Rencontrer le Christ dans l’Eucharistie


Jean-Louis Bruguès
évêque d’Angers


Cette catéchèse a été donnée le jeudi 18 août, lors des XXe Journées Mondiales de la Jeunesse (Cologne 2005).



A l’écoute des Mages

Depuis notre arrivée, nous nous trouvons à l’école des Mages. Si nous avons largement invité autour de nous dans nos régions respectives, si nous sommes allés à Cologne, si nous sommes entrés dans sa cathédrale grandiose, si nous nous sommes approchés des reliques vénérées par tant de générations qui nous ont précédés, pendant près de neuf siècles, c’est parce que nous savions que ces Mages avaient quelque chose à nous dire. Ce quelque chose est fort, il est même essentiel : il ne vise rien moins qu’à illuminer notre vie et à la réformer, à la transformer, pour qu’elle devienne belle et bonne.

Voici donc des hommes sérieux, des savants de l’époque. Les spécialistes nous informent qu’il s’agissait sans doute d’astrologues babyloniens. Ils s’y connaissaient en mathématiques. Les affaires du ciel constituaient leur travail quotidien. Ils avaient observé le mouvement des astres et étaient passés maîtres dans l’art de calculer le temps. Aujourd’hui encore, leur science force notre admiration. Ils avaient repéré un astre inédit. Leur curiosité les avait poussés à le suivre, leur foi les avait conduits aux pieds de l’Enfant. En lui, ils avaient reconnu le Messie annoncé. Ils l’adorèrent.
L’évangile de Matthieu qui sert de trame à la méditation de ces Journées Mondiales de la Jeunesse ne nous livre guère de détails. Notre imagination n’y trouve guère de prises où s’accrocher. Il nous faut donc aller à l’essentiel de l’enseignement laissé par les Mages.
Ces scientifiques sont capables d’enthousiasme : « A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une grande joie », nous dit le texte. Mieux encore, ils commettent des gestes un peu fous : « Entrant dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie, sa mère, et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui » (Mt 2, 10-11). Ces cadeaux traduisent ce qu’ils ont de plus précieux, ce à quoi ils tiennent le plus : l’or, qui permet de vivre et de pourvoir à sa subsistance ; l’encens, qui manifeste leur sens religieux, leur désir de se relier aux choses d’en-haut, au ciel divin et non plus celui des astres ; la myrrhe enfin qui exprime leur volonté de ne pas se cacher que le terme de leur voyage n’est pas autre que la mort ; à cette mort, il convient de se préparer longtemps à l’avance ; il s’agit de l’apprivoiser. Les Mages nous conduisent donc au cœur même du mystère de toute existence humaine, en ce point central et délicat où se croisent la vie, la mort et l’au-delà. Oui, comme je le rappelais en commençant cette catéchèse, ils ont bien des choses essentielles à nous dire.

Les Mages ont découvert l’amour, ou plus exactement l’objet de leur amour. La joie, l’enthousiasme des gestes, les cadeaux offerts, tout cela exprime bien ce que nous ressentons nous-mêmes quand nous aimons. Notre cœur se gonfle ; nous sommes prêts aussi aux gestes les plus inattendus. Surtout, nous entrons dans ce que j’appellerai la logique du don. Donner : on ne peut dire que l’on aime quelqu’un tant qu’on ne lui a pas tout donné, à commencer par nous-mêmes. Il n’y a pas d’amour sans don de soi.
Avant de découvrir l’objet de l’amour de leur vie, nos Mages ont dû consentir à un long voyage. Ils ont affronté des dangers. Hier, nous avons compris que le mensonge constituait le plus redoutable de des dangers qui nous guettent au long de notre itinéraire : être trompé (ici par Hérode qui est une figure du Malin), se tromper de chemin, errer sans pouvoir atteindre le terme du voyage, ou bien, plus grave encore tromper les autres. Combien d’hommes et de femmes ne parviennent pas à découvrir le sens réel de leur existence ? Combien de fois nous sommes-nous trompés, avons-nous été trompés, ou bien encore avons-nous trompé les autres ? Les Mages, eux, ont réussi. L’Esprit du Seigneur qui se manifeste sous la forme d’un songe, selon un genre littéraire très fréquent en Orient, les a empêchés de tomber dans le piège. Ils ont fini par rencontrer Celui qu’ils recherchaient dans les constellations du ciel et celles du cœur. Ils ont trouvé.
Pour trouver, il fallait d’abord consentir à partir. Les Mages venaient de l’Orient lointain. Ils avaient laissé leur métier, leurs usages, leurs familles. Ils avaient quitté toute assurance. Sachant bien que le risque zéro n’existe pas, ils avaient pourtant cinglé vers des horizons inconnus, avec ce que cela supposait d’appréhensions, de rupture et de déchirement. Si vous ne partez pas, vous ne rencontrerez personne. Si vous n’acceptez de perdre de votre confort et vos idées acquises, vous ne découvrirez pas le sens de votre vie. C’est pour exprimer physiquement cette certitude que nous nous sommes engagés dans ce pèlerinage en terre lointaine.
Voici donc le message que les Mages nous délivrent aujourd’hui : il n’y a pas d’amour sans connaissance ; il n’y a pas de connaissance sans rencontre ; il n’y a pas de rencontre sans départ, sans rupture.


Rencontrer le Christ

La question qui se pose à nous maintenant est donc la suivante. Nous voulons mener la vie chrétienne dans sa totalité, et nous avons bien raison ; nous voulons nous dire chrétiens en vérité. Un chrétien, c’est quelqu’un qui aime le Christ au point porter son nom, de se donner entièrement à lui et de le suivre tout au long de son existence. Les Mages nous en avertissent : vous ne pouvez pas dire que vous aimez le Christ tant que vous ne l’avez pas connu, et vous ne pouvez pas le connaître tant que vous ne l’avez pas rencontré !
Où donc rencontrer le Christ ? Les rencontres avec le Christ sont multiples ; elles sont même innombrables. Laissez-moi mentionner les principales, en allant de la plus extérieure à la plus centrale.

Les événements

Ils interviennent dans notre existence et en constituent la trame : la foi nous dit que le Christ est Celui par qui tout a été fait. Chaque événement par conséquent me parle de lui. Je ne dis pas que le Christ se trouve derrière eux, comme s’il jouait à les provoquer et à les pousser vers moi ; je dis simplement qu’il accroche un message à chacun d’eux, un message d’amour, bien sûr, puisqu’il ne saurait dire autre chose, et qu’il me demande de le déchiffrer à la lumière de son Esprit. Le Christ me parle au travers des événements.

L’être profond

Les grands auteurs spirituels – je songe en particulier à saint Augustin – nous assurent que le Christ vit au plus profond de nous-mêmes. Il nous habite de l’intérieur. Il est plus intime à moi-même que moi-même. Il est cette fontaine d’eau vive au centre de mon cloître secret. Or, cet hôte intérieur ne reste pas inactif. Mes pensées et mes réactions, les impulsions de ma sensibilité et jusqu’aux effets de mon imagination, si je les discerne bien, toujours à la lumière de l’Esprit, – cet Esprit que j’ai reçu en plénitude au moment de la confirmation (je dis cela pour ceux, parmi vous, qui n’auraient pas encore reçu ce sacrement) –, si je sais faire la part entre le vrai et le faux, entre ce qui peut venir du Malin et ce qui peut venir de Dieu, constituent autant d’appels et de sollicitations de sa part. N’ayez pas peur de vous retrouver seuls avec vous-mêmes ; vous n’êtes en réalité jamais seuls : le Christ est là, en vous, et Il vous parle.

Les rencontres

La foi nous dit que chaque personne humaine est faite, comme moi, à l’image de Dieu. Comme moi encore, elle est aimée au point que le Christ a accepté de donner sa vie pour elle. Elle constitue donc un frère, une sœur pour moi. Saint Paul ajoute qu’elle représente un ambassadeur du Christ. Peut-être cette personne ne le sait-elle pas, peut-être même le refuserait-elle si on venait à le lui expliquer : il n’empêche, celui qui croise le chemin de ma vie, en ce qu’il dit, fait, ou plus simplement en ce qu’il est, se trouve en ambassade. Il m’apporte un message de la part du Seigneur. En ne l’accueillant pas chez moi, dans ma maison, dans mon esprit et dans mon emploi du temps, je me prive de ce message. Je ferme la porte au Seigneur. Je m’ampute d’une rencontre qu’il avait préparée exprès pour moi.

La communauté des croyants

L’évangile nous rapporte cette parole du Christ : « Quand deux ou trois d’entre vous se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Le Christ habite son Eglise. Il en est le Pasteur. C’est lui qui l’éclaire par son Esprit. Il la conduit tout au long de son pèlerinage sur la terre : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Vous voulez entendre la voix du Seigneur ? Allez écouter sa Parole reçue par l’Eglise, proclamée et commentée par elle. Vous voulez vous prosterner devant lui, à la manière des Mages ? Allez participer à la prière de l’Eglise qui loue son Seigneur à chaque heure de la journée et de la nuit, qui l’adore en ses célébrations eucharistiques et médite ses mystères, comme dans la prière du rosaire où l’Enfant et sa Mère se retrouvent intimement unis dans l’évocation des grandes étapes du salut ! Allez faire oraison ! Voulez-vous vivre du Christ et recevoir sa grâce ? Allez le rencontrer en chacun des sacrements offerts par son Eglise !


Vivre du Christ

Je viens d’employer une expression qui vous paraît peut-être aller de soi : vivre du Christ. Or, c’est la chose la plus extraordinaire qui soit. Quand nous aimons quelqu’un, d’amour-passion ou d’amitié, nous pouvons dire que nous vivons avec cette personne, à ses côtés. Nous partageons sa vie, c’est-à-dire ses habitudes, son quotidien, sa maison, son lit peut-être ; mais jamais nous ne vivrons de lui, de sa vie. Le Christ, lui, est capable de le faire. Il ne nous associe pas seulement à sa vie, il nous fait entrer en elle. Il nous la communique au point de transformer la nôtre, en un mot, de nous transfigurer. Nous assurons donc que le Christ est notre vie. Nous avons été entés sur lui. Rappelez-vous l’image qu’il nous a laissée au moment de quitter les siens : il est le cep et nous sommes devenus les sarments (Jn 15, 5) ; la même sève passe à travers l’un et les autres. Aucun être humain ne saurait afficher cette prétention de nous faire vivre de lui, sinon sur le mode poétique. Le Christ seul peut l’affirmer en vérité, en réalité. Le Christ seul opère cette symbiose, cette communion unique dans laquelle chacun reste lui-même, tout en vivant d’un autre.
Le baptême marque le commencement de cette vie, la confirmation, la réception de son Esprit en plénitude. C’est lui qui éclaire notre intelligence et illumine notre cœur. Vous cherchez votre chemin ? Interrogez-le : il est Esprit de conseil et de sagesse. Vous craignez votre faiblesse et la longueur du chemin ? Faites appel à lui qui est force divine. Vous voulez savoir qui est Dieu ? Sollicitez l’Esprit de piété filiale.
Les autres sacrements illustrent les divers aspects de la vie offerte par le Christ. Vous désirez vous lier à quelqu’un et fonder un foyer ? Entrez dans la fidélité du Christ, communiquée dans le sacrement du mariage. Voulez aspirez à agir en son nom et, comme lui, vous faire pasteur d’humanité ? Laissez-vous conduire par son Eglise jusqu’au sacrement de l’ordre. Le poids de vos fautes vous empêche-t-il d’avancer ? Eprouvez-vous le besoin d’être pardonné, ou de pardonner vous-mêmes à ceux qui vous ont offensés ? Approchez-vous de son pardon offert dans le sacrement de pénitence et de réconciliation. L’épreuve du vieillissement, de la maladie et de la mort fait-elle défaillir votre cœur ? Raccrochez-vous à la force du sacrement de l’onction des malades. Autant de sacrements, autant de rencontres avec le Seigneur Jésus.
Il est cependant un sacrement qui l’emporte sur les autres. On dit qu’il constitue la base sur laquelle repose toute l’Eglise, mais aussi le sommet de chaque vie chrétienne. D’une certaine manière, il récapitule tout ce que je viens d’évoquer. Il propose, en effet, une rencontre plus forte, plus intérieure, plus décisive avec le Christ. Je veux parler de l’Eucharistie.
Il arrive qu’à ce mot d’eucharistie, des jeunes comme vous fassent quelquefois la grimace. Ces jeunes veulent être chrétiens, aimer et suivre le Christ. Ils ne manquent pas de générosité et acceptent volontiers de se retrouver dans des « temps forts », tels que des marches ou des pèlerinages comme en ce moment, à Cologne ; mais ils ne perçoivent guère la nécessité de participer la célébration eucharistique, notamment le dimanche. « On s’ennuie, disent-ils. C’est toujours la même chose. » Certes, nos célébrations manquent parfois d’élan. Les moyens sont devenus fort limités en de nombreuses paroisses, les assistances moins nombreuses. Il n’est pas certain que l’on fasse toujours aux jeunes la place qui leur convient… L’essentiel n’est pas là toutefois. Savez-vous ce qu’est l’Eucharistie ? Comprenez-vous ce qui se joue dans une messe ? Avez-vous pris conscience des richesses inouïes qu’elle recèle ? L’inculture et le manque de connaissance se trouvent souvent à la source de l’ennui dont plusieurs se plaignent.
Le pape Jean-Paul II, qui avait lancé les Journées Mondiales de la Jeunesse, avait déclaré que l’année qui va d’octobre 2004 à octobre 2005 serait l’année de l’eucharistie. Il avait pris cette initiative pour que l’Eglise entière se réajuste à ce sacrement qui constitue la source et le sommet de la mission des chrétiens. Il l’avait prise également en pensant spécialement à vous, les jeunes. « L’Eucharistie, expliquait-il, est le centre vital autour duquel je désire que les jeunes se rassemblent pour nourrir leur foi et leur enthousiasme » (Mane nobiscum Domine n° 4). Pour nous tous, mais principalement pour vous, il a rédigé une lettre qui est son dernier grand texte ; nous pouvons la recevoir comme un testament spirituel. Gardez-la dans vous papiers personnels ; méditez-la, travaillez-la, seul et en groupes. Qu’elle vous imprègne, puisqu’elle contient une sorte de « digest » de tout ce qui peut être dit et enseigné sur l’eucharistie. Que votre vie en soit changée !


Reste avec nous, Seigneur Jésus

Pour aider votre travail de réflexion et d’assimilation de la lettre apostolique Mane Nobiscum Domine, j’en ai souligné quelques idées-force. Elles sont au nombre de cinq.

L’Eucharistie, don du Christ

L’Eucharistie nous donne de revivre à chaque célébration l’événement central de l’histoire universelle : le don libre que le Christ fit de sa vie pour que tous les hommes retrouvent le chemin qui mène à la maison du Père. On appelle cet événement le sacrifice du Christ. Cet événement est source de vie et de libération. Il marque le couronnement de la mission confiée au Fils : c’est pour redonner la vie de Dieu à ceux qui s’étaient coupés d’elle, qu’il est venu parmi nous, a revêtu notre chair et pris sur lui, au point d’en mourir sur la croix, l’ensemble des péchés des hommes. On appelle cet échange la Rédemption (1).

L’Eucharistie, rencontre du Christ

L’Eucharistie nous ménage une rencontre avec le Christ au moment capital de sa mission. Il est donc présent de manière plus intense et plus efficace que dans n’importe quelle autre célébration de l’Eglise. Il est d’abord présent par sa Parole. Les textes que nous entendons ne sont pas choisis de manière arbitraire. Je m’insurge contre certaines mauvaises habitudes qui poussent des chrétiens à ne choisir pour la messe que les textes qui « leur parlent » et, au besoin, à remplacer ceux que la liturgie du jour avaient prévus par d’autres de leur goût… Non, nous ne sommes pas les maîtres de la première table, la table de la Parole (2). Les textes du jour – eux et non point d’autres – sont Parole de Dieu en ce qu’ils expriment un message unique que le Seigneur a destiné dans sa Providence, à notre assemblée particulière et à chacun de nous, de toute éternité.

L’Eucharistie, présence du Christ

Le Christ est encore présent dans l’Eucharistie en son Corps et en son Sang. Rappelez-vous comment les disciples d’Emmaüs, rencontrés sur le chemin de retour, au soir de Pâques, avaient reconnu le Ressuscité à la fraction du pain. La tradition catholique aime à dire que cette présence est « réelle ». Elle n’est pas seulement réelle d’un point de vue symbolique, comme lorsque nous disons qu’un crucifix ou qu’une icône rendent sensibles la présence du Christ. Elle n’est pas seulement réelle dans notre mémoire et le souvenir que nous gardons des paroles et des gestes du Christ lors du repas pascal. Elle est dite présence par antonomase.
Vous allez sans doute me dire : que voilà bien un mot savant ! Et vous aurez raison ; mais rien ne vous empêche de faire comme les Mages qui ont voulu en avoir le cœur net. On ne saurait entrer dans une culture quelconque, à commencer par la culture chrétienne, sans entendre et utiliser les mots que celle-ci s’est forgé. Faites comme moi, consultez un dictionnaire. L’antonomase désigne la transformation d’un nom commun en un nom propre. Ici, le nom commun de pain devient le nom propre du Corps du Christ. Le Christ tout entier se rend substantiellement présent dans la réalité de son corps et de son sang (3). En participant à la messe ou à d’autres célébrations eucharistiques, comme par exemple dans les saluts du Saint-Sacrement ou les processions de la Fête-Dieu (4), nous avons conscience de nous tenir réellement devant le Christ lui-même, comme les Mages devant l’Enfant.

L’Eucharistie, sacrifice du Christ

L’eucharistie est un sacrifice. Nous ne nous contentons pas de faire mémoire des paroles et des gestes de Jésus lors du dernier repas pris avec ses apôtres ; même si la messe est un mémorial, nous les revivons en prise directe. C’est vraiment à ce moment précis que le Christ offre sa vie, souffre sa passion et s’offre sur la croix (5). La messe nous place toujours au milieu des apôtres, lors du dernier repas ; elle nous entraîne encore au pied de la croix. Nous ne sommes pas de simples spectateurs de ce drame, nous contentant de regarder de plus ou moins loin. La messe nous implique. Le sacrifice du Christ doit devenir le nôtre, sinon notre participation devient fictive.

Participer au sacrifice du Christ, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Cela veut dire d’abord que j’accepte de donner ma vie, comme il l’a fait. Je rappelle l’enseignement des Mages : il n’y a pas d’amour sans don de soi. Donner ma vie à qui ? A Dieu, puisque je tiens tout de lui. Je reconnais que tout me vient de lui, et cette reconnaissance au double sens de conscience et de gratitude porte le nom d’adoration. Les Mages se prosternent aux pieds de l’Enfant et lui rendent hommage.

L’Eucharistie, épiphanie de communion

Se donner à Dieu, oui, mais aussi au frère, car je ne saurais assurer que j’aime Dieu que je ne vois, si je n’aime pas ces frères qui peuplent concrètement mon existence. Cette cinquième et dernière idée-force découle de celles qui précèdent. L’Eucharistie est une « épiphanie de communion », communion hiérarchique dans l’Eglise et communion fraternelle (6). Elle n’est pas, si je puis dire inoffensive. Elle engage celui qui se livre à elle à se réclamer ouvertement de sa foi, même si une société sécularisée n’apprécie guère ce genre de témoignage public (7). Dans la place que chacun occupe, visible ou secrète, officielle ou privée, chacun est converti par l’Eucharistie en ouvrier des Béatitudes, en artisan de paix et de justice. Il s’agit pour nous de porter l’Eucharistie au cœur du monde, en travaillant à l’avènement d’une société plus équitable et plus fraternelle, soucieuse en particulier de ceux qui n’ont pas de pain et souffrent des faims les plus diverses (8).



En terminant cette catéchèse, je voudrais laisser la parole une dernière fois à Jean-Paul II : « …J’attends beaucoup de vous, les jeunes, tandis que je vous rappelle le rendez-vous de la Journée Mondiale de la Jeunesse à Cologne. Le thème choisi “Nous sommes venus l’adorer” (Mt 2, 2) peut vous suggérer de manière particulière l’attitude juste pour vivre cette année eucharistique. Dans votre rencontre avec Jésus caché sous les espèces eucharistiques, apportez tout l’enthousiasme de votre âge, de votre espérance, de votre capacité à aimer (9). »



Notes :
1 - Cf. Jean-Paul II, lettre apostolique Mane nobiscum Domine, n° 6.
2 - Ibid., n° 12-13.
3 - Ibid., n° 16.
4 - Ibid., n° 18.
5 - Ibid., n° 15.
6 - Ibid., n° 21.
7 - Ibid., n° 26.
8 - Ibid., n° 28.
9 - Ibid., n° 30.