Diaspora 2e cycle : la vie d’une équipe


Le prochain numéro de "JEUNES ET VOCATIONS" devant rendre compte de la session de Montmagny sur la Diaspora scolaire, nous nous bornerons dans ce dossier à présenter brièvement le contenu des rencontres d’une équipe second cycle, et à dégager les convictions qui découlent de cette expérience.

LE CONTENU DES RENCONTRES

Il s’agit d’un groupe de six garçons : un de Terminale, un de Première, trois de Seconde le sixième, placé chez un notaire, travaille par correspondance. Ils ont tous formé plus ou moins explicitement un projet de vie sacerdotale ou religieuse. Trois sont jécistes, le sixième en cheminement J.O.C. Ils habitent dans diverses régions du diocèse.

Ils se retrouvent tous les deux mois environ, pour un week-end préparé par un ou plusieurs d’entre eux, autour de l’aumônier. Celui-ci s’efforce de rencontrer les garçons individuellement entre les réunions.

Chaque week-end comporte la célébration eucharistique et un partage d’évangile en lien avec le thème choisi ou le temps liturgique. Chaque rencontre se termine par le choix en équipe d’un certain nombre d’exigences. Des révisions de vie sont prévues les mois où il n’y a pas de week-end.

a) Week-end les 29-30 octobre 69

  • le samedi matin : nous faisons connaissance et nous mettons au point le programme détaillé des deux journées.
  • le samedi après-midi et le dimanche matin, notre réflexion prend appui sur le questionnaire suivant :

    1) Que s’est-il passé dans ma vie de jeune, dans ma vie de jeune chrétien depuis la rentrée ?

    2) Comment ai-je réagi ? Et pourquoi ?
    Quelles questions précises ces faits posent-ils par rapport à notre croissance humaine et chrétienne ? par rapport à notre projet de vocation ?

Cette réflexion doit nous aider à mieux comprendre la réalité de notre vocation (cf. Décret conciliaire sur les prêtres n° 11 ; Populorum progressio n° 15-18).

  • Le dimanche après-midi :
      • préparation de 1’année
      • constitution des groupes de recherche
      • exigences posées à chacun et au groupe pour cette recherche
      • programme et style de nos rencontres.
     
  • Extraits du compte rendu polycopié et envoyé à tous les participants :
    • nos relations, on en a :
        • ou trop, d’où : relations superficielles
          comment faire le choix ?
        • ou trop peu, d’où : un certain isolement
          comment faire pour avoir des relations ?
    • difficultés : à cause des autres, à cause de moi...
    • et pourtant, il faut choisir, mais en fonction de quoi ?

      l) attention aux signes de Dieu, là où il nous a placés (P.O. n° 11).
      Le monde est le lieu fort de la rencontre avec Dieu, à partir dos questions que nous posent nos relations...

      2) "Celui qui fait la vérité parvient à la lumière" : avancer en fonction de lumière que l’on a déjà, pour trouver celle que l’on n’a pas encore

      3) Les sélections évangéliques : les pauvres, ceux dont je suis loin, choisir en tenant compte de mes talents (exigences) et de mes responsabilités :
      "Ceux que tu m’as confiés..."

b) Week-end des 20-21 décembre 69 :
"Le sens de la vie" : pose-toi cette question de manière simple et concrète, en prenant quelques faits précis et récents (préparation écrite).

l) A partir des jeunes et des adultes que tu connais bien :

  • De qui s’agit-il ? dans quelles circonstances se sont-ils exprimés sur le
    sens de leur vie ?
  • Que disent-ils du sens de leur vie, ou du sens de la vie en général ("rapporte, si possible, leurs propres expressions").
  • Sais-tu :
      • pourquoi ils pensent ainsi ?
      • qui les aide à réfléchir à leur vie ? A orienter leur vie ?

2) Toi-même :

  • Penses-tu que ta vie a un sens ? Lequel ? Pourquoi donnes-tu un sens à ta vie ?
  • Peux-tu dire comment tu as progressivement donné ce sens à ta vie ? Qui t’a aidé à rechercher et à découvrir ce sens ?
  • Essaie aussi de t’interroger sur la place de Jésus-Christ dans tout cela.

Extraits du compte rendu de la réunion :

Dans les moyens qui nous aident à lire le sens de notre vie, nous avons cité le prêtre, les mouvements, l’Evangile, le carnet de militant. Comment aider les autres à vivre toutes les dimensions de leur vie ?

  • En étant présent et attentif à la vie des copains,
  • en entrant en relation : il faut dépasser la "république des petits copains",
  • en restant soi-même et en permettant à l’autre d’être lui-même,
  • en étant actif à l’intérieur des groupes et des mouvements auxquels j’appartiens,
  • le sens de la vie, il faut toujours le chercher : "j’aurai toujours a l’interroger et à me poser des questions".

c) Week-end des 28 février-1er mars 70

Pour préparer ce week-end, nous sommes partis d’une double constatation :

1) "On piétine... on tourne en rond... on parle toujours de la même chose..."

2) Il y a un déséquilibre entre ce qu’on découvre en réunion et ce qu’on vit en fait dans la vie de tous les jours.
Alors comment avancer ? Comment progresser ?
Le questionnaire ci-dessous voudrait aider chacun. Première condition de progrès = préparer sérieusement ce week-end, c’est-à-dire :

  • prendre du temps pour réfléchir,
  • noter dans son carnet.

Questions pour préparer :

1) Qu’est-ce qui a bougé dans ma vie ces derniers temps ?
Qu’est-ce qui me fait dire ça ?
Grâce à qui, à quoi ça a bougé ?
Si ça a bougé trop peu (ou môme pas du tout), pourquoi ?

N.B. comme chaque fois, fuis comme la peste les généralités. Sois concret. Ne te contente pas de réponses vagues et superficielles.

2) Reprendre la même question en ce qui concerne mon projet de vocation.
Chacun précise tout d’abord où il en est.
Ensuite : dans ma recherche pour y voir plus clair :

  • qu’est-ce qui a bougé ces derniers temps ? (Explique ce qui te fait dire ça ?)
  • grâce à qui, à quoi, je vois plus clair ?
  • et si j’en suis "toujours, au même point", pourquoi ?

d) Week-end des 25-26 avril 70

Ton projet de vocation :

l) Essaie de définir aussi complètement que possible ton projet actuel.

2) Qu’est-ce que ce projet change dans ta manière de vivre, ton style de vie aujourd’hui ?

3) Face aux autres (parents, relations), ton comportement est-il modifié par ce projet ? En quoi et pourquoi ?

e) Week-end des 30-31 mai 70

Le ministère et:la vie du prêtre.
Vous êtes en relation avec des prêtres, vous faites appel à leur ministère, vous entendez ce que l’on dit du prêtre autour de vous.

1) Toujours on référence à des faits précis, dites :

  • ce que vous appréciez le plus
    • dans le ministère, l’apostolat du prêtre (ce qu’il fait) ; pourquoi ?
    • dans sa vie (ce qu’il est, son comportement) ; pourquoi ?
  • ce que vous n’appréciez pas ou ne comprenez pas toujours : (ministère, vie) et pourquoi ?

2) Quelles questions cela vous pose-t-il par rapport à votre projet personnel d’avenir ?

* * *

II - QUELQUES CONVICTIONS SE DEGAGENT DE CES RENCONTRES

a) La spécificité de ce groupe paraît suffisamment définie pour ne pas faire double emploi avec l’appartenance à des mouvements. Les six garçons ont un projet de vie sacerdotale ou religieuse. Le spécifique des rencontres paraît se situer d’abord au niveau de 1’intentionnalité de ces jeunes. Même lorsqu’ils ne l’expriment pas explicitement dans un week-end, les garçons ont conscience qu’ils se réunissent en référence à un projet commun. Cette prise de conscience d’un projet d’avenir paraît être l’une des caractéristiques des aînés par rapport aux premières années de l’adolescence où le projet d’enfant est souvent remis en question, et où la relation explicite à un projet vocationnel ne subsiste parfois que dans la conscience de l’aumônier, et l’existence des rencontres.

b) Bien que le spécifique se situe essentiellement par rapport à un projet d’avenir, il est intéressant de noter que dans deux week-ends sur cinq, les thèmes choisis portent directement sur la vocation et le ministère sacerdotal, et ces thèmes sont également présents dans les autres rencontres, en particulier la 1ère et la 3ème. Cependant, quelle que soit la question abordée (le sens de la vie, ou la présence aux copains, et à plus forte raison la vocation et les ministères), le regard et l’engagement de ces jeunes sont "colorés" par leur projet. Il ne s’agit pas du regard anonyme et global des jeunes face au sens de la vie ou du ministère sacerdotal, mais de "nous qui formons un projet de vie sacerdotale" et le sens de la vie, "nous, jeunes en recherche" et le ministère du prêtre.

c) Les six garçons ont un réel souci apostolique : trois sont jocistes. (L’un d’eux est responsable fédéral de la J.E.C., un autre chemine vers la J.O.C., un autre encore a de nombreuses activités au sujet desquelles il s’interroge... Cette appartenance à un mouvement - qui est d’abord fidélité à la vocation baptismale - nous paraît très importante pour la recherche d’une vocation particulière. De plus, elle permet de mieux centrer les rencontres sur les besoins propres aux jeunes en recherche.

Trois besoins principaux se manifestent :

  • une animation spirituelle plus intense : la révision de vie, le partage d’Evangile, la prière personnelle et communautaire (cf. introduction) ;
  • une réflexion sur la vocation, les missions particulières dans l’Eglise et dans le monde (cf. week-end d’avril et de mai) ;
  • une recherche sur les questions posées par la situation particulière de ces jeunes dans leurs divers milieux de vie (cf. week-end de février).

d) La réflexion doit partir de la réalité vécue par les jeunes et y reconduire. Il est indispensable que ces rencontres de diaspora soient en prise sur la vie des jeunes et permettent de la ressaisir, de l’évaluer, de 1’éclairer en référence au projet
de vie.
"Fuis comme la peste les généralités. Sois concret. Ne te contente pas de réponses vagues et superficielles." (Cf. week-end de février). - Ce n’est pas facile, ni pour les jeunes qui s’évadent dans des théories ou ne préparent pas toujours les réunions, ni pour l’aumônier qui ne peut vraiment accomplir sa tâche que s’il est en relation habituelle avec ces jeunes, et partie prenante d’une pastorale missionnaire .

e) Le prêtre, animateur de ces rencontres, se reproche d’avoir agi trop isolément, sans lien suffisant avec les autres prêtres qui connaissent ces garçons, et avec leurs parents. Cette carence pose le problème plus global et plus fondamental de la place de la diaspora dans la pastorale des jeunes et dans une pastorale diocésaine. La diaspora concerne toute la communauté.

Victor MULLER - Jean RIGAL