vote n° 8)

Il revient spécialement aux responsables des S.D.V. et à ceux qui travaillent avec eux (auprès des jeunes en institutions permanentes ou en diaspora),
• de réfléchir au cas de ces jeunes, qu’ils ont au préalable connus et avec qui ils ont cheminé,
• de veiller à ce que ces jeunes soient accompagnés,
• si cela paraît nécessaire et possible, de prévoir un accompagnement adapté.

A la suite de certaines expériences, nous voudrions préciser ce qui paraît aux uns et aux autres primordial :

1) Poursuivre une réflexion sérieuse

- pour mieux connaître la psychologie de ces jeunes : leurs aspirations, leurs refus, leur difficulté de formuler un projet d’avenir, leur recul devant l’engagement...

- pour analyser et clarifier ce qui motive en profondeur leurs hésitations, leur attente, leurs refus...

2) Eviter que ces jeunes demeurent isolés, car selon le témoignage de beaucoup d’éducateurs, l’isolement entraîne l’enlisement. Mais il est de multiples manières d’accompagner :

- soit en poursuivant, en renforçant une relation personnelle avec ces jeunes, à partir de ce qu’ils vivent aujourd’hui. Car ce sont ceux qui jusqu’alors ont accompagné ces jeunes qui sont souvent les mieux placés pour prolonger cette relation.

- soit en les aidant à rejoindre d’autres jeunes  : peut-être en des rencontres ou des groupes plus spécifiques - surtout, là eu cela s’avère possible, dans des mouvements d’A.C. Ce qui suppose que l’on alerte les mouvements dans lesquels s’engagent ces jeunes et que l’on renforce les liens avec ces mouvements.

3) Rejoindre ceux qui aujourd’hui vivent près de ces jeunes : les prêtres avec qui ils sont en relation personnelle, les aumôniers de mouvements, les aumôniers d’étudiants qui les rencontrent, etc. Bref, rejoindre ceux qui sont, pour ainsi dire, les "accompagnateurs naturels". Les rejoindre, c’est peut-être simplement les voir de temps à autre pour faire le point avec eux. Mais, en plusieurs diocèses, le responsable du S.D.V. les invite à se réunir régulièrement pour "relire", à partir des notés prises dans leurs contacts avec ces jeunes, ce qu’ils vivent aujourd’hui, ce que devient leur projet...

4) Au plan de la pédagogie et de l’attitude, plusieurs responsables soulignent les points suivants :

- parmi ces jeunes, il en est qui peuvent participer à une véritable communauté apostolique, et leur vocation personnelle pourra se préciser au coeur d’une vie militante. Mais il en est d’autres qui sont "mal situés", au plan social et au plan ecclésial, et leur recherche risque de tourner court. Le premier problème n’est-il pas alors l’enracinement de ces vocations dans une vie d’hommes dans une vie de foi, dans une vie apostolique ? Ce qui suppose une réelle présence dans un milieu et une appartenance à une communauté apostolique.

- Pour éviter une attente qui s’éternise et l’enlisement dans les sables, il paraît important d’amener ces jeunes, dans leur intérêt, à rencontrer et à franchir certains "seuils", à poser certaines démarches : choix de telles études ou de telle profession, engagements à prendre, relations à vivre... Sommes-nous assez "provocants", quand nous estimons qu’un jeune a besoin et est capable de vivre de tels pas ? Il est des pas qui débloquent et qui éclairent.

- Nous avons connu ces jeunes au titre d’ "un certain projet" qu’ils exprimaient. Maintenant, pour diverses raisons, ils se révèlent plus hésitants, leur projet paraît plus flou... Mais un certain nombre gardent le projet d’ "un service du Royaume de Dieu". Avons-nous le souci d’entendre, d’éclairer et d’orienter leur désir de servir l’Eglise ?

5) Au plan des relations que nous avons nous-mêmes à vivre :

- Relation privilégiée avec l’équipe locale ou régionale du 1er cycle. Ce problème doit être étudié et le cas de ces jeunes doit être examiné en relation avec les éducateurs du 1er cycle, si l’on veut sauvegarder la continuité et la cohérence.
Cette relation est parfois difficile à établir et à maintenir, surtout quand le 1er cycle est établi à quelques centaines de kilomètres ! Mais, dans l’intérêt de ces jeunes, ne sommes—nous pas appelés de plus en plus à penser et à agir en dialogue, par delà certaines frontières ? Il ne s’agit pas de délimiter nos responsabilités, mais bien plutôt de vivre ensemble un même service.

- Relation avec ceux qui aujourd’hui accompagnent des jeunes au niveau des classes terminales (en institutions permanentes ou en diaspora). C’est ensemble qu’il nous fait chercher comment aider ces jeunes à prendre pour l’an prochain, en de bonnes conditions, les décisions nécessaires. Il y a là, pour les jeunes, des "passages" à choisir et à vivre - et cela réclame notre attention.

Tout ceci n’est ni principes, ni consignes, ni conseils... C’est ce qu’ont souligné certains responsables qui "se coltinent" avec ce problème et qui tentent certaines expériences. En les partageant, ils ont souvent précisé

- que, pour mieux servir ces jeunes, il faut prévoir et poursuivre de façon adaptée une mission d’accompagnement,

- mais que nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans cette tâche : c’est toute la vie ecclésiale qui conditionne les mentalités, les refus, le cheminement ultérieur de ces jeunes. Voilà qui nous invite à revoir sans cesse le sens et la finalité de notre action.

L’Equipe du C.N.V.