- accueil
- > Eglise et Vocations
- > 2006
- > n°122
- > Fondements du célibat
- > Table ronde
Table ronde
Une table ronde a réuni, le lundi matin, les intervenants – Nicole Jeammet et Paul Legavre – ainsi que Mgr Hervé Giraud. Elle était animée par Mme Bénédicte Nau, responsable du service diocésain des vocations de Poitiers. Nous avons gardé le style oral des prises de parole.
Bénédicte Nau
Cette table ronde m’apparaît comme un trait d’union entre ce que nous avons déjà vécu pendant deux jours et ce qui nous attend quand nous allons repartir chez nous. Comme vous, je vais repartir dans mon diocèse avec l’envie de donner une suite à tout ce qui est entrepris. Les propos de Mgr Giraud sur le célibat montrent bien que cette question ne va pas être traitée dans son ensemble dans les deux jours et demi passés ici.
Nous avons prévu que quatre personnes de notre assemblée prennent la parole pour nous faire part de projets, d’idées, de thèmes que nous pourrions développer dans notre travail. Après les avoir entendus, les intervenants, que nous connaissons bien maintenant, réagiront. Ensuite, vous serez invités à poser vos questions.
Nous avons prévu que quatre personnes de notre assemblée prennent la parole pour nous faire part de projets, d’idées, de thèmes que nous pourrions développer dans notre travail. Après les avoir entendus, les intervenants, que nous connaissons bien maintenant, réagiront. Ensuite, vous serez invités à poser vos questions.
Sœur Jeanne : la rencontre de témoins
C’est une initiative qui a été proposée dans le diocèse de Créteil autour d’un pèlerinage. Cinq jours à la rencontre de grands visages qui nous semblaient être des icônes des différents types de vocations dites spécifiques. Un pèlerinage avec des rencontres successives et un fil conducteur : « Ose ta vie avec le Christ à la manière de… »
Chaque jour nous rencontrions des témoins différents. Nous sommes partis sur les pas de Madeleine Delbrêl, de Bernadette, de Thérèse d’Avila, de Frère Roger, des prêtres diocésains, des missionnaires, d’Antoine Chevrier. De grands visages. L’important était de rencontrer, dans différents lieux, ceux qui aujourd’hui vivent à la suite du Christ à la manière de ces visages.
A travers les interventions de ces deux derniers jours, j’ai relu cette expérience. La pédagogie mise en œuvre était une pédagogie de l’expérience et d’un vivre avec… Cinq jours à vivre ensemble et à prier, à partager quelque chose de l’expérience.
Une pédagogie du témoignage : témoignages des religieux, des prêtres, des gens rencontrés dans les différents lieux et aussi de ceux qui accompagnaient ce petit groupe d’une dizaine de jeunes : l’évêque de notre diocèse, un prêtre, une religieuse et un couple.
Une pédagogie de la relecture, car régulièrement on permettait aux jeunes de relire l’expérience vécue : trois temps, au début, à mi-parcours et à la fin, et un temps deux mois après pour « tisser un fil » et donner du sens. Je crois que c’est une pédagogie importante parce qu’elle allie à la fois la diversité – qui prend en compte leur besoin de zapping – et la continuité. Ces cinq jours ont permis de découvrir que, quelle que soit la vocation, il s’agit de dire oui au Seigneur, de dire oui surtout à son bonheur personnel. Une des expressions de plusieurs participants, quasiment de tous, fut de dire : partout on a rencontré des gens heureux. L’un d’entre eux disait aussi : on n’obéit pas par soumission, mais par amour.
Un bilan de cette expérience : ces cinq jours ont permis à tous de poser des gestes concrets et de s’engager d’une manière ou d’une autre là où ils sont, dans leur paroisse, dans leurs aumôneries, ce qu’ils n’avaient pas fait auparavant. Une personne a rejoint le groupe de recherche.
Chaque jour nous rencontrions des témoins différents. Nous sommes partis sur les pas de Madeleine Delbrêl, de Bernadette, de Thérèse d’Avila, de Frère Roger, des prêtres diocésains, des missionnaires, d’Antoine Chevrier. De grands visages. L’important était de rencontrer, dans différents lieux, ceux qui aujourd’hui vivent à la suite du Christ à la manière de ces visages.
A travers les interventions de ces deux derniers jours, j’ai relu cette expérience. La pédagogie mise en œuvre était une pédagogie de l’expérience et d’un vivre avec… Cinq jours à vivre ensemble et à prier, à partager quelque chose de l’expérience.
Une pédagogie du témoignage : témoignages des religieux, des prêtres, des gens rencontrés dans les différents lieux et aussi de ceux qui accompagnaient ce petit groupe d’une dizaine de jeunes : l’évêque de notre diocèse, un prêtre, une religieuse et un couple.
Une pédagogie de la relecture, car régulièrement on permettait aux jeunes de relire l’expérience vécue : trois temps, au début, à mi-parcours et à la fin, et un temps deux mois après pour « tisser un fil » et donner du sens. Je crois que c’est une pédagogie importante parce qu’elle allie à la fois la diversité – qui prend en compte leur besoin de zapping – et la continuité. Ces cinq jours ont permis de découvrir que, quelle que soit la vocation, il s’agit de dire oui au Seigneur, de dire oui surtout à son bonheur personnel. Une des expressions de plusieurs participants, quasiment de tous, fut de dire : partout on a rencontré des gens heureux. L’un d’entre eux disait aussi : on n’obéit pas par soumission, mais par amour.
Un bilan de cette expérience : ces cinq jours ont permis à tous de poser des gestes concrets et de s’engager d’une manière ou d’une autre là où ils sont, dans leur paroisse, dans leurs aumôneries, ce qu’ils n’avaient pas fait auparavant. Une personne a rejoint le groupe de recherche.
Claire : le don de soi
Rien de nouveau, mais une dimension nouvelle à quelque chose de connu et d’habituel dans nos services et dans l’accompagnement des jeunes qui est le don de soi. Ce qui nous a frappés dans plusieurs groupes – et dans le nôtre en particulier – c’est le lien qu’il y a entre les moments de don de soi à travers des expériences toutes simples de service, notamment de service des plus pauvres – l’hospitalité à Lourdes, le service de la table dans un lieu d’accueil, et d’autres expériences très variées – où des jeunes peuvent avoir l’occasion de donner et de se donner et le bonheur véritable, profond, qui nous a été rappelé dans la vocation d’Abraham, soit une bénédiction pour les autres.
On a aussi beaucoup parlé de relecture en lien avec ces moments de don de soi, parce qu’il n’y a rien d’automatique, parce qu’il faut permettre à des jeunes d’exprimer et de distinguer ce qu’il ont vécu, ce qui est de l’ordre de l’émotion, ce qui est de l’ordre du sentiment. Cela permet de construire et d’appuyer une vie dans la durée, de faire l’apprentissage de l’autre, de l’apprivoisement et du respect de son temps à lui. Il y a tout un apprentissage qui peut se faire dans des moments de service d’autrui.
On a aussi beaucoup parlé de relecture en lien avec ces moments de don de soi, parce qu’il n’y a rien d’automatique, parce qu’il faut permettre à des jeunes d’exprimer et de distinguer ce qu’il ont vécu, ce qui est de l’ordre de l’émotion, ce qui est de l’ordre du sentiment. Cela permet de construire et d’appuyer une vie dans la durée, de faire l’apprentissage de l’autre, de l’apprivoisement et du respect de son temps à lui. Il y a tout un apprentissage qui peut se faire dans des moments de service d’autrui.
Marc : la relecture de vie
Tous les groupes ont souligné l’importance d’aider les jeunes à faire le récit de leur vie à la manière des disciples d’Emmaüs, de les aider à passer du subjectif à l’objectif. C’est par cet exercice qu’ils pourront découvrir la cohérence ou l’incohérence de leur vie, qu’ils apprécieront le sens ou le non-sens de leur histoire personnelle. Cette expérience, nous semble-t-il, est à promouvoir dans le cadre de l’altérité d’un petit groupe. Un petit groupe de parole où l’on a confiance, où l’on se dévoile les uns aux autres, ou dans le cadre de l’accompagnement.
L’interpellation, le questionnement des uns et des autres permettra un approfondissement ou une plus grande clarification dans l’esprit de cette petite phrase de saint Jean : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 21).
L’interpellation, le questionnement des uns et des autres permettra un approfondissement ou une plus grande clarification dans l’esprit de cette petite phrase de saint Jean : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 21).
Guénolé : le partenariat
Portons-nous le problème qui nous a rassemblés seul ou avec d’autres ? La dernière session à Lyon « Interpeller, pourquoi pas ? » nous invitait à interpeller les autres mouvements, services, secteurs d’Eglise.
Dans notre groupe nous sommes repartis de la question de Paul Legavre : « En quoi l’Eglise est-elle fondée à proposer le célibat ? » Cette question reste-t-elle la question du service des vocations ou peut-elle être élargie à d’autres secteurs d’Eglise ? Il ne faut pas que demain nous restions enfermés avec cette question. Comment peut-elle être reprise ? Dans notre groupe, on a dit qu’il faut peut-être la reprendre entre prêtres. Dans nos communautés religieuses, cette question est-elle présente ? Echangeons-nous sur cette question ? En quoi l’Eglise dans son ensemble est-elle fondée à proposer le célibat ?
Dans notre groupe nous sommes repartis de la question de Paul Legavre : « En quoi l’Eglise est-elle fondée à proposer le célibat ? » Cette question reste-t-elle la question du service des vocations ou peut-elle être élargie à d’autres secteurs d’Eglise ? Il ne faut pas que demain nous restions enfermés avec cette question. Comment peut-elle être reprise ? Dans notre groupe, on a dit qu’il faut peut-être la reprendre entre prêtres. Dans nos communautés religieuses, cette question est-elle présente ? Echangeons-nous sur cette question ? En quoi l’Eglise dans son ensemble est-elle fondée à proposer le célibat ?
Nicole Jeammet
Je me sens très étrangère à ce discours. Je fonctionne habituellement avec des « psy » et c’est vraiment un autre monde. Je vais apparaître comme le mouton noir. Je vais dire des choses qui sont mauvaises dans des choses bonnes. Les psy doutent de tout…
Le don de soi, oui, mais ce n’est bon que si soi-même on a senti quelqu’un de donnant pour soi. J’ai fait beaucoup de psychothérapies. Mon expérience est que beaucoup, lorsqu’ils veulent donner d’eux-mêmes, éprouvent en fait qu’ils se vident d’eux-mêmes. Non seulement cela ne leur apporte rien mais ils se vident, et ce don de soi peut aussi développer l’envie.
J’ai beaucoup travaillé avec des mères et je pense à l’une d’elles qui avait été elle-même abandonnée par sa propre mère. Devenue maman d’une petite fille, elle me disait que quand elle lui donnait le bain, quand elle voyait cette petite fille heureuse d’être dans ce bain, tout à coup elle ne pouvait plus le supporter. Car elle-même n’avait pas eu une mère qui s’était réjouie de la voir dans le bain et à ce moment-là, sa seule issue était d’aller se remplir de quelque chose. Elle partait vite vers le frigidaire pour manger des choses, pour se sentir à nouveau un peu pleine et elle revenait vers son enfant. Elle faisait tant bien que mal… C’est juste une petite vignette pour dire que le don de soi, oui, mais ça ne rend pas forcément heureux. Et qu’il y a toute une série de chemins où l’on a besoin de se remplir soi-même et d’être rempli par l’autre. C’est pour cela que je trouve que le vivre avec, la pédagogie de l’expérience sont si importants.
Je parlais hier d’un trouver-créer, d’un registre où on ne me demande pas si je trouve ou si je crée, s’il faut que je donne ou que je reçoive. Je travaillais dans des institutions comme la Fondation Vallée à Gentilly où je voyais des enfants et des adolescents. Ce qui était très important, c’était ces expériences de vie qu’ils faisaient avec les éducateurs et avec les autres enfants : on ne leur demandait pas de savoir s’ils donnaient ; ils vivaient des expériences avec les autres sans avoir à rendre compte de ce qu’ils vivaient, c’est seulement après qu’ils pouvaient en parler.
Le don de soi, oui, mais ce n’est bon que si soi-même on a senti quelqu’un de donnant pour soi. J’ai fait beaucoup de psychothérapies. Mon expérience est que beaucoup, lorsqu’ils veulent donner d’eux-mêmes, éprouvent en fait qu’ils se vident d’eux-mêmes. Non seulement cela ne leur apporte rien mais ils se vident, et ce don de soi peut aussi développer l’envie.
J’ai beaucoup travaillé avec des mères et je pense à l’une d’elles qui avait été elle-même abandonnée par sa propre mère. Devenue maman d’une petite fille, elle me disait que quand elle lui donnait le bain, quand elle voyait cette petite fille heureuse d’être dans ce bain, tout à coup elle ne pouvait plus le supporter. Car elle-même n’avait pas eu une mère qui s’était réjouie de la voir dans le bain et à ce moment-là, sa seule issue était d’aller se remplir de quelque chose. Elle partait vite vers le frigidaire pour manger des choses, pour se sentir à nouveau un peu pleine et elle revenait vers son enfant. Elle faisait tant bien que mal… C’est juste une petite vignette pour dire que le don de soi, oui, mais ça ne rend pas forcément heureux. Et qu’il y a toute une série de chemins où l’on a besoin de se remplir soi-même et d’être rempli par l’autre. C’est pour cela que je trouve que le vivre avec, la pédagogie de l’expérience sont si importants.
Je parlais hier d’un trouver-créer, d’un registre où on ne me demande pas si je trouve ou si je crée, s’il faut que je donne ou que je reçoive. Je travaillais dans des institutions comme la Fondation Vallée à Gentilly où je voyais des enfants et des adolescents. Ce qui était très important, c’était ces expériences de vie qu’ils faisaient avec les éducateurs et avec les autres enfants : on ne leur demandait pas de savoir s’ils donnaient ; ils vivaient des expériences avec les autres sans avoir à rendre compte de ce qu’ils vivaient, c’est seulement après qu’ils pouvaient en parler.
Par rapport à la relecture, j’ai beaucoup « tiqué » sur le subjectif qui devient objectif. Je n’y crois pas du tout, je crois qu’on reste toujours dans la subjectivité. Je vais reprendre le Cantique des Cantiques où justement la bien-aimée s’accroche au bien-aimé ; c’est dans les moments où ce bien-aimé disparaît, dans ces moments d’absence que tout à coup, elle est confrontée au déchirement : « Je suis malade d’amour et il n’est pas là. » On lui dit alors : « Qu’est-ce que ton aimé a de plus que les autres ? » On lui demande finalement de retrouver une cohérence interne par rapport à ce qu’elle vivait, qu’il n’est plus possible de vivre car l’autre n’est plus là. C’est là qu’elle va faire un travail de liaison entre ce qu’elle ressent et des représentations, des mots. Il faut mettre des mots sur les représentations pour trouver une cohérence et découvrir que si l’on est malade d’amour ce n’est pas un esclavage. Ce n’est pas un esclavage parce que l’autre, le bien-aimé a respecté sa bien-aimée, il ne l’a pas réveillée avant qu’elle ne veuille être réveillée et du coup elle peut alors retrouver ce bien-aimé en elle et finalement accepter la liberté de l’autre. Je crois qu’on est toujours dans le subjectif. Je donnerai une formule qui convient aussi bien au mariage qu’au célibat, je crois qu’on est tous appelés à vivre ce que Maurice Blanchot appelait, dans une formule que je trouve très belle, « ensemble, mais pas encore ».
Paul Legavre
Je voudrais réagir à ce que vient de dire Nicole. J’avais aussi un peu tiqué sur le fait qu’une relecture juste serait une relecture qui nous fait passer du subjectif à l’objectif. Je crois que nous sommes dans une période de très grande subjectivité et la subjectivisation de la foi pose beaucoup de questions : il y a besoin de donner des repères, c’est certain. Je serais plus à l’aise avec des récits de vie, une relecture d’expériences marquantes sous la forme d’un exercice spirituel. En disant cela je m’appuie sur mon expérience. J’ai été pendant une décennie aumônier d’étudiants. J’organisais des sessions « Ski, réflexion et prière ».
On avait trois termes. Il y avait quelque chose par rapport à une expérience marquante qui était de faire une relecture personnelle où nous aidions les jeunes avec des fiches, des grilles à se rendre attentifs à la dimension affective. Comment étaient-ils affectés par ce qu’ils avaient vécu, affectés par l’autre ?
Dans un deuxième temps nous appelions cela la perspective situationnelle. Nous proposions un certain mouvement d’objectivation. Ce n’était pas passer du subjectif à l’objectif, c’était un autre regard qui consistait à se dire, par exemple : j’ai fait un stage en entreprise, ou bien j’ai accompagné un camp avec des jeunes, je préparais mon Bafa. L’entreprise continue de tourner sans moi, les camps continueront sans moi. Donc là dedans j’essaie de repérer comment cela marchait ? Qu’est-ce qui marchait ? Qu’est-ce qui marchait moins bien ? C’est-à-dire d’appliquer mon intelligence sur l’événement, avec une dimension rationnelle plus importante.
Le troisième terme, c’était la perspective spirituelle. C’est-à-dire de parcourir à nouveau tout cela comme me parlant de l’acte créateur de Dieu et de la façon dont Dieu s’était donné à moi dans mon affectivité, dans mon intelligence et dans tout ce que j’avais entrepris. J’ajouterai que je crois très profondément à toutes les pédagogies qui mettent en exercice et notamment à celles qui permettent de vivre une expérience. Que ce soit comme nous l’a raconté Jeanne à la recherche de figures marquantes incarnées dans un lieu donné par des hommes et des femmes aujourd’hui ou que ce soit dans des lieux de service et de rencontre de pauvres ou de gens situés autrement dans l’existence. Je crois à cela quand c’est bien accompagné et bien réfléchi pour trouver une forme de justesse, y compris dans le don de soi, ne serait-ce que pour ne pas se gargariser de mots.
On avait trois termes. Il y avait quelque chose par rapport à une expérience marquante qui était de faire une relecture personnelle où nous aidions les jeunes avec des fiches, des grilles à se rendre attentifs à la dimension affective. Comment étaient-ils affectés par ce qu’ils avaient vécu, affectés par l’autre ?
Dans un deuxième temps nous appelions cela la perspective situationnelle. Nous proposions un certain mouvement d’objectivation. Ce n’était pas passer du subjectif à l’objectif, c’était un autre regard qui consistait à se dire, par exemple : j’ai fait un stage en entreprise, ou bien j’ai accompagné un camp avec des jeunes, je préparais mon Bafa. L’entreprise continue de tourner sans moi, les camps continueront sans moi. Donc là dedans j’essaie de repérer comment cela marchait ? Qu’est-ce qui marchait ? Qu’est-ce qui marchait moins bien ? C’est-à-dire d’appliquer mon intelligence sur l’événement, avec une dimension rationnelle plus importante.
Le troisième terme, c’était la perspective spirituelle. C’est-à-dire de parcourir à nouveau tout cela comme me parlant de l’acte créateur de Dieu et de la façon dont Dieu s’était donné à moi dans mon affectivité, dans mon intelligence et dans tout ce que j’avais entrepris. J’ajouterai que je crois très profondément à toutes les pédagogies qui mettent en exercice et notamment à celles qui permettent de vivre une expérience. Que ce soit comme nous l’a raconté Jeanne à la recherche de figures marquantes incarnées dans un lieu donné par des hommes et des femmes aujourd’hui ou que ce soit dans des lieux de service et de rencontre de pauvres ou de gens situés autrement dans l’existence. Je crois à cela quand c’est bien accompagné et bien réfléchi pour trouver une forme de justesse, y compris dans le don de soi, ne serait-ce que pour ne pas se gargariser de mots.
Mgr Hervé Giraud
Je vais poursuivre, puisque vous parlez beaucoup de l’accompagnement. Je pense qu’il est important de relire, de relire individuellement en s’ouvrant à quelqu’un, de relire parfois en groupe. Un point qui me semble important c’est que, dans la relecture d’un événement, on ne s’enferme pas dans une première relecture car le sens spirituel de ce qui est vécu peut être approfondi et relu un an, deux ans, trois ans plus tard d’une manière différente de ce qu’on avait interprété au départ. Je le vois par rapport à des séminaristes qui ont pu vivre un moment de conversion, dire : « Ça y est je suis converti, je deviens prêtre. » Il faut petit à petit comprendre qu’il peut y avoir une différence entre se convertir au Christ ressuscité et avoir un appel à la vocation de prêtre. Les interprétations deviennent de plus en plus profondes et spirituelles. Il n’y a pas de signification immanente à l’événement vécu.
Une deuxième chose sur laquelle j’attire votre attention me vient de la lecture du texte de Rome sur la question de l’homosexualité. On n’en a pas beaucoup parlé mais j’insiste parce que c’est aussi important dans l’accompagnement. Il y a un certain nombre de jeunes qui se déclarent tels et nous, comme accompagnateurs, nous avons intérêt à ne pas les enfermer dans l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes ; nous avons intérêt à faire en sorte qu’une éventuelle maturation puisse continuer de se faire, parce qu’une structure psychologique n’est jamais fermée, me semble-t-il. Je ne parle pas sous contrôle, mais je parle de moi-même. J’ai vu dans les séminaires des jeunes changer, bouger, évoluer parce que précisément on ne les avait pas figés dans l’image qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Je crois que c’est un point important dans la relecture parce que quelqu’un qui fait le récit de son expérience, de ce qu’il est, doit continuer de trouver l’interprétation plus profonde et plus spirituelle de ce qu’il a vécu ou de ce qu’il est en profondeur.
Une deuxième chose sur laquelle j’attire votre attention me vient de la lecture du texte de Rome sur la question de l’homosexualité. On n’en a pas beaucoup parlé mais j’insiste parce que c’est aussi important dans l’accompagnement. Il y a un certain nombre de jeunes qui se déclarent tels et nous, comme accompagnateurs, nous avons intérêt à ne pas les enfermer dans l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes ; nous avons intérêt à faire en sorte qu’une éventuelle maturation puisse continuer de se faire, parce qu’une structure psychologique n’est jamais fermée, me semble-t-il. Je ne parle pas sous contrôle, mais je parle de moi-même. J’ai vu dans les séminaires des jeunes changer, bouger, évoluer parce que précisément on ne les avait pas figés dans l’image qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Je crois que c’est un point important dans la relecture parce que quelqu’un qui fait le récit de son expérience, de ce qu’il est, doit continuer de trouver l’interprétation plus profonde et plus spirituelle de ce qu’il a vécu ou de ce qu’il est en profondeur.
Bénédicte Nau
J’entends à travers vos réactions une importante question pour les services des vocations. Nous rencontrons des jeunes parfois de manière très ponctuelle et parfois nous les rencontrons sur un laps de temps assez long et qui se prolonge par des années propédeutiques, des retraites de choix de vie. Ils reviennent nous trouver. Pourriez-vous dans la suite de vos interventions nous éclairer un peu sur ce que nous devons faire ? Y a-t-il des prudences à tenir par rapport à des rencontres ponctuelles et par rapport à la durée ? Vous venez de mentionner ces jeunes qu’il ne faut pas enfermer dans l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Je crois que nous avons beaucoup à apprendre sur ce que nous devons faire dans les différentes situations.Comment justifiez-vous l’homosexualité et la pédophilie ?
Nicole Jeammet
Cela, je ne vais pas le justifier, mais je peux en parler. Aujourd’hui les prêtres, religieux et religieuses sont soupçonnés, accusés, parfois tombent réellement dans le panneau. C’est une question extrêmement difficile que l’homosexualité. On ne peut pas parler de l’homosexualité en général, il y a des tas de façons de vivre l’homosexualité, et souvent on confond homophilie et homosexualité. Il y a une façon d’être bien pour un homme avec les hommes qui n’est pas forcément de l’homosexualité. De même qu’il y a des hétérosexualités perverses, il y a des homosexualités perverses et des homosexualités qui sont assez matures. A partir du moment où vous faites vœu de célibat, que vous soyez de tendance homosexuelle ou hétérosexuelle le problème est le même : vous ne passez pas à l’acte.
Dans la pédophilie, ce qui est dramatique, c’est que le pédophile est un enfant qui rencontre un autre enfant. Cela ne justifie rien. Nous parlions précédemment de Stefan Zweig, avec La confusion des sentiments. Il y a une confusion de la tendresse et de la sexualité. Le pédophile est à la recherche d’une tendresse, d’un contact. Ce n’est pas dans le contexte de l’homosexualité, Houellebecq dit cela très bien dans Les particules élémentaires, ce besoin qu’il a de mettre la main sur la cuisse de sa voisine… et il dit que la tendresse précède tout le reste, mais il retire la main et à partir de là tout est perdu. Ce n’était pas de la sexualité au vrai sens mais une recherche de contact, une recherche de chaleur. Cela ne justifie rien du tout, mais c’est le drame du pédophile. Oui, les prêtres, religieux, religieuses sont soupçonnés. Lors d’une rencontre, des sexologues m’ont demandé de venir parler du plaisir. Je me suis retrouvée à déjeuner, après ma conférence, avec tous ces sexologues et j’ai été sidérée d’entendre, quand nous avons parlé des prêtres, l’un d’eux dire : « On sait bien ce que ça cache, c’est finalement une hypocrisie. » C’était évident pour eux.
Dans la pédophilie, ce qui est dramatique, c’est que le pédophile est un enfant qui rencontre un autre enfant. Cela ne justifie rien. Nous parlions précédemment de Stefan Zweig, avec La confusion des sentiments. Il y a une confusion de la tendresse et de la sexualité. Le pédophile est à la recherche d’une tendresse, d’un contact. Ce n’est pas dans le contexte de l’homosexualité, Houellebecq dit cela très bien dans Les particules élémentaires, ce besoin qu’il a de mettre la main sur la cuisse de sa voisine… et il dit que la tendresse précède tout le reste, mais il retire la main et à partir de là tout est perdu. Ce n’était pas de la sexualité au vrai sens mais une recherche de contact, une recherche de chaleur. Cela ne justifie rien du tout, mais c’est le drame du pédophile. Oui, les prêtres, religieux, religieuses sont soupçonnés. Lors d’une rencontre, des sexologues m’ont demandé de venir parler du plaisir. Je me suis retrouvée à déjeuner, après ma conférence, avec tous ces sexologues et j’ai été sidérée d’entendre, quand nous avons parlé des prêtres, l’un d’eux dire : « On sait bien ce que ça cache, c’est finalement une hypocrisie. » C’était évident pour eux.
Mgr Hervé Giraud
On a beaucoup parlé, dans l’accompagnement, du registre de la parole. On a parlé aussi du registre de la relation au niveau psychologique. Je suis moraliste de formation, vous ne serez pas étonnés si toutes ces questions d’engagement, de choix, de décision m’apparaissent très importantes au niveau du quotidien. Je répète souvent une phrase de Grégoire de Nysse, qui marque les jeunes aujourd’hui dans les confirmations : « Par nos choix nous sommes en un sens nos propres parents. Nous nous créons en nous-mêmes tels que nous voulons être par le modèle que nous choisissons. Nous sommes les enfants de nos acte. » (Vie de Moïse, Sources chrétiennes n° 1, repris par Veritatis Splendor n° 71). Je trouve très important que dans l’accompagnement, il y ait aussi quelque chose qui amène les jeunes à se décider dans la durée, décider des petites choses comme des grandes choses, jusqu’à l’état de vie. Jusqu’au mariage, dans une parole échangée, un consentement, une promesse qui est faite réciproquement.
Je trouve que nous avons à faire comprendre à des jeunes qu’ils ne sont pas entièrement déterminés par leur structure psychologique, par les événements qu’ils ont vécus, par leur génétique, leur famille, leur histoire, mais qu’il y a encore et toujours une liberté qui vient de Dieu. C’est l’image de Dieu en nous et cette liberté qui est en nous, nous pouvons la mettre en œuvre même si elle peut être soupçonnée, conditionnée, surdéterminée. Il me semble qu’on peut devenir soi-même, devenir singulier et unique par les choix et les décisions que nous faisons. Je dis souvent aux jeunes : « Vous n’êtes pas entièrement déterminés par vos parents. Plus vous grandirez, plus vous découvrirez que vous êtes vous-mêmes par les décisions que vous prenez. » Derrière tout ceci il y a la théologie de saint Thomas d’Aquin sur l’acte et la béatitude, le bonheur comme acte final. Dieu veut qu’on aille vers lui par des actes libres. Ainsi nous a-t-il créés.
Je trouve que nous avons à faire comprendre à des jeunes qu’ils ne sont pas entièrement déterminés par leur structure psychologique, par les événements qu’ils ont vécus, par leur génétique, leur famille, leur histoire, mais qu’il y a encore et toujours une liberté qui vient de Dieu. C’est l’image de Dieu en nous et cette liberté qui est en nous, nous pouvons la mettre en œuvre même si elle peut être soupçonnée, conditionnée, surdéterminée. Il me semble qu’on peut devenir soi-même, devenir singulier et unique par les choix et les décisions que nous faisons. Je dis souvent aux jeunes : « Vous n’êtes pas entièrement déterminés par vos parents. Plus vous grandirez, plus vous découvrirez que vous êtes vous-mêmes par les décisions que vous prenez. » Derrière tout ceci il y a la théologie de saint Thomas d’Aquin sur l’acte et la béatitude, le bonheur comme acte final. Dieu veut qu’on aille vers lui par des actes libres. Ainsi nous a-t-il créés.
La liberté nous amène à poser des actes libres, mais une question vient nous bousculer. Nous avons parlé très positivement du célibat, c’était normal puisque le thème de la session était : « Le célibat, chemin de vie ». Or, pour beaucoup de jeunes le célibat est vu négativement. Que dire à ces jeunes ?
Paul Legavre
Deux choses distinctes. La première : avons-nous parlé très positivement du célibat ? Je dirais oui et non. Si je suis resté assez longuement sur l’expression « eunuque pour le Royaume », c’est bien parce que c’est une expression dure, stigmatisante et qui, de l’extérieur, ne rend en rien compte du chemin spirituel, du chemin de don de soi que représente un célibat consacré. Si je suis resté sur cette expression c’est parce que le Christ lui-même qui l’a reprise à son compte pour expliquer, ou plutôt pour désigner une manière d’être et de vivre pour le royaume, n’a pas été compris. Tous ne peuvent pas pénétrer cela. Tous ne peuvent pas comprendre cela. De toute manière je crois que nous devons renoncer à ce qu’il y ait, à un certain niveau, une reconnaissance de la société de cette manière de vivre. Il y a quelque chose qui est de l’ordre de la folie pour le Royaume. Avec le Christ, lui qui est à la droite du Père dans la gloire. Donc, de toute façon, il y a quelque chose qui est source de scandale, d’achoppement et que nous devons assumer nous-mêmes. Il nous faut aussi aider des jeunes par la simple manière dont nous habitons notre propre célibat, pour qu’ils perçoivent que cela peut être un chemin de vie pour eux.
Ce fut évoqué dans les remontées de groupes et ce serait bien que les prêtres, les religieux et religieuses témoignent, parlent de leur célibat, par la parole, mais je crois que c’est d’abord et fondamentalement dans une manière humble et reçue de Dieu que chacun a à avancer. Nous ne pouvons pas nous raconter d’histoires.
Une deuxième chose : pour beaucoup de jeunes le célibat est vu négativement, que dire à ces jeunes ?
Je suis parfois tout à fait étonné de voir, dans la rue, dans le métro (car je ne suis pas dans les aumôneries de collèges ou de lycées) comment des gamins sont collés l’un à l’autre dans des gestes où j’ai l’impression qu’ils sont en train de singer ce qu’ils n’ont pas à vivre maintenant. Nous avons fait récemment dans Christus un dossier sur l’amitié justement à cause de cela. Il ne s’agit pas simplement de dire à des jeunes que l’amour c’est pour demain, mais de valoriser l’amitié, ses risques, ses chances, la joie que cela peut être dans la construction de soi. Je suis frappé qu’à plusieurs reprises Benoît XVI parle de la relation au Christ comme d’une relation d’amitié. Le Christ notre ami. Etre l’ami du Christ.
Vita consecrata parle de spiritualité sponsale. Puis-je reprendre ce point avec, en perspective, le ministère de prêtre diocésain ? Je vous renvoie à un article de Charles Bonnet paru dans Jeunes et Vocations (n° 120, p. 73ss). Je trouve cet article remarquable : il parle de spiritualité sponsale, de spiritualité nuptiale pour le ministère du prêtre diocésain. Le Christ est époux de l’Eglise et le prêtre est l’image vivante du Christ époux de l’Eglise. Aujourd’hui c’est sûrement une des théologies qui permet le mieux de rendre compte de la préférence spirituelle de l’Eglise latine pour l’ordination d’hommes célibataires. C’est formidable puisque Ephésiens 5 fonde aussi l’alliance conjugale et la spiritualité de l’alliance conjugale. On donc a une même matrice spirituelle, théologique pour comprendre les deux états de vie. Cela permet d’unifier.
Ce fut évoqué dans les remontées de groupes et ce serait bien que les prêtres, les religieux et religieuses témoignent, parlent de leur célibat, par la parole, mais je crois que c’est d’abord et fondamentalement dans une manière humble et reçue de Dieu que chacun a à avancer. Nous ne pouvons pas nous raconter d’histoires.
Une deuxième chose : pour beaucoup de jeunes le célibat est vu négativement, que dire à ces jeunes ?
Je suis parfois tout à fait étonné de voir, dans la rue, dans le métro (car je ne suis pas dans les aumôneries de collèges ou de lycées) comment des gamins sont collés l’un à l’autre dans des gestes où j’ai l’impression qu’ils sont en train de singer ce qu’ils n’ont pas à vivre maintenant. Nous avons fait récemment dans Christus un dossier sur l’amitié justement à cause de cela. Il ne s’agit pas simplement de dire à des jeunes que l’amour c’est pour demain, mais de valoriser l’amitié, ses risques, ses chances, la joie que cela peut être dans la construction de soi. Je suis frappé qu’à plusieurs reprises Benoît XVI parle de la relation au Christ comme d’une relation d’amitié. Le Christ notre ami. Etre l’ami du Christ.
Vita consecrata parle de spiritualité sponsale. Puis-je reprendre ce point avec, en perspective, le ministère de prêtre diocésain ? Je vous renvoie à un article de Charles Bonnet paru dans Jeunes et Vocations (n° 120, p. 73ss). Je trouve cet article remarquable : il parle de spiritualité sponsale, de spiritualité nuptiale pour le ministère du prêtre diocésain. Le Christ est époux de l’Eglise et le prêtre est l’image vivante du Christ époux de l’Eglise. Aujourd’hui c’est sûrement une des théologies qui permet le mieux de rendre compte de la préférence spirituelle de l’Eglise latine pour l’ordination d’hommes célibataires. C’est formidable puisque Ephésiens 5 fonde aussi l’alliance conjugale et la spiritualité de l’alliance conjugale. On donc a une même matrice spirituelle, théologique pour comprendre les deux états de vie. Cela permet d’unifier.
Comment accompagner la structuration d’une expérience spirituelle comme relation à une personne, le Dieu de Jésus-Christ ?
Dans plusieurs groupes, la question de la lectio divina a été évoquée. Je crois que nous ne pouvons pas faire l’impasse sur l’apprentissage, la transmission de la manière de lire de façon savoureuse la Parole de Dieu et de nous y référer. On ne peut pas structurer de vie spirituelle sans cela en christianisme. Cela nous renvoie à nous-même, au temps et au goût que nous avons à nous laisser atteindre par la Parole de Dieu.
Y a-t-il un appel spécifique et premier pour le célibat consacré qui se précise ensuite par une vocation spécifique ? Ou une vocation spécifique dont la conséquence implique un état de vie qui est le célibat ?
Je crois de fait que les deux cas de figure arrivent dans la vie des êtres. Il y a de jeunes hommes qui ont un très grand désir de servir le Christ dans son Eglise comme prêtre et qui du coup envisagent de devenir célibataires mais qui ne le seraient certainement pas devenus autrement. Pour certains, ce sera le lieu d’un combat toute leur vie, pour d’autres ce sera la raison qui les fera ne pas aller jusqu’à l’ordination. D’autres, en revanche, sentent cette convenance à vivre une vie donnée dans le célibat et comprennent progressivement comment ils vont pouvoir l’inscrire dans la mission de l’Eglise, cette manière de se rapporter au Christ et aux autres.
Nicole Jeammet
Vous avez mis l’accent sur le rôle de la mère dans la structuration d’une identité personnelle mais peu sur la place du père.
J’ai parlé du père, j’ai parlé du tiers, j’ai dit à quel point le tiers était important. J’ai dit que c’était dans l’identification soit à la mère, soit au père qu’on pouvait renoncer à être le rival. Et on me disait Dieu est Père. Dans la Bible, Dieu n’est pas que père. Qu’est-ce que les « entrailles maternelles » de Dieu, si ce n’est l’aspect maternel de Dieu auquel on fait pas assez référence ?
La sexualité en actes n’est-elle pas considérée comme une nécessité, comme le boire et le manger d’où l’incompréhension de la continence ?
Effectivement, pour beaucoup de nos contemporains la sexualité est un lieu de plaisir comme un autre. Il faut voir que le besoin est celui d’un contact pour se sentir vivant dans un refus du lien. C’est-à-dire que le contact me permet d’avoir un contact avec moi-même et avec l’autre pas dangereux. Je peux passer d’un contact à un autre, j’en ai besoin ! Alors que le lien, c’est dangereux, parce que je risque la dépendance à l’autre. Certains ne peuvent pas risquer cette dépendance à l’autre, je vais conclure ainsi.
J’ai parlé du père, j’ai parlé du tiers, j’ai dit à quel point le tiers était important. J’ai dit que c’était dans l’identification soit à la mère, soit au père qu’on pouvait renoncer à être le rival. Et on me disait Dieu est Père. Dans la Bible, Dieu n’est pas que père. Qu’est-ce que les « entrailles maternelles » de Dieu, si ce n’est l’aspect maternel de Dieu auquel on fait pas assez référence ?
La sexualité en actes n’est-elle pas considérée comme une nécessité, comme le boire et le manger d’où l’incompréhension de la continence ?
Effectivement, pour beaucoup de nos contemporains la sexualité est un lieu de plaisir comme un autre. Il faut voir que le besoin est celui d’un contact pour se sentir vivant dans un refus du lien. C’est-à-dire que le contact me permet d’avoir un contact avec moi-même et avec l’autre pas dangereux. Je peux passer d’un contact à un autre, j’en ai besoin ! Alors que le lien, c’est dangereux, parce que je risque la dépendance à l’autre. Certains ne peuvent pas risquer cette dépendance à l’autre, je vais conclure ainsi.
Est-il indifférent d’être homosexuel ou hétérosexuel du moment qu’on a fait le vœu de chasteté, qu’on est engagé dans une vocation de célibataire, qu’on ne passe pas à l’acte ?
Mgr Hervé Giraud
Je ne pense pas que ce soit indifférent. C’est quelque chose de si important qu’il n’y a pas que la structure psychologique qui compte. Si la structure est vraiment très enracinée, les relations qu’elle induit font que ce n’est pas indifférent. On ne juge pas d’abord quelqu’un sur sa structure psychologique, on voit quel type de relations humaines, pastorales, spirituelles il a avec les autres, mais justement ces relations sont aussi enracinées dans des structures psychologiques. Je pense que ce n’est pas indifférent. On ne peut pas dire : « Je suis homosexuel et je suis chaste et continent, il n’y a pas de problème. » Il y a d’autres questions qui se posent aussi pour les hétérosexuels, mais elles se posent aussi pour eux. Dans les séminaires – j’ai été onze ans directeur spirituel ou supérieur – je pense qu’il y a un discernement précis à faire sur cette question.
Une question sur le séminaire comme communauté d’hommes assez fermée sur elle-même. Est-elle le bon cadre de maturation de l’affectivité, de l’éducation au célibat qui se vivra ensuite dans un milieu très ouvert, seul, entouré d’une grande majorité de femmes ?
Le séminaire ne date pas du troisième ou du quatrième siècle. On cherche toujours une meilleure manière de former les prêtres aujourd’hui. Il y a eu et il y a encore des grands séminaires, il y a des foyers, de grandes et de petites structures, des groupes de formation universitaire, il y a une multiplicité de styles de formation dans nos vingt-sept séminaires. Chacun essaie de trouver le bon cadre, mais même dans les grands séminaires, ce n’est pas un lieu, ce sont des lieux. On n’y passe guère que 162 jours par an et 200 autres jours en paroisse, en vacances et en famille. Il y a de multiples lieux qui ne comptent pas pour rien et qui ne sont pas des parenthèses dans la formation du futur prêtre. Le séminaire, ce n’est pas seulement le lieu bâtiment, c’est un temps qui dure toute l’année dans différents lieux et en différents temps. Une communauté d’hommes, oui, mais pas seulement. Il y a aussi des professeurs femmes et dans les équipes de reprise d’insertion pastorale, il y a des femmes.
Parfois des prêtres en paroisse ou d’autres acteurs ecclésiaux ne tiennent pas tous le même discours sur le célibat.
Paul Legavre
Il y a des prêtres qui parlent positivement sur le célibat et d’autres qui partagent, pour être dans la sincérité et l’authenticité, les interrogations qu’ils peuvent avoir sur la validité du choix dans lequel ils sont installés. On entend des prêtres dire : « Si je suis célibataire c’est parce qu’on me l’a imposé, ce n’est pas mon choix. »
Mgr Hervé Giraud
On ne peut pas empêcher un prêtre ou tel célibataire de donner sa pensée. On pourrait espérer qu’il puisse dire quelques raisons positives : « être aux affaires de mon Père », que ce soit de l’ordre de l’amour du Christ, de l’amour de l’Eglise, de l’amour de Dieu, que ce soit du registre de la disponibilité, d’être un homme pour les autres ou du registre de la paternité – Jean-Paul II parle du registre de la maternité – que ce soit de l’ordre du don total de soi, si on le peut plus ou moins, et dire que c’est une grâce pour notre propre humanité de prêtre, pour son bonheur. Il y a beaucoup de raisons positives, je ne vais pas les énumérer toutes. Le problème est : suis-je au clair avec ce que je vis ? Lors des interview de certains parmi vous sur RCF, à la question : « Etes-vous heureux dans votre ministère ? », un certain nombre de prêtres disaient : « Bien sûr, on est heureux. » J’ai pondéré un peu, je pense que réellement toute vie, si elle est fidèle au Christ, est autant un chemin de croix qu’un chemin de résurrection. Je crois qu’on vit des moments qui sont de l’ordre de la suite du Christ. C’est à chacun d’entre nous de pouvoir dire les raisons de ce choix-là.
La parole est à l’assistance
- Je vais être très brève, mais dans le travail de remontées nous n’avons pas pu donner la parole à une dimension qui complète ce qui a été dit par rapport à ce témoignage du célibat. Nous avions parlé, dans un certain nombre de groupes, du témoignage du célibat habité par quelqu’un, de l’amour premier du Christ et pour le Christ, comme quelque chose qui peut aussi remplir une vie, combler une vie, même si c’est à travers des chemins qui sont aussi des chemins de croix et des chemins de résurrection. L’expérience de la prière peut être offerte aux jeunes comme un lieu où Dieu s’engouffre et un lieu où un jeune en retraite de profession de foi peut faire l’expérience d’une présence tout à fait authentique et qui l’accompagnera toute sa vie. Nous n’avons pas pu rapporter cette dimension de la vie spirituelle.
- Je voudrais répondre à des jeunes qui disent que le célibat est difficile. Regardez la vie de mariage, c’est difficile aussi. Donner la parole à mes compagnons de vie qui sont mariés, c’est montrer aussi que l’engagement que nous prenons entraîne des combats. Durer avec le même homme doit être très difficile. Je l’ai épousé à une époque où il était jeune, séduisant, super et il est tombé malade, il est devenu grognon. Les jeunes l’entendent bien, ils voient autour d’eux des couples qui sont en difficulté et en même temps il est important de voir qu’il y a des couples qui sont heureux d’être ensemble. On ne peut pas fonder le célibat en disant : « Voyez comme les couples vont mal. » Je crois qu’il est important de voir que dans toute vie, il y a un combat à vivre et qu’il n’y a pas de vie sans mort. Les jeunes comme les moins jeunes voient bien qu’il y a un chemin qui nous aide, la vie qui vient d’un autre nous traverse car elle ne nous appartient pas. Je crois que c’est un don gratuit que nous avons reçu d’être célibataire ou d’être marié.
- J’ai trois enfants, c’est aussi crucifiant d’être parents. Les pères et les mères ne me contrarieront pas. Il y a de grandes joies mais il y a aussi d’énormes souffrances. J’ai l’impression que dans le discours que nous tenons, nous idéalisons la vie conjugale, la vie parentale par rapport à la vie de célibataire. Je ne pense pas qu’il y en ait une plus dure que l’autre, dans la réalité.
- Je vais revenir sur votre propos du bonheur. Je l’ai affirmé et j’affirme très tranquillement que je suis heureux, mais je ne fais pas d’opposition. Il n’y a pas de contradiction entre la difficulté, ou le chemin de la croix et le bonheur. Peut-être avons-nous à permettre aux jeunes d’aujourd’hui de distinguer la difficulté et le malheur. Quand je dis que je suis heureux, je ne nie pas qu’il y ait des difficultés mais je crois que la difficulté, quand elle est vécue dans la sérénité, est un chemin de bonheur. Sinon j’aurais du mal à accueillir la passion du Christ.
Nicole Jeammet
C’est encore mieux, car surmonter la difficulté affermit l’identité et rend heureux justement.
L’important, pour moi, c’est la question du bonheur mais elle est ultime. La question est de vivre avec la joie dont parle l’Evangile, c’est beaucoup plus profond que le sentiment d’être heureux au quotidien. Mais je me suis mal exprimée.
L’important, pour moi, c’est la question du bonheur mais elle est ultime. La question est de vivre avec la joie dont parle l’Evangile, c’est beaucoup plus profond que le sentiment d’être heureux au quotidien. Mais je me suis mal exprimée.
Mgr Hervé Giraud
Le P. Paul Legavre a parlé des différentes images du Christ, notamment le Christ Epoux à partir de l’article de Charles Bonnet. Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’il peut y avoir quelques difficultés si on continue à multiplier ces images : le Christ Tête, le Christ Epoux, le Christ Grand prêtre, le Christ Berger. Saint Thomas d’Aquin lui-même parlait toujours de configuration au Christ, mais pas au Christ Prêtre, pas au Christ Serviteur, pas au Christ ceci ou cela… au Christ lui-même. C’est important parce que si on multiplie trop les images, on va avoir des confusions dans la sacramentalité, dans la signification que l’on veut donner au prêtre.