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Retraite fondamentale et mission
André Daigneault,
père du Foyer de Charité de Sutton (Canada)
Cet article, sous forme de témoignage, permet de comprendre la dimension missionnaire d’une « retraite fondamementale » animée dans un Foyer de Charité. Dans la situation du Québec, il présente l’articulation entre cette retraite fondamentale et la mission reçue au baptême.
Il est reproduit avec l’aimable autorisation de L’Alouette, revue des Foyers de Charité dans laquelle il a été publié.
L’Occident chrétien est devenu un pays de mission. « On retrouve dans le monde la situation de l’aréopage d’Athènes où parla saint Paul. Plus l’Occident se détache de ses racines chrétiennes, plus il devient terrain de mission sous la forme de différents aréopages 1. »
Il nous faut prendre de plus en plus conscience de la mission apostolique des Foyers de Charité. Cette mission d’évangélisation est plus que jamais d’actualité. C’est une question de vie ou de mort.
Qu’est-ce qu’évangéliser ?
Tout d’abord : annoncer l’Evangile, Jésus-Christ Seigneur et Sauveur de l’homme, et l’annoncer comme une Bonne Nouvelle.
Le père Jacques Ravanel, dans L’Alouette d’avril 1992, expliquait le rôle de prédicateur du Père d’un Foyer en disant : (Ac 2, 37).
« A l’imitation des apôtres, il annonce la Bonne Nouvelle, le “kérygme” (l’essentiel du message de Jésus), se situant dans la lumière de la foi et non une approche d’abord philosophique du mystère chrétien. Ne présentant pas un discours de théologie spéculative, il propose l’accueil de la vérité dans l’Esprit Saint et vécue dans un climat de Pentecôte. » « D’entendre cela, ils eurent le cœur transpercé »
La mission des Foyers
Il y a autour de nous de plus en plus de personnes qui n’ont jamais entendu annoncer la Bonne Nouvelle et une foule de baptisés non évangélisés. Prenons-nous conscience que la catéchèse suppose d’abord une première évangélisation, l’annonce du kérygme ? La catéchèse suppose la foi, la rencontre personnelle avec la personne de Jésus, les sacrements supposent la foi.
Qu’est-ce donc que le kérygme ?
Le mot grec kèrugma veut dire message. Kèrux signifie héraut, officier chargé de transmettre les messages du roi, ou de l’empereur, ou du gouvernement de l’Etat. Naguère encore, dans les villes ou les villages de France, le maire envoyait le « tambour du lieu » proclamer les nouvelles officielles, après une batterie de son instrument, dans les différentes places où il avait coutume de les annoncer. C’était le kèrux du bourg.
Le kèrux, dans le Nouveau Testament, est évidemment l’apôtre, l’envoyé de Dieu pour transmettre le message divin au monde entier. C’est ainsi que Paul écrit à Timothée : « J’ai été établi, moi, héraut et apôtre… docteur des païens » (1 Tm 2, 7). Ailleurs encore, Paul parle de l’ « Evangile au service duquel j’ai été établi, moi, héraut, apôtre et docteur » (2 Tm 1, 1-11).
Le kèrygma apostolique, en français le kérygme, le message qu’annonce l’apôtre, est la bonne nouvelle du salut, l’annonce fondamentale de l’Evangile. Quand il doit proclamer la Bonne Nouvelle à ceux qui ne l’ont pas encore entendue, l’apôtre n’a pas à répondre à des questions que l’on ne se pose qu’après des années de vie chrétienne et qui sont secondes par rapport à la foi. Il va droit au but en disant ce pour quoi il est fondamentalement envoyé : Dieu a envoyé son Fils pour nous sauver et m’a envoyé à sa suite pour vous l’annoncer. En résumé, le kérygme est le message évangélique, sous son aspect d’ « annonce de l’acte divin qui nous sauve ».
Sans doute transmet-il déjà une « connaissance », mais c’est la plus fondamentale de toutes ; le kérygme est plutôt le lieu de la rencontre avec le Dieu vivant qui se manifeste en Jésus Christ. L’homme au cœur ouvert qui accepte cette rencontre fera, après, vraiment « connaissance » avec le Christ – et avec son Père et notre Père.
S’il est un message, le kérygme est donc plus qu’une simple annonce. Son but est de mettre l’auditeur en face d’une personne qui est Jésus Christ. Le kérygme, au début de toute évangélisation, est destiné à ébranler, ou éveiller, ou initier les non-croyants ou les semi-croyants. Après la conversion, la catéchèse élémentaire et baptismale vise à donner l’essentiel des connaissances élémentaires de foi.
Retraite fondamentale et mission évangélisatrice
Revenons à la mission essentielle des Foyers de Charité : l’évangélisation par la « retraite fondamentale ». Notre monde occidental a besoin d’une nouvelle évangélisation. Les secteurs principaux de l’évangélisation s’appellent maintenant : le monde des baptisés non convertis et le monde des baptisés étouffés par le milieu paganisant. Tous ceux-là relèvent de l’évangélisation et de la catéchèse fondamentale. Sans parler des non-baptisés.
La mission du Foyer est vécue d’une façon toute particulière par la « retraite fondamentale » qui est une synthèse de la foi catholique.
Rappelons-nous l’intuition du père Finet lorsqu’il parlait de retraites : il ne disait pas de ne jamais prêcher des retraites spirituelles d’approfondissement mais il voulait être certain que l’on comprenne que la « retraite fondamentale », comme synthèse de la foi chrétienne, se situe au cœur de la mission des Foyers.
Dans L’Alouette de février 1996, le père Alain Bandelier écrit ce qui suit : « Cette mission, les Foyers de Charité la vivent d’une façon toute particulière à travers la retraite fondamentale. Prédicateurs, communautés, retraitants, amis des Foyers, nous avons reçu un trésor et nous ne mesurons peut-être pas combien il est précieux. A mon avis, la retraite fondamentale est pour notre époque l’équivalent de la catéchèse baptismale de l’Antiquité.
Elle ne se perd pas dans les détails, ni dans les exposés savants, ni dans les discussions à la mode. Elle va droit à l’essentiel. “Elle tire de son trésor du neuf et du vieux.”
La retraite fondamentale est en même temps une retraite baptismale. Elle est comme un catéchuménat en raccourci, mais intensif.
On y vit un véritable parcours, qui dans son détail est différent d’un Foyer à l’autre, mais qui passe toujours par des étapes marquantes, à l’image des scrutins – qui avaient lieu avant l’admission au catéchuménat –, en particulier l’étape décisive pour beaucoup du sacrement de réconciliation.
Tout cela conduit habituellement à ce que nous appelons la consécration à Jésus par Marie et qui conclut la semaine de retraite ; il s’agit au fond, pour tous ceux qui font cette démarche, de renouveler solennellement leur engagement de baptisés, selon l’expérience spirituelle et missionnaire de Grignion de Montfort 2. »
En effet, la « retraite fondamentale » répond à un urgent besoin. Ici, le Québec est devenu un véritable pays de mission. Nous avons des baptisés non évangélisés. La retraite fondamentale est pour tout le Peuple de Dieu : pratiquants et non-pratiquants, jeunes et moins jeunes, prêtres et laïcs, célibataires et couples… Même des non-baptisés peuvent la vivre. C’est un instrument extraordinaire pour notre temps.
Foyer d’Amour et de Lumière
Cette retraite ne pourrait certainement pas se vivre et produire des fruits, sans la « famille » du Foyer et cette union des deux sacerdoces, baptismal et ministériel. Les hommes, les femmes, les jeunes qui arrivent pour vivre une retraite ont été souvent blessés par une carence d’amour, dans la famille même. Ils ont besoin d’être accueillis avec amour, pour pouvoir s’ouvrir à la Parole prêchée. Ils ont besoin, pour ouvrir leur cœur et croire, de redécouvrir un monde où existent l’amour, le pardon mutuel, la miséricorde.
Le charisme des Foyers est bien que la communauté elle-même annonce l’Evangile par sa charité, son accueil, son amour et le soutien qu’elle offre au Père dans sa prédication par l’offrande et la prière de ses membres.
« L’enseignement qui serait donné par le Père au cours des retraites – disait Marthe Robin – serait vécu par la communauté familiale, beau témoignage d’unité et de prière. »
S’il est vrai que les hommes de notre temps ont besoin d’être accueillis et aimés, ils ont aussi un besoin urgent d’être éclairés. Des chrétiens baptisés cherchent la lumière, ils s’en vont vers les sectes, le « Nouvel Age », parce qu’ils n’ont pas reçu les bases de la foi, le fondamental, ils n’ont pas vraiment été évangélisés.
La « retraite fondamentale » attire de plus en plus de pauvres de toutes sortes, des pauvres de pain, mais aussi des pauvres d’amour, des pauvres de lumière, des pauvres de Dieu.
Nous sommes à l’heure d’une nouvelle Pentecôte d’Amour, nous sommes à l’heure de l’Espérance.
Notes
1 - Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio millenio adveniente, n° 57.
2 - L’Alouette (revue des Foyers de Charité) n° 173, février 1996.