Les structures ordinaires de la pastorale des vocations


Amadeo Cencini
professeur à l’Université Pontificale Salésienne (Rome)

Le secret d’une pastorale vocationnelle qui se veut authentique service de l’Eglise et de la personne réside dans la clarté et la cohérence du message qu’elle propose, et la convergence de ses interventions aux différents niveaux.
La clarté signifie une idée limpide de la pastorale des vocations, fondée sur un ensemble de valeurs qui s’expriment dans des principes qui en découlent. Elle propose la mise en route de parcours d’éducation et de formation concrètement réalisables pour que la voix de Dieu soit entendue et que chacun, dans sa communauté de foi, se sente aimé et puisse parvenir à un choix libre et responsable.
Pour cela, il est indispensable d’articuler de façon intelligente les interventions des structures de la pastorale ordinaire au niveau national, diocésain et paroissial. A ces trois niveaux classiques, me semble-t-il, correspondent des critères opératoires différents et des objectifs à privilégier. Ils ne prétendent être ni originaux ni complets, mais ils veulent montrer les chemins que peuvent prendre les situations pastorales nationales.

Le niveau national : la culture vocationnelle

La structure du Centre national des vocations est très importante. En effet, elle représente quelque chose d’indispensable aujourd’hui pour la pastorale des vocation dans l’Eglise : un point de référence naturel pour la formation d’une authentique mentalité vocationnelle au niveau de l’Eglise locale de chaque pays.
Elle est importante parce qu’un tel processus de formation d’une mentalité vocationnelle générale est une opération complexe qui va porter sur une large échelle, à long terme et qui intervient sur des points stratégiques. Un phénomène culturel est toujours un phénomène qui implique un grand nombre de personnes ; il est donc essentiel de l’affronter avec une structure qui ait comme référence un sujet collectif et la possibilité de déterminer un changement de la mentalité commune et une gestion commune du problème. Nous savons bien quelle méfiance se déclenche à chaque fois dans la confrontation des structures, commissions, bureaux, organismes... qui fonctionnent davantage sur le papier que dans la réalité ou sans un contact immédiat avec la réalité opérationnelle quotidienne. Mais nous savons aussi très bien que, dans certains cas, ont fonctionné de manière providentielle certains organismes préposés à la pastorale, pour créer une mentalité commune, pour inspirer et orienter l’action commune, pour faire converger et rendre complémentaires les initiatives individuelles, pour promouvoir et solliciter la continuation de tous et de chacun... Dans le domaine vocationnel, se fait particulièrement sentir l’exigence de travailler dans la même direction, à l’intérieur du même cadre de valeurs et de stratégies, c’est-à-dire à l’intérieur de la même culture vocationnelle.
C’est le point de départ et d’arrivée. C’est une mentalité nouvelle qui doit naître dans ce sens, inspirée par tous les documents que l’Eglise a proposés ces dernières années ; une mentalité toujours plus précise et mieux articulée selon les continents, selon qu’il est possible de les comprendre à travers les différents congrès continentaux. Un Centre National des Vocations doit permettre à tous les acteurs de la pastorale d’accéder à un telle mentalité. Parce que c’est précisément et véritablement cette culture, la nouvelle culture vocationnelle, qui impliquera tout le monde, du sommet à la base. L’identité et le fonctionnement du CNV sont donc polyvalents : d’un côté créer une mentalité et travailler sur un plan surtout théorique, de l’autre, recueillir et promouvoir les expériences, suggérer des méthodes et des parcours.
C’est dans la perspective de ces objectifs que le CNV doit avant tout prévoir un certain type d’interventions aux différents niveaux, ensuite s’adresser à des interlocuteurs bien ciblés avec un message vocationnel spécifique ; mais un CNV pourra et devra toujours être un animateur d’initiatives vocationnelles particulières. Le secret qui rendra non seulement performant mais vraiment efficace tout ce travail est - nous le disions tout de suite - la cohérence interne, c’est-à-dire le mouvement à l’intérieur d’un cadre thérico-pratique précis, un cadre qui consente à relier la culture vocationnelle (aspect théorique) à un cercle herméneutique (1)correspondant (aspect pratique).

Les types d’interventions

Réflexion et approfondissement
Avant tout, un CNV devra se faire le promoteur des études autour de la vocation dans ses divers aspects. A partir des éléments architectoniques (théologico-bibliques), puiser ou au moins laisser entrevoir les éléments herméneutiques (psycho-pédagogiques) et les liens entre eux. En ce sens, nous avons un document que j’ai déjà cité : « De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe », qui offre un point de référence et des matériaux d’approfondissement remarquables. Je ne commettrai pas l’erreur anachronique et naïve de penser que la réflexion en général ou dans ce domaine spécifique est un luxe intellectuel ; il continue d’avoir raison, ce sage Lonergan, quand il dit qu’il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie, de plus pratique et de plus unificateur, je pourrais ajouter qu’il n’y a rien de plus naïf et d’inefficace que d’aller de l’avant à « vue de nez ».
Concrètement, il s’agit de mettre en avant de manière ordonnée et intelligente une sorte de catéchèse pour tous, avec des rendez-vous réguliers, à des dates ou périodes fixes, parce qu’insérés dans le calendrier des activités de l’Eglise nationale comme des rendez-vous habituels (cela a aidé et aide encore à créer une culture).

Expériences et parcours méthodologiques
Une autre intervention opportune et qui pourra en quelque sorte compléter la proposition de réflexion sera d’offrir la possibilité d’expériences et de parcours méthodologiques qui montreront concrètement la possibilité de mettre en œuvre une animation vocationnelle non seulement respectueuse des éléments architectoniques, mais reposant sur eux.
La partie pédagogique pourra être proposée sous forme d’indications théorico-pratiques, de partage d’expériences, ou sous forme d’exercices pratiques, sur le terrain, comme peuvent l’être les camps vocationnels organisés directement par le CNV. Il s’agit, en somme, de montrer les diverses possibilités et alternatives concrètes du cercle herméneutique vocationnel.

Revue et communication en réseau
Enfin, il est un dernier instrument qui peut aider de manière significative à la formation d’une mentalité commune : la revue du CNV. C’est un instrument qui réunit l’aspect théorique (réflexion) et l’aspect « expérimental », au moins au niveau de la proposition d’expériences concrètes.
Il ne s’agira pas d’abord d’une revue intellectuelle, tournée vers le groupe des soi-disant « experts », mais d’un instrument souple, créé par la collaboration de quelques-uns ou de tous, riche de stimulations théoriques et de suggestions pratiques, capable de parler un langage jeune, fait de catégories, de symboles, de paraboles accessibles et signifiantes dans la culture d’aujourd’hui ; un instrument qui accompagne le chemin d’une communauté croyante qui veut pleinement assumer la responsabilité de l’appel et apprendre à accompagner elle-même le chemin de celui qui est appelé. Une revue qui pourra avoir comme interlocuteur non seulement le sujet ecclésial mais aussi le monde de la réalité juvénile actuelle, porteur - aujour­d’hui comme toujours et plus que toujours - d’une irrépressible question vocationnelle.
Du point de vue de la création d’une culture vocationnelle, un instrument comme la revue joue ou pourra jouer un rôle décisif, pour essayer d’expliquer cette culture, de la rendre en termes toujours plus expressifs et efficaces, compréhensibles par tous et incisifs, qui mon­trent la richesse et la spécificité de la conception de la vocation chrétienne classique, mais qui en même temps signalent le sens qu’elle apporte à l’humanité de tous et à l’humanisation de notre histoire.
En même temps que la revue, il faut prendre sérieusement en compte la possibilité d’exploiter d’autres instruments de communication, qui sont des lieux de rencontre particulièrement recherchés par les jeunes d’aujourd’hui, comme un site internet vocationnel. Nous devons faire porter notre attention et nos compétences non seulement sur le contenu à transmettre, mais aussi sur les modes de transmission. Je ne m’étendrai pas sur le sujet mais je dirai quand même l’importance d’évaluer avec attention le défi que cela constitue en termes de culture vocationnelle et l’opportunité que cela offre de toucher de nombreux jeunes qui ne seraient pas atteints par les moyens de communications normaux, et de porter ainsi la logique et la richesse du discours vocationnel sur les routes de la vie de tous.

Destinataires et interlocuteurs

Le destinataire naturel des interventions du CNV est... l’Eglise entière et ses différentes articulations. Je voudrais souligner qu’il y a par essence deux groupes de sujets dans l’Eglise : ceux qui appellent et ceux qui sont appelés. Ils peuvent, en dernière analyse, être identifiés les uns aux autres.

Les appelants
Ce sont avant tout les animateurs vocationnels : ce sont ceux qui ont reçu une mission officielle en ce sens, au niveau d’un diocèse ou d’un institut religieux ; ou bien les directeurs spirituels, les formateurs dans les lieux de formation. Mais dans une perspective vraiment « ecclésiale » et solidaire, la responsabilité vocationnelle revient à la communauté croyante et à chaque croyant, comme nous le savons. L’action du CNV devrait toujours s’en souvenir, dans un discours qui donne à tous et à chacun une responsabilité précise en ce sens et sollicite la participation correspondante. On peut même dire qu’un croyant ne découvre et ne vit son propre appel que lorsqu’il devient appelant. Celui qui ne devient pas appelant trahit et perd son propre appel.
Je crois que l’action du CNV devra être toujours plus intense comme authentique école de formation des formateurs vocationnels. Le formateur doit être d’abord aidé à saisir le sens profond de sa propre identité et de son service ecclésial, puis préparé à affronter la réalité ecclésiale et sociale d’aujourd’hui, presque à être un « entrepreneur vocationnel » c’est-à-dire à organiser l’économie de l’ensemble à coordonner un réseau de responsabilités collectives et convergentes. Ou, plus simplement, à être animateur pour les autres animateurs, dans leur contexte de vie, sans prétendre se charger de tout le travail vocationnel dans un diocèse ou un institut religieux mais, inversement, selon une logique toujours plus communautaire qui responsabilise le simple croyant.
D’ailleurs qui dit « culture » dit aussi chemin de formation, projet d’initiation à une compétence particulière, avec temps de réflexion, activités guidées, évaluations théorico-pratiques, etc. Nous ne pouvons développer plus avant ce point, mais une chose est sûre : si une telle école cherche à former l’éducateur vocationnel selon ces principes pastoraux, elle doit être habilitée à mettre en œuvre le cercle herméneutique vocationnel qui en est la conséquence, alors une école de formateurs vocationnels pourra vraiment construire un avenir différent et prometteur pour la pastorale des vocations.

Les appelés
Avant tout, un CNV maintient vive dans la communauté croyante la certitude, qui vient de la foi, que tous sont appelés et que tous, dans l’Eglise, ont le droit d’être aidés à identifier leur vocation personnelle. Avec tout ce que cela signifie au plan de la conception et de l’organisation de la pastorale en général, et de la pastorale des vocations en particulier. Mais il est encore possible de faire quelque chose de plus, de plus concret, qui est la conséquence d’un tel regard.
Normalement, dans la tradition européenne, un CNV n’organise pas d’activités ou de rencontres directement en vue des jeunes, qui sont les destinataires naturels de l’animation vocationnelle. Je crois, sans aucune prétention, qu’il faudrait prendre en compte l’hypothèse de rencontres vocationnelles au niveau national. Et non seulement parce que nous avons vu, dans la vague de succès des JMJ, que la formule peut fonctionner, mais surtout pour rendre visible le discours de la culture vocationnelle ; parce qu’une telle culture a aussi besoin de cela, parce qu’elle doit être amenée à faire son chemin et à croiser de cette manière les chemins des jeunes d’aujourd’hui. D’ailleurs, le soi-disant succès des JMJ n’est pas simplement lié au charisme du « Pape des jeunes » ou à l’enthousiasme de la « Génération Jean-Paul II », mais à tout un travail souvent méconnu et cependant efficace de préparation, de sensibilisation, de formation véritable et adaptée au niveau local. Pourquoi ne pas tenter la même chose, avec les modifications nécessaires, au niveau national et même européen ?

Le niveau diocésain : la synergie pastorale

Tout comme le CNV, le centre diocésain des vocations (CDV) a un rôle irremplaçable : il est le passage indispensable pour que la proposition nationale puisse rejoindre les situations diverses des Eglises locales. Bien des choses qui ont été dites à propos du CNV pourront s’appliquer, également, à une autre échelle, aux CDV (les rassemblements de formation et la journée ou semaine des vocations se situant toujours au niveau diocésain).
Au niveau du diocèse et du CDV, une problématique spécifique se présente : l’exigence majeure pour une pastorale des vocations efficace, surtout aujourd’hui, est la collaboration de toutes les forces sur le terrain, en vue d’une pastorale unifiée. Alors que le sentiment général est exactement opposé : on voit un certain cloisonnement des interventions du CDV et des autres services diocésains, en particulier la pastorale familiale et la pastorale des jeunes, comme s’il manquait - peut-être pas partout - mais assez souvent, une vision d’ensemble du problème de la vocation, avec comme conséquence une collaboration insuffisante, voire nulle entre les services sur le terrain. D’un côté il semble que la pastorale des vocations soit encore victime d’un certain complexe d’infériorité par rapport aux autres secteurs de la pastorale diocésaine, considérés comme plus « productifs » et peut-être moins problématiques ; de l’autre côté, elle semble encore poursuivre un objectif qui, d’une certaine façon, l’isole des autres.
Si la présentation que j’ai faite autour de la nature de la vocation et de la pastorale des vocations comme perspective précisément synthétique de la pastorale en général est valide, alors une collaboration doit être absolument recherchée et atteinte au niveau des structures diocésaines. Une autre chose est sûre : s’il y a collaboration, il doit y avoir un certain niveau de convergence, un niveau d’inspiration originel et un objectif à atteindre. En définitive, je veux dire qu’il ne suffit pas que l’évêque constitue un SDV, avec un « brave » prêtre et une équipe pour le diriger, mais il doit vérifier et promouvoir, en amont, la possibilité d’une réelle synergie des services diocésains autour de l’idée de la vocation, ou peut-être faut-il penser à créer une structure transversale entre les services.
Je donnerai encore quelques indications, au niveau théorique et pratique, pour favoriser une telle synergie.

Point de départ : le principe vocationnel

Avant tout, il est indispensable d’avoir une plate-forme commune entre les différents agents, un point de départ anthropologique le plus large possible, qui puisse réunir différentes sensibilités et différents points de vue et dans lequel chaque personne puisse, dans l’idéal, reconnaître le sens de sa vie. Plus le consensus qu’il suscitera sera grand, plus il pourra constituer un point de départ pour faire surgir l’étincelle de la collaboration entre des réalités aussi diverses. Pour nous, cela devrait être d’autant plus vrai que nous partageons, à travers les divers services de la pastorale, la même foi. Mais cet élément trop rapidement donné pour sûr a comme empêché par le passé de chercher et de trouver des niveaux substantiels et véridiques de collaboration. Et quel sera ce principe commun dans le cas de la pastorale des vocations ? Ce sera la découverte du sens de l’existence humaine contenu dans l’expression que j’ai déjà citée : la vie est un don reçu qui tend, par nature, à devenir un bien donné (2).
C’est une vérité élémentaire sur l’homme et l’existence terrestre. Chaque être humain peut et doit s’y reconnaître. Mais c’est aussi la plate-forme de départ, à partir de laquelle peut se développer une collaboration féconde entre l’action éducative de la famille et les jeunes en fonction du choix de vie fondamental et de tous les choix humains. Une décision sage, allant dans une direction juste, devra absolument respecter ce principe vocationnel ou cette logique vocationnelle.

Un but commun : l’objectif vocationnel

Mais il sera tout aussi nécessaire, pour obtenir cette collaboration, d’identifier une approche commune, un but commun à atteindre, à travers des opérations spécifiques et convergentes de chacun des services. Ce point d’arrivée suppose un chemin de foi et demande un choix explicite de foi ; il a une valeur non seulement anthropologique, mais vraiment théologique. Le but commun, dans notre cas, ne peut être que celui de « construire le Corps mystique du Christ qu’est l’Eglise, à travers la croissance de chacun de ses membres, chacun étant appelé par Dieu à se réaliser selon sa vocation propre pour le service de tous, afin que ne manque à l’Eglise aucun don de la grâce. »
Plus concrètement, la pastorale familiale poursuit ce but à travers l’action éducative des parents envers leur enfants, parce que les parents eux-mêmes vivent chaque jour leur vie d’époux, de père et de mère comme leur vocation propre d’éveilleurs de vocations ; la pastorale des jeunes, au moyen de ses nombreux outils - parce que les jeunes sont inégaux à se laisser appeler (ou à reconnaître l’amour de Celui qui les appelle) - doit les convaincre que la pleine réalisation de soi et le bonheur sont seulement dans le projet de Dieu et la réalisation du Christ en lui ; la pastorale des vocation met cela en œuvre avec tout ce qui aide et stimule le croyant à percevoir la voix de Dieu qui l’appelle de mille manières, indiquant des chemins précis de discernement et accompagnant dans la durée leurs parcours, sans craindre de proposer les appels qui peuvent sembler plus radicaux. Mais tout cela à la lumière de cette logique véritable de la vie qui est le principe vocationnel par excellence.
C’est donc une tension vocationnelle incontournable dans ces questions pastorales et, à travers elles, dans toute la pastorale de l’Eglise, dans chaque être humain, puisque le don de la vie est comme une énergie qui incline vers la pleine réalisation de soi, c’est-à-dire vers le don de soi. La pastorale des vocations a peut-être la mission de rappeler à tous et de contribuer à ce que chaque expression de la pastorale de l’Eglise rejoigne son objectif et exprime cette tension vocationnelle qui rappelle à chaque agent pastoral que, quelle qu’en soit l’expression, la pastorale chrétienne ne mérite son nom que si elle stimule, dans l’homme et dans le croyant, la mise en œuvre de cette logique vocationnelle ; elle ne cesse de rappeler à celui qui peut appeler l’ampleur et la profondeur du mystère de l’appel comme acte de l’amour de Dieu qui peut appeler aux choix les plus courageux et les plus « impopulaires », coûteux et nullement assimilables à une « systématisation » d’un autre genre. Il y a donc tout intérêt à ce que les deux pastorales « jumelles » tendent vers le même objectif et soient en même temps elles-mêmes.
Concrètement et plus clairement, la pastorale des vocations doit collaborer et obtenir la collaboration non pour imposer - explicitement ou implicitement - aux acteurs de la pastorale familiale et de la pastorale des jeunes de travailler pour le séminaire, mais elle doit les stimuler pour que l’éducation familiale des jeunes soit intense et forte, capable de former d’authentiques parents qui donnent la vie et des jeunes qui n’ont pas honte de leur foi, et qui n’ont pas peur de rappeler que le choix authentique va toujours, par nature, vers le don total et radical de soi. En ce sens, la pastorale des vocations n’aura pas peur de proposer aussi le choix du sacerdoce ou de la vie religieuse, dont la proposition tombera dans un terrain fertilisé par les autres parcours de la pastorale.

C’est pourquoi il devient particulièrement urgent de travailler en étroite communion d’intention et de réalisations pratiques avec les autres services pastoraux, à partir d’un principe commun et en vue d’un but commun. En particulier, je l’ai déjà dit, avec la pastorale familiale et la pastorale de jeunes, avec lesquelles existe une convergence naturelle et inévitable d’objectifs et une complémentarité d’action. Mais il sera nécessaire et de plus en plus naturel de collaborer avec d’autres secteurs par exemple avec le mouvement (et la culture) pour la vie (si vie signifie vocation), avec la formation permanente des prêtres (seul celui qui prend soin de sa propre formation continue peut être animateur vocationnel), avec le renouveau de la catéchèse (liée par nature à un choix de vie), avec le monde du volontariat (comme exercice de choix de vie), avec la pastorale des malades, etc. C’est vraiment cette collaboration et seulement elle qui nous fera sortir, j’en suis sûr, de la crise des vocations. Il est vrai que la pastorale des vocations est la perspective originelle et unitaire de la pastorale, ou que la vocation est « le cœur battant de la pastorale unitaire (3) », étant donné que la foi elle-même est la réponse personnelle, libre et responsable, à l’appel de Dieu ; en réalité, les deux autres pastorales revendiquent aussi d’être au centre, pour des motifs plausibles sur le plan doctrinal et pastoral et elles enrichissent la proposition vocationnelle. Si l’Eglise est ce jardin dont nous parlions au début, il est indispensable que nous trouvions le moyen de travailler ensemble sur le même terrain pour qu’il fleurisse.

La convergence en actes

Un SDV devra alors travailler en étroite collaboration avec ces deux services, en les sollicitant d’une manière ou d’une autre pour faire émerger leur perspective vocationnelle et leur apport propre en ce sens. La collaboration sincère entre ces services met en route un authentique cercle herméneutique vocationnel.

Une pastorale familiale vocationnelle
Les parents sont « les premiers éducateurs naturels des vocations (4) » parce qu’eux seuls peuvent transmettre la vérité de la vie, et surtout la signification de l’existence comme un bien reçu qui tend par nature à devenir un bien donné (5). » La racine ou la semence de la disponibilité à la vocation est semée par les parents ; en cela personne ne peut les remplacer ; le faire plus tard est toujours plus difficile. Les parents qui ne transmettent pas ce sens vocationnel de la vie ne sont pas des éducateurs.
Je voudrais préciser encore plus : dans un projet vocationnel, le désir principal de l’éducateur en famille est de transmettre par-dessus tout la première partie du principe vocationnel : la vie est un bien reçu. Ce qui signifie former au sens de la gratitude, de la reconnaissance du don, de la conviction que tout ce que l’on a et tout ce que l’on est, on l’a reçu, que l’on n’est pas sa propre origine, mais qu’un autre (un Autre) nous a préférés à la non-existence... Sans cette sécurité émotive, il n’y a pas de capacité décisionnelle possible (6).

Cela implique que le travail vocationnel « radical » et premier est celui des familles. Si nous voulons des vocations, nous devons prendre soin des familles ; un SDV devra donc contribuer à la formation des fiancés puis des parents à cette conception vocationnelle du mariage : transmettre à leurs enfants une logique vocationnelle de la vie, être en ce sens les premiers exemples de générosité, de gratuité, d’ouverture aux autres et aux pauvres en particulier, de sens des responsabilités et de la solidarité, de sobriété et de simplicité de vie, de courage pour affronter les difficultés et de renoncement.
Il est surtout important de rappeler qu’une telle éducation au sens vocationnel de la vie (éducation à l’amour en fin de compte) ne s’ajoute pas aux tâches et devoirs familiaux, mais en constitue la vérité la plus intime et la plus profonde. Le SDV ne fait pas figure d’intrus, puisque l’éducation vocationnelle n’est pas une superstructure, mais qu’elle explicite la nature et l’identité de l’éducation familiale. Seul celui qui a appelé à la vie terrestre peut éduquer à percevoir l’autre voix, la voix de celui qui appelle à la plénitude de la vie.
Mais il est alors nécessaire de sortir d’une certaine rhétorique, pourtant bien enracinée dans la tradition chrétienne, la rhétorique cachée dans des expressions pourtant respectables comme : « offrir ses propres fils à l’Eglise » ou encore : « le plus grand don que Dieu puisse faire à une famille, c’est un fils prêtre. » Il y a du vrai dans cette phrase, mais il est aujourd’hui nécessaire d’insister sur le fait qu’en aucun cas les parents croyants ne sont appelés à offrir leur enfant à Dieu, c’est-à-dire à l’Eglise, à la société civile, à l’engagement social ou politique... au sens proprement vocationnel enraciné dans la signification élémentaire de l’existence humaine (« la vie est un bien reçu qui tend... ») et le don le plus grand que Dieu peut faire à une famille est que les enfants nés en son sein répondent tous et chacun personnellement au projet de Dieu sur chacun d’eux, au « rêve » que Dieu a sur eux.
Il est évident que tout ceci demande à la pastorale des vocations de s’ouvrir à une perspective ample et riche de l’idée de vocation, ou de respecter le cercle herméneutique vocationnel qui est le propre d’une telle perspective. C’est un avantage de l’animation vocationnelle de pouvoir faire un certain type de propositions ; c’est un avantage de l’Eglise et de la société civile.
Ceci ne signifie pas que la pastorale des vocations ne puisse pas et ne doive pas rappeler aux parents qu’ils doivent éduquer à une « écoute à 360 degrés » du projet de Dieu sur leurs enfants, avoir le courage non seulement de ne pas exclure, mais de proposer les choix qui peuvent sembler les plus difficiles, comme celui de la vocation presbytérale ou religieuse.

Une pastorale des jeunes vocationnelle

A cet égard, le rapport avec la pastorale des jeunes me semble devoir être celui d’une féconde stimulation réciproque, qui aura des retombées positives pour les deux.
Par-dessus tout, revenant au principe vocationnel comme point de départ et de convergence, il appartient aux parents de transmettre la vérité de la vie comme un bien reçu, il appartient à la pastorale des jeunes de proposer la foi comme ce qui incarne, ce qui met en œuvre cette vérité dans l’histoire de chacun (la vie est un bien reçu qui tend par nature à devenir un bien donné), permettant aux jeunes de se réaliser en plénitude, dans leur être et dans leur vie.
La formation des jeunes, en particulier, doit les conduire à faire le lien entre bien reçu et bien donné, à le mettre en œuvre concrètement dans des choix cohérents, en développant la capacité décisionnelle et en les amenant à découvrir toujours plus leur identité propre. Pour cela, il est nécessaire de transmettre l’idée que le passage du bien reçu au bien donné est inévitable, que c’est la chose la plus logique et naturelle qu’un jeune puisse faire et que, aussi loin qu’il aille dans le don de soi, il restera toujours débiteur par rapport à ce qu’il a reçu.
A ce point, on peut dit que la pastorale des jeunes doit, de fait, créer un esprit vocationnel, comme une culture vocationnelle des jeunes. « Esprit » ou « culture » signifie quelque chose d’universel, qui concerne tous les jeunes sans distinction, que chacun doit sentir vrai pour lui, et pas seulement les jeunes de « bonne famille » et pleins d’espérance. L’apport du SDV à la pastorale des jeunes a le but suivant : que chaque jeune sache qu’il peut faire le choix qu’il veut dans sa vie, mais qu’il ne peut ignorer cette loi fondamentale, qu’il n’est pas libre de se penser en-dehors de cette ligne, ni d’arrêter l’élan naturel du don qui tend à être partagé aux autres. Sinon, ce serait aller contre une loi naturelle que la foi illumine d’une manière nouvelle. Pour cette raison, la proposition vocationnelle peut et doit faire partie d’un chemin propédeutique à la foi !
Quand la pastorale des jeunes agit en ce sens, elle donne une empreinte naturellement vocationnelle à la formation des jeunes. Alors, la perspective vocationnelle n’est pas, encore une fois, une chose en plus, une préoccupation supplémentaire ou ultérieure qui s’ajoute à tant d’initiatives en vue des jeunes, mais elle est ce qui rend la proposition chrétienne centrale et dramatique, parce qu’elle implique une décision personnelle, une réponse inéluctable.
L’action conjointe au niveau diocésain entre la pastorale des vocations et la pastorale des jeunes rappelle et montre que, si la pastorale n’est pas vocationnelle, ce n’est ni une pastorale ni une pastorale des jeunes. « Quelles que soient les initiatives (catéchèse, expérience caritative, rencontre de prière, homélie, célébration des sacrements...), si elle n’ont pas de conséquences vocationnelles et si elles ne mettent pas la personne en face de ses responsabilités, elles ne méritent pas le nom de chrétiennes, ce ne sont pas des expériences chrétiennes (7). » En définitive, la foi chrétienne ne peut être proposée que comme un itinéraire vocationnel, un chemin qui doit rester ouvert à toutes les provocations de Dieu, jusqu’aux plus inédites pour la personne.
La pastorale des vocations apparaît encore davantage dans ce contexte comme celle qui initie et maintient ces liens, qui doivent être visibles et actifs, surtout au niveau diocésain, là où l’Eglise locale planifie sa stratégie pastorale pour la formation des croyants. En ce sens, le SDV, avec ses acteurs, est comme la « bonne mémoire » qui empêche d’oublier quiconque au moment où se fait ce lien, et la finalité fondamentale de la croissance chrétienne : l’accomplissement du plan de Dieu sur chaque créature.
Plus concrètement et selon la logique du principe vocationnel, nous dirons que la pastorale des vocations sollicite un choix de vie, donc définitif, toujours à l’intérieur de cette logique vocationnelle, en vertu du principe fondamental de la vie comme bien reçu qui tend par nature à devenir un bien donné. Et le cercle herméneutique vocationnel se referme. C’est pourquoi il est important que dans chaque cas s’ouvre cette nouvelle phase, dans laquelle la pastorale des jeunes, des vocations et de la famille travaillent ensemble, unies dans la structure pastorale de l’Eglise diocésaine, vers la « vocationnalisation » de toute l’action évangélisatrice.

Le niveau paroissial : la cohérence des médiations

Plus l’action pastorale est directe, au contact immédiat des personnes, plus un plan cohérent d’action est nécessaire. A ce niveau encore, nous insisterons sur le fait qu’il ne suffit pas de nommer un animateur vocationnel, mais qu’il est décisif de garantir le fonctionnement vocationnel de la paroisse, à travers une série de médiations bien concertées entre elles.

La médiation théologique

Il devra être clair, avant tout, que l’appel de Dieu nous parvient à travers l’Eglise. La communauté chrétienne n’est pas seulement responsable de l’animation vocationnelle, mais elle est avant tout le lieu où résonne la voix de Dieu qui appelle ; ou, encore, la responsabilité vocationnelle est correctement exercée quand la communauté ecclésiale devient médiatrice de cette voix divine.
Il est important d’insister sur le sens et la valeur théologique de la communauté comme lieu où Dieu se révèle, au-delà de toute intimité subjective ou d’une tendance dangereuse au bricolage, même dans le domaine spirituel et la relation à Dieu, qui est la conséquence du climat d’individualisme anthropologique que nous respirons tous et qui devient souvent un individualisme pastoral.
Il y a aujourd’hui une nouvelle génération de jeunes croyants qui prétendent et trouvent plus simple de s’adresser directement à Dieu et semblent ignorer la médiation du Christ et de l’Eglise. C’est une génération qui préfère « les petits groupes ou les grands rassemblements, mais ensuite le pourcentage de ceux qui suivent activement la vie de l’Eglise est très maigre... Les signes des temps indiquent une fuite silencieuse de l’Eglise-institution. » Il est clair que dans un contexte d’individualisme interprétant le divin, où l’on fait systématiquement l’impasse de l’intermédiaire humain, le subjectivisme étant régulièrement et allègrement anti-institutionnel, même si ce n’est pas dans un contexte aussi exacerbé que par le passé - il est très difficile à la communauté chrétienne, avec son chemin de foi et les signes de sa foi, d’être reçue comme le lieu où Dieu révèle ses projets au simple croyant. Il convient de redéfinir une action pédagogique correcte. C’est sur elle que nous allons réfléchir.

La médiation pédagogique

La communauté n’est pas seulement l’intermédiaire ou la médiation à travers laquelle Dieu nous fait rejoindre sa parole et nous révèle son projet, mais elle représente l’itinéraire fondamental, l’expérience vitale que le croyant doit parcourir et accomplir pour découvrir son idéal de vie. C’est une expérience qui renvoie à « des cheminements de foi communautaires, correspondant à des fonctions ecclésiales précises et à des dimensions classiques du croyant, au long desquels la foi mûrit et devient toujours plus manifeste ou qui permettent à la vocation de l’individu de se confirmer progressivement, au service de la communauté ecclésiale. La réflexion et la tradition de l’Eglise indiquent que normalement le discernement d’une vocation advient en suivant plusieurs chemins communautaires précis (8) » : la célébration communautaire et la prière (la liturgie), la communion ecclésiale et la fraternité (la communion), le service de la charité (la diaconie), l’annonce-témoignage de l’Evangile (la marturie).
Une expérience personnelle et communautaire, systématique et concentrée dans ces directions, qui sont tout à fait classiques et sans lesquelles il n’existe pas de vie chrétienne, peuvent et doivent aider le croyant à découvrir son propre appel. La pastorale ordinaire, en conclusion, est par nature une pastorale vocationnelle : « Tout croyant doit donc vivre l’événement commun de la liturgie, de la communion fraternelle, du service caritatif et de l’annonce de l’Evangile, car ce n’est qu’à travers cette expérience qu’il pourra identifier sa façon de vivre particulière avec ces dimensions de la vie chrétienne. Par conséquent, ces itinéraires ecclésiaux doivent être privilégiés car ils représentent en quelque sorte la voie royale de la pastorale des vocations (9) » mais ils sont évidemment chargés de valeur vocationnelle ; on ne peut pas prétendre que ces itinéraires de vie chrétienne dévoilent l’appel de chacun, mais c’est là que devra se porter l’attention de l’ouvrier pastoral et plus encore de l’animateur vocationnel : donner une perspective vocationnelle aux dimensions de la pastorale ordinaire. En évitant, par ailleurs, de penser et de cantonner la pastorale des vocations dans l’ordre ultérieur, extraordinaire, supplémentaire : c’est la manière de vivre la foi au quotidien qui peut et doit lentement révéler la voix qui appelle et faire mûrir le courage de l’assentiment. En provoquant une implication de la personne dans sa globalité, ces quatre fonctions la conduisent au seuil d’un expérience très personnelle, d’un confrontation pressante, d’un appel impossible à ignorer, d’une décision à prendre qu’elle ne peut reporter à l’infini. Ces fonctions devront être toutes présentes et harmonieusement coordonnées car l’expérience ne pourra être décisive que si elle est globale.
Alors, pour cette même raison, ces itinéraires classiques représentent non seulement une vie obligatoire, mais ils offrent surtout la garantie de l’authenticité de la recherche et du discernement. Ce qui implique une déduction pédagogique fondamentale : les vocations qui ne naissent pas de cette expérience et de cette insertion dans l’action communautaire ecclésiale risquent d’être viciées à la racine et d’authenticité douteuse (10). Souvent, en effet, il y a des jeunes qui privilégient spontanément l’une ou l’autre de ces fonctions (soit uniquement engagés dans le volontariat, soit trop attirés par la dimension liturgique, soit par les grandes théories un peu idéalistes). Il sera alors important que l’éducation vocationnelle aille dans le sens d’un engagement qui ne corresponde pas sur mesure aux goût des jeunes, mais à la mesure objective de l’expérience de foi qui ne peut, par définition, être réduite. Le respect de cette mesure objective peut laisser entrevoir la mesure subjective (11). »
Mais à ce point, la médiation n’est plus seulement théologique ou pédagogique, elle est aussi psychologique.

La médiation psychologique

Une telle médiation indique un passage qui ne vient pas spontanément, en particulier aux jeunes d’aujourd’hui, habitués à privilégier le versant subjectif, l’interprétation personnelle, leurs objectifs. Il est juste que, d’un autre côté, l’animateur vocationnel retrouve sa vocation à être vraiment un éducateur de la foi et un formateur de la décision. Il devra faire comprendre que « l’objectivité précède la subjectivité », et que le jeune doit apprendre à lui donner la priorité, s’il veut vraiment se découvrir et découvrir ce qu’il est appelé à être (12). »
C’est un principe qui peut sembler impopulaire et dur à observer ; en réalité, il est vrai même sur le plan humain : c’est un objectif précis et un critère normatif, fondé sur la nature humaine qui est le passage obligé pour qui veut se réaliser selon sa vérité propre. Les jeunes doivent donc comprendre que s’ils veulent vraiment se connaître et se réaliser, ils doivent d’abord devenir ce que chaque homme est appelé à être, simplement au niveau humain. Ainsi donc, sur le plan spirituel, ils auront à comprendre qu’ils doivent devenir ce que Dieu attend de tout homme, pour comprendre ce qu’il attend de chacun en particulier. C’est pourquoi l’adhésion aux chemins communautaires de croissance dans la foi devient la norme pour connaître son propre chemin. Autrement dit : le sens de l’appartenance garde et garantit le sens de l’identité. Et non seulement au niveau de l’animation vocationnelle ou de la formation initiale, mais tout au long de la vie.
En ces temps - qui sont les nôtres - de désaffection envers tout ce qui se dit « règle de vie » ou « ordre », c’est un principe qui peut sembler austère et hostile, mais c’est seulement quand la vie donne des points précis de référence que finissent le chaos de d’individualisme sans signification et la désorientation qui aplatit tout et prive de couleur et de chaleur tous les choix de vie possibles.
C’est une objectivité qui préserve la subjectivité (et un sens communautaire qui génère la découverte du moi), tout comme la vérité protège la liberté et c’est la tâche de l’éducateur vocationnel que de montrer cette vérité objective, le chemin normatif de la communauté croyante, et de guider vers elle en maître de la foi ou formateur de l’acte croyant des jeunes, en se rappelant que « la pastorale vocationnelle a les étapes fondamentales d’un itinéraire de foi ». C’est dans le sillon de cette norme objective qu’il deviendra possible de découvrir sa manière originale de rendre témoignage à la vérité (13). C’est pourquoi tant de parcours vocationnels de jeunes restent sans issue et finissent par tourner sur eux-même, comme éternellement en orbite.

La médiation personnelle

Enfin, il est une médiation indispensable au niveau des personnes impliquées dans l’animation vocationnelle. Cette animation se fait par contagion, grâce au témoignage personnel, surtout il s’agit d’un réseau de plusieurs témoins.
Nous avons déjà montré que la figure de l’animateur vocationnel est en train de changer aujourd’hui. Nous passons de « l’homme à tout faire » qui assure toutes les tâches et qui concentre tout autour de lui à une articulation des rôles qui rend davantage compte de la nature intrinsèquement communautaire de l’animation vocationnelle. Il est certain qu’aujourd’hui, le responsable officiel de l’animation vocationnelle dans une structure d’une certaine importance (diocèse, vicariat et doyenné, paroisse, institut religieux, province ou groupe de communautés religieuses...) est - ou doit être - surtout l’animateur des animateurs vocationnels, celui qui est compétent pour intervenir, celui qui, à temps et à contre-temps, ne cesse de rappeler à tous ce devoir ; une sorte « d’entrepreneur des vocations », comme nous l’avons déjà souligné, avec la tâche d’organiser l’économie de l’ensemble, un réseau de responsabilités collectives et convergentes.
L’animateur vocationnel doit être prudent et capable d’intervenir de manière efficace, sans prétendre faire tout lui-même mais plutôt en responsabilisant la communauté dans ses diverses articulations. Bref, mieux diffuser la responsabilité qui ne doit pas se disperser en une multitude d’activités qui n’aboutissent finalement à rien ; il vaut mieux former les animateurs vocationnels, aux différents niveaux.
Nous sommes toujours plus convaincus que ce qui résoudra le problème des vocations, c’est seulement la prise directe de responsabilités à ce sujet de la part de la communauté croyante mais surtout la prise de conscience du « devoir d’appeler » qui concerne chaque croyant, le lien indissoluble entre la dimension appelée et appelante de l’être chrétien, à travers l’accueil de son propre appel et la responsabilité envers celui d’autrui dans un réseau de responsabilités convergentes.
La responsabilité vocationnelle revient à la communauté croyante, à chaque croyant, avons-nous dit. Depuis les parents et les éducateurs, les enseignants et les catéchistes, qui sont des acteurs vocationnels, jusqu’au frère plus âgé, plus avancé dans la vie de foi et de disciple, qui va former à cette responsabilité vocationnelle ses frères plus jeunes. C’est non seulement le catéchiste mais aussi l’animateur du club sportif, non seulement le volontaire de la Caritas mais aussi le croyant anonyme et plus enclin à « consommer » qu’à produire le salut.

Utopie ? certes, c’est un projet plutôt idéaliste, mais être adulte dans la foi ne signifie-t-il pas se charger davantage de celui qui est en chemin ? A cette utopie est liée la stratégie de la nouvelle évangélisation, de la nouvelle évangélisation de notre Europe !

Notes

1 - Cf. Amedeo Cencini, « Les éléments essentiels d’une pastorale renouvelée », Jeunes et Vocations n° 111, p. 57-59 [ Retour au Texte ]

2 - cf. De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe, document final du Congrès européen des vocations, Rome, 1997, n° 26 c. [ Retour au Texte ]

3 - Id., n° 26 g. [ Retour au Texte ]

4 - Id., n° 5. [ Retour au Texte ]

5 - Id., n° 26 c. [ Retour au Texte ]

6 - Expressive d’une certaine culture de mort qui engendre cette insécurité, la phrase de Jean-Paul Sartre selon laquelle chaque existence « naït sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par hasard. » [ Retour au Texte ]

7 - Id., n° 26 g. [ Retour au Texte ]

8 - Id., n° 27. [ Retour au Texte ]

9 - Id., n° 28. [ Retour au Texte ]

10 - Id., n° 28. [ Retour au Texte ]

11 - Id., n° 28. [ Retour au Texte ]

12 - Id., n° 28. [ Retour au Texte ]

13 - Id., n° 28. [ Retour au Texte ]