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Vers un charisme à part égale
Michèle Jeunet
sœur de Notre-Dame du Cénacle,
Versailles
Le charisme d’un institut religieux est un don de l’Esprit, pour l’Eglise entière, que l’institut doit vivre et partager en qualité de témoin, auprès de tous et de toutes, d’une manière particulière de suivre le Christ. Aucune réalité ecclésiale ne dit à elle seule la totalité du mystère du Christ mais chacune, humblement, en rappelle tel ou tel aspect.
L’institut religieux des Sœurs de Notre-Dame du Cénacle veut vivre, partager et rappeler l’importance de l’écoute de la Parole qui est le Christ lui-même ; écoute comme expérience et pas seulement comme connaissance ; écoute de la Parole qui éclaire et fortifie nos vies, dans le plus concret de l’existence humaine ; écoute de l’Esprit pour discerner et choisir ce qui va dans le sens de Dieu – c’est-à-dire de ce qui fait vivre ; écoute avec d’autres, en Eglise, communauté de sœurs et de frères livrés à l’Esprit ; écoute, condition première pour communiquer le Christ aux autres ; écoute, ouverture à cet apostolat spécifique : permettre cette expérience à d’autres, par les moyens concrets des retraites spirituelles, par les divers types de formations chrétienne et d’accompagnement spirituel personnel, comme de toutes les « formes de service spirituel du prochain 1 ».
Ce charisme a trouvé sa « forme évangélique » dans le mystère de Marie au Cénacle. Marie et les disciples y étaient sur « ordre de Jésus 2 » pour vivre le primat d’une expérience de Dieu dans le silence de l’écoute de la Parole ; il fallait que leur action soit sous l’inspiration de l’Esprit qui donne force et audace afin qu’ils deviennent les apôtres de cette Parole qui a transformé leur vie.
Ce charisme a été inauguré par la fondatrice de Notre-Dame du Cénacle, sainte Thérèse Couderc 3. Dès 1926, il a commencé à être partagé bien au-delà de la communauté des sœurs, donnant naissance à deux autres branches de cette famille spirituelle : le groupement séculier (femmes laïques consacrées par des vœux) et la Fraternité – laïcs, hommes et femmes, mariés ou célibataires, voulant irriguer leur vie chrétienne de la spiritualité du Cénacle.
Une quatrième branche naît le 19 mai 2007 : la Communion apostolique Notre-Dame du Cénacle. Nouveauté de l’Esprit venue à la demande de deux femmes, collaboratrices de l’un de nos centres spirituels, partageant déjà avec les sœurs du Cénacle un même apostolat des retraites, de l’accompagnement et de l’animation de week-ends spirituels. Elles sentaient un appel à vivre plus profondément leur consécration baptismale en mettant l’accent sur quatre points : vivre leur baptême, se nourrir d’une spiritualité, être apôtres envoyé(es), avoir un lien privilégié avec une communauté.
Vivre son baptême : l’une est mariée, l’autre veuve, toutes deux sont bien enracinées dans leur vie familiale, sociale, ecclésiale. C’est au cœur même de leur baptême, qui les configure au Christ prêtre, prophète et roi, qu’elles entendent être disciples à la manière de la famille spirituelle du Cénacle, sans rupture avec les solidarités prises antérieurement.
Se nourrir d’une spiritualité : elles désirent vivre une vie de disciples et d’apôtres vivifiée aux sources d’une spiritualité particulière, fruit de l’expérience de Thérèse Couderc, des Exercices spirituels d’Ignace et du mystère du Cénacle.
Etre apôtre envoyé(e) : en acceptant leur engagement, notre congrégation a reconnu en elles une compétence à exercer l’apostolat à la manière de la famille spirituelle du Cénacle, et selon son charisme. Chacune a reçu une lettre de la provinciale fixant les grandes lignes de la mission qu’elles exerceront au titre de leur appartenance à la Communion apostolique Notre-Dame du Cénacle. La provinciale a désigné à chacune une sœur avec laquelle discerner les appels reçus, relire leurs apostolats et être soutenues dans leur mission.
Avoir un lien privilégié avec une communauté : leur communauté de rattachement est celle de Versailles ; elles y trouveront soutien, ressourcement et fraternité.
Nouvelle branche d’une famille spirituelle ! Nouveauté ! Un projet qui commence signe une évolution. Le Livre de vie, actuellement en cours d’élaboration, est qualifié de « projet évolutif » pour bien souligner son caractère expérimental. Il ébauche les différentes étapes qui précédent l’engagement : discernement de la vocation, formation, premier engagement de deux ans, suivi de l’engagement définitif. Il décrit aussi les exigences de cet engagement : prière, vie sacramentelle, accompagnement, formation humaine et théologique. Cette vocation s’adresse à des femmes et à des hommes saisis dans leur être baptismal par le désir d’un service spirituel fort.
Il s’agit d’un véritable appel, d’une vraie vocation. Et il est significatif que la revue du Service National des Vocations fasse écho à ce mouvement qui touche actuellement de nombreux instituts religieux, tant masculins que féminins, dans la suite du grand mouvement inauguré par le concile Vatican II.
D’une part, le Concile affirme avec force que les laïcs sont « incorporés au Christ par le baptême, intégrés au Peuple de Dieu, fait participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exerçant pour leur part dans l’Eglise et le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien 4 ».
D’autre part, le Concile affirme avec autant de force que tous les chrétiens, quel que soit leur état de vie, sont appelés par Dieu à « une sainteté dont la perfection est celle même du Père 5 » et à « marcher à la suite du Christ pauvre et humble 6 ».
Ainsi ce mouvement des laïcs associés vient nous redire que l’appel à la sainteté, l’engagement à être apôtre, la suite du Christ ne sont pas des « monopoles » réservés à certaines vocations mais sont l’horizon de tout(e) baptisé(e) !
La liturgie du 19 mai 2007 signifiait vraiment qu’entrer dans la Communion apostolique Notre-Dame du Cénacle est une vraie vocation. L’engagement a eu lieu après la lecture de l’Evangile. Il a débuté par un appel auquel chacune de ces deux femmes a répondu par cette formule dynamique : « Seigneur me voici ! »
Ensuite il y a eu un dialogue entre elles et la supérieure générale ; elles ont répondu : « Oui, je le veux » aux cinq questions posées.
• « Par le baptême, le Seigneur a fait alliance avec vous. Aujourd’hui il vous appelle personnellement à renouveler cette alliance par votre engagement dans la Communion apostolique Notre-Dame du Cénacle. Voulez-vous, par cette appartenance, vous laisser saisir de plus en plus par le Christ ?
• Voulez-vous suivre Jésus-Christ sur le chemin de la vraie liberté des enfants de Dieu ?
• Voulez-vous participer à la mission apostolique de la congrégation de Notre-Dame du Cénacle et vivre de sa spiritualité ?
• Voulez-vous enraciner votre vie dans l’écoute de la Parole de Dieu et l’accueil de l’Esprit Saint ?
• Voulez-vous coopérer à la croissance humaine et spirituelle de toute personne qui désire découvrir ou approfondir le chemin de vie offert par le Christ ? »
Enfin l’engagement proprement dit commençait ainsi : « Père, pour répondre à l’appel de ton Fils Jésus et m’offrant à la force de ton Esprit, je me livre à toi sans réserve pour le service de l’Eglise… »
En 2005, alors que nous fêtions le bicentenaire de la naissance de sainte Thérèse Couderc, par son intercession nous avons demandé à Dieu la grâce « d’accueillir les vocations nécessaires pour vivre la mission qui nous est confiée ». La naissance de la Communion apostolique Notre-Dame du Cénacle est une des réponses que Dieu nous a faites et qui réalise aussi la demande de notre dernier chapitre général : l’ouverture à de nouvelles formes d’appartenances à la famille du Cénacle.
Que la nouveauté de l’Esprit continue d’être accueillie dans notre Eglise et dans le monde !