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Les vocations en Italie
Avant tout, je voudrais exprimer toute la gratitude du CNV et la mienne pour la possibilité que votre revue nous offre de présenter à vos lecteurs le chemin de la pastorale des vocations en Italie. Je crois que c’est une bonne façon de prolonger durant l’année et de partager avec le plus grand nombre de personnes possible l’amitié, la joie et la richesse des différentes expériences mises en œuvre dans nos pays européens, ce que nous avons expérimenté depuis plusieurs années dans les rencontres européennes des responsables nationaux des centres des vocations. Merci !
prêtre, directeur adjoint du Centre National des Vocations, Rome
La situation en Italie et notre analyse
C’est toujours avec un peu de crainte que je m’apprête à faire une analyse de la situation. Non seulement parce que les chiffres par eux-mêmes ne réussissent pas toujours à révéler clairement les lignes de force en action dans le champ vocationnel, mais aussi parce que le fait de vouloir compter est toujours une tentation vers laquelle on glisse de façon inévitable. L’épisode du recensement, voulu par David et peu apprécié par le Seigneur (1)nous met en garde ; l’histoire du salut ne repose pas sur notre force « numérique », mais elle est toujours le fruit d’une collaboration extraordinaire et disproportionnée entre Dieu et l’homme : sur le plateau de la balance, l’action de Dieu l’emporte infiniment. La vocation, comme le rappelle le Pape, est toujours la rencontre de deux libertés : « L’histoire de toute vocation sacerdotale, comme d’ailleurs de toute vocation chrétienne, est l’histoire d’un ineffable dialogue entre Dieu et l’homme, entre l’amour de Dieu qui appelle et la liberté de l’homme qui, dans l’amour, répond à Dieu. Ces deux aspects indissociables de la vocation, le don gratuit de Dieu et la liberté responsable de l’homme, ressortent de manière très claire et particulièrement puissante dans les paroles lapidaires par lesquelles l’évangéliste Marc présente la vocation des Douze : Jésus “gravit la montagne et il appelle à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui” (Mc 3, 13) (2). »
Si, par conséquent, nous nous arrêtons pour analyser la dynamique des vocations et leur cause, ce n’est certainement pas pour vouloir « mettre en cage » ni l’initiative libre et gratuite de Dieu, ni la réponse libre des jeunes mais seulement pour nous laisser interpeller et pour repérer des réponses efficaces. En fait, le but de la pastorale des vocations est de favoriser la rencontre de ces deux libertés (3).
Au terme de ce nécessaire préambule, venons-en à lire les résultats des statistiques. En confrontant les données statistiques de 2003 avec celles de 2000, émergent immédiatement quelques particularités :
• par rapport aux 35 019 prêtres diocésains de l’an 2000, ils ne sont plus que 33 695 en 2003, tandis que les religieux sont passés de 19 448 à 17 939 ;
• si nous jetons un coup d’œil vers la vie religieuse, entre 1998 et 2001, nous observons les changements suivants :
1998
|
2001
|
|
religieuses italiennes de voeux perpétuels |
113 131
|
80 656
|
religieuses de voeux temporaires |
2 171
|
1 260
|
novices |
965
|
370
|
postulantes |
819
|
272
|
moniales |
7 651
|
6 990
|
membres d’instituts séculiers féminins |
14 725
|
10 668
|
membres d’instituts séculiers masculins |
228
|
223
|
Cela dit, le flux dynamique des données exposées n’est pas homogène dans notre péninsule. En fait, pour s’arrêter seulement aux vocations de prêtres diocésains, et pour le bref espace de temps qui va de 2000 à 2003, on enregistre les tendances suivantes : au Nord, ils passent de 19 448 à 17 939 ; au Centre, de 6 961 à 6 172 ; au Sud, de 9 599 à 9 637.
Il faut donc bien noter une certaine baisse au Nord et au Centre mais au contraire une légère croissance au Sud. A quoi est due cette différence ? Certainement à une situation sociale, économique et familiale différente entre le Nord et le Centre d’une part et le Sud d’autre part. Il suffit de penser que, tandis que dans le Sud il y a encore des petits séminaires qui accueillent des jeunes fréquentant le lycée, au Centre et au Nord, peu de séminaristes fréquentent encore l’école secondaire. Presque partout dans ces diocèses, l’entrée au séminaire survient après l’école secondaire, après l’université ou après une expérience de travail professionnel. Au Sud, l’industrialisation, avec le développement économique qui en découle, n’a pas encore envahi toute la société ; les familles sont encore unies et « traditionnellement » chrétiennes ; les paroisses, surtout dans les petites villes, réussissent encore à retenir et à faire participer les jeunes à leur vie pastorale, parce qu’il n’y a pas encore trop d’autres réalités qui ont prise sur le monde des jeunes.
Je ne voudrais pas que cette lecture porte à conclure que les vocations qui surgissent de l’Italie du Sud, se ressentant d’un certain développement économique et social sont, par conséquent, moins fiables. Ce n’est pas le cas. J’ai seulement voulu mettre en relief un climat social différent qui a une grande influence sur la manière dont les jeunes accueillent la vocation. Les situations sociales sont différentes mais les propositions vocationnelles offertes dans le Centre et le Nord ne sont pas moins nombreuses ni efficaces que celles du Sud.
Les propositions du Centre National
Je ne voudrais pas mésestimer toutes ces initiatives qui sont maintenant le patrimoine de la pastorale des vocations en Italie et qui visent à animer d’un esprit vocationnel toute la vie de nos communautés chrétiennes : Ecoles de la Parole, adoration eucharistique vocationnelle, exercices spirituels, semaines vocationnelles paroissiales, groupes vocationnels… Je voudrais seulement présenter les propositions du CNV, pour aider à comprendre les raisons qui les animent et les objectifs qu’elles poursuivent.
La Journée Mondiale de prière pour les Vocations
Si Pâques est le cœur de l’année liturgique, le 4e dimanche de Pâques devrait être « le sommet et la source » de la pastorale des vocations. Pour atteindre cet objectif, depuis plusieurs années déjà, le directeur du CNV communique dès le mois de juillet aux directeurs des centres diocésains le thème de la JMV suivante et le « slogan » qui l’accompagne. Ceci afin que les initiatives des centres diocésains pour la nouvelle année pastorale, comme celles des instituts de vie consacrée, puissent être programmées et d’une certaine manière, presque scandées par le slogan et illuminées par le thème de la journée mondiale.
Pour faire participer les centres régionaux et diocésains des vocations à l’approfondissement du thème de la JMV, on a pensé leur confier la préparation du matériel qui vient s’insérer dans le dossier que le CNV présente au mois de janvier, à l’occasion du congrès national. Si, dans le passé, le CNV a demandé à des spécialistes de préparer le matériel, pour ensuite l’envoyer aux centres régionaux, diocésains et aux communautés chrétiennes, maintenant on pourrait dire que le CNV recueille le travail, les richesses des expériences et des compétences existant dans les différentes régions et les fait circuler dans toute l’Italie. Cette implication des centres régionaux et des centres diocésains dans la rédaction du dossier leur permet de commencer à réfléchir au thème de la journée mondiale dès les mois d’été.
La participation des régions et des services diocésains se poursuit encore à travers une autre initiative qui, de façon spontanée, est accueillie et faite sienne par le CNV, puis proposée les années suivantes aux autres régions. Je fais allusion à la célébration de la JMV : comment est-elle organisée ? Au conseil de mai, on repère un centre régional qui s’engage, avec l’aide et le soutien du CNV, à programmer la célébration de la journée mondiale dans sa région. Ceci implique que le centre régional se retrouve en septembre-octobre avec tous les directeurs diocésains et ceux qui ont la charge de la pastorale de jeunes pour repérer le chemin à proposer à la région durant l’année et les différentes étapes qui devront scander la marche vers la journée mondiale.
Cette initiative, déjà réalisée en Calabre, dans les Marches, en Emilie, dans les Abruzzes et, cette année, dans le Latium, a donné des résultats positifs. Avant tout, elle a favorisé une meilleure coordination entre la pastorale des jeunes et la pastorale des vocations, créant les prémices d’une collaboration plus durable ; elle a également aidé les diocèses plus petits à se sentir soutenus dans leur propre travail vocationnel par les autres diocèses de la région, à travers le partage des initiatives, des compétences et des expériences pensées et réalisées ensemble ; elle a permis de repérer les ressources qui, encouragées par le CNV, sont mises en circulation et partagées avec tous les autres diocèses d’Italie. Enfin, pour accompagner les différentes expériences vocationnelles estivales proposées pour les jeunes, les adolescents et les enfants ; les sœurs « Apostoline » (4)préparent le matériel pour les camps d’été qui développent le thème de la journée. Ce type de collaboration avec les sœurs, qui en est à sa neuvième année, permet de couvrir l’ensemble de l’année pastorale, y compris les mois d’été.
Le congrès national de janvier
Le congrès national de janvier a connu en l’an 2000 une transformation : d’un congrès d’étude, il est devenu plus attentif à la traduction pastorale et pédagogique des valeurs et attitudes vocationnelles. Ce changement s’est révélé nécessaire parce que, face à une abondance de réflexions, études et documents du Magistère qui approfondissent les thèmes vocationnels, on rencontre une difficulté constante pour traduire tout cela dans des itinéraires pédagogiques. C’est pour cette raison qu’on a pensé faire ressortir, dans les thèmes proposés et les congrès de ces dernières années, l’interrogation : « Comment ? » pour rappeler aux directeurs et à tous les participants que l’objectif à poursuivre est habituellement d’ouvrir de nouvelles voies et méthodes qui aident à « communiquer l’Evangile de la vocation dans un monde qui change ».
Cette nouvelle formulation a demandé, inévitablement, quelques correctifs dans la réalisation du congrès lui-même.
• Avant tout, être ouvert à tous, c’est choisir comme destinataires privilégiés les centres régionaux et diocésains, les animateurs vocationnels des instituts de vie consacrée.
• Se proposer d’approfondir quelques thématiques vocationnelles pour imprimer un nouvel élan à la pastorale des vocations, en repérant les objectifs spécifiques à poursuivre dans l’espace d’une année pastorale.
• Se limiter à écouter les directeurs et confronter leurs rapports, partager dans les groupes les expériences et activités vocationnelles, ensemble, avec la fatigue et la joie de travailler dans ce champ si vital pour l’Eglise.
• Passer d’un temps isolé, comme une parenthèse qui s’ouvre et se referme l’espace de quelques jours, à un point de départ pour des réflexions à venir et des précisions capables de concrétiser l’engagement vocationnel de nos diocèses.
La rencontre des séminaristes
Depuis quelques années, durant le congrès de janvier a également lieu une rencontre entre les séminaristes de second cycle et la direction du CNV. Pourquoi cette attention particulière réservée aux séminaristes ? Pour aider les futurs prêtres à connaître le chemin de la pastorale des vocations dans l’Eglise italienne, mais aussi pour les soutenir, afin que leur futur ministère soit un service de toutes les vocations, surtout des vocations spécifiques. L’objectif qu’elle voudrait atteindre est la création, à l’intérieur de chaque séminaire, d’un groupe d’animation de la pastorale vocationnelle, qui aiderait les autres séminaristes à maintenir toujours vive l’attention à la pastorale de vocations en mettant à leur disposition des outils et revues spécifiques. Cela semble important que ce groupe, à l’intérieur des séminaires, soit suivi avec une attention particulière par le directeur du CDV, assurant de cette façon une intégration progressive et adaptée des séminaristes dans la pastorale des vocations des diocèses.
En outre, le congrès en a tiré un bénéfice considérable : leur présence a permis non seulement de parler des jeunes, mais encore – surtout dans les groupes – de parler avec les jeunes et avec des jeunes engagés dans un chemin vocationnel.
Le séminaire sur la direction spirituelle
Ce séminaire, né il y a dix-neuf ans, se propose avant tout d’aider les éducateurs, surtout les prêtres et les consacrés, à redécouvrir la direction spirituelle comme « laboratoire vocationnel ». Si l’on souhaite encore lancer un message clair à ceux qui sont engagés dans la pastorale des vocations : ne pas se contenter de l’annonce et de la proposition vocationnelle, mais s’occuper aussi de l’accompagnement personnel.
Il y a cinq ans, le CNV a pensé rendre ce séminaire itinérant à travers les régions italiennes, pour des raisons bien précises :
• Avant tout redécouvrir la grande valeur pédagogique qu’ont toujours eu dans le chemin vocationnel les figures des saints, chrétiens qui ont réalisé leur vocation en plénitude ;
• Nous sommes allés à la recherche de ces sanctuaires qui, en raison de la présence des reliques de certains saints, sont des lieux de pèlerinage. Si nous sommes tentés de valoriser ces sanctuaires, ils ne sont pas toujours préparés, au niveau pastoral, à être des lieux de proposition et d’accompagnement vocationnel.
• Le fait d’avoir misé sur ces grands sanctuaires a permis de rejoindre un autre objectif qui est au cœur du CNV : une implication toujours plus grande des familles religieuses, avant tout de celles dont l’histoire et la spiritualité sont marquées d’une attention particulière au service de la direction spirituelle ou de la croissance des jeunes dans la foi.
Le Forum Vie consacrée/CNV
Ce forum a vu le jour il y a à peine trois ans, mais il est fortement voulu, préparé et suivi avec attention par les consacrés présents à l’intérieur de la direction du CNV. Le forum se propose de favoriser, à travers le dialogue entre les responsables des différents instituts de vie consacrée et le CNV, une pastorale vocationnelle unitaire, expression de cette spiritualité de communion souhaitée par Jean-Paul II dans Novo Millenio ineunte.
Il ne veut donc pas être une rencontre académique ou simplement formelle. Nous n’avons pas besoin de cela ! Nous percevons, en revanche, la nécessité que les instituts de vie consacrée se sentent toujours plus concernés par la pastorale des vocations de nos diocèses. Le charisme de la vie consacrée est un don pour toute l’Eglise et comme on voudrait que ce don circule librement à l’intérieur de notre communauté chrétienne, au-delà de toute barrière, jalousie ou peur ! Il est nécessaire de libérer la vie consacrée des champs clos dans laquelle elle est parfois reléguée et de favoriser sa présence et son témoignage à l’intérieur de la vie des diocèses, avant tout dans ces lieux de frontière qui ne sont pas toujours rejoints par notre pastorale, mais qui constituent le domaine spécifique auquel renvoie leur charisme.
Les instituts de vie consacrée ne peuvent se limiter à l’animation vocationnelle de leur propre institut, mais ils doivent se sentir impliqués, en communion avec les autres vocations et les autres membres du CDV, pour favoriser, à l’intérieur des diocèses, la diffusion de cette culture vocationnelle, prémisse indispensable au surgissement des vocations. La collaboration avec les CDV peut contribuer de façon considérable à libérer les animateurs vocationnels de ce « cliché » qui leur est parfois injustement attribué, d’être des « rabatteurs » à l’intérieur des diocèses et de la pastorale vocationnelle ; elle peut contribuer à ce qu’ils consentent à être intégrés dans la programmation pastorale des diocèses, en offrant leur apport spécifique.
Pour conclure, je voudrais insister sur ma conviction profonde : les initiatives seront des instruments morts et sans efficacité si elles n’entrent pas en contact avec la fantaisie créatrice des animateurs vocationnels. Qu’on se rappelle ce bref récit tiré du livre Un bouillon chaud pour l’âme, des récits qui réchauffent l’âme : « Un commissaire priseur cherche à vendre un vieux violon, que personne ne veut acheter jusqu’à ce que, du fond de la pièce, un homme aux cheveux gris avance et prenne l’archet ; puis, enlevant la poussière du vieux violon, et tendant les cordes relâchées, il joue une mélodie pure et douce comme le chant des anges ; le violon fut aussitôt vendu au prix le plus élevé. Qu’est-ce qui lui a donné tant de valeur ? “Le doigté du Maître.” »
Notes
1 - 2 S 24, 1-17. [ Retour au Texte ]
2 - Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, n° 36. [ Retour au Texte ]
3 - « “Et il le conduisit à Jésus” (Jn 1, 42). C’est ici, dans un sens, que se trouve le cœur de toute la pastorale des vocations par laquelle l’Eglise veille sur la naissance et la croissance des vocations, en se servant des dons et des responsabilités, des charismes et du ministère reçus du Christ et de son Esprit. » Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, n° 38. [ Retour au Texte ]
4 - Suore Apostoline : nom courant des sœurs de l’institut « Reine des Apôtres pour les vocations ». [ Retour au Texte ]