Un séminaire de jeunes réfléchit sur sa mission


Le texte ci-après est un rapport rédigé à la fois par un groupe de prêtres du diocèse de Bordeaux et de parents des jeunes du séminaire.
Il attire plus particulièrement l’attention sur l’enjeu de l’institution de 1er cycle et sur l’utilité de sa mitoyenneté avec le foyer second cycle. Bien des éducateurs de séminaires se retrouveront, pensons-nous, dans cette recherche diocésaine.

I - DIFFICULTES RENCONTREES :

A) Par rapport à l’un des objectifs de l’Institution (rencontre des autres), les jeunes du séminaire ont les mêmes difficultés que beaucoup d’autres garçons de leur âge, mais ils en sont conscients.

  1. Difficultés venant des études secondaires. Du fait qu’ils fréquentent des écoles différentes, des enfants d’un même quartier sont souvent isolés. En outre, ces établissements sont parfois éloignés, ce qui nécessite un temps important pour les déplacements.
  2. Difficultés proprement familiales :
    • des parents donnent une trop grande priorité aux études,
    • il y a peu d’activités organisées pour les jeunes de cet âge et peu de parents leur proposent des mouvements neutres qui existent et peuvent être valables lorsque l’enfant est soutenu.

B) Difficultés venant d’une différence de pastorale.

  1. Les jeunes qui entrent au séminaire ont encore trop souvent une idée trop "individualiste" de la vocation. Ils n’ont pas toujours eu l’occasion d’être généreux en équipe ; d’être éveillés à un souci apostolique. Ex : un "bon gosse" désire, pour des raisons très diverses, devenir prêtre. Si on lui reconnaît certaines qualités humaines (intelligence, générosité) et une piété suffisante, on demandera à ce qu’il entre au S.J. Il eût mieux valu, dans un premier temps, qu’il vive une expérience de service des autres, avec d’autres jeunes de son âge, dans une communauté de J2 par exemple. Il y aurait là possibilité d’une première purification du projet : il ne veut pas être prêtre seulement pour répondre à un appel de Dieu. Il cherche à être prêtre parce que, de cette façon, il pense que Dieu l’appelle à mieux servir les autres.
  2. Tiraillement entre style de vie du séminaire et de la paroisse quand celle-ci est trop "traditionnelle" et pas assez "communautaire". On constate encore beaucoup d’endroits où des chrétiens se rassemblent épisodiquement, mais on rencontre peu de véritables communautés chrétiennes dans lesquelles les fidèles vont jusqu’au partage de leur vie dans la foi. Nous craignons que les jeunes du séminaire qui ont, dans la semaine, vécu l’expérience d’une communauté baptismale en recherche du Christ, qui ont partagé leurs difficultés et leurs espoirs de jeunes avec les éducateurs, qui se sentent reconnus, se trouvent souvent isolés et étrangers aux rassemblements de chrétiens auxquels ils participent dans leur ville ou leur village avec leur famille.

C) Difficultés de montrer le vrai visage du séminaire :

  • La communauté chrétienne (prêtres y compris) ne perçoit pas la recherche de la communauté éducative. Elle juge en fonction de vieux schémas.
  • Certains craignent l’Institution qui, disent-ils, risque de couper les jeunes de la "vie",
  • et inversement, d’autres trouvent le séminaire trop avancé.
  • Des jeunes de l’Institution disent difficilement à ceux de leur âge qu’ils sont au séminaire parce qu’ils ne se sentent pas reconnus pour ce qu’ils sont dans leur recherche.

D) Difficultés pédagogiques : les classes sont à effectifs trop réduits. La réforme de l’enseignement propose un éventail d’orientation plus large. Il ne semble pas que ce soit possible de le réaliser avec un si petit nombre d’enfants, mais ce problème n’est posé qu’à partir de la classe de 4ème.

E) Difficultés par rapport au "projet" de l’enfant. Des parents préfèrent repousser à plus tard la prise en considération "du projet.

F) Difficultés pécuniaires. Cette dernière position, au terme de l’énumération, ne signifie pas que la question soit secondaire !

II - QUELQUES POINTS ESSENTIELS DE LA PEDAGOGIE D’ACCOMPAGNEMENT

Un regroupement de jeunes ayant en commun un même projet d’avenir demande une pédagogie qui soit au service de la vérification de celui-ci : une pédagogie du projet. Il ne s’ensuit pas pour autant que tous les éléments doivent en être particularisés.

Puisqu’il s’agit de projets de vocation à un éventuel service total de l’Eglise, il faut que les jeunes expérimentent ce qu’est une véritable communauté baptismale et qu’ils aient la possibilité de se donner à fond, au moins par intermittence.

l) Une pédagogie de la recherche des appels du Christ.
Il semble que cette pédagogie soit de plus en plus mise en place au S.J. ; pédagogie visant à susciter des réponses quotidiennes.

Les éducateurs aident les jeunes à lire leur vie à la lumière du Christ. Ceci suppose qu’ils le découvrent peu à peu dans l’Ecriture. Des partages d’Evangile préparés, des célébrations de la Parole hebdomadaires, des réflexions communes à l’occasion des homélies, des rencontres régulières avec un prêtre favorisent cela.

Simultanément, les jeunes tentent en commun d’interpréter les événements de leur vie, individuels ou collectifs en termes d’histoire sainte. Ceci se fait dans les "exercices"mentionnés ci-dessus, mais encore et surtout dans le cadre de la catéchèse ou de réunions d’équipes où l’on s’interroge sur des activités passées et où l’on envisage quelle action peut être engagée.

2) Les événements : leur importance.
Il est nécessaire pour cela que ces événements soient suffisamment consistants. Une communauté d’enfants et de pré-adolescents trop repliée sur elle-même, surtout si elle est peu nombreuse, et qui n’aurait pas la possibilité de mener des actions assez étoffées peut beaucoup plus difficilement percevoir la dimension enthousiasmante de cet événement. C’est pour cette raison que les éducateurs insistent auprès des prêtres et des familles pour que les jeunes soient partie prenante d’une action avec d’autres à l’extérieur du S.J.

3) Confrontation avec l’incroyance.
Cette insistance est également motivée par la conviction profonde que ces jeunes ont besoin de s’affronter à l’incroyance, au moins pratique des autres jeunes de leur âge, en vue d’une vérification progressive de leur foi et donc, par le fait même, de leur projet. Le temps qu’ils passent chez eux (vacances et week-ends) leur paraît favoriser cela.

4) Apprentissage de la fidélité et de la responsabilité.
Demander à un enfant ou un pré-adolescent une fidélité dans une responsabilité (au moins globale) d’une année scolaire ; lui demander d’aller jusqu’au bout d’actions de service plus limitées, pendant l’année, c’est l’aider à découvrir expérimentalement ce qu’est un engagement total. En tenant compte des oscillations dues à l’âge ou aux individus ; en tenant compte de l’aide apportée par les familles ou les responsables de communautés chrétiennes, les éducateurs cherchent (en tenant compte aussi de leurs propres limites) à éduquer le sens de la fidélité dans les responsabilités.

5) Rencontre d’autres communautés chrétiennes.
Il faut aussi que les jeunes du S.J. puissent rencontrer d’autres communautés chrétiennes pour percevoir concrètement d’autres formes d’expression de la foi, même (et c’est le cas !) si cela doit créer provisoirement des difficultés. Vouloir donner le sens de l’Eglise, c’est vouloir donner le goût de comprendre et d’admettre les différences d’expression d’une même foi.

6 ) Existence d’une communauté éducative.
Ces jeunes doivent pouvoir rencontrer régulièrement des adultes des deux sexes. Cela leur permet, non seulement de croître humainement (une communauté de jeunes fermée sur elle-même ne peut grandir de façon harmonieuse) ; cela leur permet de rester en contact avec l’élément féminin (une communauté de jeunes unisexuée ne constitue pas un élément positif de croissance). La présence de professeurs laïques (hommes et femmes) ainsi que celle de religieuses participant à leurs activités contribue à répondre à cette nécessité, tout en assurant le témoignage d’une communauté éducative, petite cellule d’Eglise dans laquelle les personnes ont des rôles divers et complémentaires.

7) La ...célébration liturgique.
Il faut que peu à peu, les jeunes découvrent ce que représente la célébration du mystère pascal en Eglise. Les éducateurs essaient de leur faire comprendre le sens des rites mais surtout veulent leur faire vivre des expériences de célébrations.

Il est évadent que tout ceci se réalise grâce au caractère permanent du séminaire.

III- REGARD PORTE PAR LES PARENTS.

Les parents du 1er cycle pensent que l’Institution permanente du séminaire :

a) apports à leurs enfants une aide de tous les instants pour une recherche de vie chrétienne authentique, à travers tous les événements de leur vie, une grande ouverture sur le monde d’aujourd’hui, une bonne préparation pour le monde de demain.

b) Des parents non pratiquants ont dit combien leur fils, en recherche, était épanoui depuis son entrée au 1er cycle, alors que dans sa famille, il ne pouvait trouver l’équilibre. Son entrée ne l’a pourtant pas coupé de sa famille ni de son milieu de vie dans lequel il agit maintenant plus à l’aise.

c) La présence des plus âgés au Foyer incite les plus jeunes à la persévérance.
Il est certain que le second cycle est alimenté par le premier. Supprimer celui-ci condamnerait, dans l’état actuel des choses, le Foyer.

d) Grâce à une pédagogie de la foi qui vise à évangéliser l’expérience profonde de chaque jeune et qui, pour ce faire, cherche sans cesse à promouvoir une action, non seulement au séminaire, mais dans les lieux d’origine de chacun, les jeunes y découvrent le souci apostolique.

e) Il semble que les parents acceptent à présent plus aisément l’institution ; la supprimer, c’est accepter qu’une attention insuffisante portée à ces projets de consécration ne leur permette pas de s’épanouir.

f) Des prêtres de paroisses déchristianisées disent leurs difficultés, pour des raisons de nombre d’enfants rencontrés, d’être assez attentifs :

  • aux enfants susceptibles d’être en projet,
  • à l’éveil de ces projets.

De plus, se trouvant dans un monde païen, ces projets sont encore plus rares.
Quant aux enfants issus de familles vraiment chrétiennes, ils ne fréquentent habituellement pas ces paroisses.

g) L’ensemble des parents se considère comme partie prenante de la recherche des jeunes et participe au travail d’éducation, grâce aux différentes journées familiales, aux travaux des divers conseils, aux réunions de réflexion pour améliorer la formation catéchétique. Certains même sont entraînés à s’engager avec leur enfant.

h) Le petit nombre permet de mieux suivre les enfants et du point de vue scolaire, favorise des rattrapages parfois nécessaires.

i) Vocation et liberté.
Toute liberté est à construire. Au départ, des parents peuvent craindre que cette liberté ne soit pas respectée et qu’on fige le jeune dans son projet. Cependant, en participant à la vie de l’institution, ils se rendent compte qu’elle donne au jeune l’occasion de construire sa liberté. Le jeune est accompagné dans les différentes étapes de l’adolescence ; il apprend ainsi à s’exprimer et à se comprendre, donc à se libérer.
S’intéresser au projet d’un jeune, c’est surtout lui donner les moyens de le réaliser. Ne pas s’y intéresser, c’est laisser un jeune livré à lui-même au milieu des influences diverses en lui et autour de lui. On peut, certes, considérer que l’intérêt des parents envers un projet particulier lui donne un certain "coup de pouce". Cependant, il semble tout aussi légitime d’y voir une simple réponse de foi au Seigneur qui interpelle les parents, grâce au désir de leur enfant. Et s’il est vrai que Jésus-Christ libère l’homme, il faut que ce jeune, pour être libre, connaisse Jésus-Christ et apprenne à lui répondre concrètement.

j) Par le biais de l’institution permanente, les parents ont été éveillés à la pas-totale des vocations.

  • Le travail de réflexion et de détachement provoqués par la demande d’un enfant qui veut entrer au séminaire, conduit à accepter la séparation et ouvre aux besoins de l’Eglise. C’est comprendre que chacun a une vocation différente, c’est l’accepter, c’est vouloir aider à ce qu’elle se réalise.
  • En donnant à l’enfant les moyens de vivre l’expérience qu’il demande, des parents ont été entraînés à cheminer avec lui dans la foi. Ils disent "on ne peut pas rester à côté de son chemin". De cette façon, ils sont conduits à découvrir peu à peu en quoi consiste la pastorale des vocations.
  • De plus, en ce qui concerne le S.J., ils affirment qu’on ne les laisserait pas ne pas se sentir concernés ! ! !
  • Connaissant l’institution, on se sent à coeur de faire partager ce qu’on connaît. Certains, par exemple, ont constitué des groupes de réflexion sur la vocation.

IV - REGARD PORTE PAR LES PROFESSEURS

Les professeurs pensent que pour tous, l’existence du 1er cycle est de grande importance.

Bien qu’il y ait des difficultés quant au petit nombre rendant l’émulation insuffisante, les conditions de travail actuelles produisent des résultats positifs ; on voit d’ailleurs les élèves s’intégrer facilement aux autres collèges en fin de 3ème.

Tout à fait conscients des difficultés rencontrées par les garçons du second cycle (avec lesquels ils aiment garder des relations) : rupture du rythme de travail, multiplicité des engagements, pluralité des milieux, ils apprécient la mitoyenneté du Foyer et du C.E.S. : le contact des plus grands avec les plus jeunes est un élément favorable à ces derniers.

Trouvant peu à peu leur place de témoins de la foi au sein de la communauté éducatrice, ils se montrent de plus en plus volontaires pour participer de diverses manières à la catéchèse dont ils reconnaissent être surpris par certains aspects.

Séminaire de Jeunes de
BORDEAUX