Devant Dieu, pour tous ! Edith Stein


Frère Didier-Marie Golay,
carme



La vie et les écrits d’Edith Stein manifestent la grandeur et la beauté de la vocation chrétienne : devenir image du Christ. En 1931, elle écrit : « La vocation du chrétien est la sainteté (1). »
Dans une conférence intitulée Vocation de l’homme et de la femme dans l’ordre de la nature et dans l’ordre de la grâce, elle explique que la vocation est le fruit d’un appel qui s’exprime à travers la « nature de la personne » et à travers « son chemin de vie », et elle conclut : « En dernier ressort, celui qui appelle est bien Dieu lui-même. C’est lui qui désigne à chaque homme sa vocation, c’est lui qui appelle chaque individu à la tâche qui relève de sa vocation et qui assigne, en outre, à l’homme et à la femme des missions particulières (2). »

Pour elle, chaque personne est appelée par Dieu et doit fournir sa réponse personnelle. A travers son propre « chemin de vie », elle a cherché comment répondre à cet appel et a aidé d’autres à formuler leur propre réponse.
Dans une première partie, parcourons la vie d’Edith Stein et la manière concrète qu’elle a eue de répondre à l’appel de Dieu. Puis dans une seconde partie, écoutons ce que la conférencière ou l’accompagnatrice a pu exprimer sur la question de la vocation.



En quête de vérité, elle découvre le Christ

Née dans le judaïsme, puis devenue libre penseuse, Edith Stein découvre la philosophie et se laisse interpeller sur le « phénomène » religieux. Dans un événement, elle découvre le Christ et la puissance de Vie qu’il communique à ses disciples. Elle devient chrétienne et souhaite entrer au Carmel, mais l’Eglise lui demande un autre service. Toutefois des événements imprévus lui ouvriront les portes du Carmel où elle approfondira sa vocation universelle et particulière.

De la foi juive à la phénoménologie : une quête de sens

Le 12 octobre 1891, Edith, dernière enfant de Siegfried et Augusta Stein, vient au monde à Breslau, pour la fête de Yom Kippour. Sa « vraie mère juive (3) » voit dans cette coïncidence un don du Très-Haut. Sa mère, devenue veuve, reprend le commerce de bois et donne à ses enfants une éducation stricte mais pleine d’amour. Peu à peu, Edith suit l’exemple des aînés et s’éloigne de la religion de ses Pères. A quatorze ans elle déclare : « J’ai perdu ma foi d’enfant (4). » Une longue période de recherche commence. Elle se qualifie alors de « libre penseuse (5) ».

Après son baccalauréat, elle suit des études de psychologie, mais elle sera déçue par cette discipline. C’est alors qu’elle découvre l’œuvre et la pensée d’Edmund Husserl, fondateur de la phénoménologie. La devise de Husserl, « aller aux choses elles-mêmes », rejoint Edith dans sa quête de vérité et de sens. Ce regard simple, posé sur les choses pour y découvrir leur vérité propre, éclaire sa démarche personnelle. Il s’agit pour Edith d’un exercice non seulement intellectuel et universitaire mais d’une manière de vivre, d’une pratique qui saisit la totalité de l’existence. Elle restera toute sa vie fidèle à l’ascèse rigoureuse de cette démarche de connaissance qui oblige à une attitude de chasteté, de respect total des choses et des êtres.

Le « phénomène » de la foi

Lors de ses études de phénoménologie à Göttingen, Edith est rejointe par les questions religieuses. Elle assiste aux cours de Max Scheler qui, contrairement à Husserl, n’hésite pas à intégrer les données de la foi chrétienne dans son enseignement. Elle note dans ses souvenirs : « Je fus mise ainsi pour la première fois en contact avec cet univers qui m’était jusque-là totalement inconnu. Cela ne me conduisit pas encore à la foi, mais il ouvrit pour moi un domaine de “phénomènes” devant lesquels désormais je ne pouvais plus passer en aveugle (6). »
Au cours de l’été 1916, après avoir obtenu brillamment son doctorat en philosophie, lors d’une promenade, elle entre dans une église catholique et voit une femme, avec son cabas, venue faire une prière devant le tabernacle. Elle se laisse interroger par ce « phénomène (7) ».

En 1917, son ami Adolf Reinach meurt au front. Visitant la jeune veuve, Edith appréhende de la trouver fort abattue. Mais l’inattendu se produit, Anna Reinach la reçoit affermie dans la foi, fortifiée par l’espérance. Edith est bouleversée. Ce fut pour elle une expérience radicale qui toucha le fond de son être. C’est le moment décisif où elle découvre la force de vie que le Christ Jésus offre par sa croix. Mais la compréhension de ce qu’elle vient de vivre demandera une longue et profonde maturation.
Elle écrit à cette époque : « Un athée convaincu découvre dans un événement religieux l’existence de Dieu. Il ne peut pas se dérober à la foi mais il ne se place pas sur le terrain de la foi, il ne la laisse pas devenir agissante en lui, il reste imperturbablement fidèle à sa “conception scientifique du monde” qui serait détruite par la foi intégrale... (8) »

La suite du Christ en Eglise

Travaillée par la Grâce, Edith ne comprend pas ce qui se passe en elle. Au cours du mois de juin 1921, elle lit l’autobiographie de sainte Thérèse d’Avila. A travers les mots de Thérèse, elle se trouve face à une expérience, un itinéraire personnel, un chemin de vérité et d’intériorité. En dévoilant son monde intérieur avec simplicité et vérité, Thérèse permet à Edith de comprendre ce qui se passe en elle et de découvrir la vérité de son être : être créé qui n’est en vérité que lorsqu’il se situe humblement devant son Dieu. Elle voit que cette vérité qu’elle cherchait passionnément, c’est Quelqu’un : le Christ Jésus.
Elle écrira plus tard : « A côté des Confessions de saint Augustin, il n’y a certainement pas de livre de la littérature universelle qui, comme celui-là, porte le sceau de la véracité qui, aussi inexorablement, éclaire les plis secrets de notre âme et qui donne un témoignage aussi émouvant des “miséricordes de Dieu” (9). »
Le 1er janvier 1922, Edith Stein reçoit le baptême. En entrant dans l’Eglise catholique, elle n’a jamais voulu rejeter, ni renier ses origines juives. Au contraire elle les revendique d’une certaine façon : « J’avais cessé de pratiquer ma religion à l’âge de quatorze ans. Je ne me sentis à nouveau juive, qu’une fois renoués mes liens avec Dieu (10). »

Edith veut entrer au Carmel pour devenir fille de sainte Thérèse d’Avila ; mais son directeur spirituel, percevant ses dons pédagogiques et intellectuels et tenant compte de sa famille juive, ne lui permet pas de répondre à son désir. Avec docilité, elle se soumet à celui qui la guide, mais elle mènera dans le monde une vie de simplicité, de silence, de pauvreté et de recueillement. Elle devient enseignante chez les Dominicaines de Spire. En évoquant cette période, Edith écrit : « Peu à peu j’ai compris que, dans ce monde, il nous est demandé autre chose et que la liaison avec le monde, même dans la vie la plus contemplative ne doit pas être coupée. Je crois même que plus profondément quelqu’un est entraîné vers Dieu, plus il doit aussi “sortir de soi”, c’est-à-dire aller à la rencontre du monde pour y porter la vie divine (11). »
Pour pouvoir porter ainsi la vie divine au monde, Edith prend le temps de la prière personnelle et silencieuse : « pour converser avec Dieu comme si rien d’autre n’existait, et cela quotidiennement (12) ». Elle donnera ce conseil à ses amies et même à une assemblée de femmes enseignantes lors d’un congrès. Elle se veut « un instrument dans la main du Seigneur (13) ».

Au Carmel : se tenir devant Dieu pour tous

La venue au pouvoir d’Adolphe Hitler sonne le glas de ses activités d’enseignante et de conférencière à cause de ses origines juives. Elle saisit cette occasion pour répondre à sa vocation initiale. Avec la bénédiction de son accompagnateur, elle entre au carmel de Cologne le 14 octobre 1933 et prend le nom de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Elle écrit à un ami : « Loin de moi de l’idée de faire des reproches à ceux [les Nazis] qui ont ouvert pour moi la voie, même si cela n’était pas du tout leur intention (14). »
Son entrée au Carmel n’est pas une fuite mais une réponse mystique. Par amour du Christ, elle renonce à tout. Elle sait que cette vie cachée, silencieuse et paisible, austère et joyeuse porte en elle une fécondité, car elle est communion au mystère trinitaire. Elle écrit à un ami juif : « Qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, bien au contraire, il leur profite, car c’est notre rôle de nous tenir devant Dieu pour tous (15). »

Au Carmel, elle boit à la double source élianique et thérésienne. Ce « lieu » lui permet de vivre l’unité de son être judéo-chrétien. Elle reste profondément solidaire de son peuple : « Le destin de ce peuple était aussi le mien (16). » Dans les souffrances qui sont infligées au peuple juif, elle voit « une persécution de la nature humaine du Christ (17). »
Elle affine sa compréhension de sa vocation personnelle. Suite aux longues heures de prière silencieuse passées au pied du tabernacle, son regard spirituel « s’est ouvert sur les interactions surnaturelles des événements de l’histoire du monde (18) ». Elle écrit à une amie : « J’ai confiance que c’est pour tous que le Seigneur a pris ma vie. Je pense souvent à la reine Esther choisie en son peuple pour le représenter devant le roi. Je suis une Esther bien pauvre et impuissante mais le Roi qui m’a choisie est infiniment grand et miséricordieux (19). »

En 1938, après le plébiscite d’Hitler et l’horreur de la Nuit de Cristal, sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix comprend qu’elle peut mettre en danger sa communauté. Elle demande alors un transfert pour le Carmel d’Echt aux Pays-Bas. Elle y arrive, le 1er janvier 1939 ; en 1940 les Nazis envahissent le pays. Suite à la lettre pastorale des évêques hollandais dénonçant les pratiques du nazisme, Thérèse-Bénédicte est arrêtée avec sa sœur Rosa le 2 août 1942. Des passants l’entendent murmurer : « Viens, nous allons pour notre peuple. »
Tout se passe très vite, elles sont emmenées au camp de transit d’Amersfoort ; puis au camp de Westerbork. Le 7 août, elles prennent un train dont elles ignorent la destination. Le 9 août 1942, le convoi arrive à Birkenau II, annexe d’Auschwitz. Immédiatement, tous les arrivants sont exterminés dans les chambres à gaz.

Dans son testament elle avait écrit : « Dès maintenant j’accepte la mort que Dieu m’a préparée, en pleine soumission à sa très sainte volonté et avec joie. [...] pour tous ceux que Dieu m’a donnés : qu’aucun d’eux ne se perde (20). »

Ses derniers mots, qui reprennent de manière personnelle la prière sacerdotale de Jésus (Jn 17) nous montrent à quel degré elle était parvenue dans l’imitation du Christ qui est à ses yeux le but de tout chrétien : « Etre son image est notre but à tous. Et le chemin pour y parvenir sera de nous laisser façonner par Lui et de croître avec Lui comme membres du Corps dont il est la tête (21). »


Discerner sa vocation et choisir un chemin de vie

La vie d’Edith Stein illustre explicitement ce qu’elle avait écrit en 1932 : « Appartenir à Dieu par un libre don d’amour et le servir n’est pas seulement la mission de quelques élus, mais de tout chrétien, homme ou femme, consacré ou non. Chacun est appelé à suivre le Christ. Plus on avance sur ce chemin, plus on lui ressemble et étant donné que le Christ incarne l’idéal de perfection humaine [...] l’imitation du Christ conduit à l’accomplissement de la vocation humaine originelle (22). »
Cette vocation humaine, elle en a parlé du haut de sa chaire de conférencière, mais elle a aussi écouté des jeunes filles qui cherchaient leur « chemin de vie » et les a aidées à donner leur réponse.

« Ressentir une vocation »

Pour Edith Stein, la connaissance procède de trois sources complémentaires. Il y tout d’abord la connaissance qui provient de l’expérience elle-même, puis il y a celle qui advient par le travail de la pensée et de la raison, enfin il y a celle qui s’obtient à la lumière de la foi. Ces trois sources de connaissance ne sont pas vues par Edith comme successives, mais comme concomitantes. Après son baptême, ses écrits concernant la personne humaine, sa « théorisation » de divers sujets, reposent toujours sur ce trépied fondamental : expérience, raison et foi.

Son enseignement sur la vocation puise ainsi à sa propre expérience, à toute la réflexion anthropologique qu’elle a menée dès ses études à Göttingen, et à sa foi en un Dieu créateur qui appelle sa créature à faire alliance.
Devant une assistance nombreuse et variée, elle proclame en 1933 : « Ressentir une vocation particulière n’est cependant pas un privilège exclusif réservé à quelques rares élus. Toute âme humaine est créée par Dieu, chacune reçoit de lui une empreinte qui la distingue de toutes les autres (23). »
Pour elle, toute personne est appelée par Dieu et doit répondre à cet appel. Elle nous invite à un vrai questionnement : « Il n’est pas licite de passer sans faire attention à la question : que sommes-nous ? et que devons-nous être ? (24) »

A partir de l’Ecriture, elle parlera de la vocation de l’homme et de la femme, vocation à la fois commune et distincte. Elle développe davantage la vocation féminine à cause de sa propre expérience et de son « être femme ». Elle aura d’ailleurs une très belle formule pour évoquer le chemin de la vocation féminine : « Toute femme porte en elle quelque chose de l’héritage d’Eve et doit chercher le chemin qui conduit d’Eve à Marie (25). »

Mais l’ensemble des conférences et des cours qu’elle a donnés à l’Institut des Sciences Pédagogiques de Münster montre que le discernement de la vocation suppose une attitude intérieure d’écoute. Il faut rassembler, ressaisir toutes les dimensions de l’être, se recueillir humainement et spirituellement pour trouver son chemin et s’y engager.
Pour Edith Stein, il y a une véritable dynamique de la vocation. Dieu se révèle dans l’histoire, son appel nous rejoint sur un « chemin de vie » et nous invite à un « devenir ». Par l’accueil de cet appel, nous expérimentons alors une transformation et un accomplissement de notre être. La vocation n’est pas un concept abstrait, mais il y a comme une « incarnation » de la vocation qui s’exprime à la fois dans un « être » et dans un « faire ». Les deux dimensions agissent l’une sur l’autre et permettent de vérifier une impression, un ressenti. C’est la vie concrète qui permettra le véritable discernement de la vocation particulière de chaque personne. Elle indique d’ailleurs le bonheur intérieur, la paix profonde comme critères pour vérifier que nous nous trouvons bien à la place qui doit être la nôtre.

Edith Stein insiste très souvent sur le fait que la vocation ne peut être qu’une réponse libre et personnelle à l’appel de Dieu. Mais pour pouvoir répondre, il faut permettre à l’intériorité de se déployer ; il faut laisser les désirs profonds, les secrets du cœur advenir à la conscience et se dévoiler. Pour cela, il faut se désencombrer : « Je pense que dans tous les cas c’est un chemin très sûr que de faire tout son possible pour se vider de tout et servir de réceptacle à la grâce divine (26). »

Un chemin particulier

Dans ses relations avec ses élèves, Edith Stein a aidé l’une ou l’autre sur son chemin personnel. Deux extraits de lettres nous semblent très significatifs à ce sujet.
Dans le premier, elle insiste sur la dimension unique et personnelle de chaque être et sur son implication active, même si cette action est infime au regard de l’œuvre de Dieu en elle. Il faut ce peu qui est réponse personnelle et engagement de soi-même : « Dieu mène chacun de nous selon un chemin particulier, l’un atteint le but plus facilement et plus rapidement que l’autre. Nous pouvons faire très peu par nous-mêmes, en comparaison de ce qui est fait en nous. Mais ce petit peu, nous devons le faire. Essentiellement, cela consiste à persévérer dans la prière pour trouver le bon chemin et à suivre sans résistance l’attrait de la grâce quand nous le ressentons. Quiconque agit de cette façon et persévère patiemment ne pourra pas dire que ses efforts sont vains. Mais on ne doit pas fixer de délai au Seigneur (27). »

Nous pouvons noter son insistance sur la prière, relation personnelle à Dieu, et sur l’obéissance à la grâce pour découvrir un chemin qui se révèle progressivement. Mais elle n’oublie pas la médiation ecclésiale, comme le montre l’extrait suivant : « La question de choisir un ordre, une association libre ou encore la vie de totale solitude au service de Dieu, ne trouve pas de solution universelle, mais une réponse personnelle. La multiplicité des ordres, congrégations et libres associations n’est ni un accident, ni le fruit d’un égarement : elle exprime la diversité des desseins et la diversité des hommes. De même qu’une personne ne peut être utile en tout, de même une association ou un type d’organisation ne peut tout offrir. Un seul corps mais de nombreux membres, un seul esprit mais des dons multiples. Où est la place d’un individu, voilà bien la question de la vocation et c’est maintenant pour toi la plus importante après ton épreuve. La question de la vocation ne se résoudra pas uniquement dans l’examen de conscience ou dans la revue des différentes voies possibles. La solution doit s’obtenir par la prière - tu le sais - et dans beaucoup de cas être recherchée sur le chemin de l’obéissance. Ce conseil, je l’ai donné plus d’une fois et ceux qui l’ont suivi sont bel et bien parvenus à la paix et à la lumière.
Je pense que le mieux pour toi serait d’être aidée par un bon directeur. Je ne sais pas si tu as en ce moment un confesseur à qui tu pourrais te confier entièrement. Sinon je connais deux prêtres dans les environs, je suis sûre qu’ils pourraient t’aider. [...] Bien sûr je ne te conseille pas de rencontrer les deux, mais d’en choisir un des deux (28). »


Les conseils qu’elle donne aux jeunes sont ceux dont elle a expérimenté le bienfait pour elle-même. Elle a appris à « se tenir en main pour pouvoir se lâcher (29) » et elle invite à faire de même : « Dieu conduit par sa grâce : voilà qui m’est apparu particulièrement tangible ces dernières semaines. Je crois que je distingue mon devoir plus clairement et plus précisément. Certes cela signifie aussi que je prends conscience, toujours davantage, de mes limites réelles ; mais dans le même mouvement et malgré ces limites, je prends conscience aussi de la possibilité d’être un instrument de Dieu (30). »

« Dans la main du Seigneur »

« Je ne suis qu’un instrument dans les mains du Seigneur. Celui qui vient à moi, je voudrais le conduire à lui (31). »
Edith Stein, Thérèse-Bénédicte de la Croix, a longuement cherché et, finalement, elle a été trouvée par Celui qu’elle cherchait sans le savoir. Réfléchissant sur les limites, sur la finitude de son être, elle découvre Celui qui, plus intime à elle-même qu’elle-même, la soutenait dans l’existence, lui donnant « la vie, le mouvement, et l’être » (Ac 17, 28). Elle le découvre comme Celui qui se donne lui-même, comme Celui qui veut communiquer sa sainteté, sa vie : « Dieu est Amour et l’Amour est Bonté qui s’offre elle-même, une plénitude d’Etre qui ne reste pas enclose en elle-même mais qui veut se communiquer, s’offrir aux autres et les combler de bonheur (32). »

Vivre de cette Vie et permettre à d’autres d’en vivre, c’est la simple vérité qu’elle veut transmettre par sa vie et par ses écrits : « Il n’y a, en fait, qu’une petite et simple vérité que je puisse dire : comment l’on peut commencer à vivre dans la main du Seigneur (33). »
Une marche avec Dieu qui, peu à peu, saisit la totalité de l’être, pour le conduire à une vie de plus en plus pleine, à une vie donnée, à une vie offerte. Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix a parcouru ce chemin à la suite du Christ, elle peut devenir notre guide et notre amie pour notre propre parcours.
Avec les accents pauliniens de la Lettre aux Romains (34), c’est sur ce chemin qu’elle nous invite à marcher : « La seule chose que l’on puisse faire, c’est de vivre de plus en plus fidèlement et purement la vie que l’on a choisie, pour la présenter comme une offrande agréable en faveur de tous ceux avec qui l’on a des liens (35). »



Notes :
(1) Edith Stein, La femme et sa destinée, Amiot-Dumont, 1956, p. 144.
(2) Femme, p. 148-149.
(3) Edith Stein, Vie d’une famille juive, Cerf/Ad Solem, 2001, p. 278.
(4) Vie, p. 162.
(5) Vie, p. 227.
(6) Vie, p. 307.
(7) Cf. Vie, p. 470.
(8) Edith Stein, « Psychische Kausalität », in Jahrbuch für Philosophie und Phänomenologische Forschung, tome V, 1922, p. 43.
(9) Edith Stein, L’art d’éduquer, regard sur Thérèse d’Avila, Ad Solem, 1999, p. 99.
(10) Paroles citées par le pape Jean-Paul II, dans l’homélie de la béatification, le 1er mai 1987 à Cologne.
(11) Lettre du 12 février 1928 à Sœur Callista Kopf, dominicaine.
(12) Lettre du 12 février 1928 à Sœur Callista Kopf, dominicaine.
(13) Lettre du 12 février 1928 à Sœur Callista Kopf, dominicaine.
(14) Lettre du 20 novembre 1933 à Hans Brunnengräber.
(15) Lettre du 14 mai 1934 à Fritz Kaufmann.
(16) Edith Stein, « Comment je suis entrée au carmel de Cologne » in Vie, p. 491.
(17) Témoignage recueilli au Procès de Béatification, Positio super causae introductione, p. 192.
(18) Edith Stein, « L’expiation mystique », in Source Cachée, Cerf/Ad Solem, 1998, p. 233.
(19) Lettre du 31 octobre 1938 à Mère Pétra Brüning, ursuline.
(20) Edith Stein, « Testament » in Vie, p. 512-513.
(21) Edith Stein, « Les bases de la formation féminine » in Die Frau, (La Femme), ESGA, 13, Herder, 2000, p. 42.
(22) Femme, p. 186-187.
(23) Femme, p. 67.
(24) Edith Stein, « La vie chrétienne de la femme », ESGA 13, p. 79.
(25) Edith Stein, « La vie chrétienne de la femme », ESGA 13, p. 106.
(26) Lettre du 20 octobre 1938 à sœur Callista Kopf, dominicaine.
(27) Lettre du 17 août 1031 à Annelise Lichtenberger.
(28) Lettre du 30 août 1931 à Rose Magold.
(29) Edith Stein, De la Personne, Cerf, 1992, pp. 22-23.
(30) Lettre du 12 février 1933 à Mère Pétra Brüning, ursuline.
(31) Lettre du 19 décembre 1930 à Erna Hermann.
(32) - Edith Stein, « Amour pour amour », in Source Cachée, p. 118.
(33) Lettre du 28 avril 1931 à Sœur Adelgundis Jaegerschmid, bénédictine de Sainte-Lioba.
(34) « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Rm 12, 1).
(35) Lettre du 11 janvier 1934 à Sœur Adelgundis Jaegerschmid, bénédictine de Sainte-Lioba.