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- > n°3 - La vie consacrée
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Edito
Nous parlons souvent en Église de « la vie consacrée » comme d’une simple catégorie particulière. Mais saisissons-nous qu’il s’agit, à chaque acquiescement au Christ, d’une vie, un « Je » à la fois unique et irremplaçable, qui vient s’agréger à d’autres « Je », eux aussi « consacrés » ?
Dans ce numéro, le dossier s’ouvre sur un article de C. Hourticq qui s’intéresse à la vie consacrée à partir du baptême – son fondement – et dans une de ses spécificités, l’engagement dans la vie religieuse. La littérature religieuse, la théologie, la tradition parlent beaucoup de renoncement, d’abandon comme composantes notables de la vie religieuse. Les trois vœux sont immédiatement nommés, et selon les époques, l’accent est placé de façon plus ou moins importante sur telle ou telle manière de vivre les vœux, bien qu’il reste impératif de tenir les trois. L’appel à la vie religieuse, ce numéro en atteste, comporte de nombreuses déclinaisons possibles en termes de radicalité et d’engagements. Cependant, le critère de radicalité évangélique ne saurait être réduit par la nécessité missionnaire de vivre l’Évangile dans un temps historique et un espace géographique donnés.
Il n’est pas inutile de rappeler ici qu’un des objectifs de la vie religieuse est le bonheur en Dieu ! Les chercheurs ne répugnent pas à analyser les multiples manières d’envisager la vie consacrée à travers l’œuvre hérité de religieux historiquement situés. Il est récurrent de lire, ici ou là, que le candidat passe du renoncement à la vie laïque à une vie d’austérités inhérentes à la vie religieuse, apostolique ou contemplative. Une telle vision de la vie mondaine et de la vie en communauté entraîne le maintient du candidat, voire du religieux, dans une illusion qui ne peut qu’entraver sa croissance spirituelle, la pleine assomption de son incarnation. Il imagine avoir sacrifié un destin glorieux pour Dieu qui est alors sommé de rétribuer un si beau cadeau ! Mais s’il s’agissait de passer d’une vie pleine de possibles à une existence racornie, seuls les esprits, au minimum tourmentés, pourraient envisager la vie religieuse. D’autres, tout aussi irréalistes dépeignent la vie religieuse comme une existence sans embûches, « le ciel sur la terre ». À ce propos, il convient de signaler l’article de P. Gaudin, dans la section « Contributions » : il aborde deux questions qui intéressent toute vocation humaine, celle de l’idéalisation / désidéalisation et celle du désir / plaisir, certes entendus au sens large ; nombreux sont ceux qui reconnaîtront, au détour d’une phrase, une situation rencontrée. Un autre courant de pensée – largement néoplatonicien – et qui ne figure pas dans ce numéro, présente le monde contemporain comme absolument mauvais. Il en résulte une double tentation : celle de fuir le monde et d’imaginer un temps parfait… hors du temps, qui n’informe pas l’incarnation du Fils ! Un « idéal » que rien ne vient borner, celui de l’identique identité jamais suffisamment réalisée, source de douleurs et de violences.
Nous pointons ici une des questions qui traverse de nombreux textes dédiés à la vie consacrée : la perfection. Les religieux, à l’instar de tous les baptisés, sont ordonnés à la perfection dans leur incarnation. La vie religieuse est un moyen parmi d’autres – fondé sur une expérience et une tradition empruntées par de nombreux fidèles – qui permet d’approcher cette injonction. La perfection est une tension confrontée sans cesse par l’incarnation au réel auquel il est impératif de consentir. Ce consentement est la marque spécifique du chrétien. La kénose du Fils, consentement extrême à la condition humaine de Celui qui est tout en Dieu, révèle que ce passage radical par le réel est le lieu de la filiation en acte dévolue aux hommes. Le renoncement demande le retournement de soi-même, ne serait-ce qu’une fois ! Il est renoncement à tout ce qui ne vient pas de Lui, seul et unique Désir. Soi, en reconnaissant l’autre devient l’Autre, acompte, même fugitif, de la joie à venir. Pense-t-on suffisamment à faire de nos communautés paroissiales ou religieuses de lieux de joie pour qu’y entrer et y vivre devienne la plus raisonnable des choses… ?
Les religieux s’engagent en faveur du Tout car ils ont rencontré le Désir qui les appelle. Ils ne laissent rien, ne quittent rien mais s’avancent pour tout recevoir de leur Seigneur. Ils aspirent à ce que Tout devienne leur lieu, leur seul lieu. S’il est donné à certains d’entrer dans les espaces infinis, emportés par la contemplation, ils expérimentent alors que Tout est partout, au-delà comme en deçà, insaisissable et éblouissant.
Dans ce numéro, le dossier s’ouvre sur un article de C. Hourticq qui s’intéresse à la vie consacrée à partir du baptême – son fondement – et dans une de ses spécificités, l’engagement dans la vie religieuse. La littérature religieuse, la théologie, la tradition parlent beaucoup de renoncement, d’abandon comme composantes notables de la vie religieuse. Les trois vœux sont immédiatement nommés, et selon les époques, l’accent est placé de façon plus ou moins importante sur telle ou telle manière de vivre les vœux, bien qu’il reste impératif de tenir les trois. L’appel à la vie religieuse, ce numéro en atteste, comporte de nombreuses déclinaisons possibles en termes de radicalité et d’engagements. Cependant, le critère de radicalité évangélique ne saurait être réduit par la nécessité missionnaire de vivre l’Évangile dans un temps historique et un espace géographique donnés.
Il n’est pas inutile de rappeler ici qu’un des objectifs de la vie religieuse est le bonheur en Dieu ! Les chercheurs ne répugnent pas à analyser les multiples manières d’envisager la vie consacrée à travers l’œuvre hérité de religieux historiquement situés. Il est récurrent de lire, ici ou là, que le candidat passe du renoncement à la vie laïque à une vie d’austérités inhérentes à la vie religieuse, apostolique ou contemplative. Une telle vision de la vie mondaine et de la vie en communauté entraîne le maintient du candidat, voire du religieux, dans une illusion qui ne peut qu’entraver sa croissance spirituelle, la pleine assomption de son incarnation. Il imagine avoir sacrifié un destin glorieux pour Dieu qui est alors sommé de rétribuer un si beau cadeau ! Mais s’il s’agissait de passer d’une vie pleine de possibles à une existence racornie, seuls les esprits, au minimum tourmentés, pourraient envisager la vie religieuse. D’autres, tout aussi irréalistes dépeignent la vie religieuse comme une existence sans embûches, « le ciel sur la terre ». À ce propos, il convient de signaler l’article de P. Gaudin, dans la section « Contributions » : il aborde deux questions qui intéressent toute vocation humaine, celle de l’idéalisation / désidéalisation et celle du désir / plaisir, certes entendus au sens large ; nombreux sont ceux qui reconnaîtront, au détour d’une phrase, une situation rencontrée. Un autre courant de pensée – largement néoplatonicien – et qui ne figure pas dans ce numéro, présente le monde contemporain comme absolument mauvais. Il en résulte une double tentation : celle de fuir le monde et d’imaginer un temps parfait… hors du temps, qui n’informe pas l’incarnation du Fils ! Un « idéal » que rien ne vient borner, celui de l’identique identité jamais suffisamment réalisée, source de douleurs et de violences.
Nous pointons ici une des questions qui traverse de nombreux textes dédiés à la vie consacrée : la perfection. Les religieux, à l’instar de tous les baptisés, sont ordonnés à la perfection dans leur incarnation. La vie religieuse est un moyen parmi d’autres – fondé sur une expérience et une tradition empruntées par de nombreux fidèles – qui permet d’approcher cette injonction. La perfection est une tension confrontée sans cesse par l’incarnation au réel auquel il est impératif de consentir. Ce consentement est la marque spécifique du chrétien. La kénose du Fils, consentement extrême à la condition humaine de Celui qui est tout en Dieu, révèle que ce passage radical par le réel est le lieu de la filiation en acte dévolue aux hommes. Le renoncement demande le retournement de soi-même, ne serait-ce qu’une fois ! Il est renoncement à tout ce qui ne vient pas de Lui, seul et unique Désir. Soi, en reconnaissant l’autre devient l’Autre, acompte, même fugitif, de la joie à venir. Pense-t-on suffisamment à faire de nos communautés paroissiales ou religieuses de lieux de joie pour qu’y entrer et y vivre devienne la plus raisonnable des choses… ?
Les religieux s’engagent en faveur du Tout car ils ont rencontré le Désir qui les appelle. Ils ne laissent rien, ne quittent rien mais s’avancent pour tout recevoir de leur Seigneur. Ils aspirent à ce que Tout devienne leur lieu, leur seul lieu. S’il est donné à certains d’entrer dans les espaces infinis, emportés par la contemplation, ils expérimentent alors que Tout est partout, au-delà comme en deçà, insaisissable et éblouissant.