Les vocations de jeunes et les institutions de soutien


REGARD SUR QUELQUES ETATS STATISTIQUES &. QUESTIONS POUR UNE PASTORALE DES VOCATIONS

Bon nombre de supérieurs ou de responsables ont été perplexes en remplissant les colonnes d’une enquête numérique qui leur était proposée par le Centre National. S’agissait-il de dénombrer les "petits séminaristes" ? : L’expression n’est plus reçue. Comment savoir si l’on peut considérer tel ou tel comme futur prêtre ? Qui veut-on compter ?

Toutes ces réactions et toutes ces questions sont très compréhensibles, elles relativisent la valeur de ce compte rendu, mais elles n’en suppriment pas l’opportunité.

S’il est difficile d’introduire la précision mathématique et l’évaluation statistique dans un domaine aussi mystérieux et mouvant que celui des déterminations psychologiques, on peut tout de même relever le nombre de ceux qui acceptent d’être considérés comme étant en recherche de vocation. Les chiffres actuels parlent autant que les anciens et ils nous interrogent, non pour nous décourager, mais pour nous aider, une fois de plus, à renouveler notre fidélité au Seigneur et à la vie.

I - LES CHIFFRES

A - Etat numérique des Jeunes en Institutions permanentes.

l) Présentation des effectifs généraux.

Année 69-70
70-71
71-72
Jeunes en
Séminaires scolarisés
4 299
3 150
2 616
Jeunes
scolarisés en foyer
2 455
2 514
2 272
Jeunes au travail
réunis dans des foyers
pas encore
recencés
94
52
Jeunes en recherche
dans les collèges-séminaires
1 485
767
559
8 239
6 525
5 499

Si on se reporte aux années antérieures, on s’aperçoit que la diminution amorcée depuis 1963, est assez régulière :

1964
15 749
1968
9 670
1965
14 330
1969
8 231
1966
12 541
1970
6 525
1967
10 731
1971
5 499

Notons quelques accentuations en 1966 (-1785) et en 1970 (-1706),

Il est très difficile d’analyser une telle courbe... Des sociologues consultés disent qu’elle ne peut devenir "parlante" que si on la met en corrélation avec beaucoup d’autres données humaines et religieuses. Ex : évolution des structures d’enseignement, multiplication des branches d’enseignement et multiplication des établissements C.E.G., C.E.S. et lycées.

- discrédit général jeté sur toutes formes d’institutions, sur tout ce qui peut ressembler à un conditionnement,

- importance de l’éphémère, incertitude devant l’avenir, refus de l’étiquette,

- préférence marquée pour des cheminements spirituels à partir de la vie etc.,

- développement des cheminements en diaspora ou à l’intérieur des mouvements.

Les sociologues remarquent aussi que le laps de temps représenté est trop court pour que l’on puisse tirer des enseignements valables... Il y a, dans les courbes sociologiques, des poussées ou des baisses qui se redressent et ne deviennent compréhensibles qu’avec du recul.

Il serait donc gravement imprudent de prendre des décisions engageant l’avenir uniquement à partir des informations ici données mais ce serait aussi faire preuve de légèreté d’esprit que de ne pas en tenir compte dans une réflexion sur le plan de nos institutions dans une pastorale d’ensemble.

2) Présentation des effectifs de quelques classés particulières.

1969
1970
1971
Les sixièmes
dans les séminaires scolarisés
779
545
502
dans les foyers non scolarisés
193
254
182
dans les collèges séminaires
278
125
106
1 250
924
790

Le chiffre total des sixièmes a atteint le point le plus élevé depuis la guerre en 1959, avec 3 965 entrées ; depuis il ne cesse de décroître assez régulièrement.

Pourtant, ce qui est remarquable, c’est le nombre d’entrées en sixième dans les foyers non scolarisés. Le nombre se maintient ces dernières années autour de 200, Bien sûr, des séminaires scolarisés sont devenus foyers mais ces nouveaux foyers ont tout de même reçu une "clientèle neuve". On ne peut pas dire uniformément qu’il faille un 1er cycle scolarisé pour alimenter un deuxième cycle non scolarisé. Par contre, ce qui est frappant, c’est la diminution rapide des effectifs dans les collèges-séminaires.

Les quatrièmes
     
1969
1970
1971
dans les séminaires scolarisés
791
724
576
dans les foyers non scolarisés
306
322
291
dans les collèges séminaires
316
144
117
1 413
1 200
984
Total de tout le 1er cycle
5 443
4 255
3 648

Nous retrouvons pour les élèves en classe de quatrième à peu près les mêmes courbes que pour les sixièmes et nous remarquons aussi la situation stationnaire des foyers, mais ici, le passage des maisons de séminaire en foyer peut expliquer le phénomène.

La baisse des effectifs de tout le 1er cycle demeure très préoccupante : 1 795 en deux ans !

La classe de seconde

Cette classe est intéressante parce qu’elle inaugure un nouveau cycle et y constitue une plate-forme d’accueil.

1969
1970
1971
3e
2e
3e
2e
3e
2e
en séminaires scolarisés
757
380
598
251
590
118
en foyers vers le bac
311
600
281
418
288
424
en foyers vers d’autres
diplômes que le bac
non recencés
séparément
11
114
17
80
en collèges séminaires
274
137
169
63
102
62
1 342
1 117
1 059
846
997
684

Ces quelques chiffres sont, eux aussi, difficiles à interpréter car nous ne savons pas, dans les effectifs des 2e, combien d’éléments viennent des séminaires ou des foyers et combien viennent d’autres établissements libres ou laïcs.

Toutefois, en comparant le total des "troisièmes" de 1969 : 1 342, et le total des secondes de 1970 : 846, nous mesurons la rupture qui existe entre les deux cycles ! La différence est en partie expliquée par le passage de 274 troisièmes en collèges séminaires pour 1969 aux 63 deuxièmes en collèges séminaires pour 1970.

Nous pourrions faire les mêmes remarques pour les troisièmes de 1970 et les secondes de 1971.

A la fin de la troisième, un choix se fait. C’est l’époque des tests d’orientation, c’est déjà le moment, pour certains, d’opter pour une spécialisation, une profession. La pédagogie de la vocation doit tenir compte de cela et les liens avec une diaspora active paraissent indispensables.

Les Terminales
     
1969
1970
1971
en séminaires scolarisés
326
210
130
en foyers préparant le bac
359
276
355
d’autres options
31
18
en collèges séminaires
92
48
44
777
565
547

Nous retrouvons une diminution très sensible des présences en séminaires scolarisés et en collèges-séminaires et, par contre, le maintien relatif des effectifs en foyers.

Comment les jeunes qui sont en foyer se répartissent-ils dans les divers établissements secondaires ?

Nous connaissons l’affectation de 2 035 élèves sur les 2 272 que compte la population des foyers. Voici comment se fait la répartition :

109
élèves suivent des cours dans
56
établissements
publics,
39
22
privés,
1 888
140
catholiques.

Pour cette rubrique, il est impossible d’établir des comparaisons avec les autres années, car c’est la première fois que ces chiffres sont relevés avec précision.

A titre d’information, signalons aussi que

sur 564 éducateurs recensés, il faut compter
354 prêtres
 
15 religieux,
 
15 religieuses ;
 
180 laïcs.

Ici aussi, les points de comparaison manquent.

*
* *

B - ETAT NUMERIQUE DES INSTITUTIONS

Quelques remarques :

l) Le nombre des foyers reste sensiblement le même mais les communautés désignées changent..

Voici la liste des mutations intervenues depuis deux ans :

Séminaires devenus Foyers Séminaire devenu
collège-séminaire
Séminaires qui ferment ou
qui deviennent collèges.
AUCH CAMBRAI (Solesmes) BOURGES (Neuvy)
BESANCON (La Maîtrise)   LYON (Institut Lairade)
ST ETIENNE (Charlieu)  
(Oullins)
FREJUS (1er cycle)  
(Les Sauvages)
LILLE (Hazebrouck)  
(St-Martin-Haut)
METZ (Montigny)   NANTES (Pontchâteau)
NIMES   SAINT DIE (Autray)
PARIS (Conflans)    
VERSAILLES    
Foyers nouveaux foyers qui sont fermés Collèges-séminaires qui se
considèrent désormais comme
des collèges, ou qui sont
fermés.
BESANCON (Foyer de Terminales) AMIENS AJACCIO
ST ETIENNE (Montbrison) BLOIS ANGERS (Mongazon)
  EVREUX
(Beaupréau)
  LILLE (Tibériade) (St-François) ARRAS (Baudimont)
  MARSEILLE AUTUN (Semur)
  NANTES (St-Dominique) BEAUVAIS (Pt Ste Max)
  TROYES CORBEIL (Soisy)
  VALENCE GAP
    GRENOBLE (Voreppe)
    METZ (Bitche)
    PAMIERS
    RODEZ (Graves)
    ST BRIEUC (Quintin)
    TARENTAISE (St-Paul)
    VERDUN

2) Le nombre des séminaires scolarisés a diminué considérablement. ( 1 )

En 1965, il y avait :

74 séminaires assurant tout l’enseignement, et
15 séminaires scolarisés en 1er cycle, soit au total,
89 établissements au service des jeunes en recherche.

En 1571, ce chiffre est ramené à 15 (10 pour le 1er cycle seul, 2 pour le second cycle seul, 3 complets : Toulouse, Mont de Marsan et Vannes.)

Par contre, il n’y avait que 4 foyers DU "séminaires convicts" et ils sont maintenant 66.

La catégorie séminaires-collèges ou collèges séminaires est très fluente.

Elle comptait :

34 maisons en 1965
33   1969

Elle en réunit actuellement 15. Beaucoup de séminaires homogènes ont pris ce statut pour sauvegarder la scolarité mais n’ont pas pu s’y maintenir. Ils renoncent actuellement à compter "les séminaristes" très insérés dans leurs classes, très présents mais ayant perdu tout lien de rencontre, tout caractère propre. "Ils ne se déclarent plus", "on ne sait pas s’il y en a encore", disent les éducateurs,

Certaines maisons ont cependant voulu conserver quelques structures propres aux ’oojémf-naristes11. L’internat, par exemple, est réservé à ceux qui ont un projet ferme eu, selon les ca3, à ceux "qui n’excluent pas le sacerdoce parmi leurs projets". On voit combien les frontières sont difficiles à établir et combien la comptabilité est incertaine !

Les remarques qui. accompagnent les états numériques de collèges-séminaires disent combien les supérieurs sont inquiets de voir qu’ils perdent peu à peu tout caractère propre mais aussi combien ils sont soucieux de rejoindre la pastorale d’ensemble qui se développe dans les institutions libres.

Les séminaires scolarisés sont surtout situés dans le Midi (Toulouse, Mont de flar-san, Avignon, Montpellier, Pont de la Maye), dans le Jura, Besançon, et dans l’Ouest, Vannes. Luçon et Rennes.

Certains commencent à accueillir des externes et se mettent sous contrat d’association (ex : les Herbiers) ; d’autres s’interrogent sur leur avenir, d’autres sont contenta de leur formule et connaissent un gros pourcentage d’entrées au grand séminaire (ex : Mont de Marsan et Bayonne) .

On voit combien les situations sont diverses en France et combien il faut qu’il en soit ainsi. Ce ne sont pas les maisons qui inventent ces situations, elle ne font que répondre à des besoins et développer une pédagogie, en fidélité aux mentalités particulières de leur région et aux appels du Seigneur.

Un regard sur l’évolution du nombre des Jeunes en "institutions permanentes" suivant l 7ès régions nous aidera à mesurer cette diversité :

  1962 1971 Diminution
Nord
2 523
356
- 86 %
Paris
643
155
- 76 %
Centre
670
135
- 80 %
Ouest
4 277
1 413
- 67 %
Sud-Ouest
1 275
494
- 61 %
Midi-Pyrénées
1 726
831
- 52 %
Provence Méd.
1 059
491
- 52 %
Centre-Est
2 206
598
- 73 %
Est
2 131
1 026
- 52 %
Total :
16 510
5 499
67 %

L’année 1962 a été choisie parce que c’est le point le plus élevé de la courbe du nombre de séminaristes en institutions depuis que les petits séminaires existent. On s’aperçoit que la baisse des effectifs n’est pas homogène suivant les régions.

Le Nord baisse de 86 % tandis que la diminution du Midi-Pyrénées, de Provence Méditerranée et ds l’Est n’est que de 52 %, Si on prenait les diocèses comme teneur de comparaisons, la disproportion serait encore plus forte. A situations différente^ réponses différentes. On ne peut pas uniformiser.

Il reste toutefois qu’une majorité se dégage et que des courants apparaissent mais pour bien observer ces phénomènes, il faut d’autres instruments que des états numériques. Une rencontre de tous les éducateurs de foyers et séminaires de jeunes paraît indispensable. Elle est prévue en juillet à la Salette.

*
* *

C - LES ORIENTATIONS.DES JEUNES APRES LA TERMINALE
Orientations Terminales

Total des Terminales
en Juillet
Entrées en G.S.
+ noviciat + (G.F.U.
depuis 1969)
Redoublants
ou Groupe de Recherche,
en attente
Laïcat et
indéterminés
1964
865
560
=
65 %
37
=
4 %
258
=
31 %
1965
1 008
532
=
53 %
32
=
3 %
444
=
44 %
1966
1 340
600
=
45 %
60
=
4 %
680
=
51 %
1967
1 174
551
=
47 %
78
=
7 %
531
=
46 %
1968
1 042
498
=
48 %
40
=
4 %
504
=
48 %
1969
868
314
=
36 %
112
=
13 %
442
=
51 %
1970
777
267
=
35 %
89
=
11 %
426
=
54 %
1971
565
190
=
33 %
117
=
20 %
269
=
47 %

La courbe du nombre des terminales suit, 7 ans après, la courbe des entrées en sixième qui croît jusqu’en 1959 et diminue depuis.

La proportion de ceux qui se disent en attente ou qui s’inscrivent à des groupes de recherche augmente considérablement depuis juillet 1969. Cette constatation confirme bon nombre de remarques d’éducateurs sur l’attentisme des Terminales et des 1ères années de cheminement au niveau des grands séminaires. En effet, la proportion de ceux qui optent fermement pour le laïcat n’a pas beaucoup augmenté (44 % en 1965 ; 47 % en 1971) ; par contre, le pourcentage de ceux qui "attendent" est passé dans le même laps de temps de 3 % à 20 %.

Comment expliquer ce phénomène ? Comment en tenir compte ? On devine bien certaines causes :

  • L’hésitation des jeunes après le baccalauréat, peu ont un projet de vie professionnelle fermement établi, beaucoup changent d’orientation d’études durant leurs premières années de faculté.
  • Le choc psychologique, le dépaysement et les remises en question qui sont occasionnées par l’entrée en Université et la vie quotidienne dans les cités d’étudiants. La foi des Jeunes qui vivent cette expérience parvient difficilement à épouser le réel qu’ils vivent. "Ma foi n’a plus de sens"... "ma foi n’a plus rien à dire à ma vie". On entend cela fréquemment.
  • L’incertitude quant à la manière as vivra le sacerdoce. Toutes les recherches qui se font, toutes les tensions vécues dans le clergé sont sans doute porteuses de renouvellement mais elles sollicitent aussi l’hésitation d’un jeune qui vaudrait servir le Seigneur et les autres, mais qui cherche encore la forme de service où il va engager sa vie.
  • Beaucoup d’autres causes interviennent, et dans des proportions différentes selon les diocèses, il serait vain et sans doute inutile de tenter d’en faire le relevé.

Ce regard très rapide que nous venons de porter sur la situation des Jeunes après la Terminale suffit à orienter quelques conséquences pratiques.

o Collaboration entre le premier cycle, du grand séminaire et les éducateurs qui interviennent au niveau du secondaire.

Auparavant, les éducateurs qui avaient accompagné des Jeunes jusqu’au grand séminaire considéraient volontiers que leur tâche était terminée. Ils gardaient bien quelques relations de sympathie et d’amitié avec des Jeunes mais n’intervenaient plus comme éducateurs. Il semble que la situation soit moins tranchée actuellement. D’une part, les animateurs du 1er cycle grand séminaire devraient tenir compte davantage de ce qui se fait ou se cherche dans les services diocésains de vocations. Et d’autre part, tous ceux et celles qui sont engagés dans ces services devraient considérer que leur aide peut se prolonger au-delà d’une Terminale ou d’une dernière année de technique.

Pour que tout ceci ne se fasse pas d’une manière anarchique, il faut des coordonnateurs...

o Nécessité de préparer le Jeune à vivre le passage des études secondaires aux études supérieures.

Il ne suffit pas d’informer, il ne suffit pas d’aider une réflexion à partir de témoignages, il faut permettre à un Jeune de vivre en totalité sa vie de Jeune et de reconnaître la voix du Seigneur qui parle dans l’humble complexité de la vie quotidienne. Il est indispensable de respecter cette complexité. Elle est faite pour un Jeune de solidarités avec une famille, avec un milieu de vie, avec des "groupes matériels, avec des scolaires, avec une culture et avec le monde des Jeunes tout entier.

La facilité mais sans doute l’erreur, serait d’ignorer cette solidarité à tous les niveaux soit pour favoriser, dans des structures d’isolement et de préservation, l’éducation d’une foi et d’une vocation, soit pour ne retenir que certains milieux, certaines solidarités plus appropriés à des actions immédiates. On ne respecte pas la vie quand on ne permet pas la mise en présence et la confrontation de tous les éléments qui la constituent.

Cette complexité de la vie des Jeunes est faite aussi d’aspirations personnelles : recherche d’autonomie, volonté d’être soi, mais aussi, besoin d’aimer et désir de donner un sens à sa vie...

La foi et la vocation qui ne s’enracinent pas dans cette vie toute animée d’une sensibilité souvent inquiète, ne pourront pas grandir. Elles resteront un jour, tel un monument inhabité, belles en soi et même chargées de souvenirs heureux, mais étrangères et silencieuses devant les questions vivantes et les dynamismes qui éclatent.

Depuis que le Seigneur s’est incarné, nous savons que c’est tout l’homme qu’il a assumé et glorifié.

En guise de conclusions : quelques points d’attention :

Les réflexions qui précèdent sont de l’ordre de la constatation beaucoup plus que de la théorie. Il n’y a pas que les chiffres qui évoluent. Le visage de la vie, les courants psychologiques et sociaux changent peut-être encore plus vite. Signalons sommairement quelques points.

Perception et pédagogie de la vocation :

Avant, on savait ! On savait qui était le prêtre, quelles vertus il devait acquérir, quel genre de vie serait le sien, quelle spiritualité devait le nourrir. On pouvait presque déduire une pédagogie. Tu veux être prêtre, donc tu dois orienter ton activité dans tel ou tel sens, engager ta générosité de telle ou telle façon, éviter tel ou tel comportement...

La réflexion théologique était aussi liée à l’idée de germe. Germe de vocation que l’on recevait et que l’on cultivait. Ainsi on pouvait avoir la vocation et on pouvait la détruire ou la perdre. Ce germe, à la limite, pouvait être regardé comme imposant une logique nouvelle à une personne, une logique que l’on connaissait et que l’on pouvait développer sans trop tenir compte de la personne elle-même. Celle-ci devait plutôt ajuster sa vie à un idéal assez nettement défini dans des règles. Des saints ont vécu de cette façon, des prêtres, des religieux et des religieuses y ont appliqué toute leur générosité et ils ont fait la gloire de l’Eglise !

Actuellement, on vit autrement la recherche. Dieu redevient celui qui ne donne pas son nom, comme dans la Bible, mais qui signifie sa présence dans la vie. Du coup, la vocation s’explicite en termes d’être et non plus en termes d’avoir.

On découvre avec Dieu, syllabe par syllabe, le nom dont il veut nous nommer. Un invente et on reconnaît, on est fidèle non à un idéal ou à une règle, mais à une recherche et à une Personne qui ne se définit pas.

L’attitude de celui qui accompagne est beaucoup plus discrète même si elle engage plus de temps. Il s’agit pour lui d’accueillir toute la vie de celui ou de ceux qu’il veut aider et de refléter cette vie pour que les autres s’y retrouvent, il renvoie la parole ou la vie manifestée en soulignant les insistances, en faisant apparaître les convergences, les lignes de force. L’éducateur doit avoir beaucoup de patience et beaucoup de mémoire.

Il faudra ensuite discerner dans tout ce qui apparaît, à la fois ce qui exprime l’authentique originalité de celui qui s’exprime et en même temps ce qui manifeste la parole de Dieu, prononcée au plus profond du coeur de l’homme.

De cette façon, il pourra reconnaître le visage que le Seigneur veut prendre dans une personne, attester que certaines options sont conformes à l’Esprit et orienter une générosité.

Le projet éducatif des responsables des vocations et des institutions permanentes.

Ici aussi, l’évolution apparaît manifeste. On peut, sommairement, repérer trois étapes.

  • Isolement et renoncement. C’est, en simplifiant beaucoup, l’orientation générale qu’ont suivie les éducateurs jusqu’aux années 55-60. Il fallait mettre à part les Jeunes qui avaient un projet de vocation et les entraîner dans la prière et la générosité à la vie de témoignages, de sacrifice et de prière qu’ils avaient projetée pour eux.
  • Ouverture et épanouissement. A partir des mêmes années 55-60, les séminaires s’ouvrent, les Jeunes s’intéressent à des activités à l’extérieur (camps-missions puis centres de formation apostolique, activités apostoliques le jeudi et le dimanche pendant l’année scolaire...) De même, la formation proposée s’intéresse plus à la dynamique du projet et à la réussite d’une vie. La générosité se mesure plus en termes de don de soi, d’amour plus exact que de renoncement.
  • Partage de vie et reconnaissance de Dieu. C’est peut-être la tendance qui domine actuellement. On pense moins à ouvrir les maisons et les gars sur l’extérieur qu’à accueillir ce qui est réellement vécu, loin de nos institutions et de nos réunions. Le mouvement n’est plus centrifuge mais centripète. Les séminaires, les foyers, les réunions de diaspora deviennent des lieux de partage et d’échange, des plate-formes de recherche où on peut approfondir sa foi, reconnaître Dieu et découvrir l’appel qu’il nous adresse pour aujourd’hui. De ce fait, on ne peut plus considérer les institutions-séminaires ou foyers qu’à l’intérieur d’une pastorale générale des vocations.

    Tout ceci est dit très rapidement et n’a pas de valeur normative. Toutefois, les lignes de force qui apparaissent au plan national sont peut-être éclairantes pour ceux qui cherchent à se repérer ou qui ont besoin de termes de comparaison avant une décision.

Jean DUBREUCQ

NOTES ----------------------

( 1 ) Voir N° 229 de Vocation, p. 47 [ Retour au Texte ]