La vie d’un groupe de recherche


Une religieuse qui accompagne un groupe de recherche nous dit

- ce qu’est un groupe,

- ce qui y est vécu,

- comment elle se situe,

- les questions qu’elle se pose…

Comment est né le groupe…

Cela a commencé il y a cinq ans, à la suite d’une action menée par le C.D.V. dans le diocèse, pour l’éveil des vocations.

Ce furent d’abord (dans quelques centres importants), des rencontres de filles venues interroger des adultes représentant les divers états de vie sur l’histoire de leur vocation. Ici et là, des filles manifestèrent le désir d’approfondir ensemble ces questions dans un "camp-vocation", puis de poursuivre les échanges par des réunions au cours de l’année.

C’est ainsi que naquit le groupe, à partir des désirs et des besoins des jeunes.

Ce qu’est le groupe...

Environ une dizaine de filles de 17 à 26 ans participent actuellement d’une manière assez régulière, aux rencontres, toutes les six semaines.

Elles viennent de tous les coins du diocèse et appartiennent à des milieux différents. Certaines sont encore étudiantes, tandis que les autres exercent déjà un métier : infirmière, assistante sociale, employée de bureau, surveillante d’internat, ouvrière en usine. Une postulante vient également échanger avec nous sur son expérience déjà plus précise d’engagement. Cette diversité d’origine et d’âge est source d’enrichissement pour le groupe, et en même temps un appel à une écoute plus profonde de chacune, dans l’expression de sa vie, et au respect de son cheminement.

Si quelques-unes ont déjà un engagement sur la paroisse (liturgie, catéchèse, groupement oecuménique...), ou sur le plan civique (conseillère municipale), nous sentons toutefois que dans l’ensemble, les filles rencontrent des difficultés à s’insérer dans leurs divers milieux.

Ces difficultés proviennent pour la plupart de leur vie professionnelle les obligeant à des déplacements hebdomadaires qui les empêchent de s’enraciner. D’autre, part, les jeunes rencontrent autour d’eux plus d’hostilité et de passivité que d’enthousiasme à toute manifestation de la vie de foi et du service. L1effort de cette année porte précisément sur la découverte des différents milieux de vie pour y chercher comment s’engager avec d’autres qui, parfois, inconsciemment, attendent qu’on les provoque.

Comment les filles découvrent-elles l’existence de l’équipe ? Par contacts personnels, par l’entremise d’un prêtre, d’une religieuse, d’une amie. Une "publicité" discrète apparaît de temps en temps dans le bulletin mensuel "Vocations" diffusé dans le diocèse. Les filles, pour la plupart, désirent que leur projet de vie religieuse ne soit pas divulgué, et les convocations aux réunions doivent être transmises parfois en catimini.

Comment se déroulent les rencontres...

La préparation se fait par une réflexion personnelle sur un thème déterminé ensemble lors des précédents échanges, ou sur des questions posées par les filles et transmises à l’une d’elles qui est plus particulièrement responsable du groupe.

Les cinq réunions de l’année dernière ont porté sur les thèmes suivants :

- nos relations avec notre équipe de travail ; notre regard sur notre profession.

- les difficultés plus marquantes de notre vie : ambiance débilitante d’une école, monotonie d’un travail de manoeuvre, choix de l’état de vie...

- l’avenir angoissant qui nous amène à la découverte de l’action de Dieu dans le passé et le présent ;

- la pauvreté évangélique : notre argent... le partage... les exigences de l’Evangile.

L’une ou l’autre des communautés religieuses implantées dans le diocèse nous reçoit pour la journée du dimanche ou pour un week-end. Nous essayons de varier les lieux de rencontre en choisissant de préférence des coins silencieux et accessibles à toutes. En effet, les difficultés de communications sont parfois un obstacle à la participation régulière. Autre obstacle aussi : les obligations professionnelles qui retiennent certaines sur leur lieu de travail le dimanche. Ces absences intermittentes nuisent un peu à l’homogénéité du groupe, car la connaissance profonde découlant de contacts suivis aide à la valeur des échanges.

Quelques réflexions prises sur le vif au cours des rencontres.

M.  "Devant l’inertie de certaines de mes compagnes de classe, et au contraire l’agressivité de certaines autres, j’ai eu le coup de barre ; je ne voulais plus rien faire. Voilà des mois que je bataillais pour créer une ambiance... Je pensais : le Christ s’est moqué de moi... Et voilà que des filles me disent : "tu ne vas pas nous laisser tomber"... Je suis surprise de cette supplication de leur part, moi qui les croyais plus fortes que moi sur tous les plans. Je décide de repartir".
A. "J’ai pensé assez tôt à la vie religieuse, parce que, autour de moi, j’ai vu bien des filles partir au couvent, et je les admirais. Jeune fille, restée à la maison avec mes parents, je sentais le vide de ma vie ; je décidai de travailler comme fille de salle dans un hospice : choix pas tellement raisonné, car je n’avais pas d’attrait particulier pour les vieillards. Puis, de fil en aiguille, j’ai entrepris des études d’infirmière, bien qu’à l’époque je n’avais pas le désir vrai d’exercer ce métier. Je sens que j’ai été conduite par les événements vers un don de moi à de plus pauvres, et j’ai choisi de venir travailler auprès de mes vieillards. J’ai le sentiment que cela est signe de Dieu".
E. "J’étais bonne en maths et j’envisageais de me lancer dans cette branche. Mais je réalisai que cette orientation me procurerait peu de contacts avec les autres, et j’optai pour une carrière sociale que j’exerce actuellement. Je pensais vivre une vie religieuse à travers cette profession que je désirais garder. Je me rends compte à présent qu’elle ne me permet pas encore suffisamment de vivre la profondeur de relations avec les autres à laquelle j’aspire, et maintenant, j’envisage d’entrer dans une congrégation contemplative, afin d’être davantage ou service du monde".

Le climat du groupe.

Les rencontres sont très fraternelles, marquées par une écoute vraie de chacune. Les filles sont déjà, pour la plupart, habituées à lire leur vie et à vivre les appels du Seigneur. Elles s’expriment avec simplicité. Le temps de la rencontre est souvent trop court pour qu’il soit possible de traiter à fond toutes les questions posées. Nous avons à veiller toutefois à ce que, en raison des différences de niveaux intellectuel et social, certaines ne se sentent dépaysées.

D’autre part, l’accueil de nouvelles filles dans le groupe est une opération délicate qui requiert de le part des autres une attention particulière. Elles entrent en effet dans une équipe déjà unie par des liens d’amitié et qui ne réalise pas toujours que la nouvelle venue ne se trouve pas sur la même longueur d’onde ni au même niveau de cheminement.

Ce qui soude le groupe, c’est principalement bien sûr une même recherche de la volonté du Seigneur à travers les dédales de la vie quotidienne : joies ou difficultés identiques dans la poursuite d’un projet, affrontement au milieu ambiant souvent hostile aux valeurs chrétiennes. Les filles s’aident mutuellement à relire leur vie. Les contacts ainsi créés se poursuivent au-delà des réunions par des échanges de correspondance, des rencontres à deux ou trois, des coups de téléphone.

Déjà, l’on songe à se retrouver au camp-retraite qui, organisé pendant les vacances scolaires, permettra de rencontrer d’autres filles désireuses de réfléchir et de se détendre, pendant une dizaine de jours, dans le silence de la montagne.

Le rôle du prêtre dans le groupe.

Le prêtre a d’abord un rôle de témoin, qui apporte sa propre vie et la lecture qu’il essaie d’en faire dans la foi. Animateur du groupe, il suscite l’expression de chacune des filles et les aide à approfondir les faits apportés. Il fait surtout découvrir la présence de Dieu et les appels qu’il adresse en toute situation. Il remplit également le rôle de conseiller spirituel auprès des filles qui s’adressent à lui d’une façon plus particulière pour leur cheminement personnel.

Mon rôle dans le groupe.

Sur proposition du prêtre responsable, les filles avaient été d’accord pour que je participe un jour à leur rencontre, il y a trois ans ; elles acceptèrent ensuite que je suive l’équipe d’une façon régulière. Mon rôle consiste simplement à écouter, à conserver en moi la vie des filles dans l’expression qu’elles en livrent, afin de pouvoir, au besoin, répondre à leurs demandes et communiquer mon expérience personnelle. Présence discrète d’accueil, mais aussi remise en question de ma propre vie, à travers des appels variés surgis des échanges.

C’est la joie, la louange au Seigneur, pour le travail de l’Esprit-Saint "faisant toutes choses nouvelles" dans son Eglise d’après Concile ; c’est l’espérance en ce renouveau de la vie religieuse dont on perçoit les signes à travers l’enthousiasme des jeunes, leur regard contemplatif sur le monde, leurs essais de vie évangélique dans les réalités quotidiennes, leur attachement au Christ et à sa mission.

Mais tout cela me pose question : nos communautés traditionnelles sont-elles parvenues à un degré d’ouverture tel que ces jeunes puissent s’y sentir à l’aise ? Sommes-nous capables d’accepter de nous remettre en question en face des valeurs vécues par les jeunes, en particulier ce regard lucide sur la vie à la lumière de l’Evangile ? Vivons-nous dans la foi le fait que toute vocation, bien que très personnelle, est d’abord une vocation au service de l’Eglise avant de l’être au service d’une Congrégation ?

Comment les chrétiens, y compris les prêtres, prennent-ils au sérieux les vocations féminines ? Nous, religieuses, nous constatons avec étonnement et souffrance le manque d’intérêt, voire même l’indifférence de certains pour l’éveil et le soutien de telles vacations, même en ce temps où surgissent des initiatives pour une réflexion sur ce thème, tels les mini-colloques ; on y aborde les problèmes du sacerdoce, mais la vie religieuse féminine y est presque ignorée.

Toutefois, l’Espérance demeure ; l’Esprit-Saint agit. A nous d’écouter et de comprendre.

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C’est une expérience. Vous en vivez d’autres... Transmettez-nous des échos, pour que d’autres en bénéficient.
Merci.