Edito


Le thème de la JMV 2010 donné par Benoît XVI est : « Le témoignage suscite les vocations ». Un fois posé que seul Dieu témoigne de lui-même, cet énoncé sonne comme une conviction qui est loin d’être étrangère à l’ensemble du corps social.

En effet, quel est l’adulte qui ne croit pas à l’importance, voire à la performativité du témoignage dans l’édification d’un être ? Passée cette assertion, qu’en est-il concrètement ? Après le temps de la jeunesse, vient le temps de la nuance qui laisse place au réel. Ce réel n’est réel, si l’on tient la suite du Christ, qu’ajusté à la miséricorde, non pas comme arrangement ou combinaison molle, mais comme trace, signe de « La rencontre » ?

Le témoignage n’est donc ni dans la pédagogie moraliste – souvent technocratique dans ses mises en œuvre, ni dans la pieuserie surannée, voire dans la fuite de l’incarnation. Comment un être humain, convoqué à « aider Dieu » pourrait-il témoigner hors corporéité et histoire ? À la nécessité du Témoignage que seul l’amour rend impérieuse, la Trinité a répondu par l’incarnation du Fils. Y aurait-il des hommes assez fous pour imaginer témoigner d’un autre lieu que celui de l’incarnation ?

Soyons heureux de la manière dont jeunes et moins jeunes envisagent le témoignage ! Il est compris dans sa radicalité ultime, dans le vrai, le juste et l’ajusté. Le témoin « qui passe » est celui qui est avec Lui ; il n’est pas spectateur de lui-même. Nous sommes, dans nos communautés, parfois captifs de certaines images, des apparences de modestie, d’humilité, sans percevoir qu’elles recouvrent parfois des formes puissantes de narcissisme.

Le vrai témoin se contente d’être ce qu’il est, une personne que le Christ met en mouvement. Dans ce mouvement qui va de soi à l’autre à cause d’un Autre, qu’importent alors statuts, qualités ou défauts ? Seuls ceux qui marchent à l’envers sont occupés à jalouser et évaluer, à mesurer et se mesurer. Ces aveugles laissent en jachère les dons particuliers qui les habitent mais qu’ils ne reçoivent pas ; avares d’eux-mêmes et appauvris des richesses des autres, comment peuvent-ils témoigner du vivant, si ce n’est en imagination ? Mais, si le plaisir, la joie du témoin sont tout entiers dans l’attention à la recevabilité du Souffle, comment son auditoire pourrait ne pas y être sensible ? Ainsi témoigner, à l’horizon de la croissance d’autrui, demande d’être au clair avec le plaisir, le désir, mais pas seulement. La crainte, la peur doivent être à leur juste place, avoir rencontré leur « juste objet ». Avez-vous remarqué que les disciples du Christ avancent avec le Fils, sans regarder en arrière mais là où sont les hommes à entendre, à aimer

Un grand texte d’Évangile résume le témoignage en acte : Matthieu 25. Les personnes auxquelles nous nous adressons, qu’elles soient ou non chrétiennes, nous prennent au sérieux et c’est pour cela même qu’elles acceptent d’être nos interlocutrices. Vivons-nous ces béatitudes en vérité ou ne sont-elles que prétextes à de belles envolées, à d’élégantes homélies ?