Edito


Il ne sera pas question de refaire ici l’histoire de la famille ! Il convient simplement d’avoir à l’esprit, avant de commencer à lire cet ensemble d’articles, que la famille, telle que nous l’envisageons, appartient à l’histoire moderne par de multiples aspects. Pensons seulement à l’espérance de vie de nos sociétés occidentales et mettons-la en rapport avec ce qu’elle pouvait être dans les siècles passés. Les guerres, les épidémies n’épargnaient pas les communautés. Un homme et une femme étaient-ils assurés de voir grandir leurs enfants et les enfants pouvaient-ils être sûrs de voir leurs deux parents vieillir ? Dans le meilleur des cas, des solidarités pouvaient jouer afin de compenser la dureté des temps, mais pas toujours. Les familles étaient souvent « décomposées » par la mort et « recomposées » pour la pérennité des communautés et le renouvellement des générations. La problématique des vocations s’est tout naturellement inscrite dans ce contexte existentiel.
 Ce numéro, lorsqu’il réunit les notions de famille et de vocation, indique une première orientation née de cette constatation : tout clivage radical entre famille et vocation paraît difficile à tenir. La famille, au sens « ordinaire » du terme n’est-elle pas le lieu privilégié de l’accès à l’humanité ordonné à un devenir grâce aux échanges entre les membres de cette communauté première ?
 Ici nous aborderons plus précisément les spécificités chrétiennes en matière de « familles » et de « vocations ».
Le Fils, par son incarnation, nous livre de nombreuses indications concernant le statut de la famille. Bien que l’identité du chrétien repose sur le Ressuscité, les vocations ont besoin de faire l’expérience du lien social qui naît dans la famille humaine pour germer ; elles se déploient de diverses manières. Dans l’Eglise, elles reçoivent la double mission qui consiste à s’adresser à toute personne, sous toutes les latitudes et à toutes les époques, sans idées préconçues comme renoncement, sans cesse renouvelé, à tout ce qui ne serait pas du Christ.
Le choix d’une approche pluridisciplinaire pour traiter le thème « Familles et vocations » s’est immédiatement imposé ! En ouverture, une bibliste opère des sondages éclairants dans le donné scripturaire de la famille et de la vocation. Des contributions spécifiquement théologiques, d’autres orientées plutôt du côté de la mission, traitent de la famille comme Eglise domestique et lieu vocationnel. Le moraliste s’intéresse aux vocations spécifiques de jeunes dans la vérité des contextes familiaux. Un article propose d’interroger la spécificité chrétienne de l’articulation « Famille et vocations ». Le psychanalyste livre quelques éléments clefs de compréhension, mêlés à ses propres observations cliniques. Une spécialiste du droit, active en Eglise, soumettra au lecteur les orientations de la commission européenne de Bruxelles en matière familiale. L’apport du sociologue sort un peu du cadre strict de la problématique évoquée dans ce numéro ; son originalité est d’orienter la question « Familles et vocations » vers une articulation dialectique de l’extérieur (social) et du domestique (familial), qui trouve une voie de résolution dans l’idée de la « double vocation » de la famille chrétienne.
 En deuxième partie figurent des partages de pratiques et des témoignages. Cet ensemble est complété par un texte ressource du cardinal Carlo-Maria Martini. 
 Bonne lecture !