Le RJI, un lieu d’éveil et d’approfondissement


Nathalie Becquart,
xavière

 

 
 

Les activités du Réseau Jeunesse Ignatien



Lancé en 1984 par la Compagnie de Jésus, le Réseau Jeunesse Ignatien est constitué en association officielle depuis 1996. Lieu d’une réelle et heureuse collaboration entre la Province de France des Jésuites, les Supérieures majeures ignatiennes et la Communauté Vie Chrétienne (CVX), avec une structure légère de type réseau, il initie et met en lien un foisonnement d’activités au service des jeunes adultes. Celles-ci sont portées et animées par des jésuites, des religieuses de plusieurs congrégations et des laïcs qui ont à cœur de transmettre, sous des formes multiples et adaptées, le trésor des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola dont ils vivent. Ainsi chaque année, près d’un millier de jeunes de 7 à 35 ans participent à l’une ou l’autre des cinquante propositions présentées dans le carnet du Réseau Jeunesse Ignatien : « Messe qui prend son temps », retraites de 3, 5 ou 8 jours selon les Exercices spirituels de saint Ignace, pèlerinage Manresa, camp-chantier à Pied-Barret, croisière « Vie en mer », entrée en prière, service social et bénévolat (vacances avec les enfants du Quart-Monde, soutien scolaire, année de volontariat en quartier populaire…), échanges culturels avec des séjours d’immersion organisés sur plusieurs continents, des sessions-formations comme « La politique une bonne nouvelle »…
Quelle que soit la durée de ces propositions, ponctuelles ou régulières, un même but est visé : donner à chaque jeune, quel que soit le point où il en est, des moyens pour se construire humainement et spirituellement, lui permettre de faire l’expérience personnelle de la rencontre du Christ, et de grandir, avec d’autres, au cœur du monde. Ainsi à travers des moyens pédagogiques très divers : le silence et/ou la rencontre des autres, la réflexion intellectuelle ou l’effort physique, l’expérience artistique ou l’animation, se décline une même « manière de procéder » propre à la pédagogie ignatienne. Il s’agit donc d’offrir aux jeunes un cadre à la fois souple et structuré d’expérience personnelle à travers une médiation particulière (la marche, l’art, un chantier, un voyage, un centre spirituel…), c’est-à-dire un espace de liberté et de relations qui soit terrain d’expérimentation et de formation. Tout cela pour leur permettre d’entrer plus profondément dans le mystère du Dieu de Jésus-Christ qui se révèle au cœur du monde et de leur propre histoire.



Un lieu de croissance humaine et spirituelle



Le RJI est donc avant tout, pour les participants, un lieu de croissance humaine et spirituelle qui permet, chacun à son rythme, de découvrir petit à petit sa place dans l’Eglise et dans le monde. S’il n’est pas à proprement parler un espace spécifiquement dédié au discernement des vocations comme un service diocésain des vocations, il participe bien, de fait, à une large pastorale des vocations, offrant un visage d’Eglise particulier, dans l’esprit de Vatican II. Le visage pluriel d’Eglise communion met l’accent sur le partenariat entre les différents modes de vie dans l’Eglise. De fait, il est souvent pour de nombreux jeunes un lieu important dans leur parcours de discernement vocationnel. Ainsi en témoigne Agnès, novice dans une congrégation religieuse ignatienne.
« Alors que je me posais très sérieusement la question d’entrer dans la vie religieuse, le RJI m’a permis de continuer à cheminer avec mes questions de vie étudiante et d’orientation professionnelle sans que la question de la vocation soit omniprésente. En même temps, je pouvais aborder toutes les questions de ma vie avec cette recherche vocationnelle en fond, mais sans qu’elle prenne la première et unique place. C’est cela que j’ai particulièrement apprécié dans les activités du RJI auxquelles j’ai participé : animation dans un camp MEJ, participation au chantier de Pied-Barret, Manresa. On nous propose surtout plein de moyens pour avancer dans notre vie personnelle, là où on en est. Et en même temps c’est un endroit où on peut naturellement poser la question de la vie religieuse sans être un extraterrestre. J’ai surtout apprécié que les équipes d’animation brassent plusieurs congrégations, ainsi on ne sent pas coincé. On est plus libre dans sa recherche. A aucun moment, je n’ai senti qu’un(e) accompagnateur(trice) veuille tirer parti de mon désir d’entrer dans la vie religieuse. J’y ai trouvé beaucoup plus de liberté pour cheminer que dans le service des vocations de mon diocèse où j’aurais eu l’impression d’être trop vite cataloguée. Le RJI est un lieu neutre et très ouvert qui est d’abord un endroit pour faire l’expérience personnelle de la rencontre du Christ dans le cadre d’une activité. Et cela m’a beaucoup apporté de rencontrer des jeunes qui se posaient la question de leur choix de vie sur d’autres registres que le mien. Par exemple : dois-je ou non continuer ma relation amoureuse avec untel ? Toutes les personnes rencontrées ont été pour moi des Jean-Baptiste. Ce qui est porteur, c’est qu’on est dans un cadre où les gens sont vrais et on peut donc partager en confiance. L’essentiel se passe dans le vivre avec, les relations. On a à la fois des lieux de parole formels – l’accompagnement, le partage en équipe – mais aussi beaucoup d’espaces de discussion informels avec les autres jeunes et les animateurs. Cette multiplicité de rencontres possibles dans la proximité d’une vie ensemble au quotidien permet avec l’un ou l’autre d’aborder plus explicitement ses questions autour de la vocation. »

Sans doute Agnès, dans son témoignage, pointe-t-elle deux éléments importants qui contribuent de manière discrète mais réelle à faire du RJI un lieu propice à un cheminement vocationnel : la rencontre avec la Parole de Dieu, par l’apprentissage et la pratique de l’oraison biblique, de la prière d’alliance et de la relecture, au cœur de toutes les activités, et la rencontre concrète de témoins engagés diversement dans l’Eglise.



Apprendre à écouter la Parole



Nous constatons combien les jeunes qui viennent sont demandeurs de méthodes de prière, profondément désireux d’apprendre à se mettre à l’écoute de la Parole, mais souvent très démunis quant à la manière de s’y prendre. Il est toujours étonnant de constater combien nombre d’entre eux, pourtant façonnés par une éducation chrétienne et une pratique religieuse régulière, n’ont que peu ouvert la Bible et pas encore fait l’expérience de la méditation personnelle des Ecritures. L’initiation à l’oraison, à la contemplation du Christ dans les Evangiles, est vraiment une priorité dans les activités du RJI. De diverses manières (oraisons guidées, dialogues contemplatifs, indications données…) nous leur apprenons à entrer dans un texte biblique avec tous leurs sens et leur intelligence pour se mettre à l’écoute de Dieu qui parle à leur cœur, afin de tisser avec Lui une relation personnelle et amicale. De cette écoute, qui fait découvrir combien Dieu vient personnellement nous rencontrer, peut naître et grandir le désir de suivre le Christ, de le connaître et de l’aimer toujours davantage. On peut alors prendre conscience de la façon dont Dieu appelle chacun de manière unique et intérieure ; il ne s’agit pas de découvrir anxieusement sa volonté – toute tracée et qui s’imposerait de manière extérieure – mais de laisser creuser son désir profond qui n’est rien d’autre que le désir de Dieu quand nous sommes ajustés à lui, à l’écoute de son Esprit. Les repères de discernement donnés, notamment dans l’accompagnement spirituel, aident chacun à découvrir concrètement comment Dieu le conduit, fondement du cheminement vocationnel.
Ainsi, l’on peut dire que si la question de la vocation est rarement abordée de manière directe et explicite (peu ou pas d’enseignements sur la vocation ou de présentation théorique des différentes vocations), elle est pourtant en arrière-fond de toute la pédagogie proposée qui vise à aider chacun à devenir adulte dans la foi, capable de se décider pour agir et s’engager, de manière généreuse et réaliste, au service du monde et de l’Eglise. Celle-ci est rendue possible, parce que nous faisons le choix d’intégrer dans nos propositions un nombre conséquent d’accompagnateurs(trices) – en moyenne un pour cinq à huit jeunes. Cette possibilité d’accompagnement très personnalisé est un point fondamental de la pédagogie ignatienne fondée sur la P(p)arole. L’expérience de parler de ce qu’on vit avec un accompagnateur va de pair avec l’expérience d’une plus grande intimité avec Dieu, à qui on apprend à parler « comme un ami parle avec son ami ». Chemin de rencontre entre la créature et son Créateur, les Exercices Spirituels proposent en effet une manière d’entrer dans un rapport interpersonnel avec le Christ, Fils du Dieu vivant, par la contemplation de son itinéraire terrestre de sa naissance à sa Résurrection et son Ascension.



Le tripartisme, signe de la diversité des vocations dans l’Eglise



Les activités du RJI sont organisées selon le principe du « tripartisme », c’est-à-dire que les équipes d’animation sont composées de jésuites, de religieuses et de laïcs de spiritualité ignatienne. Par ailleurs, on veille aussi à la mixité et à l’intergénération. Les jeunes peuvent ainsi côtoyer de jeunes religieux(ses) proches d’eux, d’autres plus âgés et expérimentés, témoins de la fidélité de Dieu dans une vie et de la possibilité de traverser les crises et les épreuves inévitables dans tout engagement.
Par là se vit un véritable partenariat entre laïcs, prêtres et religieuses. Les jeunes sont souvent marqués par ce visage d’Eglise qu’ils découvrent et qui souvent bouscule leurs schémas : le responsable d’une activité peut être une religieuse, des laïcs sont accompagnateurs spirituels, le prêtre n’est pas le seul à prendre la parole pour commenter un Evangile ou donner des indications pour la prière… Mais ce qui les marque le plus, c’est la vie quotidienne partagée dans une proximité fraternelle qui leur fait découvrir les prêtres, les religieux(ses) comme des hommes et des femmes « comme tout le monde », avec leurs richesses et leurs limites… qui apprécient les bons repas comme les temps de repos, avec lesquels on peut prier mais aussi rire ou faire la fête, marcher ou se baigner, dialoguer simplement ou questionner. Ainsi, beaucoup d’images trop idéales peuvent tomber. Les jeunes découvrent quelque chose de la vie de ces personnes et de ce qui les anime dans le quotidien d’un chemin partagé. Non pas des adultes qui ont réponse à tout, assurés définitivement par leur engagement, mais des chercheurs de Dieu comme eux, en chemin d’humanisation jamais fini.

La pédagogie ignatienne met les animateurs dans une posture d’accompagnement fraternel beaucoup plus que d’enseignement, même si des repères, notamment spirituels, peuvent être donnés à certains moments. L’accompagnateur est d’abord celui qui écoute respectueusement, sans juger, avec un grand souci de la liberté des jeunes. Ceux-ci le sentent bien, parfois étonnés de ce climat de grande ouverture et de bienveillance qui leur donne de se sentir accueillis tels qu’ils sont. Ce climat de confiance leur permet d’oser exprimer leurs questions, leurs doutes, leurs difficultés et leurs peurs, aussi bien que leur rêves et leurs désirs. La diversité des adultes qu’ils rencontrent leur permet de s’identifier avec des modèles très concrets d’engagement. Ils observent beaucoup et l’essentiel passe, bien en-deça et bien au-delà des paroles. Ainsi par exemple, les nombreux échos recueillis à la fin d’un pèlerinage Manresa auquel participait un couple de CVX avec leurs trois filles âgées de trois à neuf ans, exprimaient combien la présence de cette famille avait marqué les participants. Voir les relations qui se jouaient entre parents et enfants, entre mari et femme, leur montrait ce choix du mariage dans la fidélité comme possible, leur montrait un visage heureux de laïcs mariés et engagés leur donnant envie de suivre la voie du mariage, les invitant à dépasser peurs et doutes… De même, la présence de novices comme simples pèlerins en « équipe service » a permis à beaucoup, dans des échanges simples et de plain-pied, de découvrir des jeunes « presque comme eux » qui ont osé faire ce choix de la vie religieuse et d’en voir l’actualité. Dans ces propositions auxquelles participent des religieux(ses) mais aussi parfois des prêtres diocésains et des séminaristes est rendue visible, de manière actuelle, concrète et incarnée, la diversité des vocations dans l’Eglise. Pas besoin de grands discours, cette présence parle d’elle-même, et suscite aussi de nombreuses questions. Les accompagnateurs(trices) sont ainsi souvent interrogés sur leur vocation, leur parcours, leur vie apostolique et communautaire…
 

Des propositions spécifiques



Au-delà de ces activités générales proposées à tous, le RJI a également à cœur de proposer des temps spécifiques à ceux qui sont déjà avancés dans leur questionnement vocationnel. Dans la rubrique « Vocations » du carnet annuel des activités, on trouve trois propositions principales : celle des week-ends de fiancés, organisés par les différents centres spirituels ignatiens. Proposés dans les mois qui précédent le mariage, ces week-ends accueillent chaque année plusieurs centaines de couples qui veulent réfléchir, personnellement et ensemble, aux dimensions essentielles du mariage chrétien.
Sont aussi proposés les deux week-ends de regardants jésuites qui permettent à de jeunes hommes de mieux découvrir la Compagnie de Jésus. Enfin, depuis plus de vingt ans, les instituts féminins ignatiens proposent trois week-ends par an sur le thème « Aimer et servir Dieu dans la vie religieuse ignatienne : un chemin pour moi ? » Ouverts à toutes celles qui portent un éventuel projet de vie religieuse, qu’elles soient en lien ou non avec une congrégation précise, ils permettent de recevoir des éléments de connaissance de la vie religieuse ignatienne, d’expérimenter des moyens pour approfondir sa relation à Jésus-Christ dans le quotidien de sa vie et mieux discerner son chemin et surtout d’échanger avec d’autres jeunes femmes qui se posent les mêmes questions. Sont aussi répertoriées différentes propositions d’accueil dans une communauté, pour ceux qui cherchent à loger dans un lieu chrétien porteur, afin de cheminer plus avant dans la vie spirituelle. Enfin, sont présentées toutes les retraites de « choix de vie » pour ceux qui se sentent prêts à prendre une décision importante et à s’engager dans un état de vie (mariage, sacerdoce, vie consacrée).

Toute proposition inspirée des Exercices spirituels veut aider chacun à découvrir, au fur et à mesure de son itinéraire, par le discernement, quelle est sa manière de répondre concrètement à l’appel de Dieu dans l’aujourd’hui de sa vie ; elle est, naturellement et structurellement, un lieu d’éveil et d’approfondissement d’une recherche vocationnelle, que l’on ait déjà ou non opté pour une vocation particulière. Le RJI participe ainsi à la promotion de toutes les vocations dans l’Eglise. Ni mouvement, ni service, il accueille des jeunes de tous horizons (issus de toute la France et parfois de l’étranger) et de toutes sensibilités (très éloignés d’une pratique ecclésiale ou au contraire très enracinés dans d’autres groupes) complètement à la carte. Nous constatons qu’en moyenne chaque activité attire une moitié de jeunes qui participent pour la première fois à une proposition du RJI. La vocation est la manière de se comprendre comme sujet appelé par un Autre à la Vie, créé créateur pour aimer et servir toujours davantage dans l’aujourd’hui du monde et de l’Eglise ceux auprès desquels il est envoyé. Lieu de créativité et d’initiatives au service des jeunes adultes, le RJI est l’un des laboratoires de la foi qui rejoint et accompagne aujourd’hui les jeunes adultes dans leur quête de Dieu, les aide à trouver leur propre manière de répondre à leur vocation de baptisé. Et rien ne nous réjouit plus que les voir évoluer, se déployer, s’enraciner dans le Christ et acquérir cette liberté qui leur permet de se décider pour le Christ, prendre leur envol et quitter le RJI quand ils s’engagent dans tel ou tel choix de vie…



Contact :
Réseau Jeunesse Ignatien
P. Thierry Anne, sj
14 rue d’Assas – 75006 Paris
01 44 39 48 61 – rji@wanadoo.fr
http://www.rji.fr
 

Les Exercices spirituels



Les Exercices spirituels se présentent comme « une manière de procéder » pour aider un exercitant à se convertir et à ordonner sa vie selon Dieu. Ils cherchent un résultat : le bien de son âme. Et pour lui permettre d’atteindre ce but, ils lui proposent des pratiques (quatre ou cinq oraisons par jour avec relecture et évaluation, des rencontres régulières avec l’accompagnateur…) pour écouter l’Esprit et apprendre à repérer ses effets de consolation. Ils provoquent par là les conditions d’une épreuve fondatrice, à même de libérer et d’orienter le désir de l’homme qui choisit résolument de vivre. Par le processus de discernement des esprits qu’ils instaurent, en vue d’avancer vers une plus grande unité de tout l’être, se manifeste l’action créatrice et éducatrice de Dieu. Ce mouvement d’unification se produit fondamentalement par l’accès à la parole. La relation entre l’exercitant et l’accompagnateur est en effet centrale pour parvenir à nommer ce qui est affecté en soi par l’écoute de la Parole.

Les Exercices spirituels offrent donc des moyens concrets pour aider l’exercitant à mettre au jour son désir profond et, par là, lui donner de trouver et d’inventer sa place singulière dans le monde. Ils peuvent ainsi apparaître comme un processus de développement de la personne en vue d’un engagement au service de la société et de l’Eglise, fondé sur une prise de décision quant à une façon personnelle d’agir au milieu des autres et pour eux.
Après une « première semaine consacrée à la prise de conscience des obstacles mis au déploiement de la vie, et donc à une reconnaissance de son péché par l’accueil de la miséricorde de Celui qui sauve par son amour infini1 », l’exercitant entre successivement dans les trois étapes de la vie du Christ, entrecoupées de plusieurs méditations spécifiques : de l’Incarnation à la veille de l’entrée à Jérusalem (deuxième semaine), Passion (troisième semaine), Résurrection et Ascension (quatrième semaine). Cet itinéraire devra le conduire à formaliser une « élection ».

Le postulat des Exercices, enraciné dans l’expérience mystique d’Ignace, peut s’énoncer ainsi : le Dieu trinitaire de la Bible est un Dieu créateur et sauveur qui ne cesse de vouloir se communiquer à sa créature et l’appelle à entrer en relation de réciprocité avec Lui. Sa manière d’aimer est de se donner par et à travers un monde créé pour elle selon un dessein créateur. Les Exercices spirituels établissent l’homme dans cet échange d’amour en et avec Dieu, l’invitant à entrer toujours davantage dans la relation d’Alliance. Ce processus dynamique passe par l’apprentissage de la parole vraie, c’est-à-dire la capacité à nommer ce qui touche. Car, « parler vraiment, c’est faire correspondre adéquatement une représentation à un affect2 ». Les Exercices spirituels font découvrir que Dieu rejoint l’homme, en premier lieu, à travers son affectivité, et non d’abord dans ses idées. Car ce Dieu créateur parle véritablement et définitivement à l’homme par son Verbe incarné : « Le “Roc” divin, permanence de la Parole créatrice se communique à la créature en lui donnant d’être à son tour créatrice, capable de parler3. » La pédagogie des Exercices spirituels insistent beaucoup sur tout ce qui est création et imagination : le retraitant est toujours invité à se remémorer visuellement la scène évangélique qu’il contemple et à y prendre une place mentalement avant de « parler à Dieu comme un ami parle à son ami » (n° 54). En même temps, cette succession de projections lui donne de faire tomber au fur et à mesure les représentations qu’il s’était faites de son avenir qu’il peut alors inventer, dans un dialogue avec Celui qui lui ouvre de nouvelles images. La spiritualité d’Ignace, très incarnée, encourage donc l’usage des sentiments et de l’imagination aussi bien que celle de l’intelligence dans la recherche de Dieu.

En ouvrant, toujours plus largement, « l’espace du désir4 » elle nous montre que, trouver Dieu dans le présent du monde, revient à le chercher toujours davantage et donc ailleurs, dans le déplacement même.
 

Notes
1 - Jean-Claude Guy, « Introduction » in Ignace de Loyola, Exercices Spirituels, traduction du texte latin de la Vulgate par Jean-Claude Guy, Seuil, 1982, p. 29.
2 - Adrien Demoustier, Cours d’anthropologie spirituelle, Centre Sèvres, 2005.
3 - Ibid.
4 - Cf. l’article de Michel de Certeau, « L’espace du désir ou le fondement des Exercices spirituels », Christus n° 77, 1973, p. 118-128.