La dynamique d’un acheminement


L’article qui suit est extrait d’un dossier récent intitulé "Discernement et formation dans une ; vie militante"..

Il nous permettra de bien saisir la dynamique du cheminement G.F.O. qui constitue une des réponses possibles, dans le respect .de, la culture ouvrière et du sérieux de la formation, à l’objectif assigné au premier cycle, à savoir :

"aider un jeune qui s’est prononcé de façon consciente et responsable pour une orientation assez nette vers le sacerdoce, à structurer progressivement sa personnalité et sa foi et à découvrir ce qu’est le ministère sacerdotal".

(Assemblée plénière de l’épiscopat 1966)

La dynamique du cheminement G.F.O. a trois dimensions essentielles qui s’interpénètrent d’ailleurs les unes les autres :

I - PERMETTRE A UN JEUNE DU MONDE OUVRIER DE DEVENIR PLEINEMENT UN TRAVAILLEUR

  • Partageant la condition ouvrière à la place qui sera la sienne et qui n’est pas la même pour tous, il fait ainsi l’expérience de la diversité mais aussi de l’unité profonde d’un monde ouvrier, certes en évolution dans la civilisation technique st industrielle, mais non disparu pour autant.

  • Découvrant progressivement son appartenance à la classe ouvrière, participant à son combat, son dynamisme et son espérance, il en devient un militant de plus en plus conscient. (Il suffit de relire les travaux des commissions pour saisir ce cheminement progressif.)

  • C’est tout cela qui lui permettra plus tard, si Dieu le veut, d’être prêtre en classe ouvrière, "pris d’entre les .hommes" (Heb. 5, 1) pris de ce peuple des travailleurs, étant vraiment l’un d’eux, signe d’une Eglise qui y sera vraiment enracinée. Les apôtres des ouvriers sont des ouvriers. Ce ne doit pas être seulement vrai pour l’apostolat laïc...

II - PERMETTRE A UN JEUNE DU MONDE OUVRIER DE VIVRE PROGRESSIVEMENT DANS CE MONDE, UNE AUTHENTIQUE VIE ECCLESIALE. IL Y TROUVERA NOURRITURE POUR SA FOI ET IL Y DEVIENDRA APOTRE.

C’est la participation active en J.O.C., d’abord ( l ) en A.C.O. ( 2 ) qui prioritairement lui permet cela et lui fait ainsi expérimenter de l’intérieur ce que doit être une vie d’apôtre laïc, vivant et annonçant Jésus-Christ dans le dynamisme du mouvement ouvrier, parce qu’il est membre d’une Eglise qui n’est pas à côté de ce monde.

III - PERMETTRE A UN JEUNE DU MONDE OUVRIER, AU SEIN DE L’EXPERIENCE ECCLESIALE QU’IL PARTAGE, DE MURIR TRES PROGRESSIVEMENT SON PROJET DE SACERDOCE ET DE POUVOIR Y ETRE APPELE

Il faudrait d’ailleurs insister sue le "très progressivement" et distinguer :

  • d’une part, la volonté d’être prêtre et l’intuition à clarifier progressivement de ce qu’est l’essentiel du sacerdoce, pasteur au service d’un peuple qui .doit être tout entier sacerdotal, signe que cela ne peut être que don de Dieu... Cette volonté et cette intuition, s’il y a vraiment appel de Dieu, doivent croître, se renforcer, s’approfondir au fil d’une action apostolique vécue en Eglise, en communion prêtres et laïcs.

  • d’autre part, la claire vision de la façon dont ce ministère sera à exercer demain... En ce domaine, le signe de l’authenticité de l’appel serait plus à chercher du côté de la capacité, de l’aptitude à être humble, disponible, ouvert dans l’accueil de l’Esprit-Saint qui conduit, petit à petit, la recherche collective de l’Eglise. Des positions trop rigides et trop rapides ne sont pas nécessairement signe d’authenticité, au contraire...

CES TROIS DIMENSIONS

ne sont-elles pas dans l’esprit du Concile qui veut une Eglise enracinée dans le Christ. ("La lumière du Christ doit resplendir sur son visage") et dans le même mouvement profondément enracinée dans le monde de ce temps.(cf. Gaudium et Spes), afin de pouvoir illuminer tous les hommes et être sacrement du salut. Une première formation pour ceux qui seront un jour ses pasteurs ne peut faire l’économie d’une vie dans le monde et dans une communauté ecclésiale vivante qui soit dans ce monde. Pour les jeunes originaires du monde ouvrier, il s’agit du monde des travailleurs, de la classe ouvrière et de l’Eglise qui y vit... Ce sont là pour nous des convictions fondamentales qui ne sont pas sans exigences et sans conséquences.

Cette dynamique est enfin profondément enracinée dans ce .qui constitue le ressort de l’humanisme des militants ouvriers et de leur culture, à savoir uns "formation:dans la responsabilité, responsabilité effective dans la construction de la société mais aussi, pour des militants chrétiens, dans la mission de l’Eglise. Il faudrait souligner aussi non seulement la dimension individuelle, mais collective de l’exercice de. cette responsabilité (cf. la conviction de la J.O.C. : "les Jeunes Travailleurs entre eux, par eux, pour eux.")

C’est là un point capital qui rejoint d’ailleurs une observation du Concile : "Noua sommes les témoins de la naissance d’un nouvel humanisme, l’homme s’y définit avant tout par la responsabilité qu’il assume envers ses frères et devant l’histoire." (G.S. 55).

Cette observation a sans doute valeur universelle et n’est pas l’apanage et la propriété du monde ouvrier, mais la responsabilité vécue par des travailleurs dans tous les secteurs de leur vie quotidienne, avec sa dimension collective-aboutit à un certain type d’humanisme ouvrier, de culture ouvrière, qu’il faudrait sans doute analyser davantage. (3).

L’Eglise ne peut aujourd’hui faire fi de cette réalité pour l’évangélisation du monde ouvrier. Elle doit en tenir compte pour la préparation au sacerdoce des jeunes originaires du monde ouvrier, comme pour celle des jeunes d’autres milieux qui seront envoyés en mission ouvrière.

C’est là une autre conviction fondamentale nécessitant la poursuite de l’analyse de ce qu’on veut dire quand on parle d’humanisme ouvrier, de culture ouvrière, mais qui aussi, sans attendre des résultats définitifs, exige peut-être qu’on en tire, déjà d’une façon plus précise, les premières conséquences (aussi humbles soient-elles) au niveau de la préparation au sacerdoces non seulement en ce qui concerne le premier cycle... et pour les jeunes originaires du monde ouvrier... mais aussi plus généralement en vue d’un second cycle préparatoire. à une mission en monde ouvrier, et pour la formation permanente qui le prolongera.

EN VUE DE POURSUIVRE LA RECHERCHE

Mettre en relief :

I - LE CARACTERE PROGRESSIF DU CHEMINEMENT ET DE LA FORMATION :

non seulement à cause de l’âge qui n’est pas a négliger, mais surtout en fonction de la progression de l’enracinement en monde ouvrier et dans l’Eglise en monde ouvrier, et de l’évolution de la responsabilité qui y est prise...

Si on veut respecter cette progressivité, il semble que, dans la mesure du possible, les équipes : G.F.O. doivent être constituées d’une façon homogène, dans le respect du stade d’évolution de la responsabilité des uns et des autres.

On pourrait ainsi distinguer, comme le suggère le travail des commissions :

- les débutants en G.F.O., jeunes et aînés, (en particulier si ces aînés sont peu en situation de responsabilité ou de façon récente),

- ceux qui exercent une responsabilité de type jeune,

- ceux qui mettent en place dans leur vie une responsabilité de type aîné (par exemple, au retour du service militaire), et qui, dans un second temps, devront en approfondir le sens.

Ainsi, cela pourra demander parfois des équipes non uniquement constituées au plan régional où elles, ne seront pas toujours possibles, mais davantage à un plan inter-régional, voire national, comme c’est déjà le cas cette année. Mais n’est-ce pas nécessaire pour répondre aux vrais besoins des jeunes et aux exigences d’une formation sérieuse ?

II - POUR AMELIORER NOTRE TRAVAIL.

En dehors des attitudes fondamentales, à bien mettre en place au début du cheminement, et qui sont ensuite à vivifier continuellement, (par exemple, attention à la vie, réflexion sur la vie, équilibre de vie, etc.) ne serait-il pas bon, pour prolonger le travail des commissions, de recueillir et préciser, dans l’expérience vécue dans les différents groupes et aux différentes étapes, les questions qui se sont posées à partir de la vie et de l’action, celles qu’on a fait naître, celles qui ont été étudiées au long de la progression du cheminement,

- soit pour favoriser la compétence dans les responsabilités exercées, et l’approfondissement du sens de ces responsabilités

- soit encore pour favoriser l’évolution, la progression dans ces responsabilités (le passage jeune aîné, le mûrissement de la conscience ouvrière, apostolique, du projet de sacerdoce, les passages, les seuils .à franchir pour cela).

- soit pour aider à un choix et à un discernement sérieux.

Cela nous permettrait de mieux saisir le contenu du travail que nous avons fait ou qui serait à faire, dans le sens d’une formation intellectuelle et aussi du discernement. Il serait bon aussi de voir les moyens employés pour ce travail, en vue de les améliorer ou d’en inventer de nouveaux.

III - LA DIMENSION INTERNATIONALE.

En ce qui concerne la responsabilité exercée, la session n’a pas fait ressortir la dimension internationale qu’elle peut comporter et qui est souvent présente dans l’action jociste ou l’action syndicale.

Est-ce à dire que dans les groupes, on n’a pas été assez attentif pour que cette dimension importante de l’action puisse apparaître et s’approfondir ; cf. toutes les questions concernant le développement des peuples, les problèmes de l’immigration et ses causes etc.

Il pourrait être important de vérifier et de voir ce qui peut être fait ; encourager la participation à des week-ends O.V.I. ou autres stages du C.F.E.I., les prolonger, profiter d’un voyage que l’un ou l’autre fait à l’étranger, d’un bilan du Mois international de la J.O.C. ou autres formes à inventer.

IV - LA RESPONSABILITE DE L’EQUIPE REGIONALE ANIMATRICE.

Il ne faut pas oublier, au plan du travail et de la responsabilité de l’équipe régionale animatrice, d’autres axes de la formation qui, même s’ils ne constituent pas l’objet actuel de notre travail collectif, n’en sont pas moins importants, à savoir :

o La formation spirituelle.
Il pourrait être intéressant à cet égard de reprendre certains passages de l’exposé de Vincent THOMAS par exemple : "comment passer de l’idée qu’on fait quelque chose pour le Christ à l’idée qu’on va faire l’oeuvre du Christ et qu’on va être avec lui, comment on entre dans la perspective de Jésus-Christ pour le salut du monde...", donc découverte "spirituelle" de la vraie nature de l’apostolat qui n’est pas simplement entreprise humaine, mais oeuvre de Dieu, dépendance du Père...

Il nous faudrait aussi chercher comment aider les jeunes à entrer toujours davantage dans une connaissance personnelle du mystère du Christ, dans une vie avec lui, pour une mission avec lui, avec toute la dimension de conversion jamais terminée que cela suppose. Quels moyens se donner ?

o Les problèmes concernant l’équilibre de la vie affective et de la sexualité, et leurs incidences quant au discernement ,et à l’appel.

o La question du choix du célibat et de ses motivations.
Nous aurons progressivement à inscrire ces questions à l’ordre du jour de notre travail collectif, mais nous devons les suivre dès maintenant, car discernement et formation en ces domaines ne sauraient attendre, ni être minimises.
L’équipe régionale doit conduire l’ensemble de la recherche et assurer simultanément tous les aspects de la formation. Suivre ou étudier davantage un aspect de la formation ne doit pas nous faire oublier ou négliger les autres. Il peut être bon de nous les rappeler mutuellement de temps en temps pour vérifier notre angle de marche... et veiller à ce que les jeunes ne soient pas, d’une façon ou d’une autre, victimes de notre manque d’attention.

Robert TANTOT

NOTES ---------------------------

(1) Cf. "Masses Ouvrières" juin 71, n° 281 et "Eglise en Jeunesse Ouvrière", J.M. DUMORTIER [ Retour au Texte ]

(2) Cf. "Peuple ouvrier en Eglise, "Eglise de Jésus-Christ en classe ouvrière", publications de 1’A.C.O. [ Retour au Texte ]

(3) Cf. un début de recherche en ce sens dans :

- "Le Sacerdoce dans la Mission Ouvrière", p. 25, .-. "Document A.C.O.", numéro 52, avril 69.

- "Masses Ouvrières", numéro 259, "La culture et les travailleurs",

- "Naissance et croissance de l’Eglise en monde ouvrier", p. 195 et suiv. [ Retour au Texte ]