Edito
Ce numéro de Jeunes et Vocations est né de la volonté de l’ensemble des SDV.
Le voyage que nous vous proposons comporte de nombreuses haltes ; des figures de saints, de saintes, et de personnes, qui sans être encore canonisées, disent « quelque chose » de la vie en Christ. Ce parcours met en exergue, dans la différence des époques et des mentalités, une véritable ligne de force. Cette constante, qui est tout sauf monotone, voire convenue, est une personne : le Christ, et un livre : l’Evangile, vécus en Eglise. Ainsi, rien sur le fond ne distingue radicalement une figure de saint d’une autre ; chacun laisse le Christ lui polir le cœur, vivant ainsi, simplement, quelque chose de la sainteté de Dieu ? Ceux que nous appelons saints n’ont pas été sans questions, sans incertitudes ; ils nous sont sur ce point terriblement semblables. Nous pensons nécessaire de les faire re-connaître comme autant de facettes vocationnelles, capables de nous interpeller et d’induire des vocations au service des hommes par le Christ, pour l’Eglise.
En ouverture, un article s’attache à envisager une théologie de la sainteté comme chemin vocationnel, dégagée des lieux communs qui trop souvent l’habitent. Viennent ensuite de nombreuses figures de saints, classées selon deux critères, croisés ; nous irons du XXIe siècle au temps de saint François et les saints étudiés seront rangés selon la date de leur entrée dans la Vie. Cette substantielle partie est suivie d’une rubrique qui propose deux partages d’expériences, l’un personnel et l’autre pastoral, suivie de textes ressources sur le thème de la sainteté comme proposition de vie offerte à chaque membre du peuple de Dieu, selon la formule chère à Vatican II.
En prélude à la lecture de ce numéro substantiel, nous vous proposons, en quelques lignes, de suivre les évolutions du concept de « Saint » à travers l’Ancien et le Nouveau Testament.
Dieu seul est Saint ! Tout l’Ancien Testament résonne de cette proclamation à laquelle très rapidement sera conjointe cette autre affirmation : « Dieu de tendresse et de grâce (1) ». Saint est le nom « propre » de Dieu. La première titulature est son apanage et pourrait-on dire ne souffre aucune comparaison ; en revanche la seconde a pour particularité d’être un attribut anthropomorphe qui, en cela même, ne saurait épuiser les possibles de Dieu. Une autre façon d’approcher ce qu’est Dieu consiste à tenir ce qu’Il n’est pas : « Je suis Dieu et non pas homme, Saint au milieu de toi (2) » ; Saint avec toi, au plus près de toi, au point de parvenir à ce paradoxe : Dieu le plus « étranger » et le plus intime aux hommes.
Dans le livre d’Isaïe, Dieu prend le titre de Saint d’Israël. Dieu s’engage aux côtés d’un peuple, par sa sainteté et au nom même de sa sainteté ; en conséquence il ne peut plus se dédire, tandis qu’Israël oscille dans son histoire entre refus et acceptation pour approcher, avec l’aide de Dieu, le temps de l’ajustement.
« Soyez saints, car moi YHWH je suis saint (3) », la sainteté du peuple est appariée à la sainteté de Dieu, ainsi les exigences de l’Alliance sont ordonnées aux impératifs de Sainteté. Au centre, désormais, le commandement de l’Amour, inséparable de la « tendresse » – ou miséricorde – cet autre attribut de Dieu que les hommes sont convoqués à s’approprier. Au-delà des exigences de la loi – mais après qu’elles aient étés vécues – vient l’appel à la sainteté.
Le vocabulaire chrétien reprend très largement l’héritage juif, et met l’accent sur la sainteté du peuple de Dieu. Les chrétiens s’autoproclament « les saints » car ils ont conscience d’avoir répondu personnellement à l’appel du Dieu saint, d’être attachés à Lui par un lien sacré, emplis de l’espoir d’être accueillis par le Saint (4). L’appartenance au peuple saint, en régime chrétien, est le fruit d’un choix et non pas le produit d’une naissance ; par choix personnel, mais avec la grâce de Dieu, le chrétien se joint aux saints qui le précèdent. Les chrétiens répondent à leur vocation particulière en élargissant l’appel à la Sainteté aux dimensions du monde.
L’« idée » de sainteté de Dieu est très présente en Jn 17, 11 : « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, pour qu’ils soient un comme nous » ; l’acte par lequel Jésus donne sa vie est l‘acte saint par excellence ; il se sanctifie lui-même pour que d’autres, à sa suite, soient sanctifiés (5). Il est le « Saint de Dieu », celui qui met en œuvre à la fois la sainteté de Dieu et la sainteté accomplie de l’homme, mais seul à être saint comme Dieu est Saint ; n’est-il pas à la source de la sainteté ?
La sainteté est le fruit conjoint de deux actions, celle de Dieu et celle de l’homme. Il y a un rapport réciproque, bien que dissymétrique, entre Créateur et créature, faite à Son « image et à sa ressemblance ». C’est par la Filiation adoptive, sommet de la grâce, et par l’Esprit, que les créatures reçoivent l’aspiration nécessaire à vivre conformées au Saint, dans le « déjà là » et l’attente du Royaume. La vocation à la sainteté, en régime chrétien, est consubstantielle au fait baptismal ; ne s’agit-il pas, après avoir traversé le péché et la mort, de revêtir le Christ, Saint ?
Bonne lecture !
(1) Ex 34, 6.
(2) Os 11, 9.
(3) Lv 19, 2.
(4) 1 Th 3, 13.
(5) Jn 17, 17-19.