Les vocations en Pologne


Stefan Regmunt
évêque délégué de la Conférence épiscopale polonaise
pour la pastorale des vocations

En ce qui concerne le nombre de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, la Pologne est un pays particulier. Le phénomène des vocations en Pologne et la situation de l’Eglise intéressent les mem­bres de l’Eglise mais aussi des hommes de science. Cet article veut répondre aux questions suivantes : quelle est la situation actuelle des vocations en Pologne, comment le service des vocations est-il organisé et que faut-il faire pour prendre soin des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée ?

Après 1985, la Pologne a retrouvé la liberté religieuse et, progressivement, la normalisation des relations entre l’Etat et l’Eglise. On a ratifié le Concordat avec l’Etat du Vatican, la catéchèse est rentrée à l’école. L’Eglise a retrouvé le droit de créer des écoles catholiques et des associations, elle a récupéré aussi une partie des biens qui avaient été confisqués par les communistes. En 1993, le Vatican a opéré une réforme de la structure et de l’administration de l’Eglise de Pologne : on a créé de nouveaux diocèses, passant de vingt-sept à quarante-deux. Quelques nouveaux diocèses ont ouvert des séminaires. Ces événements ont provoqué l’animation de la vie religieuse des Polonais et la progression des vocations. L’Eglise catholique en Pologne comprend 36,7 millions de personnes, c’est-à-dire 95,6 % des Polonais.

La situation des vocations

En 1983, il y avait en Pologne 22 381 prêtres ; 25 225 en 1990, environ 30 000 en 1999 : en quinze ans, le nombre de prê­tres a augmenté de plus de 6 000. Grâce à cette augmentation, il est égal au nombre de religieuses. Cela correspond à un prêtre pour 1 717 fidèles, soit la treizième place en Europe.
Dans les séminaires, 6 942 séminaristes se préparent au sacerdoce. Chaque année, environ 1 400 candidats s’adressent aux séminaires. Les séminaires les plus importants sont : Tarnów (308), Katowice (195), Lublin (179), Przemys´l (176), Wroclaw (164). Les séminaires religieux : les Franciscains (301), les Salésiens (219), les Pallotins (112), les Dominicains (111), les Oblats de Marie Immaculée (107).
En ce qui concerne les vocations féminines, la situation est plus difficile. Durant les dernières années, le nombre de religieuses a baissé dans les congrégations apostoliques. Les raisons en sont la diminution des vocations et l’augmentation des décès de sœurs âgées. Le nombre de religieuses dans les ordres monastiques augmente.
Durant les années du régime communiste en Pologne, les futurs missionnaires rencontraient de grandes difficultés administratives pour la préparation et la réalisation de leur départ en mission. En 1949, l’Etat a suspendu l’activité missionnaire. En 1997, 1 835 missionnaires polonais ont travaillé pour les missions : 232 prêtres, 1 835 religieux missionnaires, 488 religieuses et 17 laïcs.
Le phénomène qui inquiète, c’est la baisse démographique. Dans cinq ans, le nombre de personnes passant le baccalauréat baissera. Ce qui signifie que le nombre de candidats potentiels au sacerdoce et à la vie consacrée baissera aussi. Il est possible que cela agisse négativement sur le nombre des vocations en Pologne.
Ce qui est très important, ce n’est pas seulement la quantité de vocations, mais surtout la qualité humaine et spirituelle des candidats au sacerdoce et à la vie consacrée. Aujourd’hui, il y a des tendances qui ne sont pas positives. De plus en plus de candidats des séminaires et noviciats se montrent des enfants de leur temps : ils subissent les influences dominantes de la culture contemporaine. Ils ont des problèmes avec la liberté, la conscience, les émotions, la sexualité, la hiérarchie des valeurs et l’obéissance. Les candidates à la vie religieuse sont maintenant bien préparées intellectuellement et professionnellement. Elles sont sensibles aux besoins de la société et du monde contemporain. Mais, de plus en plus, elles sont accablées de faiblesses et de blessures par la culture de notre temps.

Ce qui est très positif, c’est la création de groupes et d’associations de laïcs qui soutiennent des vocations : ce sont surtout des associations de soutien des vocations ou des associations d’amis du séminaire. Parfois ces associations comptent cinq mille membres (par ex. Gniezno, Legnica, Radom). Un élément fondamental de leur activité est la prière pour les vocations ainsi qu’une aide matérielle aux communautés de formation, ce qui est important étant données les conditions de vie en Pologne.

Organisation de la pastorale des vocations

La pastorale des vocations est une sorte d’activité de formation de ceux qui découvrent en eux un charisme particulier pour le service de l’Eglise. Son but est d’aider ces personnes à découvrir et réaliser leur vocation propre. Cela se fait tout d’abord par la présentation de la vocation, qui découle du baptême, par l’animation de la foi, l’apprentissage de la prière, la formation de la conscience. La deuxième étape est l’accompagnement des personnes appelées en formation dans les séminaires, les noviciats ou les instituts de laïcs.
La pastorale des vocations est une tâche pour tous les acteurs de la pastorale. L’Eglise de Pologne la met en œuvre à trois niveaux : national, diocésain et paroissial. Elle tend vers une collaboration totale entre ces trois niveaux de structures.

Au niveau national

Le Centre National des Vocations existe en Pologne depuis de nombreuses années. Son but est la promotion et la coordination des activités pour soutenir les vocations dans les diocèses. Il a été créé tout de suite après le premier Congrès Européen des Vocations à Rome et a pris le nom de Conseil National de la Pastorale des Vocations. Ce conseil est une structure qui représente toute l’Eglise polonaise. Ses membres sont choisis par les évêques, les supérieurs des couvents masculins et féminins et aussi par les supérieurs des instituts de laïcs. A la tête de ce conseil, il y a un délégué de l’épiscopat.
Le Conseil National s’occupe de la coordination entre le clergé séculier et le clergé régulier, en ce qui concerne les activités pour les vocations. Il promeut la prière pour les vocations, rédige des orientations pastorales, prépare et diffuse des matériaux pour la Journée Mondiale de prière pour les Vocations. Il collabore également avec les médias, rédige les statistiques des vocations, organise des rencontres et participe à des congrès concernant les vocations dans le pays et à l’étranger ; il propage tout ce que l’Eglise annonce et organise des rencontres de formation pour les familles et les personnes qui soutiennent les vocations.
Ce qui est très important, c’est la formation de formateurs diocésains et religieux. Le Conseil National organise, deux fois par an, des rencontres de formation de trois jours, qui réunissent cent cinquante à deux cents personnes. Ces personnes représentent les diocèses, les couvents masculins et féminins ainsi que les instituts de laïcs. En mai 2000, à Czestochowa, au sanctuaire de Jasna Góra, le Conseil National a organisé un congrès des vocations pour toute la Pologne.

Au niveau diocésain

Dans le diocèse, c’est l’évêque qui est responsable des vocations. Le Conseil Diocésain des Vocations, qui aide l’évêque, se compose de l’aumônier diocésain des vocations, d’un représentant des couvents masculins et féminins, du recteur ou d’un autre représentant d’un séminaire diocésain, d’un délégué des séminaristes, de l’aumônier diocésain de la jeunesse, de représentants des instituts de laïcs, de l’Association des Familles Catholiques, d’organisations catholiques de jeunes, de catéchistes, des médias qui ont une activité dans le diocèse.
Les activités fondamentales du travail pour les vocations dans les diocèses sont : des propositions d’animation chaque année, des congrès diocésains des vocations, l’organisation des associations qui soutiennent les vocations sacerdotales, des associations d’amis du séminaire, des exercices spirituels pour des jeunes, des « journées portes ouvertes » dans les séminaires et certains couvents, des journées pour les jeunes, l’aumônerie du service liturgique, des pèlerinages, des exercices spirituels de vacances. L’une des activités les plus importantes est l’organisation de prières et de rencontres à l’occasion de la Journée Mondiale de prière pour les vocations. Dans tous les diocèses polonais, elle a pris la forme d’une semaine de prière pour les vocations.
Les liens et la collaboration entre les évêques et le Conseil National sont précieux. Chaque année, les évêques autorisent la publication et la diffusion de bulletins et tracts préparés par le Conseil pour toutes les paroisses. Des évêques délèguent aussi des représentants pour participer à des rencontres de formation. Des représentants de couvents et d’instituts sont délégués par leurs supérieurs.

Au niveau paroissial

Le Conseil National des Vocations et les conseils diocésains ont pour but d’inspirer et de soutenir les vocations dans les paroisses, parce que la communauté paroissiale est le milieu où Dieu agit et où les personnes appelées apprennent à écouter Dieu et à répondre à son appel.
Les paroisses polonaises ont leur spécificité propre et sont différentes de celles d’autres pays européens. Les prêtres polonais annoncent la Parole de Dieu, ils donnent les sacrements, font la catéchèse, mais ils bâtissent aussi de nouvelles chapelles et s’efforcent de chercher des moyens pour évangéliser et entretenir les bâtiments dépendants de la paroisse.
L’engagement des laïcs dans les paroisses en Pologne est moindre qu’en Europe occidentale. Beaucoup de personnes participent à l’Eucharistie, reçoivent les sacrements, aident la paroisse matériellement mais n’acceptent pas les propositions d’engagement individuel dans la communauté paroissiale. Ce phénomène est partiellement une conséquence du régime communiste qui défendait aux catholiques d’appartenir à des communautés et à des groupes apostoliques.
Le souci des vocations s’exprime par une aide aux enfants et à la jeunesse pour qu’ils vivent profondément le lien avec le Christ par l’Eucharistie, l’office, la catéchèse, les sacrements, la formation de la culture vocationnelle en groupes et en mouvements de jeunes (service liturgique, chorales, mouvements de jeunes : Lumen Vitae, associations catholiques de jeunes). Des exercices spirituels paroissiaux, des pèlerinages à des sanctuaires connus jouent aussi un rôle important.
La paroisse est un milieu de formation des adultes, surtout des parents. Une formation chrétienne les incite à la prière pour les vocations. La paroisse aide aussi les parents à accompagner leurs enfants pour découvrir et réaliser leur vocation. C’est la famille qui est surtout responsable de l’attitude des enfants et des jeunes envers Dieu et son appel à la vocation.
Ce qui est important, c’est le témoignage de la fidélité joyeuse des prêtres et des personnes consacrées qui sont originaires de la paroisse. Il est aussi très important de soutenir un contact direct entre les paroisses et les séminaires diocésains et religieux, ce qui a lieu surtout à l’occasion de la semaine de prière pour les vocations.

Activités paroissiales habituelles pour les vocations

1. La prière pour les vocations et pour les appelés, en particulier chaque premier jeudi et dimanche du mois.
2. Des catéchèses sur les vocations : le Conseil National des Vocations prépare le matériel.
3. Le travail avec les jeunes (groupes de formation). Une aumônerie des jeunes bien animée est un lieu vocationnel.
4. La coordination entre les paroisses, les séminaires et les couvents. La participation de jeunes à des exercices spirituels organisés par les séminaires et les couvents. L’invitation de religieuses et de séminaristes dans les communautés paroissiales.
5. La création, dans les paroisses, de groupes et d’associations qui soutiennent les vocations.
6. Une aide matérielle aux séminaristes et l’animation de l’esprit de sacrifice chez les enfants, les jeunes et les adultes.
7. La participation de représentants des jeunes aux ordinations, aux vœux monastiques et aux jubilés.
8. Le témoignage de la joie des personnes consacrées et de prêtres qui travaillent dans la paroisse. La coordination des formateurs. Il y a beaucoup de prêtres et de sœurs qui ont un charisme particulier pour bien comprendre les jeunes.
9. L’engagement à la prière à l’occasion de la semaine de prière pour les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée.
Toutes ces activités aident à former une profonde culture vocationnelle, qui est une partie importante de la nouvelle évangélisation ; elle aide des jeunes à découvrir que le sens de la vie est de servir gratuitement Dieu et les autres.

Les orientations de la pastorale des vocations

Nous nous rendons compte qu’en Pologne aussi, nous avons besoin de renouveler et d’animer constamment notre souci des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée. L’Eglise de Pologne veut mettre en œuvre les orientations du Congrès Européen des Vocations de Rome. Les activités qui semblent actuellement les plus nécessaires en Pologne sont :
• une réflexion approfondie quant aux vocations ;
• le besoin d’une nouvelle évangélisation plus que d’agitation ;
• la création d’une Eglise christocentrique, servante et missionnaire ;
• la fidélité des prêtres et des personnes consacrées envers leur propre vocation ;
• l’engagement des familles pour susciter des appelés ;
• l’engagement de l’éducation pour susciter des appelés ;
• une formation constante des formateurs ;
• une intégration de la pastorale des vocations dans les fonctions pastorales.

Les personnes qui s’occupent des vocations en Pologne sont conscientes que la pastorale des vocations demande une formation approfondie (évangélisation) – pas de recrutement instantané des candidats pour les séminaires et les couvents – et une intégration dans les fonctions pastorales, surtout l’aumônerie de la jeunesse et des familles. Une mission fondamentale de la pastorale des vocations est la prière et la création d’une culture vocationnelle, c’est-à-dire la conscience que chaque baptisé est appelé à devenir, comme Jésus, un don pour les autres et que chaque croyant est appelé à s’intéresser à toutes les formes de vocations dans l’Eglise.
Il faut raviver l’espérance chez les personnes qui s’occupent de vocations, mais qui n’ont pas encore vu de fruits mesurables de leur travail. L’Eglise en Pologne a besoin de cet espoir, particulièrement aujourd’hui où nous retrouvons la liberté. Cet espoir est nécessaire dans les diocèses et dans les couvents qui subissent le manque de prêtres, de frères et de sœurs.
En plus de l’espoir, nous avons besoin d’une prière constante et confiante de toutes les communautés ecclésiales pour mettre en œuvre la demande du Christ : « Priez le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. » En ce qui concerne les vocations en Pologne et en Europe, nous pouvons regarder l’avenir avec confiance, à condition que le fondement de notre espérance ne soit pas l’activité et les plans humains, mais l’expérience de la présence de Dieu et l’obéissance à sa Parole.