Le Conseil National des Vocations de Jeunes


22-23 février 1970

Le dernier Conseil National des Vocations de Jeunes a eu lieu à Paris les 22/23 février sous la présidence de Mgr LUGAGNE.

Tous les membres du Conseil étaient présents à l’exception de M. GRANDVAL, de la sous-région Normandie, qui n’a pu venir au dernier moment. La région du Centre qui n’a pas pour l’instant de délégué régional, avait envoyé les Pères LE BARS et REGNAULT de la MOTHE.

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L’ordre du jour prévoyait :
1/ une étude sur la spécificité du soutien des jeunes en recherche de vocation (P. BUSATO),
2/ l’analyse d’un essai sur la psychologie des jeunes en terminale (P. CLOUPET),
3/ la présentation des divers types d’acheminement vers le sacerdoce et des situations des institutions ou effectifs (P. BRESS0LLETTE et Mgr IZARD),
4/ la préparation du Colloque 70 (P. THIZON),
5/ un rapport sur le travail en faveur des vocations avec les mouvements d’Action Catholique de jeunes (P. RIGAL).

Une première série d’ateliers eut à discuter des rapports du P. BUSATO (spécificité du soutien d’un jeune en recherche) et du P. CLOUPET (portrait du jeune en terminale).

Une deuxième série aborda les deux problèmes suivants :

1/ Comment relier au diocèse une institution permanente pour le service des vocations :

  • en ce qui concerne spécialement la pastorale diocésaine,
  • par rapport au service de la pastorale des vocations.

2/ Le passage des jeunes à la période de la formation sacerdotale : situations ? recherches, orientations et voeux ?

  • problèmes de la qualification professionnelle,
  • problème des choix : avec quels critères ?
  • problème des relations entre éducateurs de jeunes et responsables de la formation sacerdotale.

I - ETUDE SUR LA SPECIFICITE DU SOUTIEN DES JEUNES EN RECHERCHE DE VOCATION

Le Père BUSATO présente au Conseil un rapport devant faciliter la réflexion sur le "projet vocationnel" dans le contexte actuel. Ce rapport reprend de façon plus large le problème étudié par le C.N.V.J. en septembre 1969. L’auteur y met davantage l’accent sur les données sociologiques et anthropologiques. L’étude de ce texte permettra au P. BUSATO de présenter un article important dans le prochain numéro de la revue "VOCATION". Nous ne soulignons ici que quelques réflexions des ateliers après audition du rapport. Ces réflexions sont surtout présentées sous forme de questions. Elles devraient permettre aux équipes d’éducateurs d’étudier l’article du P. BUSATO dès octobre prochain.

1/ Comment les éducateurs sont-ils concernés par le diagnostic sociologique actuel ?

* Les éducateurs se posent un certain nombre de questions sur leur propre identité :

  • sont-ils utiles ?
  • les contestations actuelles sont un obstacle à se révéler tel qu’on est ;
  • comment surmonter l’affrontement entre éducateurs d’âges différents ?
  • qu’est-ce que le prêtre ? Comment réaliser cette vocation ?
  • la remise en question des institutions ne remet-elle pas en question l’éducateur lui-même ?
  • les occupations quotidiennes ne risquent-elles pas de masquer la mission auprès des jeunes ?
  • que demander aux jeunes (par exemple, pour leur "vie spirituelle") quand l’éducateur a de la peine à se situer en face des "habitudes" prises autrefois et qu’il ne peut plus tenir ?
  • le fait de ne pas correspondre à la contestation du statut du prêtre (le célibat par exemple) en arrive à ébranler l’éducateur dans son dynamisme : n’est-ce pas le signe qu’il est en dehors de l’évolution ?

En conclusion, on pourrait dire que la perte d’identité se situe à deux niveaux :

  • au niveau personnel : dans sa propre réalité de prêtre,
  • au niveau pédagogique : dans ses interventions auprès des jeunes.

* Quelques réflexions sur des éléments de solution pour une redécouverte de l’identité de l’éducateur :

  • quelqu’un qui se trouve en situation de responsabilité (c’est-à-dire qui doit faire exister les autres ou promouvoir une tâche) est forcé de préciser son identité dans une continuelle marche en avant ;
  • le limitatif de notre identité ne doit pas être le limitatif des significations de cette identité ; en effet une collusion entre l’institution et la personne risque de faire perdre l’identité de cette personne si l’institution est contestée.

2/ Comment approfondir la notion de "projet" et celle de "perte de projet", la notion de "valeurs" et celle de "poursuite des valeurs"

* Précision des notions :

  • projet = marche vers des valeurs en vue d’atteindre le Christ pour participer à sa mission - Chez un jeune cela signifie "devenir quelqu’un".
  • rejet du projet = ne plus savoir - peut-être ne plus vouloir - devenir quelqu’un, absence d’option, de dynamisme axial.
  • Il arrive que le "projet" se distingue de la "poursuite des valeurs". Le projet cesse d’être présent à la conscience, mais il est cependant soutenu par la finalité de l’institution ou du groupe, et par les éducateurs.
  • Les valeurs mobilisent l’énergie : l’adolescent voit en elles un moyen de sortir de lui ; il éprouvera plus l’intensité des valeurs vécues qu’il n’arrivera à formuler son projet.
  • Il semble que la recherche des valeurs, en groupe, soit plus capable de permettre la reformulation éventuelle du projet, pour les adolescents. D’où l’importance de la structure éducative communautaire pour permettre le maintien des valeurs. La communauté permet à la communication d’être expérimentale : on sait ce que l’on donne et ce que l’on reçoit. Importance également à ce que l’éducateur permette, dans cet échange, de découvrir le sens de ce que les jeunes ont fait ; il doit constamment veiller à faire prendre conscience des valeurs vécues.
    Cependant il aidera aussi à établir la relation de toutes ces valeurs a l’acte de foi au Christ : ce dépassement est toujours à faire.
  • La visée fondamentale est de mettre des priorités dans le choix des valeurs pour que le jeune puisse assumer une présence d’Eglise et non simplement accomplir une activité dans le monde où il se trouve.

3/ Rapports entre "structures éducatives" et "milieu naturel" du jeune

  • La communauté éducative doit permettre une réflexion sur l’engagement extérieur ou intérieur.
    L’apport spécifique du "Foyer" dont les garçons participent à des réunions d’Action Catholique aide à aller plus loin dans la réflexion pour leur permettre de découvrir dans leur action les forces vives de l’Eglise.
  • Les engagements apostoliques doivent être distingués d’autres styles d’engagements (sportifs, sociaux, etc.) ; ils permettent une authentique éducation de la foi.
  • L’engagement apostolique du jeune se situe dans le milieu où il vit ; mais il est important de souligner que le jeune n’appartient pas à un seul milieu (l’institution n’est qu’un milieu "particulier") : il est inséré dans plusieurs milieux sociaux. L’éducateur doit aider le jeune à prendre conscience de ces diverses appartenances.

Ces quelques réflexions ont amené le Conseil à se préoccuper de la tâche d’animation des éducateurs. Le Centre National des Vocations organise pour eux des sessions de formation en cours d’année, il va prendre en charge la rédaction du nouveau courrier "JEUNES ET VOCATIONS" à la place de la revue "VOCATIONS SERVICE".

On souhaiterait qu’il y ait aussi des études pédagogiques et psychosociologiques dans la revue "VOCATION".

En liaison avec le C.N.V., le C.N.V.J. souhaite qu’une équipe de prêtres et de religieux puisse apporter à tous ceux qui sont préposés au soutien de jeunes en recherche une aide solide. Le Père BUSATO au nom du C.N.V.J. et le Père RIGAL, directeur au C.N.V., sont invités à mettre en place cette équipe.

II - LA PSYCHOLOGIE DES JEUNES EN TERMINALE

On voudra bien se reporter à l’essai présenté par le Père CLOUPET au dossier IV. Cet essai a été présenté au Conseil dans une première rédaction. Trois questions étaient posées :

  • informations ou confirmations de ce portrait-robot ?
  • que prévoir pour le soutien du projet de vocation chez des jeunes qui, sans le rejeter, n’entrent pas en 1er cycle ?
  • que représente le refus du 1er cycle ?

Une nouvelle rédaction du texte est présentée dans ce courrier et doit pouvoir servir comme base d’étude aux divers groupes d’éducateurs.

III - LES SITUATIONS

1/ Les collèges-séminaires

Le Père Henri DEROUET donna une rapide information à partir de l’enquête envoyée dans les divers collèges-séminaires. On trouvera l’exposé détaillé de cette enquête dans le dossier IV de ce courrier (institutions permanentes).

2/ Les foyers

Une enquête a également été lancée auprès des foyers. 36 réponses sont parvenues. Devant l’intérêt des documents envoyés, il est décidé que cette enquête sera approfondie et poursuivie. Une étude paraîtra à cet égard dans un prochain courrier "JEUNES ET VOCATIONS".

3/ Les séminaires d’aînés

Le Père BASSOT apporta diverses informations sur les séminaires d’aînés. Globalement on note une baisse d’une centaine d’unités par an depuis 1965. Il y a actuellement 250 aînés dans 7 séminaires. On s’oriente vers une organisation de 3 ou 4 séminaires d’aînés en France, séminaires qui peuvent alors répondre à divers besoins justifiés. L’organisation des foyers de jeunes devrait permettre aux séminaires de jeunes d’accueillir désormais tous les jeunes en recherche jusqu’à l’âge de 18 ans en leur procurant l’éventail adapté de toutes les études. Il devient aujourd’hui anormal qu’un séminaire de jeunes ne puisse recevoir, grâce aux adaptations en cours, tous les adolescents qui se présentent, quel que soit leur cheminement antérieur. On demande donc que tous les moins de 18 ans qui le désirent puissent être orientés vers des séminaires de jeunes, et non vers les séminaires d’aînés.

4/ Situation générale des effectifs

Un rapport paraîtra à ce sujet dans la revue "VOCATION". Notons ici l’essentiel.

Pour l’année 1969-70, on compte environ 8 200 jeunes ayant opté pour une institution susceptible de les aider dans la recherche de leur vocation.

Il y a 760 élèves en terminale, contre 870 l’an dernier.

Sur les 870 terminales de juin 1969 : 400 environ poursuivent leur recherche :

286 en grand séminaire,
17 en noviciat,
11 en groupe de formation universitaire,
19 en groupe de formation en monde ouvrier,
13 en séminaires d’aînés,
47 en groupe de recherche universitaire.

270 ont opté définitivement pour le laïcat ;
les autres sont en situations diverses d’attente (40 sont redoublants).

5/ Les types d’acheminement vers le sacerdoce

Le Père BRESSOLLETTE, coordonnateur national pour les équipes de formation et délégué du C.N.G.S. auprès du C.N.V.J. présente un rapport très détaillé sur les cheminements actuels permettant à un jeune au delà de 18 ans de s’orienter vers le sacerdoce dans une formation sacerdotale adaptée. On lira cet important rapport au dossier n° II (recherche et formation en milieu universitaire et professionnel).

IV - LE COLLOQUE 70

Une information est donnée concernant la préparation et réalisation du Colloque 70. Le questionnaire de préparation a été diffusé à près de 500 000 exemplaires et travaillé dans 80 diocèses. Un recueil de documents est sous presse, donnant l’essentiel des 5 000 réponses reçues. Ce recueil pourrait être présenté à tous les jeunes qui pensent au sacerdoce et à la vie religieuse.

La réflexion du Colloque étant destinée à provoquer la communauté chrétienne tout entière, il est nécessaire que toutes les forces vives de l’Eglise y soient présentes .

* La physionomie générale du Colloque sera donc la suivante :

800 jeunes, dont 400 garçons "en recherche" (300 des institutions permanentes, 100 de la diaspora),

200 filles "en recherche",
200 garçons et filles "tout venant" des lycées, collèges, au travail…

1 000 adultes, dont 100 directeurs des centres diocésains des vocations,

250 éducateurs reliés aux institutions au service des vocations de jeunes (parents, enseignants, prêtres …),
650 représentants de la communauté ecclésiale, dont 250 prêtres, religieux, religieuses, missionnaires, contemplatifs, grands séminaristes, et 400 laïcs.
200 places sont réservées aux organismes nationaux et aux mouvements d’Action Catholique.

* Enjeu pastoral :

Plus on avance vers ces journées, plus le Colloque 70 apparaît comme un temps fort du travail pastoral poursuivi dans les diocèses au service des vocations. Il a déjà été l’occasion de multiples contacts à tous niveaux, mais il apparaît plus important encore que cet effort soit poursuivi et approfondi au-delà du rassemblement national.

Dans ce sens, une rencontre entre le C.N.V., les délégués régionaux des C.D.V. et le Bureau du C.N.V.J". est prévue le lundi 4 mai pour préciser l’action à poursuivre.

D’autre part, une "table ronde" regroupant les représentants nationaux des Mouvements d’Action Catholique et de Spiritualité est envisagée pour le milieu de mai. Le Colloque intervient en effet en une période où les Mouvements prennent une vive conscience, chez certains au moins, de leur responsabilité face aux vocations. Les contacts établis actuellement entre le C.N.V. et les secrétariats nationaux sont de plus en plus nombreux et riches d’espérance.

V - LE TRAVAIL EN FAVEUR DES VOCATIONS AVEC L’ACTION CATHOLIQUE ET LA "DIASPORA"

Le Père RIGAL présente au Conseil un rapport sur le travail en faveur des vocations avec les mouvements d’Action Catholique de jeunes. On voudra bien se reporter à un rapport inclus dans ce courrier (dossier n° III : les Mouvements).

La commission "Diaspora" a été réorganisée par le Centre national. Un travail est en cours qui devrait permettre une animation plus importante de ce service des vocations. Une session est prévue par le C.N.V. pour aumôniers d’équipe de diaspora : elle aura lieu début juillet.

VI - COMMENT RELIER AU DIOCESE L’INSTITUTION PERMANENTE AU SERVICE DES VOCATIONS ?

Ce fut là le thème d’un premier carrefour. Cela permit au groupe de faire une brève analyse des situations, des recherches en cours et d’exprimer quelques voeux.

Situations

Elles sont évidemment fort diverses, mais le plus souvent les institutions au service des vocations paraissent isolées de la pastorale générale. Il y a des efforts de rapprochement, mais souvent de façon dispersée, voire incohérente.

Recherches

Un lien avec la pastorale des jeunes paraît toutefois s’établir. On cite de nombreux cas de formation d’une équipe de prêtres-religieux-religieuses nommée responsable de la pastorale des vocations et chargée d’une sensibilisation d’ensemble de la pastorale. Ces équipes incluent alors les animateurs des institutions permanentes.

Une constatation s’impose : les "foyers" ne peuvent être signes et donc être reçus par la communauté chrétienne que s’ils sont un élément de la pastorale générale des vocations.

Parfois se pose un problème de compétence entre C.D.V. et séminaires ou foyers en ce qui concerne le service de la diaspora. Il semble qu’il faille ici voir surtout les situations et mentalités diocésaines ; mais quels que soient les responsables, une liaison s’avère indispensable entre C.D.V. et foyers dans le service des vocations de jeunes.

Orientations et voeux

  • La sollicitude dé l’Eglise à l’égard des vocations, en particulier le sérieux dans lequel il faut tenir le projet des jeunes, s’est exprimée surtout dans les "sacrifices" (financiers et qualité du personnel) consentis pour les séminaires. Il ne faudrait pas que les transformations en cours fassent penser que cette sollicitude n’est plus de mise. Nous souhaitons au contraire que cette attention se manifeste par une étude plus systématique et concertée, et une mise en oeuvre moins timorée et plus dynamique de moyens réellement neufs de servir les vocations.
  • Détacher un prêtre pour coordonner l’ensemble de cette pastorale des vocations de jeunes ne serait-il pas un geste qui aurait valeur de signe dans ce sens ?
  • Les institutions permanentes et particulièrement les séminaires ont une somme d’expérience qu’il serait dommage de perdre dans la mesure où leur transformation s’accentue. Cette expérience appartient en propre à tout le peuple de Dieu : comment lui transmettre cette expérience ? comment en particulier la faire partager aux prêtres et aux responsables des mouvements à qui reviendra de plus en plus la charge de faire éclore et de soutenir les vocations ?
  • Ne faut-il pas envisager de former les futurs et jeunes prêtres à la pastorale des vocations comme on les forme actuellement à la pastorale liturgique, catéchétique et missionnaire ?

VII - LE PASSAGE DES JEUNES A LA PERIODE DE FORMATION SACERDOTALE

Les problèmes posés par le passage des jeunes à la période de formation sacerdotale n’ont été qu’abordés.

On souhaite que le C.N.G.S. entreprenne un travail à ce sujet, spécialement en ce qui concerne le problème de la qualification professionnelle.
On souhaite aussi qu’il y ait de la part de l’épiscopat une prise de position théologique en ce qui concerne le ministère. Il apparaît en effet indispensable pour des éducateurs de jeunes en recherche de vocation de pouvoir très nettement et de façon concrète les éclairer sur le style de vie dans lequel ils s’engagent. Il ne s’agit pas de préparer des ingénieurs du lundi au vendredi, qui seront prêtres le samedi et le dimanche. La profession, lorsqu’elle existe, doit être intégrée dans la mission sacerdotale.

Le Père CLOUPET est chargé de préciser dans un texte destiné aux évêques, au C.N.G.S. et au C.N.V. les problèmes précisés ci-dessus.

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Au terme du Conseil, on fait remarquer que le programme a été trop chargé, d’où travail trop rapide. Le Père BRESSOLLETTE est chargé de transmettre les voeux du C.N.V.J. au C.N.G.S., Mgr LUGAGNE les présentera à la Commission épiscopale.

On demande que le travail décidé ou amorcé lors des derniers conseils soit toujours rappelé en début des nouveaux conseils. On souhaite que soit abordé prochainement le problème des liens entre juvénats et foyers diocésains.

La prochaine réunion du Conseil aura lieu à Paris les 15 & 16 juin.