Une session "Enseignement public et vocation sacerdotale"


Elle s’est déroulée durant les vacances pascales 71. Son originalité : suscitée par la demande d’un lycéen, elle a regroupé pour moitié des jeunes du 2d cycle de l’Enseignement Public ou issus de celui-ci, et pour moitié des aumôniers (Lycées et G.F.U.).
Vous trouverez ici la recension des travaux des deux ateliers qui traitaient de la maturation d’un projet de vocation. L’un, entièrement rédigé par des jeunes, garde la spontanéité de premier jet. L’autre a voulu tenter l’inventaire des éléments objectifs d’une telle maturation.
On pourra lire la synthèse des travaux de cette session dans le n° 111 du "Lien des Aumôneries de l’Enseignement Public" - 106, rue du Bac PARIS 7e.
Il s’est dégagé de ces trois jours une impression de grande vitalité.

Bernard GOUREAU
Aumônier de l’Enseignement Public

I - DE LA TIMIDITE À L’AFFIRMATION DE SA LIBERTE DAMS SON PROJET

Texte entièrement rédigé par des jeunes

A/ IL SEMBLE QUE LORSQU’UN JEUNE RESSENT POUR LA PREMIERE FOIS L’IMPRESSION QU’IL EST APPELE AU SACERDOCE, SON PREMIER SENTIMENT SOIT L’EUPHORIE, UN "TRUC" FORMIDABLE, UN CHOC EMOTIF ; ON A ENVIE DE TOUT LAISSER.

Euphorie, quel que soit l’âge (enfance ou adolescence.)

Chez l’enfant, elle se caractérise souvent par le rêve du grandiose, puis elle se dissipe peu à peu ; chez l’adolescent, elle revêt sur le coup une intensité d’autant plus grande qu’elle survient plus tard. Il ne s’agit plus tellement de rêve que d’un certain sentiment d’orgueil ou de supériorité : on vaut mieux que les autres, on est spécial, on se sent différent, on va faire quelque chose qui n’a pas la médiocrité de ce que feront les autres.

B/ CETTE EUPHORIE CEPENDANT FAIT VITE PLACE A UNE SORTE DE TIMIDITE, ET CELA POUR PLUSIEURS RAISONS.

1) D’abord justement parce qu’on pressent la part d’orgueil et d’irréel que contenait cette euphorie. La timidité apparaît dès qu’on remet les pieds sur terre et qu’on se demande si on n’a pas rêvé tout haut.

2) Timidité, car après tout on se "chauffe" peut-être ou peut-être qu’"on" nous chauffe. On se méfie de "l’Anschluss", de la mentalité de "recruteur". On va se faire récupérer.

3) Etre différent des autres : est-ce vraiment "plus" ou est-ce être anormal, pas comme les autres ?
A propos de la façon courante d’envisager l’argent, le plaisir, qui est dans le vrai, qui est anormal ?

4) Timidité devant les sarcasmes ou les incompréhensions des copains (et des copines) qu’on aime bien (et qui nous aiment bien).

a)D’une part, ils n’ont pas compris, ils se moquent de quelque chose qui nous paraît grand. C’est révélateur de la façon dont les types considèrent l’Eglise, et ce à quoi ils réduisent le sacerdoce :
"Tu vas faire des baptêmes, la messe, des enterrements..." Ils ne dépassent pas le niveau des "trucs" matériels. On a donc peur du jugement que les copains portent sur les curés et on ne veut pas être jugés de cette manière…

b) D’autre part, ils nous font réfléchir que c’est peut-être idiot de vivre comme cela (tu seras seul, tu dépendras des autres...). Ne va-t-il pas y avoir, finalement, mutilation de choses bonnes (la famille, la liberté, les rallyes en voiture, par exemple...)

c) C’est donc une situation désagréable : on ne peut pas parler à tout le monde de cela, et même à ses amis s’ils doivent se moquer. Et pourtant on voudrait pouvoir parler avec d’autres gars qui ont les mêmes idées, pour se confronter. Et par ailleurs, on aimerait bien réfléchir avec nos amis sur les questions du b).

5) Même problème avec les parents : certains jeunes n’osent pas avouer leur projet car ils ont peur de leurs parents qui peuvent avoir honte que leur fils se mette prêtre. Et c’est les parents...

6) Timidité aussi car on se demande si on sera capable de répondre aux exigences de ce sacerdoce. Est-ce qu’on tiendra ? et pour la vie ? Perdre, mourir à la vie terrestre... On n’est pas sûr de soi, de cette vocation, de sa propre force...

C/ A NOTRE AGE ON NE PEUT ETRE QU’EN ETAT D’INTERROGATION

1) Cette ides du sacerdoce peut partir comme elle est venue (on a un autre projet) et ne plus jamais reparaître. Mais chez certains, cette idée revient, puis repart puis revient encore. Il y a des aller et retour un peu comme pour tous les aspects de notre vie. Pour le projet du sacerdoce, c’est d’autant plus vrai qu’il s’enracine dans une vie chrétienne qui elle-même est fragile, avec des hauts et des bas dans la foi comme dans la qualité de vie. Et en 2ème cycle, on remet tout en question (Jésus-Christ, la Foi, l’éducation, la morale...).

2) Et pourtant on sent que quelque chose d’important nous travaille, que ce n’est peut-être ni appauvrissant, que c’est peut-être le meilleur de nous-même qui s’exprime.
Et c’est justement pour cela qu’on ne peut pas accepter que les copains se moquent ou que les parents aient honte*

ALORS ON RESTE EN PLEINE. INTERROGATION...

D/ ET POURTANT, IL Y A MOYEN D’APPRENDRE A S’Y RETROUVER DANS SON PROJET POUR QU’UN JOUR SOIT POSSIBLE L’AFFIRMATION DE SA LIBERTE.
ET LES AUMQNERIES ONT UN ROLE A JOUER A CE PROPOS.

1) II faut assumer le subjectif et construire l’objectif... Et il faut qu’on nous y aide.

LE premier boulot, c’est de rechercher les motivations de son projet (film, livre, JEC, aumônier, etc.). Et le 2ème, c’est d’éprouver ce projet : c’est maintenant que le Seigneur t’appelle, dans le lycée, avec les copains. Il faut que tu vives là où tu es et voies comment tu vas te situer dans tes responsabilités (copains, etc.).

Les éducateurs doivent faire très attention au risque "d’anschluss" par rapport au choc émotif où le jeune est très malléable et faible. Il ne faut pas l’embrigader, au contraire il-faut l’aider à remettre les pieds sur terre.

2) Le projet du sacerdoce n’est pas un truc à garder dans son coeur et on doit, confronter ce projet avec des gens qui se posent la même question ou qui s’en occupent. Il faut qu’il y ait le soutien d’une équipe, d’un curé... Si le jeune n’en cause pas, il arrivera à se casser la gueule.

3) Le travail de l’aumônerie : elle aura à faire découvrir Jésus-Christ aux jeunes par l’étude des grandes questions de la religion (Dieu, l’homme, etc.) par les activités menées ensemble, et par l’ambiance de la communauté, notamment des récollections.

4) Surtout il ne faut pas plaquer ; la vocation sacerdotale viendra après. Simplement il faut apprendre à ouvrir les yeux, à aimer, à participer. A faire comprendre le .sens de l’existence. Il faut faire sentir au jeune la communauté (confiance mutuelle, etc.) ; le petit groupe que l’on forme est à l’image du plan d’amour de Dieu.

Par ailleurs, prendre des responsabilités pourra aider le jeune à voir clair dans son projet.

Quant à l’aumônier, lui, il doit être à la fois discret (pour les raisons citées plus haut), et présent pour que le jeune ne se casse pas la gueule et qu’il ne "soit pas isolé.

II - ELEMENTS OBJECTIFS CONCRETS DE LA MATURATION DU PROJET DE VOCATION

2ème Atelier

INTRODUCTION

Il est sans doute banal de constater que les jeunes sont présents dans plusieurs communautés humaines et chrétiennes, tant dans le cadre de l’aumônerie qu’à l’extérieur d’elle : famille, classe, quartier, groupes de catéchèse, d’A.C., politiques, etc. qui s’interpénétrant dans une vie unifiée. Mais il est important de souligner la nécessité d’aider ces jeunes et en particulier celui qui envisage le sacerdoce, à être activement présents à ce qui se vit dans ces communautés, soit pour la vivifier, soit pour contester les finalités poursuivies jusqu’à la découverte que cette vie communautaire est rendue possible à la fois par la vitalité des membres qui le constituent et par les personnes qui y assument un service particulier d’animation, voire de "présidence".
La vie humaine se fractionne en plusieurs compartiments : vie familiale, vie professionnelle, sociale, politique qui postulent l’appartenance à plusieurs communautés. Même si l’on s’y situe à des degrés divers d’engagement du fait de l’âge, des prises de conscience du moment, des tâtonnements, des tempéraments particuliers, ces diverses appartenances évitent da s’enfermer dans un ghetto, un nid bien chaud, et d’absolutiser un de ces compartiments au détriment des autres. Ainsi un jeune qui se retrouverait seulement au sein d’un groupe politique risque de majorer ce comportement au détriment et jusqu’à .l’exclusion pratique des autres.

ENGAGEMENTS

- LES divers engagements des lycéens dans leur milieu (jeunes, classe, lycée) apparaissent comme fondamentaux et nécessaires dans la maturation d’un projet de sacerdoce pour un lycéen du second cycle. Ces engagements sont divers : participation à le vie du lycée comme délégués, participation au mouvement lycéen qui se développe de plus en plus, engagements dans des mouvements de jeunes : pionniers, des mouvements d’Action Catholique, : A.C.E., J.E.C.

- Mais ces engagements ne sont pas en soi maturants : il y a le risque d’être "pris" totalement par l’action politique, d’en faire la réponse à tous les problèmes, d’agir par générosité et "charisme militant". Ils ont besoin d’être repris et réfléchis en communauté ou dans des équipes telles que celles de la J.E.C. ou de responsables d’A.C.E. Cette réflexion permet :

  • de situer ces engagements par rapport à l’annonce de Jésus-Christ,
  • de parvenir à une expression personnelle de la foi,
  • de prendre conscience de la dimension collective du témoignage.

- Le rôle de la communauté est aussi d’interroger les lycéens, de mettre en question leur vie : quel est le sens de notre vie ? Que veut dire pour nous vivre en Chrétiens aujourd’hui ? C’est à partir de cette réflexion de groupe que peut, se dégager ou s’élaborer le projet d’un engagement, d’un service spécial au sein de la communauté : celui du sacerdoce.

- Cette seconde étape, tout aussi nécessaire que la première, exige que la communauté donne à chacun sa pièce (prêtre, lycéens... adultes), qu’elle soit missionnaire c’est-à-dire liée au milieu humain par sa réflexion mais aussi par l’engagement de ses membres, et enfin qu’elle affirme toujours qu’elle est le signe que le dernier mot est au-delà de ces engagements.

COMMUNAUTE : LIEU D’APPROFONDISSEMENT DE LA FOI

C’est dans des communautés que le jeune peut

  • découvrir ce que représente l’interpellation de la foi dans le monde d’aujourd’hui (la foi conteste les engagements et leur donne un sens) (cf. ce qui a été dit de la communauté et des engagements).
  • découvrir et célébrer le dessein de Dieu sur le monde et sur sa propre vie.

Cette découverte paraît indispensable à l’approfondissement de la foi du jeune et lui permet de la personnaliser, de prendre conscience de son attachement à Jésus-Christ, de se laisser "séduire" par la personne du Christ.

Cette base personnelle et subjective semble indispensable pour que le jeune découvre les exigences objectives de la mission de l’Eglise et du rôle qu’il peut jouer dans cette mission (conversion de la générosité adolescente au sens adulte de la mission de l’Eglise).

SENS DE L’EGLISE

Dans une communauté, les jeunes prennent une certaine conscience de ce qu’est l’Eglise en vivant eux-mêmes une certaine expérience d’Eglise et ceci dans trois sens très nets :

1) d’une part, la Vie en communauté chrétienne comporte nécessairement des aspects essentiels à l’Eglise - à la notion de partage et de communion par la qualité des relations dans le groupe - la notion de réflexion commune sur la vie et les engagements : c’est l’aspect catéchétique - la notion de célébration du Vécu et ceci dans une atmosphère de fête ou "d’intimité" les messes de groupes par ex.) : c’est l’aspect liturgique et sacramentel.

2) d’autre part, le fait que la Communauté, si elle est vraiment évangélique, les renvoie sans cesse aux groupes humains où ils sont insérés (classe, lycée, milieu sociologique) leur fait vivre la dimension missionnaire de l’Eglise, même si au départ cette dimension n’est perçue que comme l’éveil ou l’exercice d’une vraie générosité.

Cette dimension missionnaire peut et doit les amener à percevoir d’une manière plus ou moins consciente le sens de "la mission de l’Eglise : Allez... de toutes les nations faites des disciples".

3) enfin, le fait que dans leurs groupes humains, leur foi les amène à contester avec les autres la vie qu’ils y mènent, et à lutter avec eux pour la rendre plus "libératrice", les amène à faire une nouvelle expérience d’Eglise : celle qui, par eux et avec eux, naît et grandit dans ce ou ces groupes humains qui sont les leurs.

ROLE DU PRETRE

Le prêtre a d’abord un rôle de témoignage auprès des jeunes. Il représente peut-être le Chrétien-type. Il est celui qui donne un témoignage personnel de sa foi en Jésus-Christ par :

  • une présence continuelle auprès des jeunes,
  • une aide quant à leurs problèmes personnels,
  • le don de sa personne, ce qui montre aux yeux de tous qu’il n’a pas le dernier mot sur ce qu’il vit,

en second lieu, il dialogue avec les jeunes. Il dialogue avec eux sur la foi et les aide à préciser ce qu’est la foi. Il est celui qui guide leur cheminement. Mais surtout, il rassemble la communauté autour de son centre : Jésus-Christ.

CONCLUSION

L’Aumônerie de lycée avec sa vitalité particulière qui regroupe des jeunes, des parents, des prêtres est une cellule d’Eglise dans laquelle la foi est annoncée, vécue et célébrée.

Vivant dans cette communauté, des jeunes comprennent le sens du service de l’homme et le sens de la mission de l’Eglise. Certains d’entre eux se sentent appelés à un service particulier.

Etre l’animateur de nouvelles communautés pour les jeunes et les adultes. Par la qualité de ces communautés, l’aumônier crée un terrain favorable dans lequel des jeunes pourront entendre cet appel particulier. Par son attention personnelle à ces jeunes, il les aidera à prendre conscience de ce projet et les invitera à le préciser et à le critiquer, éventuellement à le formuler au sein du groupe qui se sentira responsable de cette vocation particulière.