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Le célibat consacré
Patrice de La Salle (sj), du diocèse de Nancy, a deux mi-temps : l’un à l’Equipe diocésaine de Formation spirituelle et l’autre en pastorale dans une église de centre-ville.
Les Jésuites ont tenu un foyer d’étudiants à Nancy durant quatre-vingt années. Après l’avoir quitté, une petite communauté a repris - à la demande de l’évêque - l’église Saint-Sébastien, au cœur de la ville, intégrée dans une paroisse plus vaste. Dans cette église, ouverte toute la journée, sont assurés au quotidien des messes, des confessions, de l’accueil et de l’accompagnement spirituel.
Le Père Patrice de La Salle a donné cette intervention à la rencontre provinciale de l’Est en février 2006, dans le cadre d’une réflexion préparatoire à la session de Lourdes.
Je me situerai comme religieux, d’une congrégation religieuse spécifique. La chasteté est un vœu pour les religieux, ce qui est quelque peu différent du célibat des prêtres diocésains. Dans mon intervention, j’aborderai brièvement quatre points : le fondateur de la congrégation, les textes premiers de la Compagnie de Jésus, la chasteté dans la Compagnie, enfin la question de la formation des jeunes aujourd’hui dans ce domaine.
Saint Ignace de Loyola (1491-1556)
L’aube du XVIe siècle est un temps florissant et déprimant pour la vie de l’Eglise, une époque à la fois de gravité et de légèreté. D’une certaine manière, c’est un peu ce que vécut Ignace de Loyola au début de son existence. Son secrétaire, qui en recueillit tardivement quelques éléments de sa bouche même, écrit ceci : « Jusqu’à la vingt-sixième année de sa vie, il fut un homme adonné aux vanités du monde ; il se délectait surtout dans l’exercice des armes, avec un grand et vain désir de gagner de l’honneur » (Récit, n°1). De fait, chevalier à la cour du Vice-roi de Navarre, Ignace mène une vie brillante et agitée : tournois, poésie, faits d’armes, rondes galantes...
Le tournant de sa vie est la bataille de Pampelune en 1521. Assiégé par les Français, Ignace, commandant la garnison, défend la ville avec acharnement, jusqu’au moment où il reçoit un boulet de canon sur une jambe. Grièvement blessé, il est ramené à Loyola chez son frère. Soigné très sommairement, il doit supporter une longue convalescence immobile. Il demande alors des livres de chevalerie. Sa belle-sœur lui apporte ce qu’elle trouve dans la maison : une Vie du Christ et une Vie des saints. Au fil des lectures, Ignace se laisse peu à peu séduire par les personnages de saint François et de saint Dominique. Il balance alors en lui-même entre l’existence de cour et la vie à la suite du Christ. Empli de la culture de son temps, encore célibataire malgré ses trente ans, par moments il est intérieurement tout occupé par la dame de ses rêves, « ni comtesse ni duchesse, mais d’une condition plus élevée que celle de l’une ou de l’autre » ! (Récit, n° 6).
Cependant, il perçoit que ses réactions sont différentes selon ses deux pensées : toutes les aventures courtisanes finissent par le plonger dans la tristesse, tandis que la perspective « d’aller nu-pieds à Jérusalem, et ne manger que des herbes » (Récit, n° 8) le maintiennent dans une grande allégresse. Parlant ainsi, Ignace ne porte pas un jugement moral sur la vie du monde. Pour lui, il n’y a qu’une voie à suivre : celle indiquée par Dieu. Reste à la trouver. Les premiers éléments qu’il ressent l’invitent à décider ce retrait de l’univers des femmes du monde auquel il était pourtant si attaché, et commencent à dessiner en lui un univers heureux de consécration au Seigneur. On est dans l’ordre du discernement. Les vœux vont s’inscrire dans cette perspective : il sont une réalisation de soi libre dans le cadre de la voie de Dieu, avec sa grâce. Ce qui est bien différent de l’engagement volontariste ou de la performance ascétique pour plaire.
Le tournant de sa vie est la bataille de Pampelune en 1521. Assiégé par les Français, Ignace, commandant la garnison, défend la ville avec acharnement, jusqu’au moment où il reçoit un boulet de canon sur une jambe. Grièvement blessé, il est ramené à Loyola chez son frère. Soigné très sommairement, il doit supporter une longue convalescence immobile. Il demande alors des livres de chevalerie. Sa belle-sœur lui apporte ce qu’elle trouve dans la maison : une Vie du Christ et une Vie des saints. Au fil des lectures, Ignace se laisse peu à peu séduire par les personnages de saint François et de saint Dominique. Il balance alors en lui-même entre l’existence de cour et la vie à la suite du Christ. Empli de la culture de son temps, encore célibataire malgré ses trente ans, par moments il est intérieurement tout occupé par la dame de ses rêves, « ni comtesse ni duchesse, mais d’une condition plus élevée que celle de l’une ou de l’autre » ! (Récit, n° 6).
Cependant, il perçoit que ses réactions sont différentes selon ses deux pensées : toutes les aventures courtisanes finissent par le plonger dans la tristesse, tandis que la perspective « d’aller nu-pieds à Jérusalem, et ne manger que des herbes » (Récit, n° 8) le maintiennent dans une grande allégresse. Parlant ainsi, Ignace ne porte pas un jugement moral sur la vie du monde. Pour lui, il n’y a qu’une voie à suivre : celle indiquée par Dieu. Reste à la trouver. Les premiers éléments qu’il ressent l’invitent à décider ce retrait de l’univers des femmes du monde auquel il était pourtant si attaché, et commencent à dessiner en lui un univers heureux de consécration au Seigneur. On est dans l’ordre du discernement. Les vœux vont s’inscrire dans cette perspective : il sont une réalisation de soi libre dans le cadre de la voie de Dieu, avec sa grâce. Ce qui est bien différent de l’engagement volontariste ou de la performance ascétique pour plaire.
Une nuit, Ignace perçoit « clairement une image de Notre-Dame avec le saint Enfant Jésus » (Récit, n° 10), ce qui lui procure à la fois une grande consolation et un réel « dégoût de toute sa vie passée » ; « il lui semblait qu’on avait enlevé de son âme toutes les images qui y étaient peintes auparavant » (id.). Marie prend en quelque sorte dans son cœur la place de toutes les autres femmes. Le grand désir d’Ignace est réajusté. La Vierge Mère le met sur la route féconde de la virginité pour le Seigneur. Ce ne sera certes pas sans combats (intérieurs cette fois), mais une voie de vérité dans le don de soi s’ouvre devant lui. Et cela le met dans la joie.
Les textes premiers
La Compagnie de Jésus a été officiellement fondée en 1540. Mais l’année précédente, un premier texte pose les bases de sa définition (cf. infra, 1ère colonne). N’y est mentionné que « le vœu solennel de perpétuelle chasteté », signifiant ainsi que ce vœu est le premier entre tous, qui permet au futur compagnon de s’engager personnellement à la suite du Christ. Mais ce n’est pas tout : car, ajoute le texte, le candidat se persuadera qu’ainsi « il fait partie d’une communauté, instituée avant tout pour se consacrer, etc. ». Outre donc la dynamique personnelle, le vœu de chasteté s’inscrit d’emblée dans la perspective d’un collectif, et qui a un objectif (décrit en termes détaillés d’apostolat).
En 1540, ce texte est repris dans la Bulle de fondation émise par le pape Paul III (cf. infra. 2e colonne). La « communauté » devient une « compagnie ». En effet, le mot communauté pouvait faire penser à quelque chose de restreint, de cloîtré. Tel n’était pas le projet de saint Ignace : il désirait un corps apostolique large, très ouvert sur le monde. Le mot « compagnie » en revanche était à l’époque assez ordinaire, comme aujourd’hui association, confrérie ou mouvement. Ainsi, par la chasteté, le religieux peut s’engager sans risque dans des relations offertes librement en tout temps et en tout lieu de sa mission.
Ce n’est qu’en 1550, dans la Bulle de confirmation du pape Jules III (cf. infra, 3e colonne), qu’apparaissent d’une part « l’Eglise », la communauté universelle des fidèles, d’autre part les deux autres vœux traditionnels des religieux : la pauvreté et l’obéissance. Le premier choix des compagnons autour d’Ignace a bien été : nous voulons rester célibataires ensemble, pour mieux nous consacrer au Seigneur, et à ses missions telles qu’elles nous seront indiquées par son représentant le Pape. Plus tard, vient le souci de se démarquer des conditions économiques contemporaines (la pauvreté) et de s’organiser dans un ensemble structuré (l’obéissance). Toujours pour le service de Dieu dans l’Eglise. Ainsi d’ailleurs s’achève ce préambule : le compagnon « aura soin de tenir toujours le regard fixé d’abord sur Dieu » - c’est le sens de cette alliance très singulière nouée par le vœu de chasteté - et en second : « sur la nature de son institut » - élargissement, par ce même vœu, à l’ensemble des autres qui ont répondu au même type d’appel.
En 1540, ce texte est repris dans la Bulle de fondation émise par le pape Paul III (cf. infra. 2e colonne). La « communauté » devient une « compagnie ». En effet, le mot communauté pouvait faire penser à quelque chose de restreint, de cloîtré. Tel n’était pas le projet de saint Ignace : il désirait un corps apostolique large, très ouvert sur le monde. Le mot « compagnie » en revanche était à l’époque assez ordinaire, comme aujourd’hui association, confrérie ou mouvement. Ainsi, par la chasteté, le religieux peut s’engager sans risque dans des relations offertes librement en tout temps et en tout lieu de sa mission.
Ce n’est qu’en 1550, dans la Bulle de confirmation du pape Jules III (cf. infra, 3e colonne), qu’apparaissent d’une part « l’Eglise », la communauté universelle des fidèles, d’autre part les deux autres vœux traditionnels des religieux : la pauvreté et l’obéissance. Le premier choix des compagnons autour d’Ignace a bien été : nous voulons rester célibataires ensemble, pour mieux nous consacrer au Seigneur, et à ses missions telles qu’elles nous seront indiquées par son représentant le Pape. Plus tard, vient le souci de se démarquer des conditions économiques contemporaines (la pauvreté) et de s’organiser dans un ensemble structuré (l’obéissance). Toujours pour le service de Dieu dans l’Eglise. Ainsi d’ailleurs s’achève ce préambule : le compagnon « aura soin de tenir toujours le regard fixé d’abord sur Dieu » - c’est le sens de cette alliance très singulière nouée par le vœu de chasteté - et en second : « sur la nature de son institut » - élargissement, par ce même vœu, à l’ensemble des autres qui ont répondu au même type d’appel.
Dans les Constitutions de la Congrégation, Ignace a écrit des pages et des pages sur l’obéissance et la pauvreté. Mais paradoxalement trois lignes seulement sur la chasteté : « Ce qui concerne le vœu de chasteté ne demande pas d’interprétation, car on voit clairement avec quelle perfection il doit être gardé, en s’efforçant d’imiter en elle la pureté angélique par l’intégrité du corps et de l’esprit » ! Pour Ignace, il n’y a pas à gloser davantage sur ce vœu ; il y a à le vivre. C’est tout. D’une certaine manière, Jésus dans l’Evangile ne parle pas autrement lorsqu’il mentionne ce point relativement aux eunuques : « Comprenne qui peut comprendre » (Mt 19, 12). De même, au sujet de la femme aux sept maris, lorsqu’il aborde la question du Royaume : « Vous serez comme des anges » (Mt 22, 30). Cela est certes difficile à rendre compte par la raison. Mais si l’intelligence de ces choses puise ses racines dans le cœur, elle saura naturellement éclairer le chemin.
Dans la Compagnie de Jésus
La consécration par les vœux est une suite du Christ pauvre, vierge et obéissant, et par suite un rejet des idoles que le monde est toujours prêt à adorer : idoles du pouvoir, de la possession, de la fusion, du plaisir mal ordonné, etc. Elle est toujours de l’ordre du combat pour le religieux, appelé à rendre un témoignage visible et efficace qu’il peut exister une communion entre les hommes qui soit comme un avant-goût de la plénitude du Royaume de Dieu. Comme l’exprime le concile Vatican II, la vie religieuse oriente vers l’eschatologie : « la chasteté pour le royaume des cieux... est un signe particulier des biens célestes » (Perfectae Caritatis, n° 12).
Dans la Compagnie de Jésus, le vœu de chasteté nous invite à être des « hommes pour les autres » (expression chère au P. Pedro Arrupe, ancien Supérieur Général), cultivant ainsi une vraie amitié spirituelle avec tous, et particulièrement avec ceux qui partagent notre mission de service évangélique. La chasteté, qui d’abord « doit être regardée comme un don éminent de la grâce » (Perfectae Caritatis n° 12) est essentiellement apostolique dans notre congrégation. Non seulement elle doit être source d’une disponibilité et d’une mobilité radicales pour l’apostolat, mais plus encore, sans être repliée à l’excès sur la sanctification personnelle, elle invite à des relations simples et apaisées avec les hommes et les femmes rencontrés au long de la mission. Le fruit attendu étant l’édification du Corps du Christ, où chacun peut trouver sa juste place, membre à part entière et reconnu comme tel. Et ceci vise particulièrement ceux et celles, déshérités de l’amour, qui sont abandonnés d’une manière ou d’une autre à son exploitation consommatrice.
Il ne faut pas se le cacher, cette consécration au Christ ne va pas toujours de soi. Elle comporte un aspect de renoncement qui, sans être premier dans l’engagement, conduit à une certaine solitude affective. Renoncement à l’intimité conjugale, aux enfants, à la vie de famille... tout cela n’étant pas nécessairement toujours gratifiant par ailleurs (!) ; il n’empêche : cette fécondité est abandonnée, et cela peut être douloureux à vivre. C’est une des faces du mystère pascal. Le sens, et l’épanouissement conjugué, seront réinvestis dans une communion spirituelle avec le Seigneur Jésus et, par là même, avec les frères et sœurs qui seront donnés à côtoyer en son Corps mystique.
Dans la Compagnie de Jésus, le vœu de chasteté nous invite à être des « hommes pour les autres » (expression chère au P. Pedro Arrupe, ancien Supérieur Général), cultivant ainsi une vraie amitié spirituelle avec tous, et particulièrement avec ceux qui partagent notre mission de service évangélique. La chasteté, qui d’abord « doit être regardée comme un don éminent de la grâce » (Perfectae Caritatis n° 12) est essentiellement apostolique dans notre congrégation. Non seulement elle doit être source d’une disponibilité et d’une mobilité radicales pour l’apostolat, mais plus encore, sans être repliée à l’excès sur la sanctification personnelle, elle invite à des relations simples et apaisées avec les hommes et les femmes rencontrés au long de la mission. Le fruit attendu étant l’édification du Corps du Christ, où chacun peut trouver sa juste place, membre à part entière et reconnu comme tel. Et ceci vise particulièrement ceux et celles, déshérités de l’amour, qui sont abandonnés d’une manière ou d’une autre à son exploitation consommatrice.
Il ne faut pas se le cacher, cette consécration au Christ ne va pas toujours de soi. Elle comporte un aspect de renoncement qui, sans être premier dans l’engagement, conduit à une certaine solitude affective. Renoncement à l’intimité conjugale, aux enfants, à la vie de famille... tout cela n’étant pas nécessairement toujours gratifiant par ailleurs (!) ; il n’empêche : cette fécondité est abandonnée, et cela peut être douloureux à vivre. C’est une des faces du mystère pascal. Le sens, et l’épanouissement conjugué, seront réinvestis dans une communion spirituelle avec le Seigneur Jésus et, par là même, avec les frères et sœurs qui seront donnés à côtoyer en son Corps mystique.
Pour cela, on ne se privera pas des moyens légitimes et nécessaires. D’un côté, on cultivera une vraie familiarité avec Dieu, par l’oraison régulière, la contemplation assidue des mystères évangéliques, le recours fréquent aux sacrements, la dévotion humble envers Marie, vierge et mère, saint Joseph, chaste et père... ainsi que tout autre bien spirituel qui puisse nous enraciner dans un amour vrai et profond, en-dehors duquel tout apostolat - aussi développé soit-il - n’est que gesticulation vaine et vacarme intempestif. D’un autre côté, il ne faut pas négliger les secours naturels : entretien équitable de la vie commune, application au devoir d’état, rectitude de la conduite, partage des soucis et des espérances, ascèses ordonnées, etc.
Les textes en vigueur dans la Compagnie de Jésus insistent en final sur ce point : « C’est une responsabilité commune à tous de sauvegarder sérieusement la chasteté et de la favoriser par le soutien mutuel et l’amitié... »Normes complémentaires, n° 148). De fait, nul ne saurait s’aventurer sur ce chemin escarpé en solitaire. Et bien malin celui qui penserait s’en tirer sans l’appui de quiconque. Mais plus que cet aspect, la vie religieuse selon le vœu de chasteté ne saurait se comprendre sans cette qualité essentielle de relation désirée, vécue au nom du Seigneur, et par laquelle chacun s’exerce à grandir et faire grandir l’autre, au bénéfice harmonieux de tous. Et même des Supérieurs ! Tel en effet se poursuit le texte cité précédemment : « ...comme aussi en aidant les Supérieurs dans le soin de leurs compagnons et de la Compagnie » ; et oui, eux aussi ont besoin d’être instruits pour être mieux construits, au service de l’édification du Corps apostolique dont ils ont la charge. (
Les textes en vigueur dans la Compagnie de Jésus insistent en final sur ce point : « C’est une responsabilité commune à tous de sauvegarder sérieusement la chasteté et de la favoriser par le soutien mutuel et l’amitié... »Normes complémentaires, n° 148). De fait, nul ne saurait s’aventurer sur ce chemin escarpé en solitaire. Et bien malin celui qui penserait s’en tirer sans l’appui de quiconque. Mais plus que cet aspect, la vie religieuse selon le vœu de chasteté ne saurait se comprendre sans cette qualité essentielle de relation désirée, vécue au nom du Seigneur, et par laquelle chacun s’exerce à grandir et faire grandir l’autre, au bénéfice harmonieux de tous. Et même des Supérieurs ! Tel en effet se poursuit le texte cité précédemment : « ...comme aussi en aidant les Supérieurs dans le soin de leurs compagnons et de la Compagnie » ; et oui, eux aussi ont besoin d’être instruits pour être mieux construits, au service de l’édification du Corps apostolique dont ils ont la charge. (
Aujourd’hui dans la formation
« Pour faire un homme, Dieu que c’est long... » disait autrefois la chanson. Et pour faire un jésuite, peut-être plus encore ! En tout cas, la formation du jeune jésuite ne commence pas par les études mais par un temps de probation (noviciat) dont une part importante concerne la vie commune (en interne comme au-dehors). Pendant deux années, des jeunes gens - qui ne se sont pas choisis - doivent apprendre la justesse dans les relations, à travers la vie commune (grandeurs et servitudes !), la dépendance mutuelle au quotidien. Les stages (expériments) à l’extérieur vont mettre les novices en contact prioritairement avec des catégories de personnes très défavorisées. En tout cela, c’est une éducation de la sensibilité qui s’affirme, dans la rencontre durable de l’autre, différent par le rang, le milieu, la culture, le niveau social, etc.
Durant le temps long des études qui suit, il faut vérifier régulièrement que la maturité de chacun progresse. En particulier, il serait dommageable que, sous prétexte d’investissement lourd dans des études généralement pas faciles, l’affectivité n’ait plus de droit à s’exprimer, ou ne vienne à retentir que sporadiquement et bruyamment. On sera dès lors attentif à la vie relationnelle de chacun, en communauté, dans les cercles d’étude, ou déjà dans les quelques activités apostoliques. Les difficultés, les fatigues, l’isolement, l’immersion dans un univers contemporain de séduction, peuvent engendrer bien des tentations. En contrepoint, la confiance affectueuse, la bienveillance fraternelle, et le dialogue ouvert ne devront jamais manquer à celui qui ainsi s’engage dans l’apprentissage de disciple puis d’apôtre du Christ.
La formation à la chasteté doit comporter aussi son volet de connaissance et de réflexion. Ainsi, précisent les textes, les Supérieurs dans la Compagnie de Jésus veilleront « à ce que, au cours de leur formation, les Nôtres soient instruits et formés comme il convient, positivement et prudemment, en matière de sexualité, en sorte qu’ils puissent vaincre allègrement les différentes crises par lesquelles la vie progresse vers la maturité ». Et on n’hésitera pas, en cas de besoin, à envoyer tel ou tel vers un psychologue ou un psychiatre. L’idée étant de ne pas fabriquer des religieux idéalement - et donc faussement - parfaits, mais bien de tendre vers la sainteté, dans la vérité des richesses accordées et des faiblesses assumées.
Durant le temps long des études qui suit, il faut vérifier régulièrement que la maturité de chacun progresse. En particulier, il serait dommageable que, sous prétexte d’investissement lourd dans des études généralement pas faciles, l’affectivité n’ait plus de droit à s’exprimer, ou ne vienne à retentir que sporadiquement et bruyamment. On sera dès lors attentif à la vie relationnelle de chacun, en communauté, dans les cercles d’étude, ou déjà dans les quelques activités apostoliques. Les difficultés, les fatigues, l’isolement, l’immersion dans un univers contemporain de séduction, peuvent engendrer bien des tentations. En contrepoint, la confiance affectueuse, la bienveillance fraternelle, et le dialogue ouvert ne devront jamais manquer à celui qui ainsi s’engage dans l’apprentissage de disciple puis d’apôtre du Christ.
La formation à la chasteté doit comporter aussi son volet de connaissance et de réflexion. Ainsi, précisent les textes, les Supérieurs dans la Compagnie de Jésus veilleront « à ce que, au cours de leur formation, les Nôtres soient instruits et formés comme il convient, positivement et prudemment, en matière de sexualité, en sorte qu’ils puissent vaincre allègrement les différentes crises par lesquelles la vie progresse vers la maturité ». Et on n’hésitera pas, en cas de besoin, à envoyer tel ou tel vers un psychologue ou un psychiatre. L’idée étant de ne pas fabriquer des religieux idéalement - et donc faussement - parfaits, mais bien de tendre vers la sainteté, dans la vérité des richesses accordées et des faiblesses assumées.
En matière d’envoi
C’est peu de le dire : nous vivons dans un monde en profonde mutation, en particulier sur toutes ces questions touchant au statut de l’homme, de la femme, et à leurs relations. Nous assistons à un éclatement des possibles dans l’ordre des comportements (jusqu’aux plus intimes) et, dans le même temps, à une certaine dissolution de l’identité de chacun, perdu dans son isolement. Tout cela génère de profondes angoisses, souvent mal connues et peu exprimées. Les jeunes qui aujourd’hui souhaitent s’engager dans la vie religieuse n’échappent guère, pour la plupart, à ces incertitudes très déstabilisantes. A celles-ci s’ajoutent les questions angoissantes de l’avenir concernant l’Eglise en Occident. Dès lors, les aider à clarifier leur désir, à faire la vérité de ce qu’ils sont, sans les figer dans des perspectives illusoires ou des statuts d’un autre âge, revêt la plus haute importance. De même, leur apprendre à vivre en témoins de l’Evangile dans des univers collectifs moins gouvernés par la droiture et le respect que par l’apparence et la consommation, devient une nécessité de formation. Ne pas faire non plus l’économie du temps qui, quoi qu’il en paraisse de l’âge des candidats, a son rôle à jouer dans la croissance des maturations.
Le célibat religieux n’est pas une vie sans alliance. La chasteté lui procure une existence d’alliance autrement, de telle sorte que les religieux « évoquent aux yeux de tous les fidèles cette admirable union établie par Dieu, et qui doit être manifestée dans le siècle futur, par laquelle l’Eglise a le Christ comme unique époux » (Perfectae Caritatis, n° 12). Est ainsi en jeu rien moins que le dessein de salut du Créateur pour tout un chacun, depuis le commencement.
Le célibat religieux n’est pas une vie sans alliance. La chasteté lui procure une existence d’alliance autrement, de telle sorte que les religieux « évoquent aux yeux de tous les fidèles cette admirable union établie par Dieu, et qui doit être manifestée dans le siècle futur, par laquelle l’Eglise a le Christ comme unique époux » (Perfectae Caritatis, n° 12). Est ainsi en jeu rien moins que le dessein de salut du Créateur pour tout un chacun, depuis le commencement.
Documents complémentaires
Voici ce que disent, aujourd’hui, de la chasteté, les Constitutions de la Compagnie de Jésus, au n° 148 des Normes complémentaires. Vous trouverez, en pages suivantes, les textes fondateurs évoqués par le Père de La Salle dans son article.§1 C’est une responsabilité commune à tous de sauvegarder sérieusement la chasteté et de la favoriser par le soutien mutuel et l’amitié, comme aussi en aidant les supérieurs dans le soin qu’ils ont de leurs compagnons et de la Compagnie.
§2. Les Supérieurs et les directeurs spirituels :
1. Feront preuve d’une grande sollicitude concernant la vie spirituelle de chacun, les accompagnant sans cesse, avec discernement et avec confiance, les aidant à vaincre les fatigues, les difficultés et les tentations qu’ils peuvent rencontrer sur la route d’une vie consacrée par la chasteté.
2. Ils veilleront aussi à ce que, au cours de leur formation, les Nôtres soient instruits et formés comme il convient, positivement et prudemment, en matière de sexualité, en sorte qu’ils puissent vaincre allègrement les différentes crises par lesquelles la vie progresse vers la maturité. Si de sérieux problèmes psychologiques surgissent, on recommandera d’aller trouver un conseiller, un psychologue ou un psychiatre.
3. Exerçant une vraie charité, envers les compagnons, ils veilleront fermement à ce que ceux qui ne sont pas aptes à garder la chasteté, ou dont on doute qu’ils le soient, ne soient pas admis dans la Compagnie et encore moins aux vœux, ni promus aux ordres.
4. Avec une attention toujours en éveil, leur manifestant une grande confiance, les Supérieurs seront à la disposition des jeunes prêtres et des frères plus jeunes qui commencent à travailler dans la vigne du Seigneur ou qui poursuivent des études spéciales, longues et difficiles. Que les Supérieurs témoignent beaucoup d’affection à ceux qu’ils voient ou sentent fuir la communauté.
1539 |
1540 |
1550 |
Celui qui veut, dans notre Compagnie que nous désirons voir désignée du nom de Jésus, combattre pour Dieu sous l’étendard de la croix et servir le Seigneur seul et son vicaire sur la terre,
se persuadera que, après le vœu solennel de perpétuelle chasteté, il fait partie d’une communauté instituée avant tout pour se consacrer principalement au bien des âmes dans la vie et la doctrine chrétienne et à la propagation de la foi, par le ministère de la parole, les exercices spirituels et les œuvres de charité, et nommément par la formation chrétienne des enfants et des ignorants ; et il aura soin de tenir toujours le regard fixé d’abord sur Dieu, ensuite sur la nature de son institut, qui est un chemin vers lui, et de poursuivre de toutes ses forces cette fin que Dieu lui propose, chacun cependant selon la grâce que l’Esprit Saint lui accorde et selon le degré propre de sa vocation afin qu’on ne fasse pas preuve d’un zèle vrai mais mal éclairé. |
Celui qui veut, dans notre Compagnie que nous désirons voir désignée du nom de Jésus, combattre pour Dieu sous l’étendard de la croix et servir le Seigneur seul et le Pontife romain,
se persuadera que, après le vœu solennel de perpétuelle chasteté, il fait partie d’une Compagnie instituée avant tout pour se consacrer principalement au bien des âmes dans la vie et la doctrine chrétienne et à la propagation de la foi, par le ministère de la Parole de Dieu, les exercices spirituels et les œuvres de charité, et nommément par la formation chrétienne des enfants et des ignorants, et la consolation spirituelle des fidèles par les confessions ; et il aura soin de tenir toujours le regard fixé d’abord sur Dieu, ensuite sur la nature de son institut, qui est un chemin vers lui, et de poursuivre de toutes ses forces cette fin que Dieu lui propose, chacun cependant selon la grâce que l’Esprit Saint lui accorde et selon le degré propre de sa vocation (afin qu’on ne fasse pas preuve d’un zèle vrai mais mal éclairé).
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Celui qui veut, dans notre Compagnie que nous désirons voir désignée du nom de Jésus, combattre pour Dieu sous l’étendard de la croix et servir le Seigneur seul et l’Eglise son Epouse sous le Pontife romain, vicaire du Christ sur la terre,
se persuadera que, après le vœu solennel de perpétuelle chasteté, pauvreté et obéissance, il fait partie d’une Compagnie instituée avant tout pour se consacrer principalement à la défense et à la propagation de la foi et au bien des âmes dans la vie et la doctrine chrétiennes, par les prédications publiques, les leçons et tout autre ministère de la Parole de Dieu, et les exercices spirituels et les œuvres de charité, et nommément par la formation chrétienne des enfants et des ignorants, la consolation spirituelle des fidèles par les confessions et l’administration des autres sacrements ; il s’emploiera encore à réconcilier ceux qui sont dans la discorde, à secourir et servir pieusement ceux qui se trouvent en prison ou à l’hôpital et à pratiquer d’autres œuvres de charité comme cela paraîtra convenir pour la gloire de Dieu et pour le bien commun, et il le fera tout à fait gratuitement, sans recevoir aucun salaire pour son travail en tout ce qui vient d’être dit ;
et il aura soin, aussi longtemps qu’il vit, de tenir le regard fixé d’abord sur Dieu, ensuite sur la nature de son institut, qui est un chemin vers lui, et de poursuivre de toutes ses forces cette fin que Dieu lui propose, chacun cependant selon la grâce que l’Esprit Saint lui accorde et selon le degré propre de sa vocation. |