Dans les conditions actuelles, a-t-on le droit de proposer le ministère sacerdotal à des jeunes ?


La question est irritante, mais vraie, fréquente, généralisée. A des degrés divers, et sous des formes variées, elle s’infiltre dans l’esprit de nombreux chrétiens, prêtres ou laïcs.

"Définissons d’abord le statut du prêtre, nous pourrons ensuite appeler au sacerdoce." Ou encore : "Avec tous les remous qui secouent l’Eglise, est-ce prudent de laisser des jeunes s’orienter vers cette voie ?"

Et l’on pourrait relever bien d’autres réflexions analogues...

A tel point que la crise actuelle des vocations apparaît moins, parfois, comme le résultat d’infidélités à des appels reçus que celui du manque d’appels lancés. Il y aurait un tarissement des vocations par le haut ;

Un tel problème mériterait de longs développements. Tout un article vient de paraître sur ce thème dans le numéro de juillet 1971 de la revue "VOCATION" (1)  ; Nous en donnons ci des extraits.

I - LA PROPOSITION DU MINISTERE SACERDOTAL DEVIENT DIFFICILE

A - Un climat d’incertitude.

Alors que la société d’hier proposait des lois immuables, celle d’aujourd’hui, entraînée dans des mutations rapides et profondes, manque de finalité et de normes, et par le fait même, c’est tout l’univers des hommes qui est mis en question.

L’Eglise se trouve marquée par cette crise de civilisation. Tout est plus ou moins sujet à caution ; non seulement la liturgie ou le célibat sacerdotal, mais jusqu’à des points fondamentaux du mystère chrétien.

En raison des remises en question, des incertitudes et des recherches d’aujourd’hui, les questions fusent de partout sur l’avenir du sacerdoce : "Que sera le prêtre demain ? Quelle sera sa mission ? Aura-t-il un statut sociologique spécifique, et lequel ? "Va-t-on ordonner des gens mar Les communautés vont-elles choisir leurs prêtres ?" Ou, en des termes plus radicaux encore : "Faudra-t-il des prêtres demain ? Et par voie de conséquence, est-ce utile de s’occuper des vocations ?"

L’insécurité qui en découle débilite de nombreux éducateurs. Ne se traduit-elle pas inconsciemment par la crainte de peser sur la liberté des consciences, crainte qui dissimule subtilement l’embarras de l’adulte, devant le type d’homme qu’il doit contribuer à éduquer pour un avenir incertain.

B - Le processus d’identification a perdu de sa valeur.

Dans le passé, le jeune découvrait dans les modèles adultes la manière concrète d’orienter sa vie...

Aujourd’hui, au contraire, cette générosité ne sait plus dans quel mode précis d’existence elle pourra se réaliser. La tendance consiste même à rejeter systématiquement le passé et à refuser l’imitation des adultes : l’expérience des anciens n’apparaît aux jeunes d’aucun secours face aux problèmes nouveaux qui surgissent ; elle a de toute manière perdu de son crédit et de sa valeur. De plus, ils vivent dans un monde scientifique qui les passionne. Or, la culture traditionnelle et la culture chrétienne elle-même sont à dominante littéraire. Enfin, les événements de mai 1968 ont joué un rôle déterminant dans ce rejet du passé. Pour eux, l’histoire commence en 1968.

Les jeunes sont d’un autre monde, ils pensent et agissent de manière nouvelle, ils perçoivent les besoins nouveaux d’un monde nouveau. Et l’on voit telle étudiante en médecine contester le statut médical avec la même force que tel séminariste le statut sacerdotal.

Il en résulte que la préparation des jeunes à leur avenir peut de moins en moins s’effectuer d’une manière purement déductive, par la simple transmission d’un savoir qui a fait ses preuves dans le passé. "Je veux bien être prêtre, disent certains jeunes, mais pas comme vous"...

C - La difficulté à rejoindre les jeunes générations.

On constate un décalage croissant entre ce que vivent les jeunes, leurs besoins, et l’expérience ou le comportement des adultes. Les rapports entre parents et enfants s’en trouvent radicalement modifiés par rapport aux dernières décades, et la contestation étudiants-maîtres se fait universelle et violente. Tout semble indiquer que le système de référence n’est pas le même : les uns et les autres n’adhèrent pas aux mêmes valeurs, en tout cas, pas de la même manière.

A vrai dire, le divorce le plus grave paraît se situer, moins entre jeunes et adultes, qu’entre personnes en marche ou en recherche et personnes installées. Il s’exprime dans une sorte de parallélisme entre ceux qui cherchent et ceux qui "ont la vérité", entre ceux qui se réfèrent au passé et ceux qui se tournent vers l’avenir. "Ils ne peuvent pas nous comprendre" disent alors les jeunes.

On pourrait même se demander si la difficulté des éducateurs à proposer le ministère sacerdotal ou la vie religieuse ne provient pas d’abord de leur difficulté première à rencontrer les jeunes, quels qu’ils soient, à parler un langage qu’ils comprennent, à établir un véritable dialogue avec eux à partir de ce qu’ils vivent. Le manque de dialogue sur le sacerdoce poserait alors le problème plus fondamental et plus grave de l’absence d’une pastorale des jeunes pour notre temps.

En toute hypothèse, il est frappant de constater que l’insécurité des jeunes face à l’avenir - ceux-ci ne se privent pas de le dire - s’exprime en d’autres termes que celle des adultes, et bien souvent, sur des sujets différents. A cet égard, les rencontres de prêtres et de jeunes en recherche de vocation font clairement apparaître deux manières d’appréhender l’avenir sacerdotal. On pourrait citer ici de nombreux témoignages. En voici un, paru dans le journal "La Croix" du 11 octobre 1970, d’un séminariste parvenu à l’engagement du sous-diaconat : "sans savoir à priori ce que voudra l’Esprit-Saint, je pense qu’il y a une très grande probabilité pour que bientôt ce soit l’Eglise hiérarchique qui, par ses responsables qualifiés, demande à des laïcs mariés de recevoir le sacerdoce pour le service de la communauté chrétienne. Je situe donc l’engagement que je prends aujourd’hui, dans l’hypothèse d’un clergé comportant des célibataires et des hommes mariés. Et je choisis le célibat à vie pour le service de Dieu, de mes frères et en témoignage de la réalité du Royaume."

La question n’est pas imaginaire : ne risquons-nous pas, adultes, de projeter sur les jeunes notre insécurité et nos propres difficultés à nous adapter à ce monde qui est encore le nôtre ?

Ou encore, n’hésitons-nous pas à proposer à des jeunes le sacerdoce ou la vie religieuse parce que, consciemment ou non, nous y sommes mal à l’aise, parce que nous ne voyons pas ce qu’ils seront demain, alors que ces jeunes sont peut-être prêts à inventer et capables d’inventer des chemins nouveaux qui nous effrayent ?

D - Les deux lectures de l’événement

Pour ces raisons et d’autres encore, la proposition du ministère sacerdotal, chose aisée il y a 30 ou 40 ans, est devenue difficile. Encore faut-il situer ce problème au sein d’un phénomène de civilisation. Si la situation du prêtre s’est modifiée, c’est parce que la situation des hommes a profondément changé et que ce problème de la Foi et de la Mission de l’Eglise se pose en des termes différents dans un monde tout nouveau.

Déconcertés devant cette mutation, nous ne faisons que partager l’incertitude et l’insécurité de nos contemporains. Il y aurait erreur, incompréhension et finalement injustice de notre part à croire la crise des vocations unique et isolée au milieu d’un univers pacifique et assuré.

Nous avons aussi à regarder et à vivre la situation actuelle dans la Foi et l’Espérance. En effet, l’évolution que nous avons décrite peut être l’objet d’une double lecture, suivant qu’elle est perçue seulement comme une menace ou aussi comme une invitation. Il s’agit de rejoindre l’action de l’Esprit dans les réalités d’aujourd’hui et de dépasser l’événement subi pour accéder à l’événement porteur de signe.

L’Eglise saura-t-elle, sans s’épuiser à ravaler constamment des façades, construire du neuf pour permettre à l’Esprit de s’y déployer ?

II - OUVRIR DES VOIES NOUVELLES

A - Fidélité et invention

Nous sommes tous concernés par la naissance d’une Eglise rénovée et de nouveaux visages de prêtres, de religieux et de laïcs. La réponse apportée à certaines questions laissera subsister bien des inconnues sur l’expression concrète des ministères dans une société en perpétuelle évolution. Dès lors, recherche et formation permanentes deviennent indispensables, mais réclament une double exigence : la fidélité et l’invention.

- Impossible de découvrir les modes de ministère et de vie religieuse adaptés au monde d’aujourd’hui et de demain sans être fidèles au sacerdoce tel que l’Eglise l’a toujours reconnu, aux valeurs fondamentales de la vie religieuse sans en exploiter à fond les ressources qui ne s’épuisent pas.

- Mais il nous faut, en même temps, avoir l’audace de créer tout ce que Dieu, par les événements, nous demande d’entreprendre. "C’est dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps que nous avons à découvrir quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu". (2)

A un monde stable correspondait un mode de transmission du sacerdoce par voie déductive, à partir des principes et de l’expérience. Un livre est paru, il y a une dizaine d’années, sous le titre : "la transmission du sacerdoce".

A une société évolutive, pour une Eglise attentive aux nombreux besoins qui s’expriment, doit correspondre un mode d’invention et de créativité.

Comment ? Sinon à travers l’interpellation réciproque de l’expérience et de la réflexion théologique.

Les nouveaux visages de prêtres, de religieux, de laïcs, adaptés aux réalités nouvelles, ne pourront se trouver dans les bureaux d’études ou au terme de longues discussions, au bout d’un raisonnement ou à la faveur d’une intuition intellectuelle, mais au prix d’un discernement spirituel et théologique de l’événement, de la vie des hommes et des expériences qu’ils vivent. Aurions-nous oublié que l’expérience du Peuple de Dieu constitue un authentique lieu théologique ?

Il s’agit d’une vaste entreprise, foncièrement liée à la présence missionnaire de l’Eglise au monde de ce temps. En effet, ce n’est pas en s’appesantissant sur leurs difficultés entre prêtres, ni même on accaparant les laïcs pour une recherche cléricale que les prêtres parviendront à résoudre leurs problèmes, mais dans une réponse évangélique aux requêtes et à l’attente des hommes. "Qui perd sa vie la trouvera" (Mt 10/39).

B - La part irremplaçable des jeunes

Un tel effort de renouveau incombe au Peuple de Dieu tout entier. L’Eglise n’a pas trop de tous ses membres pour sortir de son immobilisme, et l’on comprend qu’elle réfléchisse sur la possibilité d’appeler au sacerdoce des adultes. Mais dans cette recherche, les jeunes sont appelés à occuper, croyons-nous, une place privilégiée et irremplaçable.

a) La créativité

Pour se renouveler, l’Eglise et le sacerdoce ne peuvent se passer du concours des nouvelles générations. Beaucoup estiment que les questions aujourd’hui posées à l’Eglise par les jeunes deviendront demain celles de tous. N’a-t-on pas dit que "l’instinct de la jeunesse est plus lucide que celui de la maturité" ? (3) A l’heure actuelle surtout, dans l’Eglise comme dans la société, le monde des jeunes, si sa voix est reconnue et écoutée, peut instaurer une nouvelle manière de vivre et de nouveaux modes d’accès à la foi, rajeunir les méthodes, les attitudes et les institutions, car, en toute hypothèse, les forces de vieillissement ne nous feront pas défaut. "Une société qui se durcit contre la créativité de la jeunesse risque fort de laisser se développer hors d’elle les ferments mêmes qui assureraient son renouvellement... Il manquera toujours quelque chose aux significations évangéliques dont vit une Eglise si la jeunesse n’y oeuvre pas pour une part irremplaçable". (4)

Pour ces mêmes raisons, nous avons à faire confiance à la capacité d’invention des jeunes et à la force de l’Esprit dans leur vie, pour créer les nouveaux modes de ministères et de vie religieuse dont l’Eglise et le monde d’aujourd’hui ont besoin. "L’Eglise vient à vous sans complexe, déclarait Paul VI aux jeunes, à Sydney. Elle sait les valeurs que vous portez, celles de votre nombre, celles de votre élan vers l’avenir, celles de votre soif de justice et de vérité, celles même du rejet des éléments caducs de la civilisation actuelle. Dieu les a mises en vous pour répondre par une attitude nouvelle à une situation nouvelle". (5)

C’est là, parmi d’autres motivations théologiques et pastorales, une raison pressante pour interpeller des jeunes, avec la discrétion qui. s’impose, sur l’éventualité du sacerdoce, - car, comment les écouter s’ils ne parlent pas ? - pour les accompagner ensuite dans leur cheminement.

b) Les prendre au sérieux

D’ailleurs, des jeunes attendent ou réclament cette aide. L’Eglise ne peut rester sourde à ces appels, elle qui, de par sa mission, se veut présente à ce que "les jeunes vivent, recherchent, espèrent". Toutes les réalités qui constituent le tissu de leur vie exigent notre attention. Le titre de cet article pose une question en termes de droit. Au nom de quels principes un chrétien aurait-il le droit de refuser son aide à celui qui en a besoin ? "Si un garçon me dit qu’il aime une fille, c’est qu’il pense que moi, au moins, je ne vais pas me mettre a rire et à me moquer de lui : je prends ça au sérieux tout en sachant bien que pour lui, ce n’est qu’une étape, et je tâche de le lui faire comprendre... Si un garçon me dit qu’il désire devenir prêtre, si cette confidence lui a été difficile parce qu’il ne livre son secret le plus intime, je le prends au sérieux de la même façon, sans préjuger de l’avenir." (Un aumônier de lycée).

Il faut aller plus loin. Prendre au sérieux un jeune signifie également qu’on le croit capable d’accueillir toutes les perspectives d’avenir, sans en exclure aucune à priori. Certaines dérobades ou certains silences ne reviendraient-ils pas à imposer nos craintes et à douter des possibilités des jeunes ? (6)

Par ailleurs, les lois humaines de la psychologie s’ajoutent à l’expérience pour souligner l’importance des projets de jeunesse dans l’orientation des adultes. "La plupart des hommes, disait Saint-Exupéry, peuvent retrouver dans l’histoire de leur enfance les élans qui expliquent leur destinée. Et c’est un fait universellement constaté que bon nombre d’adultes ont eu, dès l’enfance ou l’adolescence, l’intuition de ce qu’ils seraient ou feraient plus tard. Par ailleurs, la foi nous donne l’assurance que le Seigneur parle aux hommes d’aujourd’hui, et à tous les âges de la vie. La vocation, au plan de la décision définitive, exige toujours l’engagement d’un adulte. Mais la plupart des vocations d’adultes, aujourd’hui encore et à travers des cheminements inédits, restent authentiquement enracinées dans ces âges particulièrement propices aux projets d’avenir que sont l’enfance adulte, la deuxième adolescence ou l’entrée dans la vie d’homme (7).

c) Le refus des, modèles adultes

En 1972, 72 % de la population mondiale aura moins de 20 ans. Les jeunes ont conscience de constituer une force à part, et ils n’entendent pas modeler leur vie sur l’exemple et les choix des adultes qu’ils contestent. On retrouve cette attitude chez ceux qui pensent au sacerdoce. Nous imaginons mal à quel point la conception qu’ils ont d’eux-mêmes et de l’avenir est étrangère à nos perspectives. Les aînés qui attendraient pour proposer le ministère sacerdotal d’avoir défini pour la génération future un type idéal de prêtre, non seulement créeraient des modèles très vite inadaptés, mais se heurteraient au refus formel des jeunes qui ont besoin d’expérimenter, de participer, d’inventer. Ne nous berçons pas d’illusions : ceux-ci entendent rechercher eux-mêmes le style de ministère qui convient pour leur propre génération. "Nous n’avons pas le sentiment d’être des prototypes tout faits du prêtre pour les dix années à venir : Dieu nous inventera prêtres au jour le jour". (Des séminaristes).

C - Accepter le prix du renouveau

Toutefois, cette participation des jeunes au renouveau de l’Eglise et des ministères ne nous sera accordée que si nous en acceptons le prix.

a) Cette recherche exigera un temps prolongé de maturation humaine et chrétienne. Plus qu’autrefois, les cheminements se trouveront marqués par une insertion dans la vie sociale, professionnelle, voire politique, confrontée à des problèmes de vie affective, concomitante avec une recherche de Foi. Paradoxalement un "jeune prêtre" sera de plus en plus rarement un prêtre jeune ou très jeune.

b) Cette recherche s’effectuera en priorité, semble-t-il, dans des communautés à taille humaine et personnalisées : mouvements, groupes de catéchèse, aumôneries, séminaires, rencontres de diaspora, voire groupes informels, etc. C’est là, de plus en plus, que les jeunes découvriront l’Eglise, lui donneront un nouveau visage, discerneront les vocations indispensables à sa vie et à son renouveau, percevront les motivations nécessaires pour s’engager. Moins qu’autrefois, leur générosité se laissera attirer par des perspectives précises d’avenir. Plus que jadis, elle cherchera un soutien et trouvera un stimulant dans le groupe, à condition que l’éducateur aide le groupe à prendre conscience de son projet, et les jeunes à s’engager personnellement. Un projet personnel ne peut s’éveiller et mûrir en décision d’engagement qu’à l’intérieur d’une communauté de soutien dont le projet est dynamisant. L’éveil des vocations au sein de l’Action catholique ouvrière (jeunes et adultes) - elle-même en lien avec l’effort de libération du mouvement ouvrier - est très éclairant sur ce point. Des recherches analogues, menées dans différents milieux par d’autres mouvements et l’aumônerie de l’enseignement public, le confirment.

c) Cet effort de créativité nécessite la participation des adultes avec celle des jeunes. Le travail qui s’impose doit devenir l’affaire de tous. Encore faut-il souligner que l’essentiel ne réside pas dans la présentation théologique d’un modèle abstrait du sacerdoce, mais dans la qualité de la présence sacerdotale. Cela exige que l’adulte, le prêtre en l’occurrence, soit impliqué dans la rencontre des jeunes non pas simplement au niveau de son rôle qui est de moins en moins reconnu, mais au niveau de son existence personnelle. "On ne veut plus rencontrer un prêtre en fonction, mais un homme qui, donné à Jésus-Christ, s’ouvre à ses frères en témoignant non seulement par son enseignement, mais par sa vie" (un groupe de jeunes).

La relation s’établit entre des personnes, adultes et jeunes, qui vivent leur vocation à des stades et sous des modes différents. En définitive, l’engagement des jeunes dans la vie chrétienne et les ministères postule l’engagement des adultes, aussi bien pour la recherche des jeunes aujourd’hui que pour leur vie adulte demain.

d) Libérer la créativité et le dynamisme des jeunes représente une tâche exigeante.

  • Elle nécessite de la part des adultes un sens de l’accueil :
    • pour accepter de recevoir et d’apprendre des jeunes. A travers leurs aspirations, leurs refus, leurs maladresses, naît un monde nouveau qui se nourrit de l’ancien, tout en le condamnant à mourir. Le dynamisme créateur des jeunes n’est-il pas souvent bloqué par la pesanteur ou la suffisance du monde adulte ? "L’Eglise, c’est pour nous une structure rigide et paralysante, un appareil lent à remuer, qui ne permet pas la créativité" (des jeunes). A leurs yeux, le problème du ministère sacerdotal est lié à une question plus profonde, et plus grave qui touche le visage et la mission de l’Eglise. Là où l’image de l’Eglise n’est pas figée, mais reste assez nette et assez convaincante, celle du ministère l’est aussi.
    • pour consentir aux changements qui s’imposent et offrir aux jeunes les conditions qui permettent leur engagement et les possibilités de renouveau. Il serait malhonnête de laisser les jeunes avancer seuls, en faisant appel à leur puissance d’invention, sans en partager les risques. A cet égard, la nécessaire transformation des communautés ecclésiales exigera de nombreux efforts, car changer nous est douloureux. En quittant nos habitudes ou nos pensées, nous avons le sentiment de perdre non pas seulement quelque chose, mais notre identité : voilà pourquoi nous résistons. Cependant, seule la mort est immobile. La vérité ne se prend pas seulement en arrière mais aussi en avant, dans ce qu’on est appelé à être ou à devenir dans la perspective du Royaume de Dieu. "Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme Nouveau" (Eph. 4/22).

  • Elle appelle les jeunes au réalisme et à la confrontation.

  • Elle exige, entre jeunes et adultes, un nouveau type de relations : il n’y a plus d’un coté le maître qui possède toute la vérité et qui enseigne, et de l’autre un disciple passif qui se contente de recevoir. Il y a des adultes et des jeunes qui, à des titres divers et avec des perceptions complémentaires, sont attelés à une même tâche. La vérité ne se découvre qu’au coeur d’une vie de relations où chacun, dans une recherche commune et une reconnaissance mutuelle, accepte d’être remis en question par l’interpellation de l’autre.

Les nouveaux visages de prêtres, de religieux et de laïcs ne seront façonnés ni par décrets, ni par simples affirmations théologiques. Ils naîtront d’une rencontre encore inédite entre les hommes de la société technique et Dieu.

"Avec le poids de son péché, mais aussi avec la richesse de ses possibilités, ce monde, tel qu’il est aujourd’hui, offre a l’Eglise les pierres vivantes qui s’intègrent à la construction pour être une demeure de Dieu dans l’Esprit. Et c’est encore l’Esprit-Saint qui pousse l’Eglise à ouvrir des chemins nouveaux pour aller au devant du monde d’aujourd’hui". (8)

J. RIGAL

---------------------------- NOTES ---------------------------

(1) Editée au C.N.V., 106, rue du Bac PARIS (7e). [ Retour au Texte ]

(2) Constitution l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 11. [ Retour au Texte ]

(3) René HUYGUES, au Colloque international d’urbanisme. [ Retour au Texte ]

(4) Jean LEDU, dans "Réponses chrétiennes" n° 32, Dans un article paru dans "La Croix" du 13 mai 1971, Mgr ANCEL écrivait : "Certes, il n’y a pas d’objection insurmontable contre l’ordination d’hommes mariés d’âge mûr, mais je me demande si c’est par eux que l’Eglise naîtra et grandira dans les réalités humaines d’aujourd’hui et de demain ?" [ Retour au Texte ]

(5) Message du 2 décembre 1970. [ Retour au Texte ]

(6) Une enquête récente effectuée par le magazine "La Vie Catholique" auprès de 5.000 lycéens nous apprend que 82 % d’entre eux estiment que les adultes ne leur font pas confiance. [ Retour au Texte ]

(7) cf. par exemple, l’enquête récente de l’A.C.O. parue dans "Documents A.C.O." d’avril 1971. [ Retour au Texte ]

(8) Décret sur le ministère et la vie des prêtres n° 22 [ Retour au Texte ]