Les saints, démultiplication des visages du Christ


Bernard Pitaud
supérieur provincial
de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice



Beaucoup d’images fausses ou au moins sommaires traînent dans les esprits concernant la vocation. Une de celles que l’on rencontre le plus fréquemment consiste à situer la vocation dans le registre de l’avoir : j’ai la vocation, il a la vocation. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette expression dans le passé ? Et celui qui oserait dire que cette conception ne subsiste plus du tout aujourd’hui serait sûrement téméraire.


Dieu nous appelle de très loin

On a suffisamment mis à jour les ambiguïtés que recèle cette manière de voir pour qu’il soit utile d’en rajouter. Une vocation, en régime chrétien, n’est pas un objet qu’on transporte dans sa valise comme un paquet, c’est d’abord un mode d’être et d’agir qui habite une personne et qui la fait vivre en référence à Celui qui l’appelle. Quand la vocation est authentique, la personne y trouve la pleine réalisation d’elle-même. Ou du moins elle y aspire. Car la vocation n’est pas un costume taillé sur mesure qu’il suffirait d’endosser. Comme si chacun était d’emblée parfaitement adapté à l’appel entendu ! Certes, il existe des aptitudes à la vie religieuse, au ministère presbytéral et aux autres formes de vocation dans l’Eglise. Le repérage de ces aptitudes fait partie du discernement nécessaire avant d’accepter qu’une personne se lance sur un chemin vocationnel. Pour autant, elles n’impliquent pas par elles-mêmes une parfaite adéquation. Si l’appel vient bien de Dieu, il y a de fortes chances pour que s’y manifeste la distance entre ce que je suis aujourd’hui et l’appel que j’entends. Il convient toujours d’être prudent vis-à-vis de ceux qui considèrent qu’ils sont évidemment faits pour telle ou telle vocation. Les prophètes étaient plus modestes : leur surprise, leur certitude de ne pas être à la hauteur les faisait plutôt fuir ; et il fallait que Dieu leur assure qu’ils n’avaient rien à craindre puisqu’il serait avec eux. C’est donc qu’ils avaient conscience de ne pas habiter parfaitement leur nouveau personnage, et cela justement parce qu’il ne s’agissait pas d’un personnage ! Dieu ne leur demandait pas de jouer un rôle, mais il les lançait dans une aventure incertaine où ils allaient être pris tout entiers, parfois jusqu’à la mort.

Cela n’est déjà pas toujours évident pour la vocation chrétienne. Combien de chrétiens s’habituent à leur foi et finissent par la trouver « normale », ce qui étonne toujours beaucoup les convertis ! L’appel à la sainteté qui retentit au cœur de toute vie chrétienne a pourtant parfois quelque chose d’angoissant quand nous mesurons la pauvreté de notre réponse. Quant aux vocations spécifiques, on entend souvent des réflexions comme celle-ci : « Il, ou elle, a beaucoup de chance. » Certes, mais aussi quelle exigence ! Comme s’il ne s’agissait pas de la même aventure de sainteté vécue de manières diverses ! Comme s’il n’était pas clair dès le départ que nous ne serons jamais à la hauteur ! La fidélité à l’appel entendu ne consistera donc pas à préserver un bien reçu et dont on serait désormais propriétaire ; elle consistera plutôt à chercher à devenir conforme à ce vers quoi, un jour, avec crainte et tremblement, on a cru nécessaire de projeter sa vie. La vocation est le mode sous lequel la personne appelée va se construire. Celui ou celle qui est appelé est désormais constitué par l’appel, c’est-à-dire que l’appel qu’il a entendu est une dimension constitutive de son être. Et comme son être n’est pas figé mais qu’il se déploie dans l’histoire, il ne cesse pas de répondre à l’appel entendu ; il n’a jamais fini de répondre. Il consent tout au long de son existence à laisser l’appel prendre possession de lui, l’habiter totalement. D’une certaine manière, on n’est pas prêtre, on n’est pas religieux, on le devient.
Bien sûr, il y a des seuils, des étapes, des engagements définitifs. Mais ils sont là justement pour nous permettre de couper les amarres et d’aller sans réticence vers Celui qui appelle. Bien sûr, quand il s’agit d’un prêtre, il y a un moment où quelqu’un est habilité par l’ordination à remplir la charge pastorale, mais le ministère qu’il remplit est un appel constant à vivre lui-même ce qu’il annonce et ce pour quoi il a été consacré. Bien sûr, il y a un moment où, en prononçant des vœux, on est intégré à une communauté religieuse, mais chaque religieux sait bien qu’il s’agit pour lui d’un nouveau point de départ dans la marche vers la sainteté que constitue la vie chrétienne.

On ne peut donc bien parler de vocation que dans la perspective d’une histoire où une personne se construit peu à peu. Mais attention ! Il ne s’agit pas de construction de soi par soi. Celui qui est appelé se construit dans sa réponse à Celui qui l’appelle ; en vérité, il se laisse construire plus qu’il ne se construit. Etre appelé suppose qu’on a écouté ; écoute qui devient permanente si l’on veut correspondre au désir de l‘Autre. Si nous répondons, c’est pour correspondre, c’est-à-dire nous ajuster à Dieu, répondre avec lui, en communion avec lui. Cette correspondance ne peut jamais être parfaite ; comment le serait-elle quand il s’agit de Dieu et de nous ? Cela se vérifie dans la mission qu’il nous confie. Le cas des prêtres l’illustre parfaitement : ceux-ci ne possèdent pas leur ministère, c’est leur ministère qui les possède. Ils passent leur vie à essayer de s’y ajuster, avec plus ou moins de succès. Non pas tellement au sens où ils ont plus ou moins de talent pour accomplir leur tâche (cela est vrai de toutes sortes de métiers), mais parce que la charge qu’ils ont reçue est celle-là même du Christ Pasteur, et que la charité pastorale qui les habite, dont l’origine est bien le cœur du Christ, est cependant toujours mesurée à l’aune de leur propre cœur, forcément un peu étroit.

De ces premières réflexions, il ressort ce qui devrait être une évidence : la vocation est le signe sous lequel est placée toute vie chrétienne en tant que telle, mais aussi tout chemin spécifique à l’intérieur de la vie chrétienne. On ne cesse pas de répondre à sa vocation quand on est devenu religieux ou prêtre. Les erreurs de perspective en ce domaine sont fréquentes : on pense souvent un parcours vocationnel sous un mode morcelé : on discerne d’abord « sa » vocation, puis lorsqu’on l’a reconnue, on passe à une autre étape, celle de la mise en œuvre d’un nouvel état. Comme si on cessait d’être appelé ! Comme si au cœur de la vie religieuse ou du ministère presbytéral ne retentissait pas l’appel à une communion avec Dieu et avec les autres qui se réalise chaque jour davantage ! Quel que soit le type de vocation dans lequel il inscrit sa vie, un être n’est jamais achevé. Saint Augustin utilisait le mot latin revocatio pour indiquer l’appel auquel répond un être qui doit sans cesse se retourner et se convertir vers Dieu pour atteindre sa forme parfaite et son achèvement (1).

Ainsi pouvons-nous dire que Dieu nous appelle de très loin. Le chemin, en effet, est long avant d’atteindre la sainteté. Cette dernière expression n’est-elle pas elle-même assez insupportable ? Comment pourrions-nous atteindre la sainteté si Dieu lui-même ne franchissait pas la distance ? Il faudra bien qu’il la franchisse au dernier moment s’il veut nous prendre avec lui, et il le veut, nous dit l’Evangile. Et il faut bien qu’il la franchisse à chaque instant pour nous donner le courage de consentir à faire un pas et puis un autre. Si les saints peuvent nous aider sur notre chemin, c’est peut-être d’abord parce qu’ils se sont laissés faire sur leur propre chemin, parce que l’appel inlassablement lancé par Dieu, et qu’ils ont accepté d’entendre, les a tenus tournés vers lui malgré leur désir de regarder en arrière et malgré le découragement qui les prenait parfois devant leur misère et l’éloignement du but. Ils ont cru à l’appel qui leur était adressé et ils ne s’y sont pas dérobé, malgré ce sentiment de folie qui les saisissait de temps en temps et parfois dès l’origine, comme le prophète Isaïe : « Je suis un homme aux lèvres impures » s’écrie-t-il, et la braise portée par le séraphin touche ses lèvres : « Ton péché est pardonné. » Alors il entend la voix du Seigneur : « Qui enverrai-je ? » Et il répond : « Me voici, envoie-moi. » Il n’a plus peur car il s’est laissé toucher par la miséricorde.
Si nous pouvons chercher à imiter les saints, c’est bien dans ce sentiment d’incapacité, d’indignité, saisi dans la certitude de la miséricorde. Car ils ne sont pas ces personnages parfaits dès le début dont une certaine hagiographie nous a tracé les portraits. Ils ont leurs moments de doute, d’obscurité, ils ont leurs tâtonnements, leurs hésitations ; ils ne sont jamais sûrs d’eux-mêmes, c’est en Dieu qu’ils mettent leur confiance. Quand nous y regardons de près, quand nous acceptons de quitter les images d’Epinal pour entrer dans leurs combats, dans les déchirements intérieurs qui jalonnent leur itinéraire, alors leur vulnérabilité nous surprend et nous rejoint. Ils ne sont pas faits en un jour, et par le fait même, ils deviennent accessibles, humains. Quand nous cherchons à les imiter, à devenir comme eux, commençons par reconnaître que toutes ces vertus qui les habitent se sont éveillées puis forgées sur la base d’un abandon, d’une confiance vécus au milieu des obscurités de la vie, dans l’angoisse de ne jamais être ajustés à l’appel entendu et qui leur donna parfois envie de fuir, comme le curé d’Ars, après tant d’autres.


Sa Voix nous atteint dans l’humble quotidien

Dieu nous appelle de très loin, disions-nous, en raison de la distance qui existe entre son appel et notre réponse. Mais l’écho de sa Voix résonne en fait très près de nous, dans les multiples événements qui nous atteignent et les innombrables rencontres qui traversent notre existence. Mais comment discerner l’écho de la Voix ? Combien de lépreux le jeune et brillant François n’avait-il pas déjà croisés sur sa route, et à combien n’avait-il pas déjà distribué l’aumône avec largesse, le jour où il reconnut en l’un d’entre eux son Seigneur, où il osa l’embrasser au risque de la contagion et au mépris de sa répugnance ? Que s’est-il donc passé ce jour-là ? Pourquoi justement ce lépreux-là a-t-il cessé d’être le miséreux anonyme auquel on jette de loin un peu de pain ou quelques pièces, pour revêtir les traits de la face du Christ crucifié ? Et pourquoi dans la plainte du lépreux François a-t-il entendu la Voix qui venait de très loin mais qui devint si proche qu’elle provoqua le retournement de sa vie ? Cette coïncidence est bien mystérieuse, elle reste et restera un secret pour François comme pour tous les autres qui l’ont précédé et suivi.

Mais elle nous éveille à plusieurs points d’attention. Tout d’abord, l’appel n’est pas un rêve, il retentit dans les réalités très concrètes de la vie ordinaire. Et de même que la réponse du pauvre d’Assise prit forme dans l’embrassement du lépreux, notre réponse n’est rien d’autre que notre accueil de l’autre ou de l’événement, par lequel s’ouvre le chemin de notre vocation. Il faut commencer par prendre à bras le corps la réalité, celle que nous sommes et celle des autres, sinon nous n’entendrons plus la Voix, mais des voix, c’est-à-dire des illusions. Combien de vocations ont cru s’éveiller dans ce qui n’était en fait qu’un rêve indéfiniment poursuivi mais jamais réalisé, incapable qu’il était de changer un monde qu’il n’avait pas étreint, incapable aussi de convertir le rêveur, trop préoccupé de son rêve pour laisser le réel l’interroger et pour accepter de combattre avec lui.
Le deuxième point d’attention touche à la qualité de notre écoute. Pour entendre la Voix dans le bruit de la crécelle du lépreux, il a fallu que François ouvre toute grande l’oreille de son cœur. Depuis longtemps, il était en quête, en attente active ; il pressentait ce jour où le feu qui couvait en lui deviendrait incendie. Un peu comme Marie en qui se concentrait toute l’attente du peuple d’Israël ; elle reconnut la voix de l’ange parce qu’elle la devinait déjà. Impossible d’entendre l’appel sans cette ouverture du cœur qui va déceler la Voix là où elle se cache. Qui ne fait pas silence en lui pour écouter risque fort de ne jamais entendre la Voix, parce qu’elle sera recouverte par tous les bruits de l’existence. Et qui ne désire pas l’entendre ne la percevra pas non plus, à moins que la grâce du Seigneur se fasse tonitruante ; cela se produit parfois, mais ce n’est pas habituellement son style, lui qui se révélait au prophète Elie ni dans l’orage ni dans la tempête mais dans la légèreté de la brise du soir. La spiritualité de l’Avent est propre à tous ces chercheurs de Dieu qui se sont mis en route un jour, en tendant l’oreille à l’appel de la Voix dont l’écho se répercute dans les humbles réalités quotidiennes, nous rappelant qu’il n’y a pas de réponse vraie qui ne vive des mystères de l’Incarnation et de la Croix, toujours intimement entrelacés.

Mais nous resterions encore bien loin du mystère et bien présomptueux, si nous nous imaginions que notre réponse jaillirait seulement de nous-mêmes. Bien sûr, c’est bien nous qui répondons, l’Esprit ne répond pas à notre place, mais notre réponse ne peut être ajustée que si nous la prononçons en lui. Car seul l’Esprit reconnaît la Parole et nous donne de la reconnaître. Les maîtres spirituels du XVIIe siècle nous ont rappelé avec insistance que l’élan vrai de notre être était celui-là même de l’Esprit, auquel il fallait « se laisser » pour être emportés libres et légers vers le Père qui appelle.
De tout cela il ressort qu’une imitation servile des saints serait tout simplement contradictoire avec la nature de la sainteté et donc avec la nature de la vocation dans la mesure où celle-ci est chemin de sainteté. En vivant à plein leur quotidien à eux, ils ne cessent pas de nous renvoyer à notre quotidien à nous. L’Incarnation et la Croix ne peuvent se vivre que dans des existences dont chacune est unique. Il n’y a jamais deux réponses identiques. Quand une personne se donne, c’est bien comme personne qu’elle se donne, telle qu’elle est, avec ses limites et ses richesses, et telle qu’elle est là aujourd’hui, dans son environnement, dans les multiples relations qu’elle entretient, au sein d’une culture particulière et à une époque déterminée. Nous disions plus haut qu’une vocation peut être bâtie sur le rêve. Une des formes du rêve, c’est de vouloir « être comme ». Il est vrai que, dans toute histoire de vocation, c’est un passage nécessaire. Mais il ne faut pas laisser trop longtemps se prolonger l’adolescence. L’identification n’a qu’un seul but : permettre de devenir soi-même et de ne pas mener une existence par procuration. Le seul chemin est la confrontation à sa propre vie et non pas la projection dans celle d’un autre.


A quoi servent les saints ?

Mais dirons-nous, il y a bien tout de même des familles spirituelles, donc des affinités entre les personnes. Nous ne sommes pas des individus juxtaposés, voués uniquement à une solitude qui finirait par devenir un bel isolement. Nous avons aussi besoin des autres et de nous reconnaître dans telle ou telle figure de sainteté en laquelle nous pouvons nouer des liens fraternels. Cela est bien évident ; la plupart des saints ont eu une vocation de rassembleurs. Mais si nous regardons leur vie, nous sommes frappés tout de suite par le fait qu’ils n’ont jamais cherché à attirer les autres vers eux-mêmes, mais vers le Christ. Le désir le plus profond des saints est de disparaître dans la troupe de ceux qu’ils ne veulent jamais appeler leurs disciples. C’est d’ailleurs à cela qu’on distingue, pour une part, les saints authentiques : les fruits qu’ils portent sont des fruits de liberté et d’humilité. Au contraire, ceux qui rassemblent autour d’eux aliènent les autres, ils les rendent dépendants et finalement orgueilleux de se référer à leur figure idéalisée. C’est pourquoi ils trouvent si difficilement leur place dans l’Eglise, car ils n’existent qu’en se distinguant, en se comparant ou en écartant les autres. Ils veulent se mettre au centre, mais ils oublient que la place est déjà occupée. D’ailleurs, le Christ lui-même ne se tient au centre que pour orienter tous les regards vers son Père.

Chacun d’entre nous est d’abord un disciple du Christ. Celui-ci est le seul Maître dont on est sûr qu’il n’aliène pas, car il est doux et humble de cœur. Beaucoup se regroupent autour d’une figure de sainteté qu’ils admirent et vénèrent ; ils le font parce que cet homme ou cette femme les aide à vivre l’Evangile selon une de ses multiples facettes qui se rassemblent toutes en la figure du Christ. Nous sommes limités. C’est une bonne manière d’essayer de vivre tout l’Evangile que de s’y engager par un de ses aspects qui nous séduit davantage, et que nous trouvons réalisé chez un saint ou une sainte. On pourrait dire que les saints et les saintes démultiplient le visage du Christ à travers les siècles. Ils montrent ce que Dieu peut réaliser dans notre pauvre humanité à partir d’hommes et de femmes comme nous. Nous avons besoin de ces témoins qui nous sont proches. Le Christ nous rejoint aujourd’hui par son corps qui est l’Eglise. Celle-ci nous communique la grâce par la Parole et les sacrements ; et elle nous offre aussi de multiples figures de sainteté en lesquelles rayonne le visage du Christ. Combien d’hommes et de femmes ne se seraient jamais tournés vers le Christ s’ils n’avaient pas rencontré sur leur chemin l’un ou l’autre de ces témoins ? Mais ce n’est pas d’abord le pauvre d’Assise que les franciscains suivent, même s’ils se réfèrent à lui, c’est le Christ pauvre dont ils ont vu un reflet dans leur fondateur. Celui-ci d’ailleurs estimait bien pâle ce reflet.
En ce sens, la figure de Jean le Baptiste restera essentielle à toute juste appréhension de la sainteté. Il est celui qui s’est effacé devant l’Agneau de Dieu, celui qui ne s’est pas approprié ses disciples mais les a laissés partir vers le Christ, celui qui s’est réjoui de la rencontre du Seigneur avec son peuple. Quand on se réclame d’un saint ou d’une sainte, il faudrait en même temps se réclamer de Jean le Baptiste, le saint de la désappropriation, du détachement, dont le rôle est simplement de désigner le Christ.

C’est ainsi que chacun pourra trouver sa place dans l’Eglise. Celle-ci rassemble tous ceux qui suivent le Christ. Le corps du Christ est constitué de différents membres dont chacun met particulièrement en relief un aspect de son mystère. Cela vaut pour les individus, mais cela vaut aussi pour tous les groupes qui se réclament de telle ou telle figure de sainteté. L’Eglise dispose d’une immense richesse, qui ne cesse de s’accroître, en cette multitude de saints et de saintes qui dessinent dans le monde, chacun selon sa grâce, le visage du Christ. Mais on n’est vraiment de l’Eglise que si l’on ne prétend pas être toute l’Eglise, si l’on accepte d’être simplement un de ses membres. Les saints nous indiquent un chemin qui a été leur chemin vers le Christ. Nous pouvons l’emprunter avec d’autres qui nous aident fraternellement sur cet itinéraire. Nous avons besoin d’une fraternité, d’une proximité plus grande avec d’autres membres de l’Eglise. Se reconnaître dans la même figure de sainteté est une des manières de vivre cette fraternité. Nous la vivons en sachant qu’elle doit aussi nous permettre d’être pleinement nous-mêmes dans notre relation avec le Christ, notre seul Maître.




Notes :
(1) Jean-Louis Chrétien, Saint Augustin et les actes de parole, PUF, 2002, p. 212. [Retour au texte]