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Baptême et "mission" de l’Eglise à l’époque des Pères
Pourquoi des guillemets ? Il nous semble évident que, dans ces premiers temps de l’Eglise, les mots « mission », « évangélisation », « apostolat » ont été ceux qui ont pris la place la plus importante dans la vie des chrétiens. Il nous semble tout aussi évident que l’élan missionnaire de l’Eglise primitive a été enraciné dans le baptême comme tâche principale du chrétien. Ces évidences une fois solidement établies, nous allons voir ce que les Pères ont considéré comme « mission » de l’Eglise conférée aux baptisés.
Si nous cherchons rapidement le terme « mission » dans quelque dictionnaire patristique, nous allons avoir une surprise : le vocabulaire patristique ignore ce terme au sens que nous lui prêtons aujourd’hui. Les Pères parlent beaucoup de la « mission » du Christ ou encore de celle de l’Esprit Saint, mais nulle part de la « mission » du chrétien et très rarement de celle de l’Eglise. Pour comprendre cette étrange absence, il nous faut rappeler quelques caractéristiques de la communauté primitive.
Tout d’abord, il faut réaliser que les communautés chrétiennes des quatre premiers siècles étaient loin d’être délimitées sur le plan institutionnel. Le seul fait de recevoir le baptême à l’âge adulte établit que la communauté des baptisés est entourée de catéchumènes plus ou moins initiés, de sympathisants, de curieux, etc. Nous savons par exemple, qu’au temps de Clément d’Alexandrie et d’Origène, l’école catéchétique d’Alexandrie était fréquentée aussi par des païens. D’autre part, les exigences posées aux baptisés, allant parfois jusqu’à exclure la possibilité de pécher après le baptême, faisaient que beaucoup de gens ne recevaient le baptême qu’à l’approche de la mort. Il faut y ajouter d’autres éléments, tels les persécutions ou le foisonnement des mouvements hérétiques et hétérodoxes (gnose, montanisme, marcionisme) se réclamant du christianisme pour se faire une idée de la difficulté de préciser ce que pouvait signifier, à l’époque, le terme « mission » de l’Eglise. Et quelle « mission » aurait pu se donner une communauté, souvent persécutée, ridiculisée, longtemps en quête de son identité par rapport au judaïsme et de sa dignité par rapport au paganisme ?
Bien que cette situation paraisse assez sombre, nous savons très bien que cette période fut en même temps la plus glorieuse ; elle fut celle des martyrs, des confesseurs, de la courageuse jeunesse de la théologie qui a posé les fondements de l’intelligence de notre foi. Se pose alors cette question : comment, face à tant d’obstacles, les Pères de l’Eglise ont-ils su persuader leurs contemporains que l’Eglise possède une mission, une tâche absolument unique, et qu’elle invite chaque baptisé à s’y associer ?
Notre analyse sera circonscrite à ce texte patristique : le Discours catéchétique de Grégoire de Nysse († 394). Il est difficile de présenter en quelques mots ce célèbre Père de l’Eglise ! Né dans une noble famille chrétienne de Cappadoce, frère de sainte Macrine et jeune frère de Basile de Césarée, il est d’abord le brillant élève des philosophes. Il fonde une famille et entreprend une carrière de rhéteur à partir de laquelle il fera connaître son talent théologique. L’Eglise en a grand besoin, car à cette époque la crise arienne divise les chrétiens. Sous impulsion de Basile, Grégoire devient évêque de Nysse en 371. Son épiscopat se passe mal – les ariens parviennent à le déposer. Heureusement, la montée au pouvoir de l’empereur Théodose et les décisions du concile de Constantinople (381) mettent terme au triomphe de l’arianisme. Grégoire est désigné comme l’un des trois « garants de l’orthodoxie », avec lesquels il faut être en communion dans le diocèse civil1 de la région du Pont. Et pourtant, l’arianisme n’est pas vaincu et ses partisans ont continué à proclamer leurs idées. Grégoire met au service de la foi son savoir profane et son talent de théologien. Il écrit sa « somme théologique » : le grand traité Contre Eunome, ainsi que bon nombre de traités dogmatiques plus petits, des commentaires bibliques et spirituels – Vie de Moïse, Homélies sur l’Ecclésiaste, Commentaire sur le Cantique des cantiques, Sur les titres des Psaumes.
Le Discours catéchétique est une œuvre particulière. Composée vers 381, elle donne un résumé de la théologie de Grégoire. Derrière ce modeste titre se cache un traité adressé plutôt à des catéchistes qu’à des catéchumènes. Il ne s’agit pas d’une exposition de la foi chrétienne, telle qu’elle aurait pu être donnée dans le cadre de la préparation au baptême, mais d’un examen approfondi de celle-ci. Pour mieux expliquer la foi chrétienne, notre auteur se donne deux adversaires rhétoriques – les Juifs et les Grecs – et présente le christianisme comme la meilleure proposition sur Dieu, parce qu’elle prend ce qu’il y a de mieux chez les uns et les autres, tout en évitant leurs erreurs.
Le plan de l’ouvrage ne suit que de loin l’ordre du Credo : il commence par un exposé sur la Trinité [sections 1-4], pour parler ensuite de la création de l’homme [sections 5-8] ; la partie consacrée à l’Incarnation du Verbe [sections 9-18] et au salut de l’homme [sections 27-32] est divisée en deux, avec un petit excursus sur la justice de Dieu [sections 19-26]. Le tout se termine par un exposé sur les sacrements [33-40] qui est l’objet de notre réflexion.
La première chose qui mérite notre attention, c’est la place importante consacrée à la question de l’homme. Curieusement, la présentation de la doctrine trinitaire est suivie par l’exposé sur la création de l’homme. Tout homme est créé par le Logos (comme auraient dit les Grecs) et par la Sagesse (selon les Juifs) et il est créé en vue des biens divins. Cela dit, il devrait être apte à avoir part à ses biens du fait de sa nature : « […] créé pour jouir des biens divins, il devait avoir quelque affinité de nature avec ce à quoi il est appelé à participer […]2 », argumente Grégoire. Arrêtons-nous sur cette affirmation. Apparemment, elle aurait pu être reçue dans n’importe quelle religion. En fait, si l’homme est créé par Dieu naturellement capable d’être sauvé, l’œuvre du Christ n’est pas nécessaire, ni par la suite celle de l’Eglise. Grégoire évite ce piège, dès qu’il souligne qu’il s’agit toujours du Christ – appelé Logos ou Sagesse – mais toujours le même, deuxième personne de la Trinité, participant à la création et au salut de l’homme. Il met cela en évidence lorsqu’il aborde la difficulté liée au fait de l’Incarnation : comment est-ce possible que Dieu assume la condition humaine ?
La défense de l’humanité de Dieu est un argument qui sera repris dans la partie sur les sacrements. Grégoire répète inlassablement qu’excepté l’attachement au mal (pathos), rien de ce qui appartient à la nature humaine n’est indigne de Dieu : « Que l’on montre donc que la naissance, l’éducation, la croissance, la progression vers la maturité naturelle, l’épreuve de la mort et le retour à la vie relèvent du mal ! » Il explique ainsi que le vaste concept de pathos – passion, élan, changement, étendu souvent sur toute activité humaine – appliqué à Dieu, signifierait, plus justement, « mode d’agir » plutôt que « pâtir ». Or, ces « passions », les changements propres à la nature humaine, tels que la naissance, la croissance, la faim, la soif, la passion et la mort, n’étaient pas subies par Dieu au risque de sa divine impassibilité, mais ce sont des « actions » où Dieu s’engage pour sauver les hommes. Et de nouveau, Grégoire insiste sur le mystère du Christ, pour rappeler à ses auditeurs que ce mystère du salut possède son fondement dans la réalité de l’Incarnation.
Suffirait-il d’être créé par Dieu et à son image pour être sauvé ? Le partage du sort commun à tous les êtres humains serait-il déjà une participation au mystère de l’Incarnation du Verbe ? La réponse de Grégoire de Nysse vient dans la troisième partie du Discours, là où il explique pourquoi les sacrements de l’Eglise sont nécessaires pour recevoir le salut. Si nous voulons comprendre comment les Pères concevaient la mission de l’Eglise, il nous faut relire attentivement cette partie. Là se trouve la réponse à cette grande question posée au christianisme naissant : en quoi l’Evangile apporte-t-il au monde quelque chose de nouveau, de nécessaire, d’extraordinaire ? Pourquoi cela vaut-il la peine de devenir chrétien, de recevoir le baptême ?
La réponse, qui se trouve dans les pages finales du Discours catéchétique risque d’être mal comprise, si nous ne tenons pas compte de la mentalité de l’époque patristique, surtout celle qui est l’héritière de la culture grecque. Cette mentalité se distingue de la nôtre par sa conviction de l’unité entre l’homme et le monde, exprimée par la phrase d’un philosophe : « L’homme est un petit monde. » Sauver l’homme veut dire sauver le monde. Aller chercher l’homme – Juif ou Grec – pour lui annoncer le salut en Jésus-Christ c’est travailler au salut du monde. C’est dans cet esprit que Grégoire insiste sur les arguments à donner aux différentes personnes qui soit se préparent au baptême, soit viennent en curieux interroger les chrétiens.
Deux sacrements sont objet d’examen : le baptême et l’eucharistie. Comme pour le mystère de l’Incarnation, Grégoire commence par une réelle difficulté rencontrée par les gens peu initiés : comment le rite lui-même et les objets matériels (l’eau, le pain et le vin) peuvent-ils transmettre le salut ? L’argumentation rejoint le « scandale » de l’Incarnation ; comme la formation de l’homme à partir de la semence est un mystère où agit la puissance divine, alors de même l’eau du baptême cache la présence de la même puissance : « Qu’y a-t-il de commun, disent-ils, entre l’eau et la vie ? Nous leur demandons à notre tour : Qu’y a-t-il de commun entre l’élément humide et l’image de Dieu ? – Mais dans le premier cas il n’y a rien de surprenant que l’élément humide se transforme par la volonté de Dieu pour devenir l’être le plus élevé en dignité. – Nous disons de même, qu’il n’y a rien d’extraordinaire que la puissance divine fait passer à l’incorruptibilité l’être qui est né dans la nature corruptible3. »
L’idée de la puissance divine agissante dans les sacrements est l’une des affirmations fortes de notre texte. Elle rejoint quelque part cette étrange compréhension du terme « mission » à l’époque des Pères ; toute « mission » possède sa source en Dieu Trinité, son modèle dans l’action du Christ et de l’Esprit Saint et son terme dans le salut des hommes. L’eau du baptême consacrée au nom de Dieu est un signe où ce mystère se réalise : « En démontrant qu’il est Dieu celui qui s’est manifesté dans la chair et qui a révélé par sa nature le caractère merveilleux de ce qui s’est passé durant sa vie, on a démontré en même temps qu’il est présent aux événements chaque fois qu’il est invoqué4. »
Le symbolisme de l’eau n’est pas le seul élément du rite ; aussi la triple immersion nécessite des explications. Comme la première était liée à la naissance de l’homme, la seconde évoque le mystère de la mort – de la mort naturelle, assumée par le Christ : « De même que celui, l’Homme venu d’en haut, après avoir assumé l’état de cadavre et avoir été déposé dans la terre, est revenu à la vie le troisième jour, de même quiconque est uni à lui selon la nature de son corps, s’il envisage le même résultat heureux, je veux dire s’il vise à obtenir la vie, reproduit la grâce de la résurrection intervenue le troisième jour, lorsqu’à la place de la terre on répand sur lui de l’eau et qu’à trois reprises il est immergé dans cet élément5. »
Ainsi la mort naturelle devient symbole de la mort au péché : « […] deux causes concourant à la destruction du mal : le repentir du pécheur et l’imitation de la mort ; par elles l’homme est délivré d’une certaine façon de son union étroite avec le mal […]6 ». Le Nysséen aborde ici les soucis communs à tous les hommes de son époque : le déchirement de l’homme livré aux puissances du mal et à la faiblesse de sa nature, seul en quête du sens de son existence passagère, terminée inévitablement par la mort. Son langage est celui de l’homme cultivé – élégant et précis : « Il est impossible à l’homme, dis-je, de ressusciter sans la régénération du baptême, et je n’envisage pas la récréation et la restauration du composé humain – car notre nature doit nécessairement s’acheminer vers cet état dans tous les cas, sous l’effet de ses propres lois conformément aux dispositions de celui qui l’a organisée, qu’elle reçoive la grâce du baptême ou qu’elle demeure exclue de cette initiation – je parle de la restauration qui ramène à la vie bienheureuse, divine, exempte de toute affliction7. »
Cette dernière phrase risque de nous tourner vers les conclusions simplistes : ici-bas les hommes souffrent, mais « là-bas » ils vont être heureux – il suffit pour cela de se faire baptiser. Cette promesse facile n’est pas l’argument de Grégoire de Nysse. Avec une admirable audace il promet à ses auditeurs cette vie bienheureuse et divine dès maintenant, à vivre grâce au baptême déjà sur la terre. Il le fait dans un langage religieux compréhensible pour les hommes de son temps, car il parle de la purification, de l’apatheia qui libère l’homme de l’emprise du mal. « Tous ceux qui obtiennent la faveur de revenir à l’existence grâce à la résurrection ne retournent pas à la même vie, mais il y a une grande différence entre ceux qui sont purifiés et ceux qui ont besoin d’être purifiés. Ceux chez lesquels la purification du baptême a déterminé le genre de vie sur la terre s’achemineront vers ce qui y est approprié ; l’apatheia est étroitement liée à la pureté et, sans aucun doute, c’est dans l’apatheia que réside la béatitude8. » Rappelons que l’impassibilité (apatheia) ne signifie pas ici une sainte indifférence aux choses du monde, mais au contraire, une action qui, libre du penchant vers le mal, vise à sauver le monde à la ressemblance de l’action salvifique du Christ ; cette action du Christ est le modèle de l’action, « mission » de l’Eglise.
Si nous pouvons tenter une première conclusion, la « mission » confiée aux chrétiens dans le baptême est celle de s’engager pour le salut du monde. Cette mission dérive de la mission salvifique du Christ lui-même et tout homme peut y rentrer tant qu’il reçoit les sacrements de l’Eglise. Pour les Pères de l’Eglise le salut du monde passe par le salut individuel de chaque chrétien, sans pourtant dériver vers un individualisme exacerbé, car ce chrétien n’est jamais séparé du monde.
L’explication sur l’Eucharistie prolonge le thème de l’appropriation des biens du salut. Toujours avec la même attention portée aux réalités humaines, toujours dans le même langage religieux universel, Grégoire de Nysse présente l’Eucharistie comme « communion à la vie » et antidote contre le venin mortel du mal. D’un côté, nous sommes légèrement surpris par sa compréhension extrêmement « biologique » du sacrement : le corps de Dieu s’unit à notre corps par la voie de l’absorption de la nourriture. « Rien ne peut s’introduire dans le corps autrement qu’en se mêlant aux organes intérieurs par la voie de la nourriture et de la boisson. Donc le corps doit nécessairement recevoir la puissance qui le vivifie, selon le procédé dont est capable la nature. Or, seul le corps en qui Dieu s’est incarné a reçu cette grâce ; comme ailleurs on a montré que notre corps n’est en état d’être admis à l’immortalité que si, par une union étroite avec celui qui est immortel, il participe à l’immortalité, il convient dès lors d’examiner comment ce seul corps, partagé sans cesse sur toute la surface de la terre entre tant de milliers de fidèles, peut se donner tout entier à chacun dans la parcelle reçue et rester néanmoins lui-même tout entier9. »
Cette approche réaliste, presque matérialiste de l’Eucharistie possède une conclusion pleine de finesse – notre communion avec Dieu est celle avec le Logos. Comme en Christ le Logos divin s’est uni avec la nature humaine, il en est de même pour l’Eucharistie : « Nous croyons donc que maintenant aussi le pain sanctifié par le Logos de Dieu se transforme en corps du Logos de Dieu10. » Par le moyen du pain et du vin, les corps de croyants sont réellement unis à Dieu, grâce à la présence sanctifiante du Logos – deuxième personne de la Trinité. De nouveau, le mystère de l’Incarnation est la clé de sa théologie. Ainsi Grégoire dégage la compréhension du sacrement de sa matérialité étroite et de l’illogisme qui en découle : la communion au corps et sang du Christ signifie que la communion à son corps, habité par le Logos divin et inséparablement uni à la divinité, conduit les croyants à la réelle communion avec Dieu.
On pourrait s’attendre, alors, à un merveilleux changement chez les croyants, advenu de manière inévitable et presque automatique. Grégoire dénonce aussi ce piège dans la conclusion de son exposé sur les sacrements : « Il est clair pour tout le monde que la naissance salutaire dont nous bénéficions vise le renouvellement et la transformation de notre nature. Mais la nature humaine, en elle-même, ne connaît aucun changement à la suite du baptême : ni la raison, ni l’intelligence, ni la faculté de savoir ni aucune propriété caractéristique de la nature humaine ne subit de changement. C’est dans le sens du pire que se ferait en effet la transformation, au cas où l’une de ces propriétés naturelles connaîtrait un changement11. » Que s’est-il donc passé ? Dans la logique de notre auteur, toute aventure chrétienne commence dès maintenant ; l’homme a été invité à l’œuvre du salut du monde. Il n’est pas devenu une espèce à part, un surhomme mais il reste tel qu’il était, ni meilleur ni pire que ses semblables. Et pourtant, il a choisi de vivre en enfant de Dieu et ce choix définit son agir, sa mission auprès de ses congénères : « Si tu as reçu Dieu et si tu es devenu l’enfant de Dieu, montre par le choix de ta volonté le Dieu qui est en toi, montre que celui qui t’a engendré est en toi. […] Si tu es dans ces dispositions, tu es vraiment devenu enfant de Dieu ; si, au contraire, tu restes attaché à ce qui caractérise le mal, tu te vanteras en vain de la naissance d’en haut12. » La mission confiée aux baptisés consiste donc à témoigner par leurs œuvres du salut qu’ils ont reçu, de la paternité divine qui leur a été donnée.
La lecture du Discours catéchétique permet de redécouvrir certains énoncés chrétiens dont nous avons perdu la fraîcheur. Grégoire rappelle que le fondement et modèle de toute mission est l’Incarnation du Christ – deuxième personne de la Trinité – réalisée pour le salut du monde. Les chrétiens sont invités à y participer d’abord à travers les sacrements de l’Eglise. Et si le mot « Eglise » revient très rarement sous la plume de l’évêque de Nysse, c’est parce que, pour lui, la dimension sacramentelle de celle-ci est la plus importante. L’Eglise est d’abord une communauté fondée par le baptême et l’eucharistie, une communauté qui participe à l’unique mission du Christ – le salut du monde. Cette œuvre se réalise d’abord dans la vie de chacun. Il n’y a pas de salut du monde sans le salut de l’homme, et pour sauver les autres il faut commencer par soi-même. Cette prise en compte de l’humanité, la conviction que la plus haute spiritualité commence au plus bas de la réalité humaine simple et banale est un trait particulier de la théologie de Grégoire de Nysse. Elle protège contre la quête d’extraordinaire au détriment du réel et rappelle que toute mission chrétienne et ecclésiale possède sa source en Dieu Trinité, son modèle en Christ et l’Esprit Saint et son but dans le salut de l’homme et du monde.
Si nous cherchons rapidement le terme « mission » dans quelque dictionnaire patristique, nous allons avoir une surprise : le vocabulaire patristique ignore ce terme au sens que nous lui prêtons aujourd’hui. Les Pères parlent beaucoup de la « mission » du Christ ou encore de celle de l’Esprit Saint, mais nulle part de la « mission » du chrétien et très rarement de celle de l’Eglise. Pour comprendre cette étrange absence, il nous faut rappeler quelques caractéristiques de la communauté primitive.
Tout d’abord, il faut réaliser que les communautés chrétiennes des quatre premiers siècles étaient loin d’être délimitées sur le plan institutionnel. Le seul fait de recevoir le baptême à l’âge adulte établit que la communauté des baptisés est entourée de catéchumènes plus ou moins initiés, de sympathisants, de curieux, etc. Nous savons par exemple, qu’au temps de Clément d’Alexandrie et d’Origène, l’école catéchétique d’Alexandrie était fréquentée aussi par des païens. D’autre part, les exigences posées aux baptisés, allant parfois jusqu’à exclure la possibilité de pécher après le baptême, faisaient que beaucoup de gens ne recevaient le baptême qu’à l’approche de la mort. Il faut y ajouter d’autres éléments, tels les persécutions ou le foisonnement des mouvements hérétiques et hétérodoxes (gnose, montanisme, marcionisme) se réclamant du christianisme pour se faire une idée de la difficulté de préciser ce que pouvait signifier, à l’époque, le terme « mission » de l’Eglise. Et quelle « mission » aurait pu se donner une communauté, souvent persécutée, ridiculisée, longtemps en quête de son identité par rapport au judaïsme et de sa dignité par rapport au paganisme ?
Bien que cette situation paraisse assez sombre, nous savons très bien que cette période fut en même temps la plus glorieuse ; elle fut celle des martyrs, des confesseurs, de la courageuse jeunesse de la théologie qui a posé les fondements de l’intelligence de notre foi. Se pose alors cette question : comment, face à tant d’obstacles, les Pères de l’Eglise ont-ils su persuader leurs contemporains que l’Eglise possède une mission, une tâche absolument unique, et qu’elle invite chaque baptisé à s’y associer ?
Notre analyse sera circonscrite à ce texte patristique : le Discours catéchétique de Grégoire de Nysse († 394). Il est difficile de présenter en quelques mots ce célèbre Père de l’Eglise ! Né dans une noble famille chrétienne de Cappadoce, frère de sainte Macrine et jeune frère de Basile de Césarée, il est d’abord le brillant élève des philosophes. Il fonde une famille et entreprend une carrière de rhéteur à partir de laquelle il fera connaître son talent théologique. L’Eglise en a grand besoin, car à cette époque la crise arienne divise les chrétiens. Sous impulsion de Basile, Grégoire devient évêque de Nysse en 371. Son épiscopat se passe mal – les ariens parviennent à le déposer. Heureusement, la montée au pouvoir de l’empereur Théodose et les décisions du concile de Constantinople (381) mettent terme au triomphe de l’arianisme. Grégoire est désigné comme l’un des trois « garants de l’orthodoxie », avec lesquels il faut être en communion dans le diocèse civil1 de la région du Pont. Et pourtant, l’arianisme n’est pas vaincu et ses partisans ont continué à proclamer leurs idées. Grégoire met au service de la foi son savoir profane et son talent de théologien. Il écrit sa « somme théologique » : le grand traité Contre Eunome, ainsi que bon nombre de traités dogmatiques plus petits, des commentaires bibliques et spirituels – Vie de Moïse, Homélies sur l’Ecclésiaste, Commentaire sur le Cantique des cantiques, Sur les titres des Psaumes.
Le Discours catéchétique est une œuvre particulière. Composée vers 381, elle donne un résumé de la théologie de Grégoire. Derrière ce modeste titre se cache un traité adressé plutôt à des catéchistes qu’à des catéchumènes. Il ne s’agit pas d’une exposition de la foi chrétienne, telle qu’elle aurait pu être donnée dans le cadre de la préparation au baptême, mais d’un examen approfondi de celle-ci. Pour mieux expliquer la foi chrétienne, notre auteur se donne deux adversaires rhétoriques – les Juifs et les Grecs – et présente le christianisme comme la meilleure proposition sur Dieu, parce qu’elle prend ce qu’il y a de mieux chez les uns et les autres, tout en évitant leurs erreurs.
Le plan de l’ouvrage ne suit que de loin l’ordre du Credo : il commence par un exposé sur la Trinité [sections 1-4], pour parler ensuite de la création de l’homme [sections 5-8] ; la partie consacrée à l’Incarnation du Verbe [sections 9-18] et au salut de l’homme [sections 27-32] est divisée en deux, avec un petit excursus sur la justice de Dieu [sections 19-26]. Le tout se termine par un exposé sur les sacrements [33-40] qui est l’objet de notre réflexion.
La première chose qui mérite notre attention, c’est la place importante consacrée à la question de l’homme. Curieusement, la présentation de la doctrine trinitaire est suivie par l’exposé sur la création de l’homme. Tout homme est créé par le Logos (comme auraient dit les Grecs) et par la Sagesse (selon les Juifs) et il est créé en vue des biens divins. Cela dit, il devrait être apte à avoir part à ses biens du fait de sa nature : « […] créé pour jouir des biens divins, il devait avoir quelque affinité de nature avec ce à quoi il est appelé à participer […]2 », argumente Grégoire. Arrêtons-nous sur cette affirmation. Apparemment, elle aurait pu être reçue dans n’importe quelle religion. En fait, si l’homme est créé par Dieu naturellement capable d’être sauvé, l’œuvre du Christ n’est pas nécessaire, ni par la suite celle de l’Eglise. Grégoire évite ce piège, dès qu’il souligne qu’il s’agit toujours du Christ – appelé Logos ou Sagesse – mais toujours le même, deuxième personne de la Trinité, participant à la création et au salut de l’homme. Il met cela en évidence lorsqu’il aborde la difficulté liée au fait de l’Incarnation : comment est-ce possible que Dieu assume la condition humaine ?
La défense de l’humanité de Dieu est un argument qui sera repris dans la partie sur les sacrements. Grégoire répète inlassablement qu’excepté l’attachement au mal (pathos), rien de ce qui appartient à la nature humaine n’est indigne de Dieu : « Que l’on montre donc que la naissance, l’éducation, la croissance, la progression vers la maturité naturelle, l’épreuve de la mort et le retour à la vie relèvent du mal ! » Il explique ainsi que le vaste concept de pathos – passion, élan, changement, étendu souvent sur toute activité humaine – appliqué à Dieu, signifierait, plus justement, « mode d’agir » plutôt que « pâtir ». Or, ces « passions », les changements propres à la nature humaine, tels que la naissance, la croissance, la faim, la soif, la passion et la mort, n’étaient pas subies par Dieu au risque de sa divine impassibilité, mais ce sont des « actions » où Dieu s’engage pour sauver les hommes. Et de nouveau, Grégoire insiste sur le mystère du Christ, pour rappeler à ses auditeurs que ce mystère du salut possède son fondement dans la réalité de l’Incarnation.
Suffirait-il d’être créé par Dieu et à son image pour être sauvé ? Le partage du sort commun à tous les êtres humains serait-il déjà une participation au mystère de l’Incarnation du Verbe ? La réponse de Grégoire de Nysse vient dans la troisième partie du Discours, là où il explique pourquoi les sacrements de l’Eglise sont nécessaires pour recevoir le salut. Si nous voulons comprendre comment les Pères concevaient la mission de l’Eglise, il nous faut relire attentivement cette partie. Là se trouve la réponse à cette grande question posée au christianisme naissant : en quoi l’Evangile apporte-t-il au monde quelque chose de nouveau, de nécessaire, d’extraordinaire ? Pourquoi cela vaut-il la peine de devenir chrétien, de recevoir le baptême ?
La réponse, qui se trouve dans les pages finales du Discours catéchétique risque d’être mal comprise, si nous ne tenons pas compte de la mentalité de l’époque patristique, surtout celle qui est l’héritière de la culture grecque. Cette mentalité se distingue de la nôtre par sa conviction de l’unité entre l’homme et le monde, exprimée par la phrase d’un philosophe : « L’homme est un petit monde. » Sauver l’homme veut dire sauver le monde. Aller chercher l’homme – Juif ou Grec – pour lui annoncer le salut en Jésus-Christ c’est travailler au salut du monde. C’est dans cet esprit que Grégoire insiste sur les arguments à donner aux différentes personnes qui soit se préparent au baptême, soit viennent en curieux interroger les chrétiens.
Deux sacrements sont objet d’examen : le baptême et l’eucharistie. Comme pour le mystère de l’Incarnation, Grégoire commence par une réelle difficulté rencontrée par les gens peu initiés : comment le rite lui-même et les objets matériels (l’eau, le pain et le vin) peuvent-ils transmettre le salut ? L’argumentation rejoint le « scandale » de l’Incarnation ; comme la formation de l’homme à partir de la semence est un mystère où agit la puissance divine, alors de même l’eau du baptême cache la présence de la même puissance : « Qu’y a-t-il de commun, disent-ils, entre l’eau et la vie ? Nous leur demandons à notre tour : Qu’y a-t-il de commun entre l’élément humide et l’image de Dieu ? – Mais dans le premier cas il n’y a rien de surprenant que l’élément humide se transforme par la volonté de Dieu pour devenir l’être le plus élevé en dignité. – Nous disons de même, qu’il n’y a rien d’extraordinaire que la puissance divine fait passer à l’incorruptibilité l’être qui est né dans la nature corruptible3. »
L’idée de la puissance divine agissante dans les sacrements est l’une des affirmations fortes de notre texte. Elle rejoint quelque part cette étrange compréhension du terme « mission » à l’époque des Pères ; toute « mission » possède sa source en Dieu Trinité, son modèle dans l’action du Christ et de l’Esprit Saint et son terme dans le salut des hommes. L’eau du baptême consacrée au nom de Dieu est un signe où ce mystère se réalise : « En démontrant qu’il est Dieu celui qui s’est manifesté dans la chair et qui a révélé par sa nature le caractère merveilleux de ce qui s’est passé durant sa vie, on a démontré en même temps qu’il est présent aux événements chaque fois qu’il est invoqué4. »
Le symbolisme de l’eau n’est pas le seul élément du rite ; aussi la triple immersion nécessite des explications. Comme la première était liée à la naissance de l’homme, la seconde évoque le mystère de la mort – de la mort naturelle, assumée par le Christ : « De même que celui, l’Homme venu d’en haut, après avoir assumé l’état de cadavre et avoir été déposé dans la terre, est revenu à la vie le troisième jour, de même quiconque est uni à lui selon la nature de son corps, s’il envisage le même résultat heureux, je veux dire s’il vise à obtenir la vie, reproduit la grâce de la résurrection intervenue le troisième jour, lorsqu’à la place de la terre on répand sur lui de l’eau et qu’à trois reprises il est immergé dans cet élément5. »
Ainsi la mort naturelle devient symbole de la mort au péché : « […] deux causes concourant à la destruction du mal : le repentir du pécheur et l’imitation de la mort ; par elles l’homme est délivré d’une certaine façon de son union étroite avec le mal […]6 ». Le Nysséen aborde ici les soucis communs à tous les hommes de son époque : le déchirement de l’homme livré aux puissances du mal et à la faiblesse de sa nature, seul en quête du sens de son existence passagère, terminée inévitablement par la mort. Son langage est celui de l’homme cultivé – élégant et précis : « Il est impossible à l’homme, dis-je, de ressusciter sans la régénération du baptême, et je n’envisage pas la récréation et la restauration du composé humain – car notre nature doit nécessairement s’acheminer vers cet état dans tous les cas, sous l’effet de ses propres lois conformément aux dispositions de celui qui l’a organisée, qu’elle reçoive la grâce du baptême ou qu’elle demeure exclue de cette initiation – je parle de la restauration qui ramène à la vie bienheureuse, divine, exempte de toute affliction7. »
Cette dernière phrase risque de nous tourner vers les conclusions simplistes : ici-bas les hommes souffrent, mais « là-bas » ils vont être heureux – il suffit pour cela de se faire baptiser. Cette promesse facile n’est pas l’argument de Grégoire de Nysse. Avec une admirable audace il promet à ses auditeurs cette vie bienheureuse et divine dès maintenant, à vivre grâce au baptême déjà sur la terre. Il le fait dans un langage religieux compréhensible pour les hommes de son temps, car il parle de la purification, de l’apatheia qui libère l’homme de l’emprise du mal. « Tous ceux qui obtiennent la faveur de revenir à l’existence grâce à la résurrection ne retournent pas à la même vie, mais il y a une grande différence entre ceux qui sont purifiés et ceux qui ont besoin d’être purifiés. Ceux chez lesquels la purification du baptême a déterminé le genre de vie sur la terre s’achemineront vers ce qui y est approprié ; l’apatheia est étroitement liée à la pureté et, sans aucun doute, c’est dans l’apatheia que réside la béatitude8. » Rappelons que l’impassibilité (apatheia) ne signifie pas ici une sainte indifférence aux choses du monde, mais au contraire, une action qui, libre du penchant vers le mal, vise à sauver le monde à la ressemblance de l’action salvifique du Christ ; cette action du Christ est le modèle de l’action, « mission » de l’Eglise.
Si nous pouvons tenter une première conclusion, la « mission » confiée aux chrétiens dans le baptême est celle de s’engager pour le salut du monde. Cette mission dérive de la mission salvifique du Christ lui-même et tout homme peut y rentrer tant qu’il reçoit les sacrements de l’Eglise. Pour les Pères de l’Eglise le salut du monde passe par le salut individuel de chaque chrétien, sans pourtant dériver vers un individualisme exacerbé, car ce chrétien n’est jamais séparé du monde.
L’explication sur l’Eucharistie prolonge le thème de l’appropriation des biens du salut. Toujours avec la même attention portée aux réalités humaines, toujours dans le même langage religieux universel, Grégoire de Nysse présente l’Eucharistie comme « communion à la vie » et antidote contre le venin mortel du mal. D’un côté, nous sommes légèrement surpris par sa compréhension extrêmement « biologique » du sacrement : le corps de Dieu s’unit à notre corps par la voie de l’absorption de la nourriture. « Rien ne peut s’introduire dans le corps autrement qu’en se mêlant aux organes intérieurs par la voie de la nourriture et de la boisson. Donc le corps doit nécessairement recevoir la puissance qui le vivifie, selon le procédé dont est capable la nature. Or, seul le corps en qui Dieu s’est incarné a reçu cette grâce ; comme ailleurs on a montré que notre corps n’est en état d’être admis à l’immortalité que si, par une union étroite avec celui qui est immortel, il participe à l’immortalité, il convient dès lors d’examiner comment ce seul corps, partagé sans cesse sur toute la surface de la terre entre tant de milliers de fidèles, peut se donner tout entier à chacun dans la parcelle reçue et rester néanmoins lui-même tout entier9. »
Cette approche réaliste, presque matérialiste de l’Eucharistie possède une conclusion pleine de finesse – notre communion avec Dieu est celle avec le Logos. Comme en Christ le Logos divin s’est uni avec la nature humaine, il en est de même pour l’Eucharistie : « Nous croyons donc que maintenant aussi le pain sanctifié par le Logos de Dieu se transforme en corps du Logos de Dieu10. » Par le moyen du pain et du vin, les corps de croyants sont réellement unis à Dieu, grâce à la présence sanctifiante du Logos – deuxième personne de la Trinité. De nouveau, le mystère de l’Incarnation est la clé de sa théologie. Ainsi Grégoire dégage la compréhension du sacrement de sa matérialité étroite et de l’illogisme qui en découle : la communion au corps et sang du Christ signifie que la communion à son corps, habité par le Logos divin et inséparablement uni à la divinité, conduit les croyants à la réelle communion avec Dieu.
On pourrait s’attendre, alors, à un merveilleux changement chez les croyants, advenu de manière inévitable et presque automatique. Grégoire dénonce aussi ce piège dans la conclusion de son exposé sur les sacrements : « Il est clair pour tout le monde que la naissance salutaire dont nous bénéficions vise le renouvellement et la transformation de notre nature. Mais la nature humaine, en elle-même, ne connaît aucun changement à la suite du baptême : ni la raison, ni l’intelligence, ni la faculté de savoir ni aucune propriété caractéristique de la nature humaine ne subit de changement. C’est dans le sens du pire que se ferait en effet la transformation, au cas où l’une de ces propriétés naturelles connaîtrait un changement11. » Que s’est-il donc passé ? Dans la logique de notre auteur, toute aventure chrétienne commence dès maintenant ; l’homme a été invité à l’œuvre du salut du monde. Il n’est pas devenu une espèce à part, un surhomme mais il reste tel qu’il était, ni meilleur ni pire que ses semblables. Et pourtant, il a choisi de vivre en enfant de Dieu et ce choix définit son agir, sa mission auprès de ses congénères : « Si tu as reçu Dieu et si tu es devenu l’enfant de Dieu, montre par le choix de ta volonté le Dieu qui est en toi, montre que celui qui t’a engendré est en toi. […] Si tu es dans ces dispositions, tu es vraiment devenu enfant de Dieu ; si, au contraire, tu restes attaché à ce qui caractérise le mal, tu te vanteras en vain de la naissance d’en haut12. » La mission confiée aux baptisés consiste donc à témoigner par leurs œuvres du salut qu’ils ont reçu, de la paternité divine qui leur a été donnée.
La lecture du Discours catéchétique permet de redécouvrir certains énoncés chrétiens dont nous avons perdu la fraîcheur. Grégoire rappelle que le fondement et modèle de toute mission est l’Incarnation du Christ – deuxième personne de la Trinité – réalisée pour le salut du monde. Les chrétiens sont invités à y participer d’abord à travers les sacrements de l’Eglise. Et si le mot « Eglise » revient très rarement sous la plume de l’évêque de Nysse, c’est parce que, pour lui, la dimension sacramentelle de celle-ci est la plus importante. L’Eglise est d’abord une communauté fondée par le baptême et l’eucharistie, une communauté qui participe à l’unique mission du Christ – le salut du monde. Cette œuvre se réalise d’abord dans la vie de chacun. Il n’y a pas de salut du monde sans le salut de l’homme, et pour sauver les autres il faut commencer par soi-même. Cette prise en compte de l’humanité, la conviction que la plus haute spiritualité commence au plus bas de la réalité humaine simple et banale est un trait particulier de la théologie de Grégoire de Nysse. Elle protège contre la quête d’extraordinaire au détriment du réel et rappelle que toute mission chrétienne et ecclésiale possède sa source en Dieu Trinité, son modèle en Christ et l’Esprit Saint et son but dans le salut de l’homme et du monde.
Notes
1 - Unité administrative de l’Empire romain qui ne coïncide pas avec le « diocèse » ecclésial. [retour au texte]
2 - Grégoire de Nysse, Discours catéchétique, intr. et trad. R. Winling, coll. “Sources chrétiennes” 453, Paris, Cerf 2000, n° 5. [retour au texte]
3 - Id., ibid., n° 33. [retour au texte]
4 - Id., ibid., n° 34. [retour au texte]
5 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
6 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
7 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
8 - Id., ibid., n° 36. [retour au texte]
9 - Id., ibid., n° 37. [retour au texte]
10 - Id., ibid., n° 37. [retour au texte]
11 - Id., ibid., n° 40. [retour au texte]
12 - Id., ibid., n° 40. [retour au texte]
2 - Grégoire de Nysse, Discours catéchétique, intr. et trad. R. Winling, coll. “Sources chrétiennes” 453, Paris, Cerf 2000, n° 5. [retour au texte]
3 - Id., ibid., n° 33. [retour au texte]
4 - Id., ibid., n° 34. [retour au texte]
5 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
6 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
7 - Id., ibid., 35. [retour au texte]
8 - Id., ibid., n° 36. [retour au texte]
9 - Id., ibid., n° 37. [retour au texte]
10 - Id., ibid., n° 37. [retour au texte]
11 - Id., ibid., n° 40. [retour au texte]
12 - Id., ibid., n° 40. [retour au texte]