Le courrier des lecteurs


Deux articles du précédent dossier "Jeunes et Vocations" ont suscité des réactions écrites de la part des lecteurs. Nous remercions tous ceux qui ont pris le temps de nous écrire et nous pensons que d’autres lecteurs voudront à leur tour exprimer leurs réactions et partager leurs expériences. C’est ensemble qu’on arrive à y voir plus clair, à se renouveler et à espérer. Il va de soi que les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leurs auteurs. De notre côté, nous croyons souhaitable qu’existe un lieu où puisse être libérée la parole.

I - A PROPOS DE L’ARTICLE "ACCEPTONS-NOUS DES QUESTIONS RADICALES ?"

"J’ai participé à une session régionale sur "catéchèse et vocation". J’ai relevé quelques faits qui me paraissent significatifs d’une mentalité que par ailleurs vous connaissez bien au C.N.V. Je ne fais qu’apporter quelques gouttes supplémentaires à l’eau du moulin.

A peu près personne ne connaît des jeunes ayant un projet vocationnel. Dans mon carrefour (1er cycle) constitué d’aumôniers de lycée, de catéchistes ou de professeurs (religieuses, laïcs), personne ne connaissait de garçon ou de fille ayant un projet de vie sacerdotale ou religieuse. J’étais le seul à en connaître, et sauf dans un cas, ce sont les parents qui ont parlé du projet de leur garçon, et pas le garçon lui-même. Et cela aussi pose question."

M. ESPIE, Villefranche-de-Rouergue

"Deux faits à verser au dossier : "acceptons-nous les questions radicales ?"

1er fait :

Deux religieuses éducatrices me disent rencontrer des filles (Première - Terminale) qui se posent plus ou moins confusément la question de leur avenir de chrétiennes et même d’une "vocation religieuse". Elles seraient heureuses de rencontrer elles-mêmes d’autres éducateurs, et particulièrement des aumôniers de lycées de filles, sensibles aux mêmes questions... Je contacte donc par lettre quatre aumôniers que je connais mieux, les invitant à une rencontre possible avec ces religieuses pour une mise en commun et éventuellement la possibilité de dégager des attitudes communes devant ces filles... Quatre refus. Tous motivés de la même façon. - Je livre ici une des réponses caractéristique.

"Personnellement, je reste perplexe et je pense ne pas être à même de parler du sujet "vocation"..
Le terme "Vocation" évoque encore tout un contexte religieux et sociologique avec lequel je suis mal à l’aise ; tu y fais allusion d’ailleurs dans ta lettre en refusant le mot "recrutement"...
Actuellement, peu de jeunes ont un souhait précis de vie, au sens où une forme de conduite devient expressive pour les autres. Et je ne pense pas que les adultes, quoique tu le désires, puissent "adopter une attitude commune" et formuler des propositions.
"Les réponses pourtant existent, diverses, mais là où des hommes et des femmes s’engagent réellement, attentifs à des exigences évangéliques et aux requêtes d’aujourd’hui. Ces réponses sont davantage des noms : Boquen, Taizé, la Sainte Baume, telle communauté de quartier... là où des personnes cherchent à vivre quelque chose, heureuses dans leurs liens.
Avoir un langage sur "la vie consacrée" paraît bien artificiel en dehors des lieux où des personnes ont tout misé sur l’autre et Jésus-Christ."

2ème fait :

Récemment, à une réunion de prêtres d’un secteur pastoral où nous réfléchissions ensemble sur la question : "comment sensibiliser nos communautés chrétiennes au problème des ministères ?", quelques jeunes (21-30 ans) sont venus se joindre à nous. Pour la plupart, d’anciens séminaristes ou d’anciens novices qui ont cru devoir quitter les institutions traditionnelles de formation au ministère sacerdotal. Tous continuent à penser au sacerdoce. Devant nous, leurs questions ont été radicales. :

"Vous partez toujours de l’institution, même quand vous songez à des "ministères non institués". Pour nous qui croyons à la nécessité du rôle du prêtre comme étant (quelqu’un qui signifie quelque chose et Quelqu’un à un groupe et qui doit avoir le souci que ce groupe ne se referme pas sur lui-même, nous pensons que la vraie question est celle-ci :"comment faire surgir l’Eglise et le prêtre d’en bas (et non pas d’en haut) ?", ou encore : "A partir de ce que nous vivons concrètement avec des jeunes et des adultes, chrétiens ou non, quelles tâches susciter et faire reconnaître par l’Eglise ?" Sinon, c’est l’Eglise-institution qui sécrète et forme en conséquence ses prêtres, leur donne un savoir et un pouvoir... Le statut actuel du prêtre le met dans l’incapacité totale d’annoncer l’Evangile aux gens tels qu’ils sont. Quant à nous, nous ne serons prêtres que si la formation au sacerdoce ministériel est radicalement différente et que si nous nous sentons véritablement cooptés au ministère par ceux avec qui nous vivons."

L. CLEMENT, Lyon.

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II - A PROPOS DE L’ARTICLE DE G. CARPENTIER "ÉDUCATION DE LA FOI ET VOCATION"

"Je ne sais comment exprimer ce que je vOudrais dire en réaction à l’article de G. CARPENTIER. D’une part, je me sens comme le paysan devant le Monsieur, sachant que si j’ouvre un débat, je n’aurai pas le dernier mot. Et pourtant, je sais que pour "élever ma famille", j’en sais plus que le Monsieur.

Je ne fais aucune confiance à quelqu’un qui cherche à nous situer hors de l’Eglise-Institution. Et malgré les louables efforts de récupération tentés par la table ronde, je ne m’y reconnais pas. On peut préciser les mots, y mettre des sens différents : mais il y a l’action, la situation assumée chaque jour. Comment je me situe vis-à-vis des gens concrets qui formant l’Eglise aujourd’hui ? Est-ce que je trie ? Est-ce que je sais ceux qui sont porteurs de l’Esprit ? Et ceux qui ne le sont pas ?

Moi aussi j’ai des options, une orientation pastorale, un "schéma" d’Eglise à faire vivre... Mais je ne peux pas le vivre hors de l’Eglise concrète qui vit aujourd’hui.

Certes, je n’ai rien à réfuter, car je trouve toutes les questions posées très pertinentes. Mais j’estime que c’est démolissant de voir cela dit par quelqu’un qui a l’air de se situer "en dehors". Ces messieurs très forts en théologie et en sciences humaines ont bien de la chance de pouvoir se situer ainsi "en dehors".

J. BERARD, St-Etienne.

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"Si le texte de G. CARPENTIER a été écrit pour susciter des réactions, il aura réussi... La mienne sera une réaction d’irritation. Et cela pour trois raisons :

La 1ère raison, c’est déjà que G. CARPENTIER "défonce des portes ouvertes". En voici trois exemples :•

- "que signifie cette manière dérisoire de poser la question de la vocation" ? (p. 3) De quelle manière s’agit-il ? Et de quelle époque date-t-elle ?

- "Je serai étonné que ceux qui sont susceptibles d’exercer des ministères dans l’Eglise puissent mener cet engagement sans l’aide d’une réelle communauté de partage" (p. 6). Bien d’autres que G. CARPENTIER en seraient étonnés, eux aussi ... !!

- "Ne disait-on pas qu’ils "avaient" la vocation" (p. 1). Il ne faut pas parler de la vocation en termes d’avoir... Sans blague !! Personne, bien sûr, n’y avait pensé avant que G. CARPENTIER ne nous le déclare péremptoirement.

La 2ème raison est encore plus importante, car à s’en tenir au texte de G. CARPENTIER, le monde- est divisé en deux :
. il y a "ceux qui ont le St-Esprit" (hors de l’Eglise-Institution bien entendu)... et ceux qui ne l’ont plus (ceux de la "boutique")...
. il y a les "prophètes" qui savent ce que sera le ministère demain... et ceux qui restent attachés aux formes du passé...
. il y a ceux qui savent à quoi il faut éduquer les jeunes (quels jeunes ??)... et ceux qui posent de fausses questions...
Bref, il y a ceux qui vont de l’avant... et les demeurés ; il y a les noirs... et les blancs... les bons et les méchants...etc.

De qui se moque-t-on ??

La 3ème raison est encore plus grave, car elle concerne des personnes, "les quelques vocations de chrétienté qui peuvent encore se manifester (et qui) permettront au moins d’assurer une liquidation paisible des formes du passé, (p. 1).

Engager des jeunes dans cette voie et pour ce but... non merci ! Si l’analyse de G. CARPENTIER est juste, il faut avoir le courage de renvoyer chez eux tous ces jeunes qui cherchent et qui se .préparent. Ceux qui "ont l’expérience d’une action directe auprès des jeunes en recherche de vocation sacerdotale ou religieuse" (contrairement à G. CARPENTIER : p. 6) savent bien que si ces jeunes veulent être prêtre, c’est pour autre chose que "d’assurer une liquidation paisible des formes du passé".

En fait, ils se mettent en route "sans savoir où ils vont"... et je croyais que c’était cela la foi et son risque ! Quoiqu’il en soit, ces jeunes vivent ce risque à leur manière... peut—être tout simplement parce qu’en eux, l’appel de Jésus-Christ est plus fort que leurs craintes légitimes.

Bien sûr, ces jeunes vivront d’autres formes de ministères que nous, "les 40 ans et plus". Mais ces formes, ils contribueront pour leur part à les faire naître. Car, comme toujours dans l’Eglise, les formes de l’avenir sont en germe dans le présent, en train de naître "dans les douleurs de l’enfantement". Lorsque ces germes deviennent des fruits, ils apparaissent, bien sûr, différents de ce que l’on pouvait attendre parce qu’ils ont mûri ou souffle de l’Esprit."

D. CHARPIOT, Autun.

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"Je suis frappé que dans l’article de G. CARPENTIER comme dans la table ronde, et comme dans bien d’autres articles, l’évêque ait complètement disparu de la circulation. Cette fois-ci, le balancier me semble être parti un peu trop loin. Il fut un temps où l’évêque était tout puissant, et le Peuple "n’existait pas". Aujourd’hui, c’est l’inverse : on ne parle plus que de communauté, l’évêque "n’existe plus".

Je n’ai pas un culte particulier pour l’évêque. C’est au plan de la théologie de l’Eglise que ça me gêne, car je constate que l’on rejette "l’institution". Mais qu’on le veuille ou non, la seule qui remonte à l’origine et qui fait l’Eglise, c’est l’Eucharistie et l’institution des apôtres.

La communauté chrétienne certes a un rôle : celui de reconnaître les besoins (les siens et ceux du monde), d’interpeller, d’aider à cheminer, de présenter à l’ordination de l’évêque ; mais si l’évêque n’appelle pas, il n’y a pas de prêtre, malgré la communauté.

Evêque d’un Peuple, pour un Peuple, il est dedans ("baptisé avec vous") mais aussi en face ("évêque pour vous"), pour discerner, reconnaître, établir la communion avec l’Eglise universelle etc.

Le prêtre diocésain s’inscrit dans le rôle et la mission de l’évêque. Aujourd’hui, un certain nombre de prêtres sont en crise, parce qu’ils ne savent plus trop ce qu’ils sont, ni où ils se situent.

Avec un petit brin de démagogie, nous critiquons l’institution, d’une façon globale, sans discernement. Mais alors, comment parler de l’éducation de la foi et de vocation dans un contexte pareil.

Ne sommes-nous pas trop admiratifs des jeunes qui en fait ne font que nous renvoyer notre propre image ? Je n’ai qu’une toute petite expérience, mais derrière chaque nom de jeune que je rencontre, je peux mettre le nom d’un prêtre. Ma question est bien plutôt : de quel Jésus et de quelle Eglise sommes-nous ?"

P. BONNET, Pontoise.